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13/08/2014

Remontée de la Saône à vélo

Remontée de la Saône à vélo

La Saône est le cinquième cours d’eau français avec une longueur de plus de 400 kilomètres. Elle prend sa source dans un petit village au pied des Vosges du nom de Vioménil, et se jette dans le Rhône après avoir traversé de vastes zones de prairies. Certains esprits diraient que c’est le Rhône qui se jette dans la Saône. En effet, elle est beaucoup plus large que ce dernier, même si par un subterfuge juste avant le confluent il semble s’étaler un peu plus pour se donner de l’importance. Ce qui le caractérise, c’est sa fougue et son côté sauvage et rapide, pressé qu’il est entre des montagnes au nord de Lyon. La Saône, au contraire, s’étale en vastes méandres dans un bassin aux courbes arrondies sans dénivelé.

Je pars remonter cette magnifique rivière au début du mois d’août 2014, en quatre étapes respectivement de 84, 112,122 et 97 kilomètres. Je vais découvrir une rivière sauvage aux bords souvent non aménagés, ce qui me donnera l’impression d’être dans un pays lointain à rouler entre terre, herbe, boue et fondrières, et toujours avec en arrière-plan immédiat cette eau sombre et terreuse, cependant calme. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Allais-je vite trouver monotone cette campagne plate ? Eh bien non, ce fut tout le contraire.  Cette nature paisible a un effet très reposant. La multitude d’aspects que revêt le cheminement, de l’aménagement impeccable de la « voie bleue » au plus oublié des anciens chemins de halage envahi de végétation sauvage faisant un mur de part et d’autre d’une piste ténue, offre une variété surprenante. De plus, il faut bien souvent rester en éveil pour éviter les ornières, les trous, les pierres  et autres flaques de boue, tout en négociant par endroits des herbes hautes. Non, cette randonnée que je vais vous narrer, ne m’a absolument pas paru ennuyeuse. Elle m’a procuré un joli moment de vélo et m’a enthousiasmé.

Après une traversée de Lyon à partir de chez moi, je me retrouve au confluent  du Rhône et de la Saône, prêt pour une nouvelle aventure, seul avec mon vélo chargé de tout ce qui permet l’autonomie du voyageur au long cours. Le Rhône à ma droite et la Saône à ma gauche, ça y est le projet peut commencer à se réaliser. Comme il est étonnant de constater la rapidité avec laquelle on bascule de notre vie de sédentaire vers l’émoi du voyage. La magie de l’aventure s’enclenche dès le premier tour de roues. L’ensorcellement est tel, que je traverse ma ville natale comme je découvrirais une ville inconnue à l’autre bout du monde après de longues journées de pédalage ! Comme toujours, la même fébrilité me gagne à l’idée de partir, que ce soit pour quelques jours ou quelques mois. L’essence du voyage réside  à mon sens dans la non-planification et dans le fait de se laisser mener par le sens général du projet et non par les détails.

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A Lyon le confluent ne désigne pas seulement la convergence des deux fleuves, mais aussi l’immense quartier moderne qui s’est établi en ce lieu. C’est la première fois que je m’y aventure. L’architecture est avant-gardiste, l’eau est présente partout, car de grands bassins ont été aménagés, même un petit port exhibe sa kyrielle de bateaux. Je longe des quais un peu encombrés du fait de travaux. Des activités passées il reste de vieux rails qu’il faut bien négocier pour ne pas tomber. Une fois le quartier de la confluence dépassé, sur ma gauche apparaît le Vieux Lyon. La cathédrale Saint-Jean, l’église Saint-Georges et la basilique de Fourvière sont inondées de la lumière du soleil matinal venant de l’est. Je passe  rive droite par le pont Napoléon et rejoins la piste cyclable. Elle est envahie d’une foule de touristes qui regagnent leur grand bateau après une visite de ce quartier réputé de Lyon, qui a été inscrit au patrimoine de l’UNESCO. Je mets presque pied à terre pour me frayer un chemin dans cette masse humaine. Heureusement,  pas une seule personne ne m’a demandé si je venais de loin. Qu’aurais- je répondu ?

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Lyon se quitte très facilement et j’arrive à l’île Barbe. Je reste rive droite jusqu’à Collonges, bien évidemment en passant devant « chez Bocuse » je m’arrête faire la photo de ce bâtiment aux couleurs vives. Je rejoins rive gauche la piste cyclable que je vais suivre jusqu’à Macon. Parfois très praticable, parfois herbeuse parfois pierreuse, je vais découvrir tout le charme de cette belle remontée de la Saône. Les jours derniers pour ne pas dire le mois dernier le temps a été particulièrement mauvais, ce qui fait que tout naturellement la boue est très présente. Je dois négocier avec prudence de nombreuses larges flaques d’eau. Il est toujours plus facile de rouler sur l’herbe que sur la terre détrempée, car cela évite de récupérer des gros paquets de boue qui bloquent les roues.

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Je fais un passage par les hauts de Trévoux, petite cité chargée d’histoire, qui très longtemps fut ville frontière. La côte est rude mais le coup d’œil sur la rivière en contre-bas vaut le déplacement. Puis je me laisse glisser à nouveau vers les berges, et je prends la direction de Macon. Sans difficulté, à part un petit passage scabreux à Jassans je rejoins la préfecture de la Saône-et-Loire. A part les trois derniers kilomètres j’ai toujours roulé sur des itinéraires dédiés aux vélos ou des chemins.

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Après une nuit pas terrible au camping au nord de Macon, à cause du bruit du trafic routier, je retrouve rive droite la voie bleue, que je vais suivre jusqu’à Chalon-sur-Saône. Les trente premiers kilomètres jusqu’à Tournus sont bien aménagés et c’est un régal de rouler au petit matin dans une nature qui s’éveille. De temps à autre, un lapin détale sur la piste, un héron cendré décolle de derrière des roseaux, quelques gros poissons font de larges ronds à la surface de l’eau. Un son étrange et mat me fait tourner la tête, il s’agit du battement d’ailes de cygnes qui tentent de décoller en frappant l’eau avant de pouvoir prendre un peu d’altitude. Je croise quelques cyclistes à la mine épanouie, qui comme moi sont sous le charme du lieu. Puis je tombe sur un couple chargé, qui manifestement voyage à vélo. Comme toujours dans ces cas on engage la conversation. Ils sont en train d’effectuer un périple d’une semaine en Bourgogne. Ils me mettent en garde contre la très mauvaise qualité du chemin entre Tournus et Chalon sur une trentaine de kilomètres.  Ils ont décidé de le quitter et de rejoindre la route la plus proche car l’herbe, la boue et les trous rendaient leur progression trop pénible. Bon je verrai bien. Eh bien ce parcours à travers des prairies à l’herbe douce me procura un grand plaisir. A part quelques pêcheurs je n’ai vu personne et j’ai eu l’impression d’être à l’autre bout du monde. Bien évidemment, je recommande de ne pas éviter ce tronçon. De toute évidence nous ne recherchons pas tous la même chose à cheminer sur nos deux roues. Cette diversité  fait le charme de l’activité.

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Cette partie d’itinéraire depuis mon départ ce matin à Macon, je l’ai parcourue entièrement sur route interdite à la circulation automobile. A partir de Chalon je n’ai pas d’indication concernant l’existence de la voie bleue. Je prends donc la direction du village de Gergy, situé une quinzaine de kilomètres au nord. Une fois arrivé, un passant me voyant en train de consulter ma carte m’a indiqué la voie verte  à proximité. Elle est magnifique, serpentant le long de la rivière, parfois traversant de vastes pâtures, dont il faut ouvrir les portails en faisant bien attention de les refermer, car le bétail y est nombreux. Un vrai plaisir ce parcours un peu cabossé, où la pratique du vélo est un bonheur.

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Arrivé à Verdun-sur-le-Doubs, je découvre le confluent de cette rivière avec la Saône. En voyant l’endroit, il est difficile de savoir quel est le cours d’eau le plus important. Je change de rive et je traverse le Doubs et me trouve rive gauche de la Saône, à nouveau sur une piste sauvage entre pâtures, forêts et champs cultivés. Je croise une jeune femme à vélo qui est lancée dans un tour de France des cuisines régionales au travers des chefs cuisiniers. Elle compte terminer son périple en novembre à Paris. Ses multiples expériences glanées au cours de son chemin, elle a l’intention de les regrouper dans un livre. Après ce moment de discussion très agréable je reprends ma route.

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Le temps se fait menaçant, les premières gouttes se mettent à tomber. Sur ces bords de rivière peu ou pas entretenus, la pluie devient vite un problème, l’herbe étant glissante et la boue collante. Mais les précipitations restent faibles et l’avancement n’est pas perturbé. Quelques kilomètres avant la petite ville de Seurre je retrouve une piste goudronnée, qui me conduit directement au centre de la cité. J’hésite entre hôtel et camping. Mais la proximité de ce dernier d’un axe routier passant et le temps menaçant me conduisent à opter pour la première option. L’hôtel du commerce est le seul de la ville, petit établissement au centre, au style désuet bien sympathique que j’adore. De plus il pratique des prix doux, 45 euros une belle petite chambre avec une grande baignoire, même si je ne prends jamais de bain ! Ça ajoute au charme désuet. Rien ne me déprime plus que ces grands hôtels aux standards internationaux à l’allure désincarnée et aux moquettes sur lesquelles on glisse sans bruit. Non, je préfère nettement ces petits hôtels aux vieux parquets et aux escaliers moult fois cirés et qui craquent à chaque pas, signe que l’on est dans un endroit qui vit.

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Au matin, le départ se fait sous une pluie qui s’intensifie rapidement, malgré les prévisions météo qui n’étaient pas très pessimistes. Le temps de m’arrêter et de mettre mon imperméable et l’ondée prend fin. Je roule le long du canal, dont la piste est en meilleur état que le chemin de halage de la Saône, qui avec la pluie de la nuit doit ressembler à un champ de boue. Par moments les terres labourées sur les bords du canal prennent un air austère sous un ciel gris. Cela me fait penser un peu à ce que j’avais ressenti sur certaines portions de la vélo-route du Danube en Allemagne A Saint-Jean-de-Losne, je croise trois jeunes Suisses engagés dans une traversée Zurich-Bordeaux.

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Je retrouve la rivière, son trafic fluvial et ses nombreuses écluses qui fonctionnent à plein rendement au cours du mois d’août. Le chemin une fois encore prend tous les aspects, passages en forêts, en sous-bois, parmi les buissons, dans les champs qu’ils soient d’herbe ou de boue. Pas le temps de s’ennuyer, le long de cette rivière aux larges méandres les perspectives sont en changements permanents.   Et puis des bateaux de temps à autre donnent une touche de couleur à cette sombre due aux hautes eaux qui charrient des alluvions. Je m’arrête pour observer un pêcheur sur son esquif. Il est en train de batailler avec un gros silure. Entre son chien tout excité et son poisson rageur il ne sait plus où donner de la canne !

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A partir de Gray, dans l’après-midi bien avancée le temps redevient très beau et de magnifiques petits nuages constellent le ciel, une véritable ambiance de journée d’été. La piste est excellente et les kilomètres défilent. Dans ces moments le vélo est plus qu’un plaisir, on sent une forme de jouissance dans l’effort soutenu sans aucune souffrance. On est en pleine cure de vélo-thérapie. La campagne ne recèle pas beaucoup de villages et ceux que je croise sont minuscules. Je n’ai pas de provisions donc je n’envisage pas dans ces conditions de bivouaquer au bord du fleuve, d’abord trouver une épicerie. Arrivé à Ray-sur-Saône, on m’indique un camping 6 kilomètres plus loin à Soing-Cubry-Charentenay. Le nom est aussi long que la bourgade est minuscule. Ce genre de camping, on aimerait en trouver plus. Installé sur une belle pelouse en bordure de rivière, il respire le calme. L’accueil est des meilleurs par l’employée communale. Une épicerie à deux cents mètres au centre du village offre un large choix de boissons et d’aliments, un pur bonheur !

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Un couple de cyclistes hollandais s’est aussi arrêté pour la nuit. Ils sont lancés dans un trajet Pays-Bas  la méditerranée. On échange quelques mots. Mais on ne trouve pas la communion d’esprit que l’on peut avoir lorsqu’on tombe sur un autre « fou » à vélo au milieu du désert de l’Atacama ou le long du Mékong. Pourquoi ? Certes on est moins loin de chez soi en Europe, mais l’expérience n’en est pas moins passionnante.

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Déjà le dernier jour de cette courte escapade. Il me reste 97 kilomètres pour rejoindre la source. Mais, j’ai l’intention une fois arrivé à ce point d’essayer de rejoindre Cornimont où mon épouse m’attend. Ce qui rajoute 67 kilomètres, donc un total de 164, cela promet une belle journée d’effort. On espère dans ces cas qu’il n’y aura pas d’imprévu et si possible pas trop de vent contraire pour rendre la distance impossible à accomplir dans la journée. Lever 6 heures, tout le monde dort encore dans le camping, départ 7 heures. Le temps est frais, sur la rivière voguent de grands bancs de brouillard. Ces mises en route matinales, je les vis comme une féerie. La lumière rasante du soleil amplifie les contrastes, les ombres démesurées au sol donnent du mystère aux choses et aux lieux. L’immobilité de l’air transforme la surface de l’eau en un parfait miroir sur lequel se reflètent les nuages et les brumes, et aussi plus étonnant les traînées d’avion. On les voit même progresser. Je stoppe ma progression et observe le reflet d’un avion en mouvement. Son image sur l’eau va percuter la berge et donc disparaître, car l’herbe ne sera jamais un miroir ! J’ai envie de m’arrêter à chaque détour pour prendre une photo, tant les contrastes et les reflets sont étonnants dans cet univers flou « hamiltonien ». Le ciel, les nuages et les arbres accompagnés de leurs reflets se fondent au milieu d’une brume ténue. Je ne sais pas si la comparaison est juste, mais c’est ce qui me vient, peut-être à tort, à l’esprit.

