30/09/2014
Balkans express
Un voyage rapide de vingt jours de Lyon à Lyon, 5200 kilomètres en voiture (Koleos) par différents pays des Balkans. Des impressions glanées au fil des arrêts dans les villes traversées. Vingt jours et huit pays, très vite trop vite, on n'a pas le temps de se poser. La polémique peut naître, cela ne s'appelle plus voyager mais se déplacer à grande vitesse sans même prendre le temps d'aller à l'essentiel. Mais au fait c'est quoi l'essentiel?
Ce voyage éclair je vais le décliner à travers un certain nombre de flashes au cours des arrêts dans les villes étapes. Les Balkans je les ai connus à différentes époques de ma vie. J'y ai vécu des évènements forts comme le siège de Sarajevo durant trois mois. Trois années de ma vie professionnelle se sont passées en Albanie. Dans ces différents pays je m’y suis aussi promené en touriste lors de voyages de courte durée. Je puis dire qu'une partie de mon cœur y est définitivement resté. Voilà pourquoi cette traversée même éclair fait resurgir du fond de ma mémoire une multitude de souvenirs plus ou moins enfouis, tristes ou gais et me permet de livrer nombre d’émotions ressenties au filtre de mon expérience de ces coins d'Europe particulièrement attachants. J’appuierai mon récit sur des photos de ce qui m’a le plus frappé au cours de ces 20 jours marathon.
Avec un grand plaisir en ce mois de septembre 2014, malgré le temps pas terrible, je fais découvrir à mes trois compagnons de voyage, mon épouse mon cousin et sa femme, ce véritable pays d'Ali Baba, les Balkans. Comme ils n'acceptent de voyager que dans de très bonnes conditions, je les laisserai choisir les hôtels dans lesquels nous descendrons. Mon dieu, nous sommes bien loin de la vie rude du cyclo à travers l'Atacama, mais je me laisse faire. Dans le fond voyager dans le confort c’est aussi une façon agréable de découvrir le monde, bien que les conditions spartiates permettent bien souvent une plus grande proximité avec les populations locales.
Somme toute, le prix de ce voyage, hôtels quatre ou cinq étoiles, et la plupart du temps, midi et soir, des restaurants excellents, sera loin d'être exorbitant. Cela va nous revenir par couple à 2600 euros. On est très loin du coût d'un voyage de trois semaines organisé par un voyagiste, avec un confort souvent bien inférieur. Le seul reproche que je fais quant à ce mode de voyage, c’est que ce n’est pas l’idéal pour la ligne !
BOSNIE
Sarajevo
Parmi toutes les villes que j'ai connues durant ma vie, deux m'ont fait une très forte impression, et parmi celles-ci il y a justement Sarajevo. Il est vrai que j'y ai vécu durant plusieurs mois en 1994 au cours d'une période très troublée, le Siège de la ville lorsque la Yougoslavie se désagrégeait. J'y suis repassé en 2008, déjà six ans, alors que la paix était revenue. Immédiatement j'avais été repris par le charme étonnant de cette ville toute en longueur le long de sa fameuse "sniper allée" et tout en moutonnements de collines de part et d’autre de cette longue avenue, de huit kilomètres.
Sniper allée
Notre hôtel est situé sur cette fameuse "sniper allée" pas très loin de l'aéroport. Il se nomme le Radon Plaza, immense building au « look » futuriste, qui s’élance sur 15 étages. Nous allons y passer deux nuits. Ce qui nous laissera une grande journée, laps de temps bien insuffisant, afin de s'imprégner de l’atmosphère de cette cité tant chargée d’histoire, où toutes les cultures se sont côtoyées, et qui fut aussi zone de confrontation entre l'empire ottoman et le monde de la chrétienté.
notre hôtel le Radon Plaza
Du restaurant tournant panoramique situé au sommet de notre hôtel, nous avons tout loisir de contempler la nuit qui s'installe sur cette grande ville. De nombreux souvenirs me reviennent à l'esprit, les obus, certains jours jusqu'à cinq mille, les avions de l'OTAN remontant parfois les rues à basse altitude afin d'intimider les différents belligérants, et puis aussi le bruit sec des tirs de petits calibres qui claquaient sur le blindage de notre véhicule. Aujourd’hui, l’ambiance est bien différente. La circulation est importante, et la ville très animée n’est plus du tout figée dans l’immobilité que la peur d’être abattu par un obus ou une balle de sniper, faisait en permanence régner sur le lieu.
De notre perchoir nous distinguons malgré le mauvais temps une bonne partie de la cité. Des ruines datant de la guerre sont encore visibles. Les grandes façades juste en face, que je contemple en dégustant mon repas agrémenté d’un excellent vin, me ramènent 20ans en arrière. Je me souviens les avoir vues toutes fumantes sous les coups de canon tirés par un char d’assaut embusqué à proximité, et qui sortait de temps à autre afin de lâcher quelques obus.
Ruines datant des bombardements
Nous partons nous promener au centre ville. Il est très impressionnant de se rendre au carrefour au bord de la rivière Miljacka, où ont été assassinés l'archiduc d'Autriche François Ferdinand et son épouse Sofia, préambule à la première guerre mondiale. Aujourd’hui la rivière charrie une eau rouge très boueuse, du fait des fortes précipitations qui sévissent depuis de nombreux jours.
Rivière Miljacka
La vieille ville avec ses rues aux larges pavés, sa multitude de mosquées et ses quelques églises, ses places, ses échoppes nombreuses et cette foule bigarrée qui déambule, donne vraiment l’impression d’être quelque part au pays d’Ali Baba, mais pas en Europe. C’est là que réside tout le charme des Balkans.
vieille ville de Sarajevo
Nous montons sur les collines au-dessus de la vieille ville, à la rencontre de l'immense cimetière où sont ensevelies de nombreuses victimes du long siège de Sarajevo conduit par les troupes serbes. Les tombes partent littéralement à l’assaut des hauteurs. Leur blancheur illumine la grisaille environnante, due à la forte masse nuageuse qui enserre la ville et ses reliefs. De très anciennes pierres mortuaires, érodées par le temps et les intempéries, remontant à l’époque ottomane, semblent s’être échappées de leur emplacement initial, et se répandent de façon anarchique dans les pelouses. Pour moi l’âme de Sarajevo réside exactement en ces endroits de vieilles pierres et d’herbe. Une multitude de minuscules mosquées, au minaret en bois souvent peint en noir, escalade ces pentes raides. Se déplacer en voiture dans ces rues très pentues, où les véhicules foncent, a donné des sueurs froides à nos deux passagères, d’ailleurs sans doute pas seulement à elles ! Je ne sais pas si l’expression parfois employée dans certaines situations scabreuses « c’est bosniaque » vient de là ?
Mostar
Encore une ville symbole du martyre vécu par la population au cours des évènements tragiques de la période 1992-1996. Son pont, qui avait été dynamité et reconstruit en 2004, représente l’emblème de la ville.
Nous logeons dans un superbe hôtel au-dessus de la vieille ville. L’Eden hôtel, établissement très moderne tout juste ouvert. A notre arrivée un homme et les cinq femmes entièrement voilées, qui l’accompagnent, sont assis dans le petit salon d'entrée. En nous voyant toutes réajustent bien vite leur voile afin qu'aucune parcelle de leur peau ne soit visible. De toute évidence dans ce pays qu'est la Bosnie un islam rigoriste, (est-ce le bon terme ?) s'est installé. Cette situation est-elle le résultat des promesses non tenues de l'ONU, qui a laissé massacrer 7000 musulmans un peu plus au sud à Srebrenica, alors qu'elle avait promis de sécuriser la zone?
La réceptionniste de l'hôtel de confession musulmane m'affirme que ce rigorisme est le fait d'étrangers et non de Bosniaques, ce comportement n’étant pas dans leur tradition.
La vieille ville est un lieu touristique très fréquenté. Le vieux pont (reconstruit après la guerre) est littéralement pris d'assaut. Les traditionnels adolescents sautant dans l'eau du haut de cette arche sont présents et font le spectacle.
Visiter la grande église catholique qui manifestement vient d’être reconstruite ne laisse pas indifférent. A l’entrée sont affichées les photos de plus de 60 moines exterminés par le régime communiste qui a sévi après la deuxième guerre mondiale. Ces visages affichent volonté et sérénité. De toute évidence ils étaient animés par la foi et l’espérance.
Cette ville a été très éprouvée par la guerre de désagrégation de la Yougoslavie. Les destructions ont été immenses, mais les répartitions ont effacé ce terrible passé récent. Cependant, toutes les haines et les animosités ont-elles disparu ? J’aurais tendance à dire malheureusement non. Dans un bistrot on nous propose de payer soit en euros ou en kunas croates, en refusant la monnaie locale, le mark bosniaque, étrange ! Il semble exister encore des frontières, que nous Occidentaux avons du mal à percevoir.
La rue principale ressemble à toutes les rues des villes du monde, où le tourisme de masse sévit avec ses multitudes d’échoppes qui proposent les mêmes types de souvenirs confectionnés en Chine ou dans un autre pays asiatique.
MONTENEGRO
Kotor
Les fameuses gorges de Kotor. Nous y accédons par une route qui plonge d’un coup de mille mètres en arrivant de Bosnie. La ville, première impression : la circulation difficile. Est-ce dû aux pluies fortes qui s’abattent ? Il faut reconnaître que cette année le temps n’est pas très clément dans cette région des Balkans. Nous avons quelques difficultés à trouver un point de chute pour notre véhicule afin de rejoindre notre hôtel dénommé Monte-Cristo, situé en plein centre de la vieille ville. Cette dernière on n’en soupçonne pas l’existence, tant que l’on n’a pas franchi le mur de protection qui la cache à la vue. En effet, cette enceinte, vue de l’extérieur, semble collée à la grande paroi calcaire qui domine le lieu. On imagine mal comment une ville pourrait se blottir dans l’espace. Mais ce n’est qu’une illusion due sans doute à une perspective trompeuse. Cette vieille cité à la pierre patinée pleine d’élégance surprend par son ampleur dès que l’on est passé sous le porche d’entrée.
Notre hôtel, très bien situé, occupe un très vieux bâtiment et de ce fait il offre des chambres qui ne sont pas aux standards modernes. Néanmoins, je le trouve plein de charme malgré le bruit et le peu de lumière. Rien ne me donne plus le cafard que ces grands hôtels aux multiples étoiles qui présentent exactement les mêmes standards et les mêmes prestations que vous soyez n’importe où sur la planète.
Il est impératif de visiter la forteresse qui s’élève tout en hauteur dans la falaise surplombant la ville. Je crois me souvenir qu’il y a 1340 marches à gravir. Mais l’effort en vaut vraiment la peine. La ville de forme triangulaire se dévoile rapidement au fur et à mesure de l’ascension. De plus la vue sur ce fjord incroyable que constituent les gorges de Kotor est superbe, pour ne pas dire époustouflante.
Cetinje
Ville au charme désuet d’une ancienne capitale perchée à mille mètres d’altitude. La route pour y arriver, la route serpentine est tout simplement magnifique. Une longue suite d’épingles à cheveux qui escalade un pan de montagne vertical sur un kilomètre de dénivelé. Et après chaque virage la vue sur les gorges de Kotor devient toujours plus stupéfiante. Les passagères ont eu des angoisses et elles étaient prêtes à la rébellion si la voiture s’approchait trop du bord, ou pire si le chauffeur regardait la mer tout là-bas en-dessous au lieu de la route.
La ville rappelle un temps passé où les ambassades étaient actives. La balade à pied à travers cette cité tranquille, qui recèle de magnifiques monuments, est très agréable. Il y règne une quiétude qui rappelle l’idée que l’on se fait des villes coloniales où l’ennui représentait la principale activité.
Virpazar
Bourgade au bord du magnifique lac de Shkoder à cheval sur le Monténégro et l’Albanie. Notre hôtel, à notre avis trop vanté par notre guide ne mérite pas de tels éloges. Par contre la promenade en bateau sur le lac est un enchantement.
Nous allons vivre un épisode troublant. Je ne suis pas particulièrement parano, même si je me suis fait voler beaucoup de choses dans ma vie, mais ce jour j’ai entendu mon ange gardien qui m’a dit de me sauver. Au matin nous quittons Virpazar avec le désir de suivre le lac par la minuscule route qui le longe par sa rive sud. L’itinéraire est magnifique, mais les croisements problématiques. Après une dizaine de kilomètres nous nous arrêtons pour faire le point sur un petit espace. Une voiture jaune, genre break, nous dépasse et s’arrête une centaine de mètres plus loin. Nous avons à peine l’espace pour la doubler. Elle redémarre et nous suit. Une quinzaine de kilomètres plus loin, elle nous talonne toujours. Dans la voiture je ne suis pas le seul à l’avoir remarquée. A la sortie d’un virage serré un petit carrefour avec un espace permettant de s’arrêter. Nous descendons faire des photos sur un panorama extraordinaire, le lac une centaine de mètres plus bas apparaît dans toute son immensité. Le chauffeur de la voiture jaune a sans doute été surpris de notre arrêt inopiné, et s’immobilise cette fois derrière. Lui et son passager descendent en nous regardant ostensiblement et sortent un sac plastique duquel ils prennent un casse-croûte, qu’ils attaquent en restant accoudés à leur voiture. Là, çà commence à m’intriguer sérieusement. Je monte, reprends le volant, fais demi-tour et ils nous regardent nous éloigner en sens inverse. Avaient-ils prévenus des comparses qui quelques kilomètres plus loin auraient sans difficulté bloquer la route, et là pris en sandwich nous aurions été à leur merci ? Le Koléos les intéressait-il ? Les grosses voitures que l’on croise sont-elles toutes achetées ? Nous ne saurons jamais ce qu’ils nous voulaient, mais j’ai ressenti un profond malaise le temps qu’a duré cette petite aventure. Je me souviens m’être fait dépouiller de mes affaires au Pérou par un individu qui s’était quasiment fait accepter dans notre environnement comme non hostile.
ALBANIE
Shkoder
Nous voilà en Albanie. Première surprise, plus besoin de visa on ne paie plus rien. Je ne suis pas loin de penser que l’Albanie considère qu’elle appartient à l’Union Européenne. D’ailleurs si la monnaie locale est le lek, partout l’euro est accepté et il est presque inutile de faire du change. J’ai même constaté que lorsque vous payez en carte bleue, bien souvent c’est directement en euros. Au restaurant la note vous est présentée en leks, en euros et en dollars, à vous de choisir ! D’autre part, d’une façon générale les routes n’ont plus rien à voir avec celles que j’ai connues il y 15 ans. Les grands axes que nous avons empruntés sont de bonne qualité sur l’ensemble du territoire. Sur les petites routes on trouve encore des portions où alternent bitume et terre. Mais de toute évidence, l’Albanie est un pays qui s’adapte à grande vitesse.
La ville de Shkoder au bord de son immense lac, ne ressemble plus du tout à l’image que j’en avais gardée. Je me souvenais d’une ville, où le goudron avait disparu des rues et où les immenses mares d’eau étaient si nombreuses que l’on aurait dit des rivières ou des marécages et non des rues. Tout cela est bien fini, tout est propre, de nombreux bâtiments modernes ont remplacé les vieux bâtiments de l’ère communiste.
Notre hôtel est absolument superbe. Il porte bien son nom « Tradita ». C’est une ancienne demeure albanaise, magnifiquement rénovée, au charme certain. Il est nécessaire de demander une chambre non borgne et là c’est le rêve. Pour un prix modique vous plongez dans la tradition albanaise. Le personnel est particulièrement attentif. On le sent pressé de bien faire, c’est émouvant et un peu rigolo. Dès que je suis dans ce pays j’ai vraiment le sentiment d’être dans ma deuxième patrie. Mon épouse qui appréhendait un peu est immédiatement conquise par tant de gentillesse. Le patron parle couramment le français et vient de temps à autre discuter de choses et d’autres. On sent que le monde il l’a beaucoup arpenté.
intérieur de notre hôtel
Le centre ville est piéton, et fini les embouteillages dont je me souviens, faits de vieilles Mercédès fumant plus noir les unes que les autres. D’ailleurs le parc automobile est rénové, toujours beaucoup de Mercédès, mais pour la plupart de dernière génération.
Shkoder c’est la ville du célèbre photographe albanais Pjeter Marubi (1834-1904).Ses photos de monuments ou de personnes en noir et blanc sont remarquables.
photo de Marubi
Nous allons visiter son château sur une colline qui domine la cité, d’où la vue, en particulier sur le lac, est de tout premier plan. En trois ans j’y étais venu de nombreuses fois entre 1999 et 2002. Jamais ou presque je n’y avais rencontré âme qui vive. Ce matin le flot de touristes est impressionnant, qu’ils soient albanais ou étrangers. De nombreux bus se lancent dans des manœuvres laborieuses dans des espaces restreints. Je reconnais l’un des caractères albanais dont je me souvenais. Mais la dextérité des chauffeurs fait que tout se déroule sans incident, même si nous sommes restés prisonniers quelque temps dans notre voiture entre ces gros engins.
Vue du château
Kruja
Bastion de la résistance albanaise à l’empire ottoman, la ville héberge un musée historique qui ne représente pas le même intérêt que celui de Tirana. Ce dernier étant plus particulièrement axé sur la période récente de l’ère de la dictature d’Enver Hodja. La ville vaut cependant le détour. Son bazar tout en longueur le long d’une jolie rue vaut le coup d’œil. En particulier les amateurs de vieux livres pourront y trouver des ouvrages intéressants sur l’ère de la dictature, aussi bien pour les textes que pour les images. Certains sont écrits en français. Je viens d’en acheter deux, dont l’un de Hodja qui raconte ses différentes entrevues avec Staline.
Un poème de Vehbi Bala montre cet esprit de résistance du peuple albanais:
L’Héroïne
Kelmendi, assiégé, était dans la misère :
Enfants, vieillards y mouraient par milliers.
L’Assemblée siégeait dans les montagnes altières
Qui dressent au ciel leurs versants escarpés.
Nora la Belle sort d’une chaumière,
Traverse le siège d’un pas accéléré.
-Me voilà Vuça Pacha, je suis ta prisonnière,
Mes compatriotes se meurent affamés ! »
-Sois la bienvenue ma belle Albanaise-
S’écria Vuça Pacha dévorant
Cette fraîche beauté de ses yeux de braise.
Et les monts retentirent tout tremblants
Lorsque Nora se lança de fureur
Et lui planta la dague dans le cœur.
J’ai tiré ce poème aux rimes approximatives en français, de la revue littéraire albanaise « Les lettres Albanaises » numéro 4, 1984, qui était publiée sous la dictature. Attention à tout texte qui pouvait paraître non conforme aux canons de la pensée ! L’auteur s’exposait immédiatement aux différents châtiments en vigueur, entre relégation, emprisonnement, camp de concentration voire exécution.
Tirana
C’est avec émotion que je retrouve cette ville où j’ai habité trois ans. J’ai l’impression que j’ai rêvé cette époque maintenant lointaine, et qu’il s’agit d’une vie précédente. L’entrée de l’agglomération a complètement changé. En effet, une multitude de grands buildings a été construite et la ville s’est considérablement étendue. Nous descendons dans un hôtel superbe, tout neuf, le LAS. Il est tenu par un couple aidé de leurs deux enfants, un garçon et une fille d’environ 18 ans. Accueil de tout premier plan.