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A 9 heures je m’arrête à Port-sur-Saône et effectue une bonne pause casse-croûte dans un bistrot bien français. S’arrêter c’est souvent gagner du temps, car après on se trouve dans de meilleures dispositions pour redoubler d’effort. Effectivement, je reprends mon chemin le long de la D20, petite route déserte qui suit la Saône au plus près. Tout va pour me mieux, je ne suis jamais en dessous de 25km/h. Seul petit problème, qui a failli en être un gros. Je recharge la batterie de mon appareil photo à l’aide d’une prise USB sur mon moyen avant. Pour ce faire, je dois le laisser ouvert, et comme je l’ai autour du cou des gouttes de sueur tombe dessus et se glissent à l’intérieur le long de la batterie. Ce qui occasionne un court-circuit. Je crains le pire. Je m’arrête entre autre pour nettoyer ma chaîne et la graisser et j’en profite pour exposer l’intérieur de mon appareil aux rayons du soleil. Miracle, au bout de dix minutes, juste le temps  que je remette mon vélo en état de marche, la chaleur a fait son effet et mon appareil fonctionne de nouveau. L’autonomie en courant nécessite quelques précautions et on apprend toujours un peu plus.

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Encore une rencontre avec un Italien qui est parti de Hambourg et qui se rend en Espagne à vélo. Cool, il n’a même pas de carte, seulement un vague dessin au crayon ! Je lui permets de se positionner au mieux et d’affiner son itinéraire pour la journée. On rigole un grand coup, mais bon vingt minutes se sont envolées et mes 164 kilomètres risquent de devenir un rêve !

 

A partir de Corre ou un peu avant, j’ai du mal à situer la Saône. Je longe donc le canal  encore quelques kilomètres, puis je coupe directement à travers un petit massif forestier pour rejoindre directement Vioménil et la source tant désirée. Je l’atteins, il est 15heures. Elle est sèche, étonnant alors qu’à une vingtaine de kilomètres on a déjà une rivière de belle taille. J’en déduis que tout n’est que question de symboles. 

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Une belle petite aventure va prendre fin, au détail près que j’espère encore abattre 67 kilomètres cet après-midi par une forte chaleur. Contrairement à ce que je pensais la route en direction de Xertigny, Remiremont et Cornimont n’est pas vraiment plate. Jusqu’à Xertigny j’ai souffert de la chaleur dans des  côtes conséquentes en inclinaison et en longueur, avec un vent adverse, ce qui m’a pris presque deux heures. A 18 heures Remiremont est atteint, j’ai même eu le temps de ramasser un magnifique cèpe et une belle poignée de chanterelles. Il ne me reste plus qu’à dérouler le long de la voie verte en direction de Cornimont. Je n’arrive à la trouver qu’à Vagney. Il me reste une quinzaine de kilomètres à parcourir en léger faux-plat montant. Cette dernière portion, alors que le soleil devient rasant avant de se coucher, est un enchantement. Je ne sens pas la fatigue, tout accaparé par la beauté de la nature et en particulier par la surface de la Moselotte, où je guette les éventuelles truites en train d’effectuer leurs derniers gobages. En effet, dès demain je reprends mon activité de pêcheur à la mouche, en « no kill of course ».

24/07/2014

Les Canaries à vélo

Nouvelle aventure, un petit séjour de deux semaines à vélo à travers les îles des Canaries. En si peu de temps nous espérons pouvoir rouler sur quatre îles, mais il ne faudra pas traîner. Voilà l'état d'esprit dans lequel nous sommes Gérard et moi en décollant de Lyon Saint-Exupéry pour un vol de quelques heures en direction de Tenerife.

La récupération de nos bagages s'est passée correctement , même si nous avons un peu cherché nos vélos, qui du fait de l'encombrement ne sont pas arrivés au même endroit. Rapidement nous trouvons le taxi capable de prendre nos volumineux paquets, et nous arrivons à notre hôtel "Los Amigos" pas très loin du bord de mer. Il fait très bon, car nous sommes seulement au 28ème nord.

En phase d'approche nous avons eu tout loisir d'avoir une bonne vue d'ensemble de l'île, aussi bien ses côtes, ses montagnes, ses villes et sa végétation. De toute évidence il s'agit d'un énorme rocher volcanique qui sort de l'Atlantique.

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L’accueil de l'hôtel, plutôt de l'auberge de jeunesse est  tenu par une jeune Lituanienne, au demeurant fort sympathique. Ce qui me chagrine un peu, c'est que la langue pratiquée est l'anglais, alors qu'étant en territoire espagnol je préférerais nettement m'exprimer dans la langue locale.Mais il n'en est pas question car notre charmante hôtesse ne connaît pas un traitre mot de cette langue.

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Nous posons nos bagages sans déballer nos vélos et partons dîner dans le village éloigné d'un kilomètre. Ce trajet est désagréable le long d'une route passante sans trop d'espace pour les piétons. Le premier restaurant  rencontré est tenu par une Anglaise. Nous nous y arrêtons, elle non plus ne connaît quasiment pas un seul mot d'espagnol, tant pis, mais ses spaghettis bolognaise sont excellents.

Après une nuit somme toute correcte, bien qu'à proximité de l'axe d'atterrissage de l'aéroport voisin, nous espérons remonter rapidement nos vélos afin de rejoindre le port de Los Cristalos éloigné d'une quinzaine de kilomètres. De là embraquer au plus vite pour Gomera où mon camarade Jean nous attend.

Mais voilà nos plans vont être bouleversés, Gérard réalise que son dérailleur est cassé. Nous sommes dimanche tous les magasins sont fermés. Au mieux il faudra attendre demain pour être dépanné. Nous voilà donc immobilisés pour au moins 24 heures. Mais restons philosophes, les impondérables de ce type font aussi partie du voyage.

Donc au lieu de nous presser afin de respecter des horaires contraints, il ne nous reste plus qu'à prendre la vie du bon côté et de partir nous balader sans but précis dans la petite station balnéaire de Los Abrigos. Nous y allons tranquillement par un sentier côtier qui surplombe la mer. La roche est de couleur sombre et de structure semblable aux rochers rouges de l'Estérel.

Une fois dans la petite ville nous en faisons vite le tour et allons déjeuner dans un joli restaurant qui domine la mer, le bien nommé "el Mirador". Il est réputé pour ses fruits de mer et ses poissons. L'eau est de toute beauté et très propre, on se croirait plus en Méditerranée que sur l'Atlantique.

Puis après une excellente platée de grosses moules nous partons nous promener le long des quais du port de pêche qui est le plus important de l'île de Tenerife.

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En fin d'après-midi nous partons nous promener en bordure de mer avec l'intention de monter sur un gros rocher qui culmine à 171 mètres au-dessus de flots. Dans un premier temps nous marchons entre l'eau et une immense serre qui couvre des hectares. On y cultive des tomates sur des pieds qui montent à plusieurs mètres. Lors de l'atterrissage nous avons été surpris de voir cette multitude d'immenses serres qui couvrent une superficie gigantesque. Ensuite nous avons marché le long d'une plage pour enfin attaquer directement le rocher au nom évocateur de ce qu'il est: la montagne rouge. La végétation le long de ses flancs est très étonnante. Des arbres  de petite taille aux troncs et aux branches incroyablement torturés. Ils ressemblent un peu à des bonsaïs.

Du sommet la vue porte sur une partie de l'île et nous dévoile une multitude de cônes volcaniques, vestiges d'une activité passée abondante.

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Le soir nous partons manger une superbe paella au village voisin, il faut bien occuper notre temps en attendant de savoir si l'on peut réparer.

Lundi 7 40 km  700 m de dénivelé

La réparation a été effectuée avant onze heures. Nous avons pris la direction du port de Los Cristalos et avons embarqué dans le premier bateau à destination de Gomera. Petit trajet d'une heure par mer calme. Jean nous attendait. Cette île vit à un rythme calme, les voitures s'arrêtent systématiquement en voyant de vélos et attendent même pour le doubler de peur de les frôler.

Petit tour dans la ville et nous montons chez Jean. Il habite un peu sur les hauteurs et en finale pour atteindre sa maison il faut descendre et traverser un rio. Heureusement à cette époque il est à sec, mais en hiver il peut rester isoler chez lui tant que l'eau ne descend pas.

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Mardi 8  56 km 1600 m de dénivelé

Départ huit heures trente pour la petite ville de Vallehermoso, par petite route et sentier dans la montagne. 56 km en 9 heures, on fait des moyennes dignes de l'Atacama, avec des descentes encore plus fatigantes que les montée. En effet des pistes défoncées pleines de gros cailloux qui avec nos montures chargées sont un enfer. Je vais tomber à plusieurs reprises, même à pied.

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Retour sur le goudron pour 10 km de montée dans la chaleur d"après-midi. Nous avons effectué 2589 mètres de dénivelé positive.

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Petit hôtel sympa, atmosphère survoltée du fait d'un match de foot. Nous mangeons comme des ogres..

Mercredi 9   51 km et 1700 m de dénivelé

Temps couvert le matin. Nous allons partir pour une étape courte avec cependant 600 mètres de dénivelé pour rejoindre un col, d'où nous plongerons vers l'océan à Alojera.

 

Ces 600 mètres je les trouve difficiles, mais ils sont effectués assez rapidement. Nous plongeons vers l'océan, en direction de la petite satition de Alojera.  Nous arrivons en bordure de mer dans un coin très sauvage. Mais tout est désert, restaurant fermé et personne pour nous louer quelque chose pour la nuit. Nous décidons de tout remonter et de nous diriger vers la petite ville de Gran Rey que nous comptions rejoindre le lendemain. mais la forme semble venir et c'est plus de mille mètres qu'il nous faut remonter pour passer un col à 1012 mètres, à partir duquel une descente de 15 kilomètres nous conduit dans une petite ville touristique, où on entend beaucoup parler allemand. Sur la terrasse de notre hôtel un orchestre constitué de cinq instrumentistes et d'un chanteur se lancent dans des chansons endiablées. Ce village est domine par un immemse rocher de 700 m de hauteur.

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Jeudi 10 64 km 1664 m de dénivelé

Ce matin nous partons rejoindre Jean qui nous attend dans un petit village perché à plus de 1000 m d' altitude.

Encore des pentes à n'en plus finir. Le climat d'une partie à l'autre de l' île est complètement different. Aujourd'hui brouillard et champ d'herbe bien verte.

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L'oeuvre symbolise la position des mains pour exécuter le silbo, langue sifflée pratiquée sur l'île de Gomera. Pour perpétuer la tradition elle est apprise dès l'école primaire. A l'origine est permettait aux montagnards de se parler d'un flanc  a l'autre de la montagne, car elle porte à 7 kilomètres.

 

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Avant de rentrer sur San Sebastian nous sommes montes a pied sur le point culminant de l'ile, d'où nous voyions par dessus les nuages le volcan Teide à plus de 3700 mètres d'altitude sur l'île de Tenerife et de l'autre côté l'île de Las Palmas.

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11 avril 30 km 500 mètres de dénivelé

Aujourd'hui journée tranquille à San Sebastian. Petite balade sans sacoches, on se sent léger.

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Ce sont des pommes de terre accompagnées d'une très bonne sauce mais très grasse, on y a droit car nous avons déjà plus de 6000 mètres de dénivelé et 240 kilomètres dans les mollets.

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Une bête très fauve qui m'a mordu lorsque je lui ai donné à manger.

 

 

  12 avril 30km 1400 m de dénivelé du port de Los Cristianos à Vilaflor

On se lève à 5h30, il nous faut impérativement être à l’embarcadère à 6h30 pour le bateau à destination de Tenerife. Nous déjeunons rapidement et de nuit nous mettons en route, une dernière fois nous traversons le lit du torrent devant chez Jean, puis rejoignons la route par un terrible raidillon. puis il nous suffit de nous laisser emporter dans la descente sur 4km. Pas de problème nous sommes à l'heure.

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La traversée dure 1h30. Le temps est à la pluie, Tenerife disparait sous les nuages. Nous débarquons et commençons par prendre un chocolat puis nous lançons dans une montée de 30 km pour 1300 m de dénivelé. Je vais voir un joggeur fait une belle chute en glissant, ainsi qu'une voiture faire une série de tête-à-queue puis s'encastrer dans une paroi rocheuse et rebondir sur la chaussée. Heureusement le conducteur n'aura aucun mal. Mais cela prouve que ce temps pluvieux est dangereux. 

La pente par moments est très raide de l'ordre de 12%, et le temps se dégrade. Vers 14h nous arrivons dans la petite bourgade de Vilaflor et nous trouvons de quoi nous loger.

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Cette œuvre représente un pasteur sauteur. Il se sert de sa perche pour descendre dans des a-pics, technique très impressionnante.

 

 

13 avril 61 km 1700 m de dénivelé de Vilaflor à Masca

Départ à neuf heures, en effet dans ces villages des Canaries, il est impossible de trouver un bar ouvert avant 8h, et on peut se considérer comme chanceux. Nous voilà partis vers le Teide avec un passage à plus de 2100 mètre. Nous avons de la chance avec le mauvais temps de la nuit passée, le Volcan s'est couvert de neige.

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Mon vélo devant un immense champ de lave

 

Puis nous prenons la direction de la petite ville de Masca, perdue au milieu d'immenses rochers.L'endroit est merveilleux, nous trouvons à nous loger chez une Française qui loue des chambres confortables.