Nous laissons notre voiture et partons nous promener au centre ville. La rue principale le boulevard Dëshmorët e Kombit a gardé son aspect d’il y a 15 ans avec tous ses ministères, même si certaines affectations ont changé. Par contre les autres rues sont méconnaissables. Elles sont bien goudronnées, les magasins sont nombreux et diversifiés et très bien achalandés. Il y a de la lumière, et la nuit tout est bien éclairé, alors que quinze ans auparavant, la seule lumière que l’on voyait dans l’obscurité provenait des poubelles qui brûlaient. Nous sommes aujourd’hui dans une ville moderne, où dès que la nuit tombe la fête semble démarrer partout, sur les terrasses de café et dans les restaurants. La musique est toujours présente, qu’il s’agisse de sonorités anglo-saxonnes ou de chants plus langoureux balkaniques.
centre ville Tirana
musée historique national
Berat
La ville aux mille fenêtres, ancienne cité ottomane qui garde un charme fou. Notre hôtel un peu avant la vieille ville est tout récent, ouvert seulement depuis trois mois. Il s’agit de véritables suites et non de chambres, dans un ancien combinat extrêmement bien réaménagé. Et une telle prestation pour 40 euros. Ça ne vaut pas le coup de s’en priver. Quant aux prix des repas de très bonne qualité comme partout en Albanie dans les hôtels il est dérisoire. Pour dix euros maximum, souvent cinq, vous faites un véritable festin avec un vin de très bonne qualité.
Nous sommes arrivés vers midi en provenance de Tirana. Nous avons tout l’après-midi pour visiter la vieille ville et la magnifique citadelle qui la domine. De cette dernière, lorsque le temps est clair la vue porte sur la montagne du Tomor qui culmine à plus de 2400 mètres d’altitude. Si on dispose du temps nécessaire il est très intéressant de s’engager vers ce massif montagneux qui conduit dans l’Albanie profonde. Mais cette fois-ci ce ne sera pas le cas pour nous. Ne disposant que de 20 jours pour un tour des Balkans, j’ai déjà du faire preuve de persuasion pour que nous restions une semaine dans ce merveilleux pays, l’Albanie.
Dans la citadelle il faut absolument visiter le musée des icônes. Elles sont remarquables vieilles de plusieurs siècles et très bien conservées. On doit à la présence d’esprit et l’initiative de la mairesse de la ville au cours de l’explosion du pays en 1997 d’avoir conservé ce patrimoine exceptionnel. Voyant venir le chaos, elle a caché chez elle tous ces trésors et les a restitués lorsque les pillages prirent fin et l’ordre rétabli. Sans cette remarquable volonté, toutes ces œuvres de premier plan seraient dispersées chez des collectionneurs sans morale de par le monde. Dans l’enceinte du musée il y a une ancienne église orthodoxe avec une iconostase absolument magnifique, la plus émouvante que je connaisse. Il faut, au sommet de la citadelle, aller voir les gigantesques réservoirs d’eau enterrés qui permettaient une grande autonomie en cas de problème ou de siège.
musée des icônes
Himara
Station balnéaire, qui elle aussi a beaucoup changé en quinze ans. La route qui va de Vlora à Saranda en passant par le col de Llogara et Himara n’a plus rien à voir avec la piste étroite d’antan. Ce coin du sud de l’Albanie est l’un des endroits les plus beaux que je connaisse. Hélas trop peu de temps pour faire découvrir à mes compagnons les trésors cachés dans la montagne, comme les vieux villages de Qeparo ou Himara le vieux.
Notre hôtel apparaît très moyen aux standards de ma famille, mais cependant il permet une vue extraordinaire sur la mer et permet d’assister à un coucher de soleil de toute beauté.
Malheureusement le mauvais temps qui nous a accompagné une bonne partie de notre périple ne nous a pas permis de jouir de l’extraordinaire panorama de la route de la riviera albanaise de Vlora à Himara.
Saranda
Bref arrêt le temps de prendre un café et d’admirer la mer Egée avec en toile de fond l’île de Corfou. Oui je sais, venir jusqu’ici et ne pas prendre le temps d’aller visiter le magnifique site de Butrint, mais voilà une semaine pour un pays c’est décidément bien trop court. En repartant nous passons par la curiosité géologique : l’œil bleu. Il s’agit d’une résurgence à fort débit dont l’eau présente une teinte admirable.
Gjirokastra
Avec Berat ce sont les deux villes les plus typiques d’Albanie. Surnommée la ville de pierre du fait de ses toits en lauses épaisses. De cette cité sont originaires deux célébrités albanaises. Tout d’abord le dictateur Enver Hodja et puis, plus réjouissant, le célèbre écrivain Ismaël Kadaré. Si vous ne deviez lire qu’un seul de ses livres, je vous conseille «Avril brisé ». Il y décrit la vie des gens du nord de l’Albanie sous le joug de la loi du kanun, la vengeance par le sang. Cette coutume est malheureusement toujours d’actualité.
Notre hôtel qui porte le nom de la ville se trouve juste sous le château. Pour l’atteindre il nous faut monter par des rues d’une extrême raideur, à se demander si l’adhérence des pneus sur ces pavés polis sera suffisante. La chambre très vaste que nous occupons est de toute beauté, bien dans la tradition albanaise. L’hôtel est une entreprise familiale dont le restaurant est aussi très correct. Nous nous rendons au château qui coiffe la colline, le long de laquelle s’étagent les maisons de la cité. La vue y est de tout premier plan sur les toits et les façades si caractéristiques de ce coin d’Albanie.
notre chambre vue de l'extérieur
notre chambre de l'intérieue
La visite du musée installé dans la forteresse est très instructive. On y découvre nombre d’œuvres, sculptures et peintures, à la gloire de la puissance et à l’héroïsme des combattants albanais. J’aime beaucoup l’art inspiré du réalisme socialiste, né en Union Soviétique. L’ère de la dictature albanaise s’en est beaucoup inspirée, et ce musée recèle nombre de pépites en la matière.
Permet
Ville située sur la route entre Gjirokaster et Gorça. Cette route je ne la connaissais pas. Elle est tout à fait incroyable. Elle passe dans l’une des régions les plus désertes du pays. Elle est particulièrement tortueuse et il nous faudra au moins 6 heures pour effectuer une distance de 200 kilomètres, alors que le trafic est quasiment nul. Nous ferons une halte dans la petite ville de Permet. Elle est paisible et semble vivre à un rythme lent, très loin de la frénésie de Tirana. Aujourd’hui c’est jour de fête annuelle. Sur la place différents stands, dont l’un animé par les nostalgiques de l’ère de la dictature. Ils arborent des photos d’Enver Hodja. On voit bien aussi en Russie des nostalgiques de l’époque de puissance de l’URSS, qui s’affichent avec des effigies de Staline.
statue à la gloire du combattant albanais
nostalgiques de l'époque communiste
Gorça
Ville que l’on surnomme le « Petit Paris ». Après la première guerre mondiale elle a été sous administration française et on y trouvait encore à l’époque où j’habitais le pays, des personnes d’un certain âge qui parlaient notre langue sans le moindre accent. Hélas en 15 ans beaucoup ont dû mourir du fait de leur grand âge.
La ville a beaucoup changé. De grands bâtiments ont poussé de toutes parts. La partie ancienne constituée de jolies maisons du début du vingtième siècle d’inspiration sans doute italienne est à l’abandon. Manifestement l’argent pour rénover ce beau patrimoine fait défaut et tout est dans un état de décrépitude déplorable.
Notre hôtel présente une très belle façade récente. Mais l’arrière est de toute autre nature. La fenêtre de notre chambre donne sur une terrasse où s’entremêlent dans un fouillis indescriptible une multitude de fils électriques.
Au centre de la ville une imposante église orthodoxe de facture récente est implantée. Nous assistons à un mariage. La mariée a toutes les peines du monde à se déplacer dans sa robe, qui semble plus tenir du carcan que de la robe de mariée.
A Gorça se trouve un cimetière militaire français où reposent 640 de nos concitoyens morts durant la première guerre mondiale dans des combats contre les forces de l’Axe, en particulier les Bulgares. Il m’est arrivé à trois reprises de présider au 11 novembre des cérémonies militaires dans ce coin reculé, situé pas très loin des frontières grecque et macédonienne. J’en garde un souvenir ému. La dernière année j’avais invité les différents attachés de défense étrangers, dont l’allemand et le bulgare.
Pogradec
Cette ville est au bord du lac d’Ohrid. Elle constitue notre dernière étape avant de passer la frontière en direction de la Macédoine. Ce lac de très grandes dimensions héberge un poisson que l’on trouve ici et dans le lac Baïkal et nulle part ailleurs. En albanais on l’appelle le Koran, il s’agit d’une grosse truite saumonée vivant en profondeur.
Dans cette cité habite un artiste que j’aime beaucoup le peintre Taso. D’ailleurs la peinture sous mon pseudo VF est de lui.
Les derniers kilomètres nous conduisent à la frontière et un peu triste je quitte ce pays après une trop courte visite. Nous rentrons en Macédoine et le douanier macédonien est citoyen macédonien certes, mais aussi albanais. Il s’étonne que je parle sa langue l’albanais. Les Balkans c’est une mosaïque de peuples qui s’entremêlent par delà les frontières.
MACEDOINE
Ohrid
Jolie station balnéaire à la réputation internationale, nous y descendons dans un hôtel en plein centre qui donne sur le lac. L’endroit est charmant. Le tourisme y est particulièrement actif. Nous y passons un moment très agréable à déguster les différents poissons du lac et à goûter les vins blancs et rouge de bonne tenue. Il est à noter que le fameux Koran, il faut rester en Albanie pour le manger, car sa pêche est interdite en Macédoine, étant considéré comme une espèce protégée.
Bitola
Nous faisons un détour par cette ville. Nous voulons voir le cimetière militaire français qui contient les corps de 17 000 soldats morts dans des combats contre les Bulgares. Nous ne le trouvons pas et mettons le cap sur Skopje la capitale de Macédoine, après avoir bu un café au centre ville. Cette ville dégage tristesse et pauvreté.
Skopje
Cette ville est étonnante, sa partie slave et sa partie albanaise sont très différentes. Le Vardar, fleuve qui traverse la cité est bordé d’immenses bâtiments bien entretenus. On est frappé en premier lieu par le nombre incroyable de statues de bronze qui constellent les ponts et les places. On y croise des personnages de légendes comme Alexandre le conquérant ou des hommes politiques récents.
La partie albanaise au contraire d’une ville de grands bâtiments, nous ramène en Albanie avec ses rues pavées, son architecture balkanique et ses mosquées. La religion a l’air plus suivie ici qu’en Albanie, où les mosquées même si elles sont nombreuses restent généralement désertes.
SERBIE
Belgrade
Immense ville qui s’étale sur de grandes distances. Nous logeons en plein centre à proximité immédiate de la Présidence de la République dans un hôtel assez étrange au charme désuet des grandes demeures du début du XXème siècle. Au détour des rues, parfois on voit encore par endroits les traces du bombardement effectué durant, me semble-t-il trois longs mois par les aviations de pays de l’OTAN, dont la France fut le deuxième contributeur après les USA. La ville se trouve au confluent de la Save et du Danube.
La longue rue qui conduit à la colline où se trouve l’ancienne forteresse est piétonne. Il est particulièrement agréable de s’y promener. J’ai recherché dans les nombreuses librairies des ouvrages sur la guerre récente, écrits par des Serbes et traduits en anglais. En effet, jusqu’à présent je n’ai jamais lu de textes venant de cette partie. Il est toujours instructif d’avoir la vérité de chacun.
La visite de la forteresse est aussi très intéressante. En particulier, on peut y admirer le confluent de deux puissants cours d’eau la Save et le Danube. De la même manière à Mendoza j’avais cherché un livre sur la guerre de Malouines écrit par un Argentin, car les nombreux livres que j’avais lus à ce sujet étaient tous d’auteurs britanniques. Là encore on découvre des perceptions différentes d’un même évènement.
Il nous reste trois jours et 1500 kilomètres avant de rentrer à Lyon. Notre voyage touche à sa fin. En trois étapes, exclusivement ou presque par autoroute, nous allons regagner les bords du Rhône.
CROATIE
Rijeka
Ville qui a été disputée au cours du temps entre la Croatie et l’Italie. Actuellement elle est le principal port de Croatie. Un centre ville piéton où nous faisons une balade nocturne avant d’aller faire un repas de poissons.
ITALIE
Sirmione
Adorable petite cité sur le bord du lac de Garde, nichée tout au bout d’une presqu’île effilée. Nous descendons dans un hôtel au charme désuet et aux peintures un peu fanées. Mais sa situation est de tout premier plan. Son site archéologique, une immense villa romaine qui est située au point ultime de la presqu’île et son château qui en garde l’accès sont deux sites remarquables de ce très joli coin d’Italie. Comme dernière étape ce fut un enchantement. Je recommande très vivement la visite de ce lieu pittoresque, même si nous étions de véritables hordes de touristes à l’assaut de cet endroit ravissant.
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25/04/2012
Une semaine à Chypre en avril
Une semaine à Chypre avril 2012
Nous sommes partis pour une semaine à Chypre, île de quelques 9100 kilomètres carrés et possédant une population d’un peu plus d’un million d’habitants. Nous avons choisi cette destination car à cette époque de l’année nous voulions aller dans une contrée où il ne ferait pas très froid.
Lundi 9 avril
Nous voilà donc débarquant à la nuit tombée à Larnaka. Nous y sommes attendus, on nous remet les différents documents de notre voyage prévoyant sept nuits sur place, deux à Larnaka, deux à Limassol et trois à Paphos. Ces formalités vite expédiées, nous prenons possession de notre véhicule de location, une Ford focus. Elle se révélera être un véritable veau, pas plus de 110 sur autoroute et dans les nombreuses côtes de l’île souvent nous nous traînerons à moins de cinquante à l’heure. Mais ce ne sera pas plus mal, car on circule à gauche et les autochtones ont tendance à rouler très mal et se garent n’importe comment. Donc la prudence sera de mise à chaque instant. Ce premier soir, nous voilà partis du parking des voitures de location à la recherche de notre hôtel quelque part dans Larnaka. Cela me fait bizarre, ce véhicule avec volant à droite et levier de vitesses à gauche. Les premiers kilomètres nécessitent une accoutumance. En effet, je ne suis pas du tout habitué à passer les vitesses de la main gauche. Ce n’est pas brillant au début, et Adrien mon passager avant se charge de manœuvrer ce satané levier de vitesses. Les quelques dix kilomètres pour se rendre à notre hôtel en bord de mer, en pleine ville, nous demandent quelques tours et détours. S’engager dans des grands ronds-points par la gauche me fait violence mais enfin il faudra s’y faire. Nous voilà enfin arrivés. La partie de la ville où nous nous trouvons n’a aucune caractéristique, lieu de tourisme sans cachet ressemblant à tout ce que l’on peut trouver, là où la mondialisation s’est installée. Notre hôtel, deux étoiles, se dénomme les palmiers, notre chambre donne sur une ruelle glauque, très bruyante, un café genre dancing distille ses braillements et les clients quelque peu éméchés nous gratifient de leurs cris et rires lorsqu’ils quittent l’endroit ou tout simplement lorsqu’ils s’en grillent une devant.
Mardi 10
La nuit fut cependant acceptable. La salle de restauration pour le petit déjeuner était belle et claire avec vue sur la mer. Pour notre première journée nous décidons d’aller visiter la capitale Nicosie, avant de rejoindre Limassol, où nous séjournerons deux nuits. Nous empruntons l’autoroute et en quelques quatre-vingt kilomètres nous voilà rendus dans la dernière ville au monde à être partagée entre deux pays. En effet, en 1974 les Turcs ont envahi la partie nord de l’île et l’occupent toujours. Nous laissons la voiture dans un parking dans la zone grecque et partons en direction de l’un des différents points de passage à pied. Là, nous nous mêlons aux touristes qui attendent pour se faire délivrer le papier qui permettra de passer de l’autre côté. Les douanières turques me font penser à certaines grosses matrones croisées dans les administrations des pays de l’est ! Mais tout se passe rapidement, et munis de notre sésame nous franchissons la ligne verte et nous trouvons brusquement dans une ambiance beaucoup plus balkanique et orientale. Nous avons pris le temps de visiter quelques bâtiments, un ancien caravansérail transformé en centre commercial, une mosquée construite à partir d’une église, un peu à la manière de Sainte Sophie à Istanbul.
Dans un restaurant turc dont la terrasse était envahie de chats nous nous sommes restaurés et reposés. Avant de quitter la ville, une promenade nous a perdus dans les vieux quartiers turcs, qui par leur architecture me rappelaient un peu les villes albanaises. Une dernière visite de mosquée dans la partie grecque, je suis intrigué par une grosse horloge sous laquelle de nombreuses heures sont affichées. Piqué de curiosité, je m’adresse à l’imam qui me renseigne, il s’agit des heures de prière. Chaque jour elles sont modifiées, alignées sur les horaires du lever et du coucher du soleil. Il est temps de retourner à la voiture pour prendre la route de Limassol.
Nous commençons par prendre une mauvaise direction, une route assez étroite et très passante, une circulation rapide, les distances de sécurité complètement ignorées, et tout cela en circulant à gauche, un vrai cauchemar ! Nous finissons par nous retrouver et prendre l’autoroute. Rouler dans ces conditions est très fatigant. Heureusement, les parcours ne sont jamais bien longs. Après une heure de route et quelques quatre-vingt kilomètres nous rejoignons Limassol. Notre hôtel ne se trouve pas très loin du bord de mer, dans un immense espace de blocs en béton d’une quinzaine d’étages. Très surprenant, nous qui pensions visiter une île avec des petits ports typiques ! Nous sommes bien installés, mais une fois de plus nous réalisons la défiguration consécutive à la construction débridée. Je commence à vraiment comprendre les Corses qui s’opposent avec acharnement et parfois avec violence aux promoteurs, prêts à toutes les mutilations de la nature pour gagner toujours plus d’argent. Le buffet de l’hôtel est gargantuesque, et bien entendu nous ne savons pas nous réfréner et nous nous empiffrons. Ces vacances, où tous les soirs et tous les matins nous sommes tentés par d’énormes tas de victuailles, sont d’autant plus terribles que nous ne savons absolument pas y résister ! Aïe ! Aïe ! Aïe! Où sont nos vœux pieux d’écologie !
Mercredi 11
Nous avons la journée entière pour rayonner autour de Limassol. Dans un premier temps, nous nous dirigeons vers la presqu’île à l’ouest de la ville. Là se trouve un salar. Chouette ! Cela me rappellera la Bolivie et ses vastes étendues de sel. Mais à cette époque de l’année, il s’agit d’un grand lac, le long duquel nous nous déplaçons en voiture sur un sol dur, compacté par les roues des véhicules. Le lieu est pratiquement désert. En bord de mer, un bar restaurant. Nous y faisons halte pour prendre un café. Une pluie diluvienne, comme seules les régions méditerranéennes en ont le secret, s’abat. Du toit, une véritable cascade descend dans un grand fracas, phénomène très impressionnant, bien qu’il soit de courte durée. Les couleurs de la mer et du ciel sont extraordinaires, présentant toutes les gammes du blanc au gris anthracite. Nous ne pouvons aller au bout de cette presqu’île, en effet une base militaire anglaise y est installée. De grandes clôtures en barrent donc l’accès. Le nombre de militaires britanniques semble important, nous verrons d’autres installations de grandes dimensions.
Nous quittons ce petit bout de terre désert, après avoir bien sali notre voiture de projections d’eau sableuse et boueuse. Nous prenons la direction du site archéologique de Kourion, qui se situe à une quinzaine de kilomètres à l’ouest. Chaque fois que l’altitude est faible, la campagne chypriote regorge d’arbres fruitiers, tout particulièrement les orangers y pullulent. A l’intérieur des villes, par endroits les trottoirs sont jonchés de ces fruits tombés. Le site archéologique est de toute beauté, perché sur des monticules permettant une vue extraordinaire sur la côte escarpée qui s’étend en contrebas. Lieu majeur de l’île, nous n’y sommes bien évidemment pas seuls. Les mosaïques, bien protégées sont conservées dans de bonnes conditions et elles se révèlent magnifiques. Nous aurons l’occasion d’en voir d’autres de tout premier plan à Paphos. Le ciel tourmenté permet des contrastes particulièrement esthétiques entre colonnes de pierre, mer et nuages. Un temps incertain peut parfois apporter le désagrément de la pluie, mais la luminosité et les contrastes qui en découlent, donnent toute leur splendeur à la nature et aux constructions humaines qui s'y cachent. Par contre, un ciel d’azur uniformise les couleurs et les rend ternes, mais il est plus agréable de de promener sous un doux soleil.