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descente vers Masca

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depuis Masca

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dans Masca

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14 avril 60 km 1600 m de dénivelé de Masca à Orotava

Nous mettons le cap sur la côte nord de l'île et rejoignons la petite ville d'Orotava. L'étape est pénible, de nombreuses montées très raides dans des zones habitées à la circulation dense. Seuls les 20 premiers kilomètres étaient magnifiques au milieu de montagnes déchiquetées.

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15 avril 71 km 2104m de dénivelé direction de  Ortava à La Laguna au nord de l'île

Lever matinal, départ à 7h pour repartir sur les pente du volcan Teide par une autre route qui va nous conduire à plus de 2000 m d'altitude et nous démarrons de 300 m.

Effectivement à 7h nous somme dehors, et il fait nuit. Nous partons en allumant nos feux de casque. Les 200 premiers mètres de dénivelé sont si raides que nous les effectuons à pied. Par moments la pente dépasse allègrement les 15%. 45 minutes nous sont nécessaires pour venir à bout de cette première partie. Ensuite la route sera plus facile, mais la circulation va s'intensifier. En effet, le volcan Teide point culminant d'Espagne avec ses 3718 m attire beaucoup de monde.

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dans les rues d'Orotava au minimum 15%!

Le temps est très beau, mais comme souvent sur ces îles vers midi le brouillard monte de la mer et nous allons effectuer la descente vers le nord avec par endroits une visibilité de quelques mètres. Mais nous avons eu la chance d'avoir de magnifiques points de vue sur le Teide.

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le Teide 3718 m d'altitude

La descente dans le brouillard a été assez fraîche et malheureusement nous n'avons pas pu profiter du magnifique spectacle qui se dévoile tout au long des 44 kilomètres de route qui suivent cette crête qui descend vers le nord.

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Nous finissons la descente dans une magnifique forêt. Ces îles sont très étonnantes, d'un versant à l'autre le climat est totalement différent, ce qui engendre des végétations diverses.

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16 avril 75 km 1700 m de dénivelé

Aujourd'hui nous partons pour une balade de la journée sans nos sacoches. Les pentes paraissent beaucoup plus faciles. Nous avons quelque mal à sortir de la ville, mais une fois sur une jolie route de crête qui frôle les mille mètres nous roulons avec plaisir bien qu'il fasse froid et que l'air soit très humide.

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l'extrême nord de Tenerife

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Santa Cruz la capitale

Le soir repas en ville et nous assistons aux magnifiques défilés de la semaine sainte,qui se répètent chaque soir. Absolument merveilleux des costumes aux couleurs vives, des orchestres très bons et une cohésion d'ensemble dans le défilé remarquable. il se dégage de cette cérémonie une grande ferveur.

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17 avril La Laguna à Güimar 33km 500 m de dénivelé

Nous sommes bientôt en finale. Nous aurions pu rejoindre en une seule étape l'aéroport, mais cela ne sert à rien, il nous faut attendre le 19 pour décoller. Donc petite étape qui nous a pris un peu plus de deux heures sur terrain facile, le long d'une route agréable qui domine la côte est de Tenerife.

La côte est très construite, elle me fait un peu penser à celle de Chypre.

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Arrêt dans la petite ville de Güimar vers midi, alors que le temps se dégrade et se met à la pluie. Nous sommes superbement loger dans une "casa rural" qui est un hôtel, dans une vieille demeure canarienne du XVIII siècle. Plancher et plafond en bois ciré, on dirait de l'acajou.

Une petite placette de cette ville est arborée de magnifiques spécimens aux troncs étonnants.

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Notre hôtel sur les trois vues suivantes, la façade, la salle de restauration et la salon. Eh oui voyage à vélo et embourgeoisement peuvent aller de paire. Je me rends compte que ces quinze jours de vélo et plus de 15000 mètres de dénivelé ne m'aurot pas fait maigrir!

 

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Ce soir nous sommes allés à une nouvelle procession religieuse dans le cadre de la Semaine Sainte. Toujours la même ferveur anime les participants, qui ce soir ont fait le tour de la place  devant l'église avec les chars portant les représentations du Christ et de la Vierge.

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Puis nos sommes retournés à notre hôtel déguster le menu de la Semaine Sainte. Nous l'avons accompagné d'un bon rouge de l'île.

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18 avril 61 km 750 m de dénivelé Güimar à Los Abrigos

Aujourd'hui nous effectuons notre dernière étape avant retour en France. Ces deux semaines sont passées très vite. Ce matin alors que nous finissions de petit-déjeuner une procession s'est arrêtée sous les fenêtres de notre hôtel une procession s'arrête, nous sommes vendredi Saint.

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Notre étape de 61 km sera la plus agréable de notre voyage, le long d'une petite route qui domine la mer de plusieurs centaines de mètres. Vers 13h nous arrivons à la plage de Medano à 4 km du point final de notre voyage. Nous y mangeons nos casse-croûtes. Il y a une foule immense qui se baigne. Puis nous rejoignons l'hôtel de notre arrivée Los Amigos point final de notre voyage.

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06/02/2014

Notre traversée du Sud Lipez

                            Notre traversée du Sud Lipez à vélo

 

Préparer un voyage à travers les déserts de l’Amérique du Sud, pourquoi ? Le Dakar à la télé, entre les camions, les motos  et les voitures à fond à travers le désert de l’Atacama, un arrêt sur image, le journaliste focalise sur  un cycliste lourdement chargé, qui avance à son rythme à travers ce désert hostile. Pour les coureurs mécanisés trois heures pour monter un col, pour lui, ils réalisent qu’il lui faudra trois jours. Les exigences de base de notre condition humaine se posent de façon immédiate à lui, l’eau, les aliments ainsi que  l’absence d’assistance technique. Quels seront les souvenirs les plus forts et durables que chacun gardera de ce désert le plus vaste et le plus aride  du monde ? Ces coureurs privilégiés qui ont besoin de vastes sommes d’argent pour assouvir une passion certes exigeante et exaltante mais pas à la portée de tous, ou alors ce cycliste seul parti avec pas grand-chose, dont l’engagement financier principal aura été le prix du billet d’avion le conduisant d’Espagne en Amérique ? Chacun est libre d’apporter sa propre réponse. En ce qui me concerne, je n’hésite pas et je penche pour le cycliste.  Cela dit, je trouve les images de course automobile dans ces coins reculés absolument magnifiques et les capacités techniques des ingénieurs prodigieuses. Mais au-delà de ces considérations mécaniques, ma philosophie de la vie me conduit inexorablement à choisir la lenteur et l’engagement physique en autonomie, ce qui rend toute sa grandeur et son immensité à notre planète. Tout l’argent du monde ne permettra jamais d’apporter le bonheur procuré par cette confrontation aux éléments les plus hostiles de notre planète, armé seulement de sa passion et de sa force physique et morale.

 

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Ces remarques me semblent primordiales pour comprendre pourquoi on s’engage dans des trajets  longs et aléatoires dans les régions les plus hostiles de la planète. La journée il y fait chaud et la nuit il y fait fréquemment  moins dix, voire moins. Les destinations de tourisme de masse ne sont pas recherchées, mais au contraire une envie d’apprendre à se connaître face à la nature de notre planète, dans les régions où elle se montre la plus rude et particulièrement inhospitalière. C’est quoi être écologiste ? Vouloir remplacer l’énergie nucléaire par une autre source de production électrique pour assouvir son envie de confort, ou cette aspiration à vivre (momentanément) dans une forme de dénuement face aux rigueurs de notre planète ? Chacun sa définition. Mais j’en conviens l’avion que l’on utilise pour s’y rendre n’est pas très écologique !

Voilà mon état d’esprit lorsque je fais défiler les cartes d’Amérique du Sud sur l’écran de mon ordinateur dans la préparation de mon prochain périple, tout en écoutant des voies splendides de chanteuses canadiennes. Toujours derrière mon bureau, je ressens déjà la sensation de la fatigue dans les jambes, la poussière dans le nez soulevée par un vent brutal et rageur qui règne en maître dans ces régions de dix heures du matin jusqu’à la tombée de la nuit, l’attaque des rayons solaires de longues heures durant à plus de quatre mille mètres d’altitude, exposé aux ultra-violets.

Mon envie ne fait que se renforcer à ces pensées, je sais que je vais partir, malgré l’incompréhension de mes proches, qui se sentent abandonnés ne pouvant imaginer toute la puissance de l’envie de vivre qui m’anime et me submerge. Oui les risques, il y en a certainement, la mort par manque d’eau perdu dans la fournaise de sable, l’accident de la route, un vélo c’est vulnérable, une vie est aussi fragile qu’une coquille d’œuf qui se brise, rependant son contenu. La différence, l’œuf ne réfléchit pas, l’homme conscient de sa faiblesse reste aux aguets et avec un peu d’intuition, d’anticipation, de réflexion et d’humilité, de chance, voire de crainte et de peur peut triompher de sa vulnérabilité.

Pour tout amateur du voyage à vélo la traversée du Sud Lipez, désert de 400 kilomètres au cœur de l’Atacama, représente la consécration. Tous les récits de ceux qui se sont lancés dans l’aventure mettent en exergue une expérience hors du commun nécessitant un profond engagement physique et moral. Il faut y ajouter une patience à toute épreuve, du fait des longs passages trop raides ou trop instables obligeant à pousser le vélo dans le sable ou la cendre volcanique. Les conditions météorologiques participent aussi à la réputation de cet itinéraire, qui se situe entre 4000 et 5000 mètres d’altitude. Vent violent, chaleur la journée et grand froid la nuit sont des constantes de ce coin de désert particulièrement aride, le plus sec du monde. Se pose aussi la question du ravitaillement, tout spécialement en eau.

Avant de se lancer dans cette traversée qui dure au minimum une dizaine de jours, toutes ces questions viennent à l’esprit. Bien évidemment le doute naît. Sera-t-on à la hauteur de l’épreuve ? Avons-nous sérieusement préparé l’itinéraire et anticipé les embûches qui nous attendent ? Les provisions seront-elles suffisantes ? Le matériel de bivouac est-il assez performant pour protéger des grands froids ? La tente sera-t-elle assez résistante contre le vent violent ?

Mais voilà, justement ce sont toutes ces questions et ces incertitudes qui font surgir l’envie irrépressible de se confronter à cette immensité désertique. Cela explique pourquoi nous nous retrouvons Flora et moi, après un périple depuis Arica, sur l’île d’Incahuasi au milieu du salar d’Uyuni le plus vaste du monde, prêts à nous lancer dans l’aventure, qui va durer dix jours. En ce lieu extraordinaire où je situe le départ de cette traversée mythique, nous passons une nuit étonnante avec deux cyclistes, qui se trouvent aussi là par le hasard de la route. Le premier, Javier l’Espagnol qui vient justement de vivre cette expérience du Sud Lipez et qui en parle avec des trémolos d’effroi dans la voix. Le second, Hugues, l’Anglais passera d’abord par la ville d’Uyuni avant de tenter l’aventure.

 

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1er jour  Île d’Incahuasi à Colcha K 60 km

Au matin, nous nous séparons de nos nouveaux amis, bien conscients d’avoir vécu un grand moment de communication entre amoureux de sensations fortes à vélo. Pour nous l’aventure commence par 50 kilomètres à rouler dans l’un des cadres les plus insolites de la planète, la partie sud du salar d’Uyuni. On reste stupéfait au milieu de cette grande étendue blanche entourée de hautes montagnes. Le silence est seulement perturbé par le crissement de nos pneus sur le sel. La vue porte à plus de cent kilomètres. Nous avançons facilement, donc assez rapidement. Presque à regret nous voyons le point de sortie approcher. Nous savourons d’autant plus notre plaisir, que nous savons qu’il s’agit de la partie la plus facile de notre itinéraire. Comment retranscrire ce que nous éprouvons en écoutant nos pneus bruire sur le sel dans cet air immobile du matin, alors que dans quelques heures le vent sera déchaîné, et alors toute quiétude aura déserté ce lieu. C’est tout le corps qui entre en harmonie avec les vibrations des roues en mouvement. La surface est changeante, elle peut être très lisse, plus rugueuse, parsemée de petites aspérités pointues ou faite d’immenses hexagones jusqu’à perte de vue. Cette surface figée s’apparente à la surface d’une mer qui elle aussi au gré des conditions météorologiques prend toutes sortes d’aspects. Nous restons très attentifs, afin de graver au plus profond de notre mémoire toutes ces émotions et sensations qui montent en nous, car la féerie du salar s’interrompt dès qu’on en aborde les confins.

 

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La piste de sortie se dessine, tout d’abord comme un fin trait noir dans le lointain. Au fur et à mesure que nous nous en rapprochons ses vraies dimensions se révèlent. Il s’agit d’une large piste surélevée, qui s’étire sur trois kilomètres. En effet, les abords du salar sont mouvants entre sel et sable, qui se disputent la suprématie. Vouloir sortir hors de la piste aménagée contraindrait à des efforts surhumains à pousser son vélo dans des zones inconsistantes. Il est donc bien préférable d’utiliser ce chemin d’accès. Dès que nous l’abordons, nous retrouvons la consistance habituelle des routes de ces coins perdus de Bolivie. Afin de minimiser ses efforts, il est impératif d’avoir l’intuition du passage le moins mauvais à prendre entre sable, tôle ondulée et cailloux. On n’y parvient pas toujours malgré les déplacements de droite et gauche permanents, et l’on se retrouve à forcer comme une bête sur les pédales, cherchant à se dégager d’un banc de sable, ou alors on se retrouve piégé à être secoué fortement sur une succession de vaguelettes, qui se révèlent une véritable entrave à la progression. Parfois il nous faut même pousser nos montures. Mais malgré tout nous avançons. Nous rejoignons le village de Colcha K. Peu avant ce hameau nous doublons un couple de Suisses à vélo, mais de plus ils traînent leurs deux enfants de trois et cinq ans, le plus petit dans une carriole et la plus grande sur un petit vélo accroché derrière celui de sa mère. Tout à fait incroyable, ils sont en train de traverser l’Amérique du sud et comptent aller jusqu’à la Terre de Feu. Le village dans lequel nous entrons est tout en longueur, épousant la forme de la gorge qui l’abrite. Cette première tape a été assez facile en comparaison de ce qui nous attend, bien que nous ayons fait quelques tours et détours en limite de salar à la recherche de la piste la plus praticable.