Nous nous arrêtons dans un village où nous déjeunons dans un restaurant tenu par une anglaise. Nous découvrons le mezzé, menu particulièrement copieux, les plats de viandes et de crudités défilent, défilent presqu’à l’infini. On peut en compter une trentaine ! En ce qui nous concerne, ils étaient un peu moins nombreux, mais en comptabilisant les différentes sauces, multiples légumes et viandes, cela faisait déjà pas mal. Puis retour à Limassol où nous retrouvons notre hôtel 4 étoiles, logé dans son immense barre d’immeubles. Cela doit sans doute donner un avant-goût d’une visite dans les pays du Golfe.
Cela me rappelle la période où j’ai travaillé en Arabie Saoudite ! Afin de parfaire notre digestion et faire un peu d’exercice physique nous partons pour une longue promenade le long du bord de mer. Large esplanade, sur laquelle court une piste cyclable, nous nous déplaçons entre mer et béton. Sur l’eau de nombreux bateaux, sans doute pétroliers et transports de fret, sont ancrés et attendent sagement leur tour de rejoindre le port. Nous sommes en pleine semaine pascale et de gros œufs sont disposés en un vaste champ. Nous aurons l’occasion d’en voir à plusieurs reprises. Notre randonnée nous conduit dans la vieille ville en pleins travaux. Il est étonnant de voir une multitude de gros véhicules souvent neufs, BMW, Porsche Cayenne, Audi etc. La crise européenne, voire mondiale, ne frappe manifestement pas tous les Chypriotes ! Peut-être s’agit-il de riches étrangers expatriés, fuyant les taxations, résidant sur l’île ?
Jeudi 12
Durant ce troisième jour à Chypre, notre exploration nous conduit en son centre. Le point culminant se dénomme le Mont Olympe et atteint presque les deux mille mètres d’altitude. Lorsque l’avion était en approche de l’aéroport de Larnaka, nous l’avons survolé, il était encore bien enneigé. La route que nous prenons n’est pas trop passante et la conduite est presque agréable, mais demande cependant de l’attention. En effet, dès que je passe en mode réflexe, j’ai tendance à me mettre à conduire à droite. A plusieurs reprises le passager avant (et parfois l’une des passagères arrière prenant la relève) me rappelle qu’il faut rester à gauche. Je me souviens de ce jour en Ecosse, il y a déjà bien longtemps, sans la présence d’esprit de mon fils qui m’avait pris le volant, car à ses injonctions « à gauche Papa », je tournais stupidement la tête et cherchais du regard quelque curiosité naturelle, ça se serait très mal terminé. Alors, devant mon incompréhension mon fils, dans une courbe prononcée à la visibilité limitée, a ramené la voiture à gauche d’un coup de volant, et quelques secondes après nous croisions un véhicule se déplaçant à vive allure. Nous l’avions échappé belle. Cela m’avait profondément marqué et depuis je n’aime pas du tout devoir conduire dans les pays où l’on roule à gauche.
Nous voilà dans la neige, à la petite station de ski au pied du Mont Olympe, effectivement le manteau neigeux est encore épais. Le lieu n’est pas très caractéristique, quelques bâtiments modernes. Nous nous arrêtons prendre un café. De ce promontoire nous bénéficions d’une vue panoramique. Devant nous jusqu’à la mer à une cinquantaine de kilomètres, la montagne déroule ses pentes couvertes de pins, de façon régulière. Aucune paroi rocheuse ne vient apporter une touche montagnarde à cet immense déroulé d’arbres. Ensuite, nous partons à la découverte des villages qui s’accrochent sur ces montagnes. Nous ne leur trouvons pas un charme particulier, ni par leur situation ni par leur agencement ni leur architecture. Cependant, nous aurons le plaisir de visiter deux vieilles églises orthodoxes, dont les fresques multicentenaires sont de toute beauté et dans un bel état de conservation. Dans le village de Pedoulas nous déjeunons, comme d’habitude de façon presque pantagruélique. Cependant je fais particulièrement attention au vin, car conduite à gauche oblige, je dois redoubler de précaution.
Nous prenons la route de Paphos, à travers la montagne par un chemin sinueux sans trop de circulation. Non décidément les paysages, bien que sauvages, ne m’enthousiasment pas. Cela me fait un peu penser à la garrigue entre la vallée du Rhône et Nîmes. Pas de grandes parois pour rehausser ces vastes moutonnements couverts de végétation méditerranéenne. Je suis peut-être sévère, mais c’est ce que je ressens. Quelques kilomètres avant la ville de notre destination nous rejoignons l’autoroute et rapidement nous sommes dans la circulation de l’agglomération. Nous avons quelque peine à trouver notre lieu de chute pour les trois nuits à venir. Il ne s’agit pas d’un hôtel, mais d’un petit appartement dans un village de vacances. Exactement ce que nous n’aimons pas, Danielle semble catastrophée ! Décidément nous sommes bien formatés et pas faciles à contenter. Bon enfin, pour nous consoler, les buffets seront toujours aussi copieux et nous nous situons juste entre deux sites archéologiques que nous irons visiter sans prendre la voiture. D’autre part, la mer est toute proche, bien que nous ne la voyions pas. Cela me donnera l’occasion d’aller y jeter ma canne à pêche et d’attraper quelques poissons aux couleurs vives, comme la méditerranée en recèle tant. Mais très précautionneusement je les décrocherai et leur rendrai leur liberté, d’ailleurs ils ne demanderont pas leur reste pour s’enfuir non à tire-d’aile mais à « tire-nageoire ».
Vendredi 13
Ouille ! Vendredi 13, heureusement aujourd’hui nous ne prévoyons que des déplacements à pied, car superstition et conduite à gauche doivent probablement constituer un mélange détonnant, que je n’ai pas envie d’expérimenter !
Nous partons donc à pied pour le site archéologique des tombeaux des rois. Nom qui pourrait prêter à sourire, car justement il n’y a jamais eu le moindre os de roi enseveli dans ce lieu. Ce nom est dû à la grandeur des constructions. Il s’agit en fait d'une coutume des riches de ces époques lointaines qui se faisaient porter en terre de cette façon, entre le 3ème siècle avant J.C jusqu’au 3ème siècle après J.C. Ce mode d’ensevelissement dans de grandes demeures creusées en sous-sol à même la roche est hérité de la tradition ancienne égyptienne, qui voulait que les morts puissent évoluer dans des espaces qui leur rappelaient leur vie de leur vivant. Sur cet immense espace face à la mer, on descend dans de multiples cryptes, qui pour certaines sont sculptées de magnifiques colonnes qui rendent la grandeur et le luxe des villas qu’occupaient les défunts lors de leur passage terrestre. La roche est de couleur ocre, et l’on imagine d’autant mieux les déserts où s’épanouissent les merveilles égyptiennes.
Après une matinée déjà bien chargée à courir à travers les tombes, nous décidons de partir cette fois-ci encore à pied vers le vaste site archéologique de l’ancienne ville de Paphos. De note lieu de résidence nous y accédons par une promenade de quelques deux kilomètres qui nous conduit au port de la ville. L’entrée du site se trouve pratiquement sur le port. L’endroit est très vaste, la visite vaut vraiment le détour pour aller admirer ses magnifiques mosaïques de grandes dimensions et de parfaite conservation. Elles racontent des scènes de la mythologie grecque, de mortels ou de dieux s’adonnant à leurs passions, comme la chasse.
Samedi 14
Nous partons pour la visite de la presqu’île d’Akamos à l’ouest de Chypre. La fontaine d’Aphrodite est l’une des curiosités du lieu. Il s’agit d’une source sortant d’une petite falaise et remplissant un bassin au pied des rochers. L’endroit est joli, la vue sur la mer vaste. A Polis nous aimerions visiter l’église Agios Andronitos, mais malheureusement elle est fermée. Son extérieur était cependant prometteur. Nous remontons ensuite le long de la côte un peu plus au nord vers San Barbara, où nous déjeunons d’un mezzé de poissons. Là encore le nombre de plats est impressionnant, poissons nombreux, poulpes, et nous accompagnons tout cela d’un excellent vin blanc local. Nous hésitons à poursuivre vers le nord en direction de la vallée des cèdres, mais personne n’est prêt à me relayer au volant, et nous reprenons la route de Paphos. Dans la périphérie de cette dernière nous nous rendons dans le village de Geroskipou, dont l’église est réputée. Nous ne serons pas déçus. Extérieurement et intérieurement elle est l’une des plus esthétiques qu’il m’ait été donné de contempler. Elle date du IX siècle et son état de conservation, comme celui de ses fresques, est excellent. Comme nous sommes en période pascale, sur la place de l’église de gros œufs multicolores accompagnés d'énormes poules et poussins aux tons pour le moins criards se laissent admirer. Un gros bûcher au bois bien sec n’attend que l’étincelle du soir pour embraser la fête.
Dimanche 15
Dernier jour à Chypre, nous rejoignons Larnaka, car nous prenons l’avion demain matin. Nous y arrivons un peu avant midi, jour de la Pâque orthodoxe. Nous avons droit à midi à un buffet spécial fête avec un agneau pascal à la broche qui embaume la terrasse de l’hôtel. Des danseurs et danseuses aux habits traditionnels hauts en couleurs nous offrent un spectacle à base de danses et musiques grecques, qui me rappellent avec nostalgie le temps où j’habitais dans les Balkans en Albanie.