 

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Il est quatorze heures et la chaleur devient pesante. Nous sommes heureux de trouver un logement. Cela nous évite de monter la tente dans la touffeur, le vent et la poussière. Ce village calme nous apparaît comme un havre de paix dans l’enfer de sécheresse et de chaleur de l’Atacama. Nous réalisons clairement que nous sommes à la veille d’un combat d’au moins une semaine pour tracer notre voie à travers ces immensités de sable de lave et de lagunes entourées de hauts volcans. Le moral est bon, Flora a un mental d’acier. C’est probablement son métier de professeur de sport et d’entraîneuse d’une équipe de handball qui permet cela. Je suis bien content de cela, car c’est un atout prépondérant lorsqu’on se lance dans un défi difficile d’être bien accompagné, par quelqu’un qui ne se pose pas de questions et qui fonce, et avec d’autant plus d’obstination que la difficulté est grande.

 

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Nous montons sur les hauteurs du village. Les immensités du salar d’Uyuni et du Sud Lipez nous saisissent par leur beauté, leur étrangeté et aussi par leur hostilité dans cette ambiance de vent et de poussière, pays rude aux contrastes forts dans des espaces vastes difficilement évaluables. Nous ne pouvons nous empêcher de penser que ce désert sans fin nous sommes venus pour le traverser à la force des mollets. Nos certitudes sont un peu ébranlées devant ce spectacle sauvage. Mais pourquoi douter, cette première étape s’est remarquablement bien passée, alors pourquoi pas le reste ? On se pose cependant la question de la solidité de notre constance devant l’adversité à venir. Laissant là nos doutes nous retournons sur la place d’armes du village dans un petit restaurant qui nous sert un superbe poulet accompagné d’une bonne ration de riz. Rien de tel que le ventre bien plein pour arrêter de gamberger. Sur la table d’à côté, alors que nous sommes en train de savourer notre plat, plusieurs personnes arrivent avec une grande carcasse de lama et se mettent à la découper à l’aide de grands couteaux. Nos mines étonnées les font franchement rigoler et c’est avec bonne humeur qu’ils se prêtent au jeu des photos. Mais ce n’est pas particulièrement appétissant pour nous, petits Occidentaux aux habitudes policées !  

 

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2ème  jour Colcha K à   Avaroa 90 km

Dès six heures du matin nous quittons Colcha K, après nous être préparé notre petit déjeuner dans notre chambre. L’air est calme, le froid intense, mais l’absence d’humidité le rend presque agréable. Il est très important de partir le plus tôt possible, dès le lever du jour, d’une part à cause de la chaleur qui devient intense dès treize heures et d’autre part à cause du vent qui dans l’après-midi forcit. Ces départs matinaux dans la fraîcheur et l’air immobile constituent un vrai plaisir et l’âme du voyage à vélo s’y niche en partie. Les muscles bien reposés se mettent en action, et avancer sur une piste défoncée semble presque facile. Nous rentrons vraiment dans l’esprit du défi au Sud Lipez. De nombreux facteurs renforcent notre motivation et exacerbent notre désir de nous confronter à la piste les jours à venir. Pour ne citer que les principaux, je dirais, la curiosité face à ce spectacle unique,  l’envie d’aller voir plus loin, tester nos limites, le goût de l’effort, relever le défi auquel on aspire et puis ce bien-être dans cet air immobile du matin que le soleil arrose durant quelques heures de rayons tempérés.

 

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Ces immensités à perte de vue, sable, sel,  rares  touffes d’herbe en pointe nous rappellent l’ampleur du challenge. Dans le lointain, à une cinquantaine de kilomètres, un volcan, il s’agit sans doute de celui au pied duquel se trouve le poste militaire de Chiguana. Notre chemin passe par là. Éventuellement nous envisageons, selon les conditions de demander l’hospitalité en ce lieu. Nous verrons bien  le moment venu. En effet, la piste est toujours pleine de surprises. On ne sait jamais si l’on va pousser ou rouler, si la moyenne sera de trois  ou douze kilomètres à l’heure. Les bancs de sable apparaissent, ils peuvent disparaître rapidement ou au contraire nous obliger à de longues heures à côté de nos vélos, comme englués dans une matière collante.

La piste court le long  d’un immense golfe du salar, en en suivant les contours. En effet, le salar d’Uyuni s’apparente exactement à une mer, seule différence il s’agit de sel et non d’eau. La qualité du sol n’est pas propice à nos roues. Il nous semble que si nous descendons directement sur le salar, nous devrions trouver une piste beaucoup plus favorable. Pour commencer, afin de le rejoindre il nous faut pousser sur un chemin de sable et même franchir des barbelés, sans doute un ancien enclos à lamas. Pourvu que nous ne soyons pas engagés dans une impasse et que nous devions revenir sur nos pas, après avoir dépensé beaucoup d’énergie et perdu des heures précieuses avant la chaleur, qui inexorablement monte. Nos espoirs sont exhaussés. Devant nous une zone plane, comme damée se dirige plein sud. Sur une dizaine de kilomètres nous progressons à bonne allure. Quelques kilomètres à l’ouest se trouve la piste beaucoup plus difficile sur laquelle nous voyons les volutes de poussière laissées par les rares véhicules qui circulent. Cet itinéraire se joue aussi sur des coups de chance. Pourquoi décider quelques kilomètres à droite ou à gauche ? La différence en temps et fatigue est conséquente. La trace que nous suivons se rapproche de la piste et la rejoint au point précis dont j’avais noté les coordonnées sur Google earth. Le GPS est vraiment un outil sécurisant dans ces immensités où tout se ressemble et se confond.

Le prochain village sur notre route se nomme San Juan de Rosario.   Nous partons plein ouest par une piste constellée de trous et de bosses. Après une quinzaine de kilomètres nous rejoignons San Juan. D’après nos informations nous devrions y trouver du ravitaillement. Effectivement, quelques épiceries proposent divers produits. Nous choisissons la plus grande et y entrons comme dans la caverne d’Ali Baba. Qu’allons-nous acheter et en quelles quantités ? Combien de jours allons-nous mettre pour traverser jusqu’à San Pedro de Atacama ? Nous ne sommes pas en mesure d’apporter des réponses bien précises à nos différentes interrogations. Nous partons du principe que deux kilos de riz et deux kilos de pâtes devraient nous fournir une bonne base. On complète avec de nombreux petits pains ronds, quelques boîtes de thon et paquets de gâteaux. Nous n’oublions pas de nous charger chacun de sept litres d’eau. Ainsi nous voilà parés pour plonger dans la grande aventure.

Nous quittons le village, la route la plus importante n’est pas la nôtre. Une grande plaine, qui ressemble fort à un salar, se déroule devant nous en direction de l’ouest vers la frontière chilienne. Il nous faut y aller. Comme toujours les zones en limite de salar sont très sableuses et difficiles à vélo.  Mais une fois sur le sel, le sol devient dur et la piste agréable. La progression se poursuit à un bon rythme. Notre moral est au beau, car pour le moment nous sommes en avance sur nos estimations. Mais n’oublions pas qu’il nous reste 300 kilomètres et de sacrés obstacles. Mais ne réfléchissons pas trop aux incertitudes futures. Contentons-nous de vivre notre route kilomètre par kilomètre et de nous attaquer aux difficultés immédiates quand elles se présentent.

Sur notre gauche en bordure sud du salar, la fameuse voie ferrée. Nous ne pouvons la voir du fait de la distance. Par contre nous discernons les immenses trains minéraliers qui traversent ces grands espaces. De baies en plaines nous venons buter sur la voie que nous traversons à proximité du poste militaire. Nous sommes satisfaits car nous avons depuis ce matin déjà effectué cinquante-six kilomètres, et il n’est que treize heures. La chaleur dans ce terrain de pierre devient intense et l’ombre est quasiment absente.  Une vieille gare désaffectée et délabrée nous offre sa protection à quelques centaines de mètres du poste militaire. Que le lieu est étrange. On se croirait dans une mise en scène du livre de Dino Buzzati « le désert des Tartares ».

Nous nous installons à l’ombre de l’avant-toit et mettons en action notre réchaud à gaz afin de préparer une bonne platée de riz. Alors que notre repas mijote, des bruits de moteurs de motos nous font regarder dans la direction d’où ils proviennent.  Effectivement cinq ou six motos de trial, suivies de deux véhicules 4X4 viennent vers nous.  Ils s’arrêtent aussi à la gare pour y déjeuner. Des deux véhicules sort tout un attirail, table, chaises, glacières, nourriture  et boisson à profusion. Ils s’installent à côté de nous à l’ombre.  Il s’agit d’un groupe de motards de Saint-Étienne qui effectue un trajet en boucle de quinze jours depuis la Paz. Nous allons passer un moment agréable en leur compagnie, et surtout ils vont nous proposer quelques aliments de choix, en particulier un magnifique morceau de viande de bœuf.  Flora décline l’offre, mais pour ma part je me rue et prends une large tranche que je déguste avec un immense plaisir.

 

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Vers quatorze heures les motards se remettent en route et disparaissent rapidement dans le lointain. Le vent s’est levé et il nous est défavorable. La chaleur est forte, mais sans hésiter nous enfourchons nos vélos avec l’intention de rejoindre le poste frontière bolivien d’Avaroa distant de trente-trois kilomètres. Nous espérons seulement que la piste sera suffisamment roulante pour nous permettre d’y arriver avant la nuit.  La première partie est effectivement facile, bien que le vent nous ralentisse et que parfois nous nous demandions si nous ne sommes pas en train de nous perdre dans l’un des recoins de cette immensité sans point de repère. Nous quittons le salar et sa piste aisée et tombons sur une route poussiéreuse de creux et de bosses, pleine de cailloux, avec pour nous aider un vent qui souffle en tempête et qui nous arrive en plein nez. Ces quinze kilomètres nous demandent trois heures d’efforts violents. Nous avons l’impression que jamais nous n’atteindrons notre but avant la nuit. De toute évidence le combat du Sud Lipez a bien commencé, et son hostilité légendaire nous apparaît dans toute sa réalité. Nous finissons par distinguer dans le lointain ce qui ressemble à des bâtiments. Très lentement ils grossissent et à la nuit quasiment tombée nous y sommes. Dans la tourmente de vent qui sévit nous nous imaginons difficilement monter la tente. Nous demandons l’hospitalité au douanier qui tient son poste. Il nous répond d’attendre. Une demi-heure plus tard il ferme la douane pour ce jour et  il nous propose la salle d’attente comme chambre à coucher. Nous n’en demandons pas plus, et nous installons à même le sol, trop contents d’être à l’abri. Nos couchages installés nous mettons en œuvre notre réchaud. Nous sommes de vrais nababs !

 

3ème  jour Avaroa à la Laguna Hedondia 60 km

Réveil cinq heures, il fait nuit. Nous préparons notre petit déjeuner dans notre poste de douane. Vers les six heures nous sommes prêts, cependant il nous faudrait plus d’eau pour la journée à venir. Nous demandons au douanier qui dort dans son bureau à côté. Comme hier il nous apporte un seau, ce qui nous permet de compléter notre stock d’eau. Nous sortons, et comme tous les matins l’air est immobile. Devant nous l’immensité minérale au-dessus de laquelle d’immenses volcans nous regardent de leurs six mille mètres. Tout est à une autre échelle qu’en Europe.

 

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Nous partons par une large piste utilisée par les camions qui ravitaillent certaines parties de la Bolivie à partir du Chili. Cette route qui porte le numéro 701 nous allons la suivre sur un peu moins de quarante kilomètres. Alors nous la quitterons pour les pistes sableuses. Il est tôt, très peu de circulation, nous apprécions, car chaque fois qu’un véhicule nous dépasse ou nous croise nous sommes pris dans un nuage de poussière qui met un certain temps à retomber. Depuis notre départ entre poussière et absence d’humidité nos cloisons nasales sont irritées et ce n’est pas très agréable. Notre route monte de six cents mètres et nous conduit à 4300 mètres. En prenant de la hauteur le panorama s’élargit. De nombreux volcans apparaissent. A nos pieds s’étale l’immense vallée salée que nous avons traversée hier. Je suis toujours surpris de réaliser qu’avec un vélo on est en mesure d’abattre de grandes distances. En effet, cette vallée que je regarde vers le bas disparaît à l’horizon vers l’est, entourée d’un foisonnement de cônes volcaniques. Nous sommes dominés par le volcan Ollagüe, du haut de ses 5869 mètres. Son cône est égueulé dans notre direction. Nous pouvons y voir toute une palette de couleurs, du blanc au rouge sombre, ce qui correspond aux différents minéraux qui ont été éjectés au cours des irruptions.

 

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Vers les huit heures le trafic se fait un peu plus intense, camions, quelques cars et les véhicules 4X4 des touristes qui traversent eux aussi le Sud Lipez nous en gratifient de quelques nuages de poussière. La traversée classique en véhicule s’effectue en deux jours. Pour notre part il nous faudra au moins dix jours.  Le voyage pour les uns en voiture et les autres à vélo ne sera pas le même. Ayant déjà parcouru cet itinéraire en voiture je peux juger des différences. En véhicule derrière la vitre on a plus l’impression d’assister à un documentaire assis devant son écran de télévision. À vélo, d’une part la lenteur introduit un facteur qui permet la contemplation, d’autre part l’absence d’habitacle qui vous protège vous amène tout naturellement à vous sentir partie intégrante de cette nature sauvage qui vous entoure. Ce contact long et étroit, une réelle intimité avec la planète, est une sensation forte qui est créée par le fait que vous vous mettez à la merci des éléments qui parfois ne sont pas très cléments. L’engagement et le risque donnent de la profondeur à l’aventure. Le petit doute que l’on a toujours concernant un échec possible est un moteur fort de motivation pour lutter contre les multiples difficultés qui se présentent. Sur un vélo on se ressent beaucoup plus comme acteur que dans un véhicule. Le corps, les muscles qui fonctionnent et qui durant des heures sans se rebiffer  vont emmènent sur les pires routes, cela vous apporte la certitude que vous êtes vivant. Le vélo est un immense amplificateur de sensations au cours d’un voyage.

 

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Tout à mes réflexions nous continuons à monter jusqu’à un col. Une courte descente et ne pas louper le démarrage de la piste qui à droite nous conduira au cœur du Sud Lipez. Voilà l’embranchement, pas de doute grâce au GPS, devant nous une plaine fermée quelques kilomètres au sud par un col. Notre itinéraire passe par là. Bien qu’elle commence à descendre cette piste ne nous permet pas de rester sur le vélo et nous poussons.  Nous allons le faire sur trois kilomètres, tout d’abord dans du sable en descendant, puis dans de gros cailloux en montée pour rejoindre le haut du col qui est à 4300 mètres. Ces premiers kilomètres donnent le ton de ce qui nous attend sur les 250 suivants. Ne nous laissons pas envahir par le doute et le pessimisme.  Raccrochons-nous à l’instant présent. Ce que nous voulons c’est arriver ce soir à l’hôtel de la laguna Hedondia. Il nous reste donc 21 kilomètres à parcourir. Il est quatorze heures et la faim nous tenaille. À l’abri d’un muret de pierres adossé à une paroi nous nous protégeons du vent et mettons en route notre réchaud. Nous sommes bien organisés, nous sentons que nous sommes en mesure de résister aux intempéries. Cela est rassurant et renforce notre motivation. Après une halte qui nous a fait du bien nous reprenons notre chemin vers notre but de la journée. Nous dépassons un premier petit salar, puis nous rejoignons la laguna Canapa. Elle est de belles dimensions et de nombreux flamants roses en ponctuent la surface. Nous longeons cette étendue salée, pris sous le charme du spectacle et secoués par les bourrasques de vent qui avec l’après-midi se renforcent. Par la suite il nous fait pousser nos vélos jusqu’au sommet de la prochaine bosse. De là une dizaine de kilomètres au sud nous distinguons la laguna Hedondia. Elle est d’une autre ampleur. Sur le bord est nous sommes trop loin pour distinguer l’hôtel. La piste se déroule devant nous. En réalité une multitude de traces, il nous faut choisir laquelle sera la moins mauvaise. Le choix se fait à l’intuition en fonction de la grosseur des cailloux, la couleur, l’aspect plus ou moins sableux. Essayer de lire à travers ces différents éléments la praticabilité de la piste n’est pas chose aisée, mais il faut choisir et rapidement car tous les cent mètres, voire moins, tout est en permanence à recommencer. On a vraiment l’impression que l’on grignote l’itinéraire mètre après mètre. La lagune grossit,  nous en rejoignons le bord. Une piste blanche la contourne au plus près. Cela est très bon signe, car nous allons rouler sur un sel dur et notre moyenne va bondir. Nous discernons maintenant le bâtiment de l’hôtel. Nous le rejoignons facilement malgré le vent terrible qui souffle en bourrasques. Qu’il fait bon se mettre à l’abri. Nous sommes presque seuls. Un groupe de trois femmes a aussi décidé d’y passer la nuit. De la baie vitrée de la salle de restaurant nous assistons à la venue de la nuit dans ce décor féerique aux teintes incroyables, se côtoient le vert d’une zone du lac, le bleu d’une autre, le blanc du sel, le rouge de la roche, le rose des flamants. Le tout évolue en permanence en fonction de la position du soleil qui change rapidement à cette heure crépusculaire.

 

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La nuit n’est pas très bonne, d’une part du fait de l’altitude 4150 mètres et d’autre part à cause de l’odeur forte provenant des WC chimiques et qui se répand dans la chambre. Ces effluves disparaitront en cours de nuit lorsque la température véritablement polaire aura tout congelé !

 

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4ème Jour Laguna Hedondia à l’hôtel del Desierto  31 km

Comme chaque matin l’air est totalement calme et la clarté du soleil sur ce monde minéral est d’une beauté qui nous étonne chaque fois autant.  Bien que le froid soit vif, l’absence d’humidité le rend très supportable. Ces départs matinaux sont un enchantement. Le vélo est vraiment un mode de voyage idéal pour se sentir partie intégrante de ces régions que nous traversons. Autant le pare-brise d’un véhicule constitue une vraie barrière entre vous et la nature, le vélo lui s’efface et vous laisse en contact direct avec la sauvagerie du lieu, toutes vos sens aux aguets. 

 

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Nous commençons notre journée facilement, le sol est solide et nous longeons la laguna Hedondia. Ensuite une côte nous conduit par un col à la lagune suivante, nommée Honda. Ces premiers kilomètres sont agréables, le Sud Lipez aurait-il usurpé sa terrible réputation ? Ne vendons pas la peau de l’ours prématurément ! Effectivement, la suite va nous prouver que non, la réputation du Sud Lipez n’est pas usurpée. En effet, l’état de la piste se dégrade, sable et lave pulvérulente  l’envahissent, et seront nos compagnons au cours des huit heures qui viennent. Nous ne pourrons pas enfourcher nos montures, et nous nous engageons dans une longue séance de poussage de huit heures.

Tout d’abord une longue et large plaine à peu près plate  nous donne le ton de la journée. Une fois que nous l’avons traversée en poussant, nous marquons une pause vers treize heures à l’abri d’un rocher pour nous restaurer. Puis nous reprenons notre progression en direction d’une gorge. Nous espérons que le changement de topographie va entraîner une modification de la structure du sol. Il n’en est rien. Le seul changement provient que du plat nous passons à une pente raide, demandant d’autant plus d’efforts. Par endroits de grosses pierres nécessitent des détours sur cette piste défoncée et instable.

 

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Un motard nous rattrape. Nous discutons un bon moment. Il se dénomme Julien, est français. Il voyage depuis deux ans et demi avec sa Yamaha. Il a déjà traversé plusieurs continents, l’Europe, l’Asie, l’Australie et l’Afrique.  Ces rencontres improbables au milieu de nulle part sont toujours des moments privilégiés de communication On apprend toujours auprès d’êtres passionnés qui sont hors norme. Mais le temps court et il nous faut repartir et nous laissons Julien, qui termine son pique-nique. Lorsqu’il a terminé il nous double rapidement et nous dit au passage : « vous avez une drôle de manière de faire du vélo, d’habitude on est dessus ! »

 

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Nous continuons à monter, le vent devient très violent, la piste disparaît quasiment dans des champs de lave. Nous sommes le long d’un long plan incliné dont on ne voit pas la fin. Mon GPS indique 4700 mètres et ça monte toujours. Cela fait déjà au moins cinq heures que nous poussons dans ce terrain  inconsistant. Parfois nous devons soulever la roue avant qui s’enfonce profondément et qui se met en travers. On pourrait se décourager, mais voilà nous n’avons pas d’alternative. En effet, il n’est pas concevable de s’arrêter à un endroit aussi hostile, alors on pousse, on pousse à deux à l’heure mais on avance. Cependant engagés dans une telle entreprise, l’esprit tendu vers la réalisation de notre traversée, nous mobilisons toutes nos ressources physiques et mentales pour persévérer. Dans ces conditions je comprends bien Saint-Exupéry lorsqu’il dit que seule la démarche compte et non le but.

Un véhicule 4X4 s’arrête à notre hauteur. Nous lui demandons des indications pour rejoindre l’hôtel del Desierto. Le chauffeur nous les donne  et nous dit qu’il viendra voir où nous en serons à la tombée de la nuit. Dans une situation difficile, il est toujours réconfortant de savoir que l’on peut compter sur une aide.  Nous repartons. Flora caracole en avant, ouvrant la voie tel un bulldozer. La côte prend fin, devant nous une longue descente s’amorce.  Nous pensons que notre calvaire va prendre fin. Il n’en est rien, impossible de monter sur nos vélos, nos roues restent enfoncées dans un sable profond et inconsistant, mélangé à une poussière à la consistance et couleur du talc. Il nous faut donc continuer, alors que la descente est raide, à marcher arcboutés sur nos guidons à traîner nos lourds équipages sur plusieurs kilomètres. Cette étape semble ne jamais finir, alors que le jour décline. Enfin une indication, l’hôtel n’est plus très loin. À ce moment le 4x4 revient et nous demande si nous avons besoin d’aide. Nous lui répondons que non, mais le remercions. Encore deux petits kilomètres et nous serons arrivés. De plus comme par miracle la piste devient dure et c’est en pédalant que nous terminons cette étape qui se révélera la plus difficile de notre traversée. En effet, en douze heures d’efforts soutenus nous avons parcouru uniquement trente et un kilomètres. Je n’ose calculer la moyenne.

L’hôtel est un véritable havre de paix après cette journée en plein air. Au cours du repas nous entendrons de la part de personnes qui nous ont dépassés en véhicule une remarque du style : « il faut être un peu inconscient pour venir à vélo dans des coins pareils ». Je ne pense pas qu’ils aient raison. S’ils pouvaient imaginer ce que cela procure comme sensations de lutter contre l’adversité. D’autant que jamais nous nous sommes sentis dépassés et que s’il l’avait fallu nous aurions été en mesure de bivouaquer. En effet, notre tente nous la montons en une ou deux minutes maximum et lorsque nous sommes à l’intérieur nous y sommes très bien. La perception que l’on a des éléments n’est pas du tout la même lorsqu’on descend de son véhicule chauffé et lorsqu’on y est exposé depuis déjà de longues semaines. Dans ce second cas, le corps s’est aguerri et endurci. On a l’impression de retrouver les qualités de résistance et d’adaptation de nos ancêtres, qui vivaient dans des conditions beaucoup plus rudes que les nôtres. Cela procure un immense bonheur  pour le corps et l’esprit. Le vélo au long court de par la durée de l’effort est un sport unique. Une grande ascension difficile s’étire sur quelques jours voire un peu plus pour certains sommets de l’Himalaya, alors que le vélo vous permet de vous engager dans des coins reculés de la planète et d’affronter les éléments durant un périple de plusieurs mois. Ce qui doit s’apparenter le plus au vélo en termes de préparation à la durée, ce sont les grandes traversées en voilier. Mais je ne m’aventurerais pas trop sur le sujet, car la voile est un domaine que j’ignore, bien que des navigateurs m’aient déjà fait l’immense plaisir de m’emmener sur l’Atlantique par gros temps.

 

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5ème Jour  hôtel del Desierto à Arbol de Piedra  31 km

Nous démarrons ce matin d’un point surélevé et nous voyons à nos pieds la grande vallée qui constitue la première partie de notre étape du jour. La couleur nous inquiète, en effet elle révèle la présence de résidus de lave, ce qui constitue un terrible ennemi pour le cycliste. Les premiers kilomètres nous surprennent par leur facilité. Mais cela ne dure pas. Nous retombons sur les sols que nous avons eus hier. Durant une dizaine de kilomètres et trois longues heures nous allons pousser une fois de plus nos vélos. Dans ces moments, alors que l’on n’a aucune idée de ce que nous réserve la suite, on essaie de ne pas penser qu’il nous reste encore deux cents kilomètres à parcourir entre  grands volcans et larges lagunes.

 

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Nous arrivons là où la multitude de traces converge en une piste unique, qui semble beaucoup plus  consistante que le champ de lave que nous venons de traverser. Effectivement, enfin nous remontons sur nos vélos et reprenons des vitesses de l’ordre de huit à l’heure, ce que nous trouvons très bien. Nous sommes dans un cadre gigantesque. Tout autour de nous, aux limites lointaines de la plaine de lave, de grands volcans se découpent sur le ciel. Être au beau milieu de ce désert, alors que nous sommes venus par nos propres moyens physiques, nous semble presque irréel. Le voyage extrême à vélo ou considéré comme tel, fait naître des sensations et des sentiments, qui font oublier les difficultés et les incertitudes. Plus que jamais nous ressentons que sans adversité il n’y a pas de réel accomplissement. La difficulté est l’un des ingrédients indispensables pour une bonne alchimie du voyage.

Nous arrivons à Arbol de Piedra, gros rocher qui monte en s’évasant, sculpture naturelle, façonnée par le vent, universellement connue. Elle représente l’une des stars de cette traversée du sud Lipez. Le nombre de photographies qu’elle a généré doit être gigantesque. Il n’est pas tard, vers les quatorze heures, nous installons notre tente à l’abri d’une petite falaise, afin que le vent ne nous secoue pas trop. Il ne nous reste plus qu’à attendre tranquillement la venue de la nuit en regardant défiler les 4X4 qui s’arrêtent à proximité et dont les passagers s’empressent de fixer sur la pellicule la multiplicité des roches aux formes étranges qui fleurissent tout autour. Nous discutons avec quelques personnes étonnées de voir des vélos ici. Nous, nous sommes  étonnés par le nombre de personnes parlant français. On en profite pour demander un peu d’eau que l’on nous donne de bon cœur.  Par moments j’ai l’impression de ressembler à un singe quémandant quelques cacahuètes. Je plaiderais ma cause en disant que les conditions particulières justifient le comportement.