L’après-midi sera calme, j’en profiterai pour aller prendre un bain de mer. Je suis seul, la piscine couverte, elle, étant comble. L’entrée dans l’eau est difficile, mais une fois que j’y suis, que c’est bon !
Lundi 16
Dès huit heures nous nous pointons à l’aéroport. Pour commencer, il nous faut rendre notre véhicule de location. On nous avait dit de le laisser sur le parking en déposant les clefs sous le tapis passager avant. Mais ce parking est bondé, ce qui nous oblige à laisser notre Ford Focus en double file. Mais les loueurs ne l’entendent pas comme cela. En effet, notre agence s’appelle San Andreas et aucun emplacement ne lui est attribué, donc nous nous faisons chasser par les institutionnels comme Europcar. En désespoir de cause, après quelques mots échangés, presque en catimini, nous abandonnons notre véhicule et nous enfuyons presque. Cela ne fait pas très sérieux, et nous ne recommanderons pas forcément ce type d’agence.
Les derniers souvenirs que j’ai de cette semaine, ce sont les îles de la Mer Egée que nous survolons durant le retour. Visions fabuleuses de ces myriades de terres disséminées dans la mer. Peut-être un futur projet ?
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09/05/2011
Les serres royales belges
Visite des serres royales de Laeken
Dire que j’ignorais tout simplement l’existence de ce petit paradis sur terre, construit en 1873 pour le roi Léopold II. De l’extérieur cet ensemble ressemble à une ville de verre, recouverte de vastes coupoles, qui prendrait presque un petit air oriental. Alors qu’à notre époque du transport rapide, train, avion ou autoroute, il se situe à une petite poignée d’heures de Lyon. En effet, Bruxelles par la route se trouve très exactement à 734 kilomètres de chez nous.
Il a fallu la proposition d’un camarade de promotion d’organiser la première réunion de notre promotion, 36 après que nous ayons fait le choix d’une école, qui nous a fait parcourir une vie professionnelle au pas de charge, pour que je visite ces splendides serres.
Nous nous retrouvons le samedi 30 avril au matin, avec comme programme de cette première journée une visite à vélo de quarante kilomètres à travers les grands parcs de la capitale belge. Ce fut une splendide balade, nous étions une trentaine de participants avec les conjoints. Au gré des trois heures de cette promenade nous nous sommes rappelé nos souvenirs de potaches, qui faisaient les quatre cents coups, et pour ceux qui s’étaient plus ou moins perdus de vue, nous nous sommes raconté nos parcours professionnels. Mais il est étonnant de constater l’effet produit sur un groupe de cadres supérieurs et très supérieurs pour certains d’entre nous, lorsqu’ils se retrouvent et se replongent, plus de trente ans en arrière, dans l’insouciance de la jeunesse. J’ai pu constater avec plaisir que l’homme au fond de lui-même reste un enfant, et il ne faut pas grand-chose pour que les barrières de la convention cèdent, et que sa nature profonde refasse surface.
Pourquoi ce préambule alors que je compte vous parler des serres royales ? Tout simplement pour ne pas passer pour des malotrus au début de la narration que je vais entreprendre. En effet, ces serres ne sont ouvertes que trois semaines par an. Alors vous imaginez la cohue. Notre camarade organisateur fixe le départ au pied de chez lui à huit heures trente pétantes le dimanche premier mai, afin d’être en bonne position pour la visite, les guichets ouvrant à neuf heures trente. Le prix est modique, 2,50 euros et l’argent récupéré est utilisé pour une œuvre caritative.
Donc, nous voilà réunis devant l’immense esplanade qui donne accès au château et à ses serres. La foule grossit rapidement, les bus arrivent sans discontinuer et déversent leurs flots. Derrière les grilles, à quelques deux cents mètres, nous entrevoyons les guichets, un peu similaires à un péage d’autoroute. La police nous canalise de l’autre côté de la route très passante. Puis, à l’heure fatidique, les grandes grilles en fer forgé rehaussées de dorures s’ouvrent. La police bloque le trafic routier. La foule traverse au premier signal et s’engouffre en direction du lieu où donner son obole, ce qui permettra d’accéder à la magnificence. Des personnes sont devant nous, la marche est alerte, personne ne voulant céder sa place, car il ne faut pas grand-chose pour perdre cinquante places voire plus.
Mais voilà, l’esprit jeune retrouvé, l’un d’entre nous se met à accélérer le pas en distançant la tête de la masse humaine en déplacement le long des immenses allées bordées de pelouses. Nous lui emboîtons le pas en rigolant, sous le regard stupéfait de certaines de nos épouses qui n’auraient jamais imaginé que leurs maris puissent faire ce genre de blague. J’entends l’une d’entre elles faire la remarque suivante à son époux hilare « ça fait franchement franchouard » , mais tout en le disant elle avance presque à notre rythme au côté de son mari qui rit aux larmes, alors que dans la vie c’est un monsieur très distingué avec lequel il est très certainement déconseillé de se départir d’une réserve de bon aloi.
A peine a-t-elle fait sa remarque que le premier d’entre nous touche au but et dégaine sa monnaie en mettant le poing en l’air en guise de victoire et en annonçant d’une voix triomphante « number one ». Ce qui nous fait littéralement éclater de rire.
D'être les premiers, cela nous permettra de parcourir ces immenses serres presque seuls. Etant lyonnais, j’aime à me promener dans les serres du parc de la Tête d’Or qui recèlent de magnifiques collections. Mais là, je suis subjugué, une multitude de fleurs, grosses voire énormes, ou minuscules mais très nombreuses. Des murs végétaux épais cachent par endroits totalement les parois métalliques . Des pelouses de plantes indéterminées entre la mousse et la fougère miniature, qui par secteurs prennent au cordeau des teintes de vert différentes, un ton très clair qui tranche sur un vert profond presque noir. Des grandes coursives le long desquelles dégoulinent une multitude de fleurs en cascade. Je m’extasie devant des coloris et des nuances que je n’avais jamais vus dans la nature, des marrons clairs, des jaunes luminescents, des bleus profonds sombres et éclatants, des roses évanescents, des rouges éblouissants.
Et cela dure, dure, le long de ces couloirs qui ouvrent sur des espaces envahis de ces splendeurs versicolores. Les mots me manquent pour décrire tant de beautés. Par endroits les fleurs sont si serrées ou parfois si denses, que l’on imagine un tapis sur lequel on pourrait marcher. Et toujours ces couleurs à l’infini qui se mélangent, vives et diversifiées. Je vais ressortir de ce lieu magique dans un état que je qualifie avec difficulté, je ne sais quel mot employer peut-être plusieurs n’y suffiraient pas, conquis, ensorcelé, envoûté, enchanté, fasciné, émerveillé ; tout cela à la fois et sans doute plus.
Je ne peux que conseiller de faire cette visite. Même ceux qui ne sont pas particulièrement attirés par les fleurs seront ébahis par cet incroyable et colossal mélange de formes et de couleurs qui s’associent avec harmonie le long des ces immenses espaces royaux.
17:39 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bruxelles, serre, laeken, leopold
06/05/2011
Montagne de Reims, les Faux de Verzy
Les Faux de Verzy
Verzy est un petit village sur la bordure est de la montagne de Reims, charmante petite agglomération de la plus prestigieuse région viticole de France, voire de la terre ! Tout le monde ne sera peut-être pas d’accord. Même si l’on préfère un bon rouge de Bordeaux ou de Bourgogne, ou un excellent blanc comme un Condrieu ou un Pouilly Fuissé, sans parler des vins étrangers qui battent parfois leurs homologues français dans des dégustations à l’aveugle, reconnaissons que le champagne et ses bulles sont le symbole universel de la fête. Outre un magnifique vignoble s’étalant à son pied, ce village recèle une curiosité rare, qui se cache au cœur de sa forêt domaniale, une population d’arbres, appelés Faux de Verzy.
Il s’agit d’une colonie exceptionnelle de hêtres aux formes extraordinaires. Les branches et les troncs, prennent les allures et les angles les plus incroyables et ressemblent à des éclairs pétrifiés. Non seulement leurs structures sont vraiment originales, mais leurs branchages s’incurvent jusqu’au sol, ce qui ajoute à l’étrangeté de ce peuplement d’arbres. On les appelle aussi hêtres tortillards. Lorsqu’ils ont leur feuillage, ils s’apparentent à de grosses boules vertes posées à même le sol. Début mai, alors que les feuilles sont toutes neuves, leur vert tendre s’enlumine aux rayons du soleil, pénétrant les frondaisons des grands arbres qui les entourent, et alors ces hêtres étranges donnent un air mystérieux à la forêt, comme s’il s’agissait de quelques cachettes magiques protégeant les lutins de la forêt.
Je me souviens, il y a fort longtemps les avoir vus en hiver. A cette saison seuls leurs squelettes, tels de grosses toiles d’araignée mal agencées, s’élèvent dans la forêt grise et froide, ce qui produit une forte impression. Par contre comme en ce début mai 2011, lorsque ils ont leur frondaison, leur silhouette n’est plus du tout la même. Je vous conseille donc d’aller les contempler une fois en été et une fois en hiver.
Leur population dans la forêt domaniale de Verzy est estimée à huit cents. On trouve aussi ces hêtres tortillards dans quelques autres régions d’Europe, mais en nombre bien moins moindre. Le site de Verzy, du fait de l’importance de sa population de Faux, semble le seul lieu susceptible d’assurer la viabilité de l’espèce, et par conséquent il constitue une richesse exceptionnelle.
Mais d’où proviennent ces arbres mutants ? Ce phénomène peut de même s’étendre au chêne et au châtaigner. Peut-être au pin ? En effet je me souviens avoir vu des pins tout à fait étonnants par leurs zigzags le long du courant du Huchet petit cours d’eau situé à une cinquantaine de kilomètres au sud d’Arcachon. Revenons à Verzy. Les premières descriptions connues de ces étranges habitants de la forêt datent de 1664. Il semblerait que l’emplacement des Faux corresponde avec le positionnement des anciens jardins de l’abbaye, qui fut fondée au VII siècle, une centaine d’années après que saint Basile, évangélisateur de la Lorraine se soit fait ermite en ces lieux. Depuis elle a disparu, car vendue comme nombre d’autres édifices religieux à la révolution comme biens nationaux. Elle fut détruite peu après, ses pierres étant commercialisées par le marchand de biens qui s’était porté acquéreur.