 

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Au soir, tous les véhicules ont déserté le lieu, et nous nous retrouvons seuls dans ce gigantesque décor d’altitude balayé par un vent furieux. La nuit s’installe et les étoiles envahissent la voûte céleste. La tente est large et confortable, ce qui est promesse de nuit douillette. Dans un cadre aussi fantastique le vent, le froid et la fatigue sont malheureusement  des freins insurmontables à la contemplation des astres dans ce ciel d’une pureté absolue. Alors que pouvoir observer le ciel dans ces conditions exceptionnelles de pureté de l’air sans aucune pollution lumineuse constitue un privilège rare, nous restons affalés dans nos sacs de couchage, trop contents de rester bien au chaud sans bouger.

 

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6ème Jour Arbol de Piedra à la laguna Colorada 18 km

La nuit a été très froide mais dans nos duvets nous avons bien résisté. Au matin cependant la partie inférieure de mon matelas est couverte d’une couche de glace. Nous attendons bien sagement que les premiers rayons du soleil atteignent le tissu de la tente pour mettre le nez dehors. Effectivement, dès que la chaleur arrive la température monte à une vitesse incroyable. Alors nous sortons et préparons notre petit déjeuner dans un décor grandiose. La ronde des 4X4 reprend. Tout naturellement les gens voyant que nous sommes à vélo et que nous avons dormi sur place viennent nous parler. Je suis encore une fois surpris de voir le pourcentage de Français. Les chauffeurs boliviens nous rassurent sur l’état de la piste. Nous partons donc confiants. Mais rapidement nous constatons que les critères pour un véhicule tout terrain ne sont pas les mêmes que ceux pour un vélo ! La piste est horrible, ça ne roule pratiquement pas.  Heureusement notre étape de la journée est courte. Nous roulons tellement peu, que nous nous écartons de la piste à la recherche d’un terrain stable. Mais nous ne le trouvons pas, c’est même pire ! La piste a cette couleur grise, qui nous indique que nous n’avons d’autre alternative que de pousser le vélo. On ne sait jamais si cela va durer cinq cents mètres ou dix kilomètres. On m’a toujours dit que le Sud Lipez nécessitait une grande qualité, la patience. On ne peut pas dire que je suis patient, loin de là. Mais je me suis bien imprégné  du conseil. Je me dis que ma journée est consacrée exclusivement à atteindre le but fixé, et que j’arrive à treize heures ou dix-huit heures cela n’a pas d’importance. L’esprit du lieu me pénètre, la distance le temps et la fatigue disparaissent de mon esprit. Plus de stress, je pousse en contemplant le décor gigantesque et d’une incroyable beauté qui nous entoure en ne cherchant pas à regarder en permanence ma montre. Les yeux ne cherchent plus le compteur kilométrique à guetter avec impatience les centaines de mètres qui défilent, voire seulement les dizaines. Pour ma part je ne peux plus  avoir les yeux rivés sur le compteur, car je me le suis fait voler il y a une dizaine de jours à la frontière bolivo-chilienne à Tombo Quemado. Mais j’aurais pu le remplacer par le GPS, qui a aussi cette fonction. Eh bien non ! Il est bien sur mon guidon, mais il reste éteint. Ça fait un bien fou, mais c’est un peu hypocrite car j’ai un topo qui donne précisément les distances. J’ai lu un livre d’un accompagnateur montagne, qui a fait une traversée en solitaire des Pyrénées, en fin d’automne, en passant par nombre de sommets. Il a décidé de ne prendre aucun appareil de mesure, boussole, altimètre, podomètre, montre. Le soleil et  sa carte étaient ces seuls éléments de repères. J’aimerais bien être capable de l’imiter. Effectivement,  je me sers du GPS pour me diriger vers un point lorsque j’ai un doute, mais suivre une trace je trouve que cela nuit à l’esprit du voyage. J’ai un ami lorsqu’il fait des balades en montagne, il ne regarde pas le spectacle de la nature, mais reste les yeux rivés sur son écran pour coller au plus près du parcours. Je trouve cela aberrant, mais ce n’est que mon sentiment, et chacun fait bien comme il veut. Cependant, au cours de mes voyages à pied ou à vélo, souvent j’ai fait de très belles découvertes alors que je m’étais perdu. Donc il est important de pouvoir se perdre. Mais je reconnais que dans l’Atacama, ça fait peur de ne plus savoir où l’on se situe !

 

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La laguna Colorada apparaît, elle semble loin, d’autant plus loin que nous poussons en descente pour la rejoindre. Mais nous en prenons l’habitude, et nous nous étonnons même de parcourir de telles distances à pied doucement mais inéluctablement. Il faut dire que Flora garde une constance  d’humeur et une forme physique indestructible, il n’y a plus qu’à essayer de l’imiter ! La piste perd sa teinte grise et devient meilleure. Une fois sur le bord nous arrivons rapidement au point de contrôle à l’entrée du parc. Nous payons la taxe et partons à la recherche d’un logement. Nous le trouvons facilement. Il n’est pas tard, 11h30.  Nous en profitons pour faire un peu de lessive, comptant sur le soleil de l’après-midi pour sécher nos affaires. Nous voyons arriver deux cyclistes qui traversent dans le même sens que nous. Le premier Ron est américain, le second Daniel, allemand. Ils sont lancés dans la descente de l’Amérique du sud, et roulent ensemble depuis Cusco.

Nos provisions diminuent lentement, car nous avons jusqu’à présent trouvé le gîte et le couvert assez fréquemment.  Après avoir englouti notre gamelle de riz, nous partons admirer la lagune Colorada à partir du point haut situé au nord. La vue est époustouflante sur un monde étrange, où les couleurs de l’eau sont surprenantes, le rouge domine rehaussé par des touches de vert. Le nombre de flamants roses est important, ils se regroupent en colonies nombreuses. À l’arrière-plan un immense  volcan à la forme pyramidale parfaite domine cette vaste lagune. Nous avons du mal à quitter ce spectacle grandiose, malgré le vent qui souffle en rafales rageuses.

 

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7ème Jour laguna Colorada à Sol de Manana  37 km

Comme tous les matins avec Flora dès le lever du jour nous sommes sur nos montures. Nos deux camarades Ron et Daniel, désirant comme nous aller bivouaquer à proximité des geysers ont décidé de partir plus tard. Les seize premiers kilomètres le long de la lagune sont particulièrement mauvais. Cailloux et sable sont présents en permanence et il nous faut jongler d’un côté à l’autre de la route pour espérer rester sur nos vélos. Nous n’y arrivons pas toujours et il nous faut encre pousser. Un pick-up s’arrête et nous propose de nous prendre. Je suis sur le point de céder, Flora s’y refuse. Voilà comment grâce à elle je traverserai le Sud Lipez sans aucune aide extérieure, un grand merci à Flora ! J’ai failli craquer car j’ai eu peur de la longueur de l’étape de 37 kilomètres, alors que les jours derniers nous avons effectué des étapes de l’ordre de la vingtaine de kilomètres seulement.

 

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Enfin nous arrivons au bout de la lagune et la route d’après nos informations s’améliore. Effectivement le sable et les cailloux disparaissent. Va-t-on pouvoir rouler ? Nous commençons par manger, puis nous remettons en route. Le revêtement est incontestablement meilleur, mais la pente est terrible. Nous voilà donc repartis dans une longue séance de marche dans une côte qui va nous conduire pratiquement à 5000 mètres d’altitude. En trois heures à côté de nos vélos nous progressons de 12 kilomètres et montons de 700 mètres. Quelques 4X4 et camions nous doublent. Ces derniers comme souvent en Amérique du sud contrairement aux bus sont toujours prudents lorsqu’ils nous dépassent et nous gratifient de grands bonjours par signes de la main ou par coups de klaxon.

 

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Nous arrivons à l’altitude de 4700 mètres et manifestement nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous marquons l’arrêt en un endroit où le point de vue sur tout ce que nous venons de parcourir depuis ce matin, nous démontre que bien que nous ayons passé pas mal de temps à pousser, nous avons fait un sacré bout de chemin, presque trente kilomètres. Après avoir grignoté quelques petits gâteaux nous repartons en roulant. Après un « super-poussage » c’est très bon pour le moral. Nous arpentons un vaste plateau, au bout duquel nous savons qu’il va falloir monter jusque vers 5000 mètres. Ron nous rattrape. Il a un bon coup de pédales. Avec Flora ils me laissent vite en arrière. Je les vois s’engager dans la dernière côte, Flora pousse, Ron non. Il faut dire que Flora a un petit plateau d’au moins trente dents, alors que Ron comme moi en possède un de 22 dents, ce qui permet de monter aux arbres. Le vent commence à souffler avec force et il nous est contraire. Je suis un peu perdu, je vois mes deux compagnons partir dans une côte  raide. Je fais un point GPS, je suis à plus de 4900 mètres. Ils sont en train de passer les 5000 mètres. Un 4X4 s’arrête à leur hauteur et leur indique le chemin de Sol de Manana. Je commence à sentir sérieusement la fatigue. Flora redescend à pied et vient me pousser pour passer le dernier petit raidillon qui conduit à un carrefour, d’où démarre la piste pour notre but du soir. En trois kilomètres en légère descente nous rejoignons cette cuvette extraordinaire, au milieu de laquelle des quantités de fumerolles se dégagent.

Il nous faut nous préparer au bivouac à 4850 mètres, dans ce site que l’on nous a dit glacial. Pour le moment le froid n’est pas très violent, il y a encore du soleil. Mais quand il va disparaître il faut s’attendre à une chute brutale et de grande amplitude de la température. Des points de bivouac nous n’en voyons pas vraiment. Il y a une ruine, avec Flora nous installons notre tente à proximité de l’un de ses murs, bien qu’il n’abrite pas vraiment du vent. En effet,  ce dernier est si violent qu’il crée sur l’obstacle des turbulences rageuses, qui nous secouent sérieusement. La tente est vite montée et dès que nous sommes à l’intérieur c’est le calme. Je suis vraiment content de mon choix, j’avais hésité entre plusieurs modèles.

 

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Daniel nous a rejoints. Nos deux amis cherchent un emplacement pour monter chacun sa tente. Ce n’est pas facile. Nous les aidons à construire un mur protecteur. Après ces trente-sept kilomètres difficiles effectués en 8 ou 9 heures, porter des gros cailloux à cette altitude dans les rafales de vent est assez éprouvant. Nous réussissons à ériger un joli ouvrage qui les protégera. Nous allons voir les geysers. Un dernier 4X4 se prépare à partir. J’en profite pour demander des renseignements pour la suite au chauffeur. Comme toujours c’est très gentiment qu’il me renseigne. Puis nous regagnons chacun nos tentes, car les conditions de température deviennent  sévères. On va même allumer notre réchaud à l’intérieur en mettant une couverture de survie en protection.

 

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8ème Jour Sol de Manana à la Laguna Chalviri  21 km

La nuit n’est pas très bonne, non qu’il fasse froid, mais le manque d’air m’handicape. J’essaie de lire un peu, mais nous passons Flora et moi une partie de la nuit à discuter. Je ne me souviens pas quels étaient les sujets, mais cela nous a aidé à passer le temps. Mais rien que de se trouver dans ce coin extraordinaire, malgré les difficultés à respirer j’éprouve un immense plaisir. Nous finissons par sombrer dans le sommeil bien après minuit.

Comme tous les matins l’air est immobile, les jets des geysers ne sont pas perturbés par le vent et montent très haut en grands panaches blancs qui se découpent sur le ciel bleu profond. Se réveiller avec le bruissement des gaz et émerger de la tente devant ce spectacle est tout simplement merveilleux. Dire que j’étais venu en ce lieu en véhicule il y a quatre ans. Je n’en garde pas cette impression féerique, qui me subjugue aujourd’hui. J’invite tout le monde à sauter sur un vélo et venir  bivouaquer ici et vivre cette aventure du Sud Lipez !

Dès que le soleil nous touche nous sortons et étalons nos affaires de bivouac et préparons notre petit déjeuner. Nos camarades ont moins de chance que nous, ils sont toujours à l’ombre et la différence de température est conséquente. Nous ne nous lassons pas de regarder ces grands jets qui pointent dans le ciel. Ce matin nous ne nous pressons pas, l’étape sera courte et en descente, et effectivement les différents chauffeurs boliviens nous l’ont annoncée « todo abajo ». Mais on se méfie quand même, même si d’après leurs dires ce sera très court. On table tout de même sur quatre heures. En partant vers huit heures on compte arriver à midi.

 

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Il nous faut rejoindre la piste principale qui passe quelques kilomètres plus bas. Les indications de la veille sont claires et rapidement nous sommes dans la descente qui doit nous conduire à la laguna Chalviri.  Effectivement, nous la distinguons nettement quelques centaines de mètres plus bas. La piste n’est pas très bonne mais nous pouvons rester sur le vélo, donc tout va bien. Encore et comme toujours le spectacle est magnifique. On ne se lasse pas de pédaler dans ce décor d’exception. Nous rejoignons le bord de la lagune et après quelques kilomètres les bâtiments des refuges font leur apparition au détour d’un mouvement de terrain. Nous trouvons de quoi nous loger et on nous propose aussi les repas. Nous n’en demandions pas tant, mais nous nous empressons d’accepter.

Nous déchargeons rapidement nos vélos et mettons nos sacoches dans notre chambre et partons nous baigner  en plein air dans une eau merveilleusement chaude provenant de l’activité volcanique. Cela procure un bien-être prodigieux ! Cette séance de thalasso nous a ouvert l’appétit,  nous rentrons et nous installons devant une belle assiette bien préparée. Le Sud Lipez c’est presque le paradis !

Ron et Daniel arrivent. Ron décide de ne pas s’arrêter, il compte rejoindre le refuge de la laguna Blanca. Cela fait encore beaucoup de kilomètres, une quarantaine et la chaleur commence à être forte. Daniel plus sagement reste avec nous. Nous passons l’après-midi à contempler cette magnifique lagune. Le temps est couvert, la pluie semble menacer. L’eau prend des teintes sombres sous les nuages noirs. Au cours de notre traversée nous aurons passé beaucoup de temps au bord des lagunes. Les étapes que nous avons effectuées nous ont permis bien souvent d’assister à la venue de la nuit sur ces surfaces liquides, et nous n’avons pas vu le temps s’écouler pris sous le charme de cette nature magnifique. J’imagine que les personnes qui traversent en 4X4 se disent que mettre dix jours pour faire ce trajet que l’on parcourt en 48 heures en véhicule, doit rapidement engendrer de l’ennui voire de l’impatience. Eh bien non ! L’esprit du lieu nous a pénétrés et la lenteur a été source de bonheur. Ne pas se soumettre aux  rythmes effrénés, qui nous Occidentaux nous réduisent en esclavage, toujours à la recherche de la rentabilité maximale, vite voir beaucoup de choses en peu de temps, eh bien casser ce cycle infernal du chronomètre donne accès à un autre mode de vie, qui procure beaucoup de jouissance et qui permet de vraiment s’imprégner de lieux aussi fantastiques que ceux que nous traversons. La planète reprend ses dimensions pour la plus grande joie de ceux qui ont décidé d’aller lentement.

 

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Nous sentons que l’expérience du Sud Lipez à vélo touche à sa fin. Demain nous effectuerons l’avant-dernière étape. L’ultime, ne comportant plus que 10 kilomètres de piste, ne sera que le point final de cette aventure. Presque à regret nous voyons arriver le terme de cette fantastique chevauchée, et nous n’éprouvons pratiquement aucune fatigue et la lassitude ne la piste ne s’est pas non plus installée. Cela fait déjà une vingtaine de jours que nous sommes partis d’Arica à la frontière nord du Pérou au bord de l’océan Pacifique et le plaisir de pédaler est toujours plus fort. Comme dit mon ami Jean, nous sommes en pleine vélo thérapie et les effets sont extraordinaires sur le corps et l’esprit. En me faisant ces réflexions je regarde la nuit venir sur ces immenses montagnes, qui prennent des teintes sombres évoluant vers le noir, quant à  la surface de la lagune elle prend une couleur argentée ou peut-être plomb fondu.

 

9ème Jour Laguna Chalviri  au refuge de la laguna Blanca  46 km

Comme presque tous les matins, départ six heures, c’est une bonne habitude que nous garderons jusqu’à Santiago. Effectivement, rouler dès le lever du jour permet d’effectuer des étapes dans de bonnes conditions de chaleur et d’arriver tôt, généralement en tout début d’après-midi. Entre six et neuf heures du matin, ce sont les meilleures heures pour rouler, et cela pas uniquement dans le Sud Lipez. Ici ce moment est privilégié car pas un souffle d’air ne perturbe la quiétude matinale.

Première partie de notre étape, le désert de Dali, étendue d’une vingtaine de kilomètres qui se termine par une belle côte qui culmine à 4726 mètres. Nous avons une bonne surprise, la piste sans être excellente est tout à fait « roulable » et nous n’avons pas à chercher désespérément et en permanence l’endroit de la chaussée où nous aurons une chance de rester sur le vélo. Le spectacle est une fois de plus grandiose. Des roches aux teintes étonnantes nous accompagnent  tout au long de ce désert. Il porte ce nom, en référence au grand peintre, dont certains tableaux rappellent le spectacle qui se déroule sous nos yeux dans ce monde minéral. La montée est effectivement sévère. Une fois au sommet, nous basculons en direction d’une autre lagune, plus formée de sel que d’eau. Nous sommes surpris à chaque détour ou mouvement de terrain par les couleurs qui se superposent, un sable rouge foncé qui tranche sur le blanc du sel, le tout se fondant dans le vert pâle de l’arrière-plan. Le Sud Lipez aura décidé de nous émerveiller jusqu’à son dernier kilomètre. Après cette lagune au nom oublié, le  volcan Licancabur, du haut de ses 5916 mètres, s’impose sur un décor magnifique. À son pied deux magnifiques lagunes s’étirent, le Blanca et la Verde. Cette dernière ne se découvre pas immédiatement.

 

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Nous longeons dans un premier temps la Blanca en direction du Licancabur. Le vent se met sérieusement de la partie. À l’abri d’une ruine en bon état nous faisons une halte pour midi. Bien protégés du vent nous mettons en action notre réchaud. Cette heure d’arrêt après trente kilomètres est très appréciée. Nous repartons face à un vent violent en direction de la laguna Verde, que l’on ne voit pas encore. Au détour d’un mouvement de terrain, elle nous saute littéralement à la figure ! Véritable bijou à la couleur vert émeraude, tapi au pied même de cet immense volcan à la forme géométrique parfaite. Malgré les très fortes rafales de vent nous restons au moins une demi-heure devant cette extraordinaire beauté de la nature. Nous sommes seuls. Nous essayons d’imaginer la voie d’ascension de ce cône qui nous domine. Puis nous enfourchons nos vélos et nous dirigeons vers la rive ouest de la laguna Blanca qui nous conduira onze kilomètres plus loin au terme de notre étape du jour, au refuge situé sur sa rive sud. Minuscules dans le lointain on discerne quelques bâtiments. Le vent cette fois va nous accompagner et c’est un plaisir immense de longer ce plan d’eau salée poussés puissamment par Éole. On pourrait penser que nous avons des vélos électriques. C’est presque sans difficulté que nous  avons effectué les 46 kilomètres de l’étape du jour. Le Sud Lipez c’est la surprise permanente. Un jour on parcourt difficilement trente kilomètres voire moins, et le suivant on pourrait faire le double. Au refuge nous retrouvons Daniel.   Nous ne sommes pas très nombreux, un groupe de Français en partance pour la traversée en véhicule en direction d’Uyuni y séjourne.

 

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10ème Jour laguna Blanca à San Pedro de Atacama  53 km

Je suis toujours étonné de la différence de sensation quant au poids du vélo avec ses bagages lorsqu’on le pousse ou lorsqu’on pédale. En effet le matin avant de se mettre à pédaler il faut sortir le vélo de l’endroit où on l’a rangé pour la nuit. Bien évidemment ces manipulations se font en poussant le vélo. À ces moments on le trouve effroyablement lourd et l’on se dit que jamais on va arriver à pédaler. Et puis le miracle s’accomplit, une fois les premiers mètres parcourus, les pédales tournent presque toutes seules.

 

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Ce matin nous sommes bien conscients que l’aventure du Sud Lipez va prendre fin. Au lever du jour sans empressement nous partons. Nous roulons lentement en cherchant à nous imprégner toujours plus de ce décor minéral, dont on ne se lasse pas. Les cyclistes qui ont effectué un tour du monde, disent presque tous que le temps fort de leur périple consistait justement dans cette traversée que nous sommes en train de terminer. Nous ne voulons pas terminer. Nous pensions que ces derniers kilomètres de piste nous les ferions comme une délivrance, heureux de quitter un enfer. Eh bien non ! Notre enfer nous aimerions qu’il dure encore et c’est à regret que nous voyons arriver le poste frontière, qui marque la fin  de l’aventure. Les douaniers boliviens sont particulièrement sympathiques. Ils ne nous font pas payer les 15 ou 20 bolivianos que nous avions conservés dans ce but. Ils se proposent même de nous prendre en photo tous les trois, car aujourd’hui encore nous roulons avec Daniel. Après avoir crié à leur intention, ce qui les fait rire, « Viva Bolivia » nous pénétrons au Chili. La piste se prolonge encore sur quelques kilomètres, au long desquels de nombreuses vigognes pas farouches du tout viennent nous donner un ultime salut du Sud Lipez. Un carrefour, le goudron est là. Nous sommes un peu tristes, un dernier regard en arrière sur ces dix jours qui nous laisseront des souvenirs merveilleux toute notre vie,  et nous nous lançons dans une gigantesque descente vers San Pedro de Atacama en faisant attention de ne pas nous laisser entraîner au-dessus de 80 kilomètres/heure, car les patins de frein risqueraient de chauffer plus que de raison.

 

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Ce que nous ne savons pas encore c’est que dans deux jours, notre prochaine étape, de San Pedro de Atacama à Salta en Argentine par le Paso Sico sur 500 kilomètres,  va nous réserver une aventure au moins aussi intense et plus sauvage que celle que nous venons de vivre. Mais c’est une autre histoire !

18/09/2013

Randonnée au refuge de Leschaux

                  Une nuit au refuge de Leschaux

La France encore la France, paradis sur terre,  certains diraient que cela serait d’autant plus vrai sans les Français, qui passent leur temps à râler. Bon certes, mais ce n’est pas des Français que je veux vous parler, mais de ma dernière randonnée dans cet endroit mythique qu’est la mer de  Glace  à Chamonix. On a toujours une certaine appréhension, de peur de la foule,  à aller dans cette ville de montagne qui passe pour la plus réputée du monde avec ses voies d’alpinisme fabuleuses dans les Drus, les Grandes Jorasses et le long de bien d’autres sommets. Eh bien en ce week-end du 6 septembre 2013, il n’y a pas  grand monde, bien au contraire. Cela est sans  doute dû à la conjonction de plusieurs facteurs : crise, période hors vacances et météorologie pour le moins incertaine.

Nous sommes cinq, Emmanuelle, Kinga, Didier, Robert et Luc. Nous nous donnons rendez-vous au gîte le Chamoniard volant, lieu agréable, situé à proximité du train à crémaillère du Montenvers. Je viens toujours avec beaucoup d’émotion dans cette ville qui a été  et qui reste au cœur du développement de l’alpinisme au cours de son évolution. Le petit train en une demi-heure nous dépose à la station du Montenvers. Cela fait 6 ou 7 ans que je n’y suis pas venu. Le temps ce matin est acceptable, mais la pluie est prévue dans l’après-midi. Il ne nous faut donc pas chômer pour atteindre le refuge avant la dégradation.

 

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Bien que nous voulions partir rapidement, le spectacle de la mer de Glace à nos pieds et de tous ces pics acérés  qui nous écrasent, nous cloue un bon moment, le regard perdu dans ce monde minéral. Au-dessus de nous de l’autre côté de la mer de Glace, la plus étonnante des aiguilles, les Drus, se perd dans les nuages qui commencent imperceptiblement à se former. On a du mal à prendre la mesure de la dimension de cette face qui nous domine. Je pose la question à deux des cinq personnes de notre groupe. L’une me répond 250 mètres et la seconde 400. La réponse est un kilomètre. Cette erreur de perception révèle tout le gigantisme du décor. Cette vision me replonge de nombreuses années en arrière, en 1985 si ma mémoire est bonne. J’étais parti grimper la fameuse voie « directe américaine ». J’en garde un souvenir très présent. J’ai l’impression que cela remonte à quelques jours ou au plus quelques mois, tellement les images de cette fabuleuse face et les sensations ressenties dans ce mur titanesque sont restées gravées dans mon corps et ma mémoire.

La mer de Glace  est une attraction mondialement connue et courue. Lorsque je débarque du train, je suis frappé par la manière dont ce fleuve de glace s'enfonce de plus en plus dans ses moraines de cailloux, à cause d’une fonte qui a tendance à s’accélérer. Un glaciologue rencontré sur place nous explique que le niveau de glace diminue de deux mètres par an, et que l’épaisseur n’est plus que de 125 mètres. Pas besoin d’être un grand mathématicien pour arriver à la terrible conclusion, que dans une soixantaine d’années la mer de Glace ne sera plus qu’un souvenir appartenant à l’histoire de l’alpinisme.

Nous devons nous extirper au spectacle féerique et aux pensées qui nous assaillent, afin de nous mettre en route. Tout d’abord, un large chemin nous permet de descendre de quelques dizaines de mètres de dénivelé.  Nous passons devant un panneau indiquant la présence de la glace à ce niveau en 1820. Effarant, de cet endroit nous contemplons les amples courbes du glacier au moins 250 mètres plus bas ! Le sentier se termine au sommet de la première de la longue série d’échelles qui donnent accès au glacier. Nous nous encordons bien que la descente ne présente aucun caractère de difficulté. Cependant il est toujours impressionnant de se retrouver, comme de minuscules fourmis accroché à des barreaux métalliques, le long d’immenses dalles polies au cours des millénaires par l’écoulement du glacier. La dernière échelle permet de prendre pied sur  un cône de pierres croulantes posées sur une énorme pyramide de glace d’une centaine de mètres de hauteur.

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Rapidement nous descendons, en suivant des traces dans cet empilement de pierres morainiques et nous atteignons le glacier. La marche commence par un court raidillon, permettant  d’atteindre le milieu de la mer de Glace et son immensité presque plate. Au début la progression se fait pratiquement sur un tapis de pierres recouvrant la glace. Puis progressivement cette dernière se fait de plus en plus présente et la couche de cailloux cède du terrain, pour finalement se réduire à un saupoudrage marquant la glace de points noirs de tous calibres. Bien que la pente soit faible, pour le confort de la progression les crampons sont les bienvenus. Les pointes de métal  s’enfoncent avec un bruit mat dans la glace tendre et permettent de garder un bon équilibre sur cette matière redoutablement glissante. La surface du glacier est parcourue de nombreuses rigoles le long desquelles l’eau s’écoule, preuve évidente de la fonte. Elles se rejoignent pour constituer de véritables rivières, qui creusent d’autant plus la glace, que leur débit est important. Elles s’enfoncent dans de profonds canyons, qui se révèlent des obstacles dangereux à franchir. Effectivement, malheur à celui ou celle qui y tombe, car le courant et la surface de glace ne laissent aucune chance de pouvoir se rétablir. Ces cours d’eau convergent vers d’immenses gouffres, souvent circulaires, appelés moulins qui s’enfoncent sous la surface du glacier. Cependant de loin en loin, des points faibles de ces gorges permettent un franchissant relativement aisé. En dernier recours il est toujours possible de s’encorder si l’on ne se sent pas capable d’un grand saut ou d’un déplacement sur une pente de glace raide.