Y-a-t-il un lien entre les moines et les Faux. Ces ecclésiastiques les auraient-ils mis en terre dans leur jardin et entretenus ? Ces arbres ont un patrimoine génétique particulier. Ils peuvent parfois se reproduire par graines la faîne chez le hêtre, mais rarement. Plus généralement ils se reproduisent par deux phénomènes distincts.
Le drageonnage : derrière ce mot barbare se cache tout simplement l’apparition d’un bourgeon à partir d’une racine. Ce bourgeon se développant, il donne naissance à un autre arbre, qui va couper ses liens par racine avec son géniteur et il devient arbre à part entière.
Le marcottage : les branches, lorsqu’elles touchent le sol, prennent racine et à leur tour donnent naissance à un arbre qui s’émancipera à la recherche de son autonomie.
Voilà si vous passez dans le coin et les occasions ne manquent pas, le champagne, le fort de la Pompelle, haut lieu de la guerre de 14-18, où tout simplement lors d’une liaison, ce qui était notre cas, revenant de Belgique, prenez le temps de faire un détour et d’aller musarder en forêt vers ce petit coin de paradis très curieux, vous ne le regretterez pas.
13:20 Publié dans expérience vécue, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : verzy, hêtre tortillard, montagne de reims
09/08/2010
Voyage en Ouzbekistan juillet août 2010
Samarkand, Boukhara, Khiva sont des villes anciennes, même très anciennes, chargées d’histoire. Pour moi ces contrées lointaines où de puissants monarques conquérants, guerriers à l’ardeur indomptable, avaient érigé par la force et la guerre des empires gigantesques, représentaient un ailleurs presque inaccessible. Les enjeux qui exacerbaient les convoitises des grandes puissances qu’étaient la Russie et l’Angleterre, bien décrits dans le livre « le Grand Jeu », n’ont fait que renforcer pour moi cette impression de zone lointaine, baignée de mystère et de sauvagerie.
Lorsque l’occasion se présente de partir faire un petit tour d’une quinzaine de jours en Ouzbékistan, je n’hésite pas une minute. Bien sûr, une petite appréhension m’effleure. Ces villes mythiques existent-elles encore vraiment de nos jours ? La mondialisation ou « globalisation » ne leur a-t-elle pas enlevé tous leurs charmes ? La Samarkand que nous voulons visiter, est-elle encore celle dans laquelle Ella Maillart a séjourné en 1933, lors de son grand périple à travers l’Asie centrale? Les chemins millénaires de la route de la soie ont-ils laissé des traces tangibles nous permettant de revivre cette extraordinaire aventure qui liait la Chine à l’Occident? Nous verrons bien et partons.
Ces cités, nous les avons découvertes dans l’ordre suivant : Khiva, Boukhara et Samarkand.
La première impression en arrivant à Khiva, en provenance presque directement de France, de plus à la nuit tombée, ville presque déserte, ne se révélant qu’à la lumière de l’éclairage des réverbères, est vive.
Boukhara avec sa place centrale occupée par un immense bassin très profond, douze mètres, est aussi très surprenante et accueillante.
Et bien entendu, le bouquet du voyage, la prestigieuse Samarkand avec sa place du Rajasthan, est à première vue « décoiffante ».
Mais au-delà de ces premières émotions, la promenade à travers ces villes aux médersas, mosquées et mausolées généralement rénovés et clinquants, fait découvrir au fur et à mesure une autre réalité. Des villes musées, qui ont perdu leur vie d’autrefois, et qui essayent de ressusciter un passé et n’y réussissent pas vraiment. Elles semblent comme figées dans une évocation qui a perdu son âme d’antan.
Tout n’est que motif à capter quelques euros aux touristes que nous sommes, même si cela se fait avec beaucoup de courtoisie, de gentillesse et des sourires. Du prix d’entrée dans chaque édifice, de la taxe de photographier, de la multitude de vendeurs de bibelots de toutes espèces qui sont installés au cœur même de tous les bâtiments, sans oublier le policier ripoux qui fait du racolage pour vous conduire au sommet d’un minaret interdit au public au beau milieu de l’un des plus spectaculaires sites du pays.
Je dois reconnaître que ces trois villes, certes à l’architecture superbe, m’ont laissé un petit goût d’amertume, déception due au décalage entre ce qu’elles sont et l’idée que je m’en faisais à travers tous les récits concernant d’intrépides guerriers et des espions s’exposant à tous les dangers selon le bon vouloir des émirs de l’époque. Certes de sentiment s’insatisfaction je m’y attendais. La civilisation moderne fait son chemin vers une standardisation et une uniformisation des modes de vie, et cela est d’autant plus sensible dans les agglomérations. Le voyage doit s’inscrire dans un long cheminement et dans la lenteur. Dans notre monde occidental, où nous courons toujours après les heures, les minutes et les secondes qui semblent nous couler entre les doigts sans espoir de les retenir, le mot lenteur est banni. Il nous faut consommer, rentabiliser, amasser les visites et les photos qui vont avec. La notion de réussite est bien souvent liée au « beaucoup » et à l’absence de moments de repos considérés comme des pertes de temps voire des lacunes dans le programme. On a oublié bien souvent, que les choses se méritent autrement qu’en payant et que le rapport quantité prix, faisant un ratio permettant de décider si la prestation est bon marché n’est pas un bon critère.
De ce grand pays nous en avons vu d’autres facettes. En particulier la ville de Nurata, moins exubérante dans son architecture, mais j’y ai ressenti une émotion forte à la vue des reste de la forteresse d’Alexandre le Grand. Ce dernier y a séjourné six mois trois siècles avant notre ère. Sur son ordre a été construite sur la colline dominant la cité une forteresse dont il subsiste des traces, qui s’élancent à l’assaut du ciel, rappelant toute la puissance de ce grand conquérant. Cet ouvrage était constitué de briques et de terre séchée. J’ai été stupéfait de constater que des pans entiers de ces matériaux qui semblent si légers, aient traversé plus de deux mille ans. Il ne faut pas oublier que le climat particulièrement contrasté, chaleur en été et froid terrible en hiver, est un agent de démolition et de désagrégation puissant, qui lui a le temps et le prend pour accomplir son irrémédiable travail de sape.
Très surprenant dans cette ville de Nurata, un grand ensemble de deux mosquées est en pleine rénovation. Elles ont été érigées au pied d’une source abondante qui est considérée comme miraculeuse. Une eau limpide sourd de la montagne avec prodigalité et alimente un grand bassin peuplé d’une multitude de truites de belle taille. Je vais vous raconter une expérience que chacun de nous peut faire et qui pour tout pêcheur normalement constitué paraîtra soit relever de l’hallucination soit directement liée à l’aspect miraculeux du lieu. Notre guide nous a fourni d’énormes poignées de luzerne, oui de luzerne, celle que l’on donne à brouter aux ânes et aux chevaux, et nous a demandé de les jeter aux poissons. Avec un ensemble sidérant toutes les truites appréhendent le lieu ou la touffe d’herbe va tomber et tous les museaux sortent de l’eau en convergeant vers le lieu d’impact. Cette dernière semble ne même pas toucher l’eau et est immédiatement engloutie par des centaines de gueules avides. Et vous avez beau répéter l’opération à satiété, le même phénomène se produit, et étonnamment pas le moindre petit bout de feuille ne surnage dans cette eau cristalline. Un vrai miracle !
En quittant cette ville, alors que nous nous étions arrêtés à un petit collet en plein désert, pour aller regarder quelques pétroglyphes, dessins laissés sur les pierres par les chameliers au cours des millénaires passés, je vois un couple de jeunes cyclistes aux montures lourdement chargées. Ils grimpent la côte en venant vers nous. Je me précipite et leur demande s'ils parlent français. Leur réponse est immédiate: "Bien sûr nous venons de Bordeaux que nous avons quitté il y a cinq mois". Leur voyage doit les conduire en Inde et ils n'en sont qu'au tiers. Bien entendu ils sont sur VoyageForum et j'ai gardé le contact, et dès mon retour, je leur ai envoyé les photos que j'ai faites d'eux repartant dans le désert!
Nous avons parcouru des milliers de kilomètres à travers tout le pays une partie en avion et une partie en minibus. Nous avons pu constater que le désert occupe la plus grande partie de ce territoire. Quelques grands fleuves comme l’Amoudariya permettent à de vastes zones vertes de se développer à travers les sables arides.
On nous avait concocté quelques expériences chez l’habitant, avec nuit sous la yourte traditionnelle. D’un air quelque peu moqueur ma compagne fait remarquer, que l’on va au bout du monde pour tester la nuit sous la yourte, alors qu’à cette époque de l’année on dort surtout dehors et absolument pas dans la yourte. Là encore, le côté « touriste posé » pour la nuit dans la chaleur et dans des conditions d’hygiène précaire donnait à la situation une impression de dérision quant au tourisme que nous pratiquions.
Posés dans le désert, c’est le mot. Chacun réagit à sa manière. A plusieurs reprises nous ferons cette expérience. Dans le groupe que nous formions, chez certains ces longues attentes de l’après-midi ont généré une forme d’impatience, une sensation de perte de temps, le rythme étant comme cassé. Pourquoi ne nous proposions-nous pas quelque activité?
On en revient toujours à la démarche, chacun la sienne. Le voyage organisé n’est pas propice aux changements de rythme, on s’inscrit dans le mouvement dirigé par l’accompagnateur, et les pauses peuvent être vécues comme une forme d’abandon ou de lacune dans le programme. En revanche, le voyage à pied ou à vélo, s’inscrit dans la lenteur et la contemplation à l’allure des caravanes des siècles et millénaires précédents. Tout naturellement l’arrêt entre dans la démarche, il est même attendu avec envie, car la fatigue physique des muscles qui ont travaillé est l’un des éléments importants qui conditionnent le voyage. L’engagement physique dans le voyage, lorsqu’on y a goûté devient indispensable pour que l’on ressente cette sensation d’éloignement. A notre époque tout devient trop relatif, mille kilomètres en avion représentent un saut de puce, cent kilomètres à vélo une jolie randonnée et un kilomètre dans une paroi verticale une grande aventure. Donc à n’en pas douter, arriver au milieu du désert sur un tertre, où s’épanouissent quelques yourtes, procurera des sensations différentes selon le mode de locomotion. Y être arrivé à pied en voyant la silhouette de ces habitations se découper sur le ciel depuis des heures, en ayant parfois la sensation que jamais on ne les atteindra, prédispose à la méditation et à la contemplation lorsqu’enfin le but est atteint. Mais si on y accède à l’aide d’un minibus dans lequel s’entasse un groupe de touristes, l’imprégnation à l’esprit du lieu ne peut pas se faire et bien naturellement on éprouve une grande difficulté, voire une impossibilité, à s’en imprégner. D’ailleurs ce type de moyen de déplacement qu’est la voiture, n’annihile-t-il pas cette démarche de se laisser guider par l’esprit des lieux visités. Jamais, ou tout du moins rarement, dans un voyage à rythme lent on ressent une impression d’oisiveté, ce qui n’est pas le cas lors de déplacements plus mécanisés.
Cependant au cours de l‘une des soirées sous une yourte, nous avons vécu un moment de grande émotion. Le propriétaire du lieu a saisi son instrument de musique à cordes et a entamé une série de chansons. Il s’agissait de mélopées douces et tristes aux sons mélodieux, rehaussés de rimes harmonieuses. Son épouse assise à côté de lui, en ouvrant à peine la bouche, sans pratiquement un seul mouvement, comme si elle susurrait, l’accompagnait de sa voix, exactement dans le rythme et sur la modulation. Ce fut un moment très émouvant et nous en avons redemandé. Rarement un chant ne m’a ému à ce point. Au cours de ces deux semaines, nous avons assisté à d’autres spectacles, mettant en œuvre plus de moyens et produits par des professionnels, mais jamais je n’ai ressenti cette émotion devant un art accompli.
La visite des forteresses du désert qui formaient un réseau de lieux sécurisés par de grandes murailles a été très intéressante. Il n’en reste que les enceintes au milieu desquelles de vastes zones vides subsistent. Il faut s’imaginer qu’il y a plus d’un millénaire une population nombreuses habitait ici. Les conditions d’existence paraissent extrêmement difficiles. Cela me fait penser un peu aux citadelles du vertige, les châteaux cathares sur leurs pics rocheux au sud de la France. A l’époque où ces forteresses du désert étaient habitées, elles dominaient des plaines fertiles baignées par les eaux d’un fleuve. Mais les Arabes dans leur avance voulant les conquérir et soumettre leurs habitants, au lieu de les attaquer directement, ont préféré détourner le fleuve et rendre la région inhabitable. Les forteresses ont été contraintes de se rendre sans combattre.
Cette expérience que nous avons vécue durant deux semaines ne restera pas pour moi comme un souvenir impérissable. Cependant ce voyage je désirais le faire, car cette région du monde, depuis l’aube des temps, zone de contacts de civilisations différentes, de par son histoire tumultueuse depuis longtemps attisait ma curiosité. Pourtant je dois reconnaître que notre guide ouzbek était particulièrement compétent et agréable. La formule qui faisait alterner logements très rustiques et hôtels de bon niveau était pleine de surprises, ce qui n’était pas pour me déplaire. Le voyage reste cependant pour moi affaire d’efforts physiques pour en quelque sorte conquérir et mériter la route. Mais je ne m’érige pas en censeur, je ne juge pas la ou les manières de voyager, j’exprime la façon de voyager qui fait naître chez moi des sensations et des émotions. Le voyage, sans doute, avant toute chose est intérieur. Comme disait Saint Exupéry : seule compte la démarche, car c'est elle qui dure et non le but qui n'est qu'illusion du voyageur qui va de crête en crête pensant que l'objectif seul est important.
Je pense aussi que l’intérêt du voyage nait du dépouillement dans lequel vous l’abordez. Dans ce cas vous vous mettez à la merci des autres et vous êtes plus à même de nouer des contacts autres que directement liés à l’argent. Un peu à la manière des pèlerins qui font vœu de pauvreté. Cela me remémore un livre splendide : Un chemin de promesse d’Edouart et Mathilde Cortès, 6000kilomètres à pied et sans argent de Paris à Jérusalem. Une autre grande voyageuse, plutôt nomade m’inspire beaucoup dans mon mode de voyage, Isabelle Eberhardt, jeune femme morte à 27 ans emportée par un oued en crue. Les ouvrages qu’elle a laissés sont empreints d’une pensée profonde. Je citerai une phrase qui à elle seule peut amener à déterminer sa propre voie dans la vie et sa propre philosophie du voyage: « Jadis, quand je ne manquais de rien matériellement, mais quand je manquais de tout intellectuellement et moralement, je m’assombrissais et me répandais sottement en imprécations contre la vie que je ne connaissais pas. Ce n’est que maintenant, au sein du dénuement dont je suis fière, que je l’affirme belle et digne d’être vécue ».
Notre retour s’est fait un soir sur Paris où nous avons passé la nuit. Le lendemain un TGV matinal nous a conduits à Lyon. Ce trajet Lyon Paris en train que j’ai du effectuer une bonne centaine de fois reste pour moi un spectacle éblouissant. La campagne française défile à vive allure, avec ses perspectives immenses sur les champs, les forêts, les collines et les villages. Un jour au pied d’un arbre, alors que nous foncions à 250 kilomètres à l’heure, j’ai eu le temps de remarquer un gros champignon. Je me promets qu’un jour je ferai ce chemin si court en train, à pied. La France j’adore !
Avec une année de recul j'apporte quelques précisions suite à des remarques qui m'ont été formulées:
Pour revenir sur la réflexion qui a été faite sur ce texte que j’ai posé il y a presque un an (le temps passe) : Évidement comme on l'a dit, ces réflexions peuvent s'appliquer à tous les voyages
Eh bien je dirais, je ne pense pas. En effet mon ressenti de villes figées dans un décor de musée (et cela ne pose aucun jugement sur les aspirations de la population), il y a des tas d’endroits où je ne l’ai pas ressenti. En Iran et au Pakistan dans des villes comme Shiraz ou Lahore il y a déjà longtemps je n’ai pas ressenti les mêmes sensations.
Dans les Balkans que ce soit au Kossovo dans la capitale historique Prizren, ou en Macédoine à Gostivar chez les Bektachis (une branche musulmane) ou encore dans des petites mosquées d’Albanie, ou l’imam vient vous parler de sa mosquée, ou alors dans les monastères orthodoxes dans différents pays balkaniques (Albanie, Macédoine, Monténégro) j’ai ressenti une vraie présence en particulier religieuse que je n’ai ressentie en Ouzbékistan. Mais cela ne veut pas dire que je dénigre qui que ce soit. Il faut dire que j’ai tellement lu de livres sur ces régions lointaines ( que ce soit les récits de Ella Maillart, qui arpentait ces coins vers les années 1930, les ouvrages de Bernard Olivier et sa grande marche, ou alors le splendide livre « le grand jeu », relatant la guerre que se menaient les espions anglais et russes au 19 ème siècle au péril de leur vie, car les Occidentaux étaient immédiatement abattus par les autorités locales dès qu’ils étaient découverts, et puis d’autres qui ne me reviennent pas en mémoire mais qui y ont laissé leur empreinte) que ce pays je m’en faisais un véritable mythe, et que lorsqu’on idéalise quelque chose on est forcément un peu déçu lorsqu’on est confronté à la réalité. Un rêve lorsqu’on le réalise on a l’impression d’avoir perdu quelque chose.
Des villes qui m’ont vraiment marqué par leur passé historique et les sensations que j’y ai ressenties, j’en citerai deux particulièrement :
1) Istanbul, Sainte Sophie et pourtant c’est un musée, et sa mosquée bleue, lorsqu’on va écouter le Muézin à la tombée de la nuit dans sa grande cour on est totalement envoûté, ses mosquées de la rive asiatique, alors que j’en visitais une qui était déserte seulement peuplée de chats, je m’arrête pour les caresser et alors l’imam arrive et je lui demande pourquoi il y a tous ces chats dans la cour de la mosquée, il regarde au ciel et me répond : c’est Allah qui les a envoyés et qu’il est de mon devoir de les nourrir.
2) Sarajevo avec ses petites mosquées aux minarets de bois, souvent noirs et ses cimetières aux tombes blanches multi centenaires qui s’agrippent aux multiples collines, ces pierres tombales éclatantes qui débordent de l’enceint symbolique du cimetière et qui colonisent les espaces herbeux libres en bordure de rue. Voilà dans ces moments on sent remonter tout le vécu d’un pays.
L’Ouzbékistan je crois vraiment que tout son passé historique a souffert de l’époque communiste qui a tenté justement de le faire disparaître pour mieux intégrer ce pays à l’URSS. C’est l’histoire, et cela n’est pas porter un jugement péjoratif sur le pays et ses habitants. Avec le recul d’une année je garde d’autant plus un souvenir très bon de ce voyage que j’y ai fait. Ces lieux avec le temps vont peut-être à nouveau être réinvestis par l’âme ouzbèke et alors ces centres touristiques, qui ne sont pour le moment plus que touristiques vibreront à nouveau aux ondes d’un passé réel et immensément riche.
Voilà tout simplement ce que je voulais exprimer sans me permettre de juger qui que ce soit. Mais je ne suis pas un grand historien et mes perceptions sont peut-être erronées.
17:28 Publié dans agence voyage, Voyage | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ouzbekistan, tamerlan, samarkand, boukhara