 

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Nous arrivons au confluent de la mer de Glace et du glacier de Leschaux. Nous devons le remonter. La jonction de ces deux fleuves génère des frictions et des pressions titanesques. Elles créent un chaos incroyable de glace et de rochers, dans lequel il n’est pas évident de trouver le cheminement le plus aisé. L’expression traditionnelle « chercher une aiguille dans une botte de foin » s’applique bien à notre situation. Où peut bien se situer le meilleur chemin ?

Instinctivement nous rejoignons la moraine rive droite et nous remontons péniblement après avoir enlevé les crampons d’immenses pierriers aux énormes blocs. La progression nécessite de sauter de l’un à l’autre sans perdre l’équilibre, ce qui occasionnerait une mauvaise chute, avec dans le meilleur des cas quelques égratignures et dans le pire une bonne entorse ou un poignet cassé. Nous finissons par reprendre pied sur la glace et nous apercevons le refuge, but de notre randonnée,  à deux kilomètres accroché au milieu d’une paroi rocheuse. Là-bas aussi l’épaisseur de glace  a fortement diminué   et une série d’échelles sur plus de cent mètres de dénivelé a été mise en place au fur et à mesure de la fonte, afin que le refuge reste accessible sans recourir à la pratique de l’alpinisme.

 

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Plus nous avançons, plus le gigantisme de la face nord des Grandes Jorasses se révèle. Hélas, elle disparaît en partie dans la masse nuageuse qui se fait de plus en plus menaçante. Par contre nous distinguons dans sa globalité la face ouest des Petites Jorasses, magnifique dalle au rocher excellent qui s’élance d’un jet sur 800 mètres de hauteur. Dans sa moitié supérieure elle est recouverte d’une fine couche de neige. Il ne doit pas faire bon en ce moment  de se trouver engagé dans cette escalade très réputée.

Encore une dernière rivière sur la glace  traversée sans difficulté et nous abordons la moraine qui donne accès aux échelles au pied du refuge. Sur le bord de ces glaciers, les changements sont si rapides d’année en année, du fait de la fonte de la glace, qu’il n’existe pas de trace. Il faut se déplacer par bonds successifs dans un amoncellement  de blocs instables, afin de rejoindre une pente de terre boueuse, dans laquelle les chaussures font de belles encoches. Nous atteignons une grosse corde, permettant de passer une partie verticale et croulante, et  qui donne accès aux échelles. Nous les remontons sur une centaine de mètres. Ensuite un chemin aérien nous conduit en quelques centaines de mètres au pied du refuge, défendu par une dernière échelle.

Nous sommes accueillis par la gardienne, qui nous souhaite tout sourire la bienvenue. Nous arrivons juste au moment où la pluie se met de la partie. Dans le fond du glacier de Leschaux nous distinguons le départ de la fameuse voie du Linceul, seul le début de cette très raide pente de glace est visible. Le reste de la voie reste noyé dans un épais manteau nuageux. Ce refuge a été le point de départ pour de nombreux alpinistes qui se sont attaqués aux différentes escalades de cette face nord des Grandes Jorasses, l’une des plus célèbres au monde. Dans cette paroi la voie reine, et non la plus dure est l’éperon de la Walker, dont la première ascension a été réalisée par Cassin, alpiniste italien très réputé. Cet exploit s’est déroulé en 1935. Depuis les alpinistes du monde entier viennent se mesurer aux 1200 mètres de protogine de cette face nord, qui peut par mauvais temps se montrer plus que redoutable,  même pour les meilleurs.

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La soirée sera agréable, nous sommes sept, c'est-à-dire seulement deux personnes en plus de notre groupe de cinq. Cette année n’a pas été très propice à la fréquentation de ce refuge du bout du monde. En effet, les conditions météorologiques défavorables n’ont pas permis que les conditions d’escalade soient bonnes, et les prétendants ne se sont pas bousculés. La fameuse Walker n’a été parcourue que deux fois, la première par trois aspirants guides et la seconde par quatre Coréens, qui ont mis le siège durant quatre jours dans cette paroi austère et enneigée.

Être gardienne d’un tel refuge est un vrai sacerdoce. Dans la saison, qui va se finir dans quelques jours elle aura vu à peine trois cents passages en quelques trois mois. Certaines périodes, durant une longue semaine elle s’est retrouvée isolée, pour seule présence la verticalité minérale. Les seuls êtres humains qu’elle distinguait, à peine gros comme des fourmis, dans le bas du glacier de Leschaux, se dirigeaient vers  le Couvercle, nettement plus fréquenté. Ce métier dans un petit refuge, celui-ci ayant 19 places s’apparente presque à un retrait volontaire de la vie en communauté. La contemplation de ces parois sombres durant trois mois vous marque très certainement.

Je me souviens d’un jeune alpiniste rencontré en ce lieu il y a bientôt trente ans. Il a traversé la vie comme une météorite, en en suivant la trajectoire, ce qui l’a conduit à aller se fracasser après une chute. Ce soir-là, nous étions sur la terrasse du refuge, il était déjà tard. Nous distinguons une personne au bas du glacier qui se déplace à vive allure. Il s’agissait de notre jeune alpiniste. Il ne lui fallut pas longtemps pour atteindre le refuge. Il posa son sac et nous avons engagé la conversation. Il était parti vers les 15 heures du Fayet à vélo. Arrivé à la gare du train du Montenvers, il loupa de justesse la dernière rame. Il ne se découragea pas et partit  à pied. Le voilà donc parmi nous. Il nous raconta une multitude de récits au sujet de ses escalades extrêmes dans des conditions ahurissantes. Vers 11 heures nous avons pris congé car nous nous levions à 2 heures du matin pour aller à la face ouest des Petites Jorasses. Lui nous dit simplement : je pars pour le Linceul. Sans plus attendre après cette pose sur la terrasse du refuge il se mit en route. Lorsque nous nous sommes levés, dans la nuit profonde nous avons distingué très nettement sa lampe frontale accrochée au tiers inférieur de cette redoutable pente de glace, parcourue pour la première fois par René Desmaison, une dizaine d’années auparavant.

Tous les grands alpinistes sont venus se confronter aux Grandes Jorasses, et ceux qui ont relaté par écrit leurs exploits, ont parlé de ce refuge. Parmi ceux-ci je n’en citerai que trois parmi les plus célèbres, qui m’ont fait rêver depuis mon plus jeune âge, Lionel Terray, Gaston Rebuffat et Louis Lachenal. Ce dernier,  vainqueur du premier 8000 grimpé par un homme, l’Annapurna, était considéré par beaucoup de ses pairs, comme l’alpiniste le plus doué de sa génération. Il s’est tué bêtement en tombant dans une crevasse de la vallée blanche, lors d’une descente à ski. Son livre « les carnets du vertige » est une ode héroïque à l’alpinisme extrême, qui m’a fait vibrer à chaque ligne, tellement il a su exprimer sa passion et son génie de montagnard.

Les conditions météorologiques ne sont pas bonnes. Il nous faut nous préparer demain à un retour sous la pluie.  Nous essayerons de suivre un cheminement plus aisé, en restant plus sur les glaciers, qu’il s’agisse de celui de Leschaux puis de la mer de Glace. En effet, à la montée à plusieurs reprises nous avons progressé sur d’immenses moraines, entassement d’énormes blocs, rendant la marche lente et pénible. La gardienne nous montre l’itinéraire le plus pratique, en particulier le passage le moins évident, la jonction des deux glaciers.

Après une bonne nuit, report du lever, car une pluie continue martèle le toit métallique de notre abri. Mais la gardienne à 6heures 30, nous informe qu’une amélioration temporaire est annoncée jusqu’à midi, puis à nouveau des pluies fortes sont attendues. Il n’en faut pas plus pour nous décider à un départ rapide malgré les gouttes qui jouent du tambour sur la tôle. Petit-déjeuner vite pris, dans une atmosphère lugubre et sous la pluie nous entamons la première partie, la plus raide de notre itinéraire vers le Montenvers. Les échelles sous la pluie ne sont pas trop glissantes et de plus l’accalmie attendue se présente une fois sur la moraine.

 

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Donc nous entamons la descente du premier glacier dans de bonnes conditions. Nous atteignons le point de jonction, on peut dire de friction des deux glaciers. En effet, lorsqu’ils se rencontrent, la rive droite de la mer de Glace et la rive  gauche du glacier de Leschaux génèrent des pressions titanesques, qui lèvent en deux vagues successives d’immenses chaos de pierres instables, qu’il faut franchir un peu à l’intuition. Dans cette zone de conflit entre ces deux géants de glace, le terrain est totalement bouleversé. Nous nous déplaçons dans un   enchevêtrement incroyable de glace et de gigantesques rochers, un véritable labyrinthe.

 

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Cependant la gardienne nous avait donné une indication précise : viser une grosse pierre posée sur la seconde ondulation morainique. Mais des grosses pierres il n’y a que cela ! Cependant une grosse pierre carrée semble plus caractéristique que les autres et c’est sur elle que nous nous dirigeons. Effectivement une fois que nous y sommes arrivés, devant nous un cheminement assez évident nous permet de rejoindre la mer de Glace, qui n’est plus qu’un flot plat et tranquille de glace.

 

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Devant nous la station du Montenvers se dessine. Nous visualisons bien l’ampleur de la décrue de la glace. Il est difficile d’imaginer ce lieu sans son glacier. Mais le phénomène risque de s’accélérer. En effet, plus il y a de pierres sur la surface de glace et plus la chaleur du soleil est emmagasinée, au lieu d’être réfléchie. Donc cette chaleur au sein même de la glace en précipite la fonte. À ce rythme, le plus connu des glaciers risque à court terme de ressembler au glacier Noir au pied des Ecrins. En effet, il se dénomme ainsi, car en été ce n’est plus qu’un immense fleuve de cailloux sous lesquels la glace se cache et n’est pratiquement plus visible.

 Le soleil fait de belles apparitions parmi les nuages, nous gratifiant de magnifiques éclairages. La glace prend des teintes métalliques, qui donnent au lieu un air étrange d’autre planète. La montagne on peut la fréquenter depuis sa plus tendre enfance, elle ne cesse de vous surprendre et de vous apporter de grands bonheurs. Emmanuelle nous demande à Robert et à moi ce qui nous attire tant dans l’escalade de ces parois rébarbatives qui nous entourent. La réponse est simple et évidente : la joie d’enfant que nous avons éprouvée il y a cinquante ans lorsque nous avons caressé pour la première fois un calcaire ou un granite. Malgré le temps que nous pratiquons, l'habitude et la lassitude ne se sont jamais installées.  Cette émotion, qui nous a submergés la première fois,  est intacte. Elle n’a subi aucune érosion ou altération, et c’est tout surpris et pétris de bonheur que nous continuons à nous accrocher à ces aspérités de la Terre, même si la souplesse commence à nous abandonner!

 

Un dernier regard vers cette extraordinaire aiguille des Drus. Elle est entièrement parcourue de grandes zones grises, qui attestent de l’importance des éboulements qui l’affectent, une autre matérialisation du réchauffement planétaire. Dernièrement le fameux pilier Bonatti, escalade relatée comme un véritable exploit  effectué pour la première fois et en solitaire en 1955 durant 6 jours  par ce géant de la montagne qu’étati Walter Bonatti, a disparu. Est-ce un signe de la montagne ou du destin ? Ce gigantesque effondrement, faisant disparaître les traces de l’une des plus prodigieuses prouesses de l’alpinisme, a été concomitant avec la mort de son auteur survenue le 11 septembre 2011. Vous pouvez revivre cette grande aventure d’un homme seul face à un mur d’un kilomètre de haut, considéré comme infranchissable grâce au lien suivant :  http://www.dailymotion.com/video/x7e664_walter-bonatti-au-pilier-des-drus-c_sport

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Nous quittons la mer de Glace afin de rejoindre les échelles. Nous éprouvons quelques difficultés à trouver le passage le plus facile dans ce bouleversement minéral. Sans visibilité cela doit s’avérer franchement scabreux, heureusement ce n’est pas le cas. Nous voilà de retour à la station. Nous avons devancé la pluie qui cet après-midi sera particulièrement abondante. Après avoir fort bien déjeuné à l’hôtel-restaurant du Montenvers, bâtisse à la salle de restaurant  magnifique, qui nous replonge à l’époque du début du XX siècle, nous entamons la descente par le train à crémaillère sous la pluie. Un superbe week-end  s’achève. Il nous laissera à tous les cinq un merveilleux souvenir de ces montagnes, qui toujours par les émotions qu’elles suscitent nous remplissent de bonheur. 

16/07/2013

Escalade dans la vallée de Névache

                                                  

 

Cette merveilleuse vallée de Névache, située un peu au nord de Briançon, pas très loin de la frontière italienne, est réputée pour ses grandes balades et ses lacs. Par contre l’escalade n’attire pas des foules de grimpeurs. Nous avons décidé de nous rendre dans cette région de façon fortuite, chassés par le mauvais temps qui sévissait plus au sud dans l’Ubaye. Les prévisions y laissaient plus d’espoir aux adeptes de varappe que nous sommes. Effectivement le choix fut le bon. Même si certains jours les retours se firent sous la pluie, nous avons réussi durant cinq jours de belles escalades sur différentes parois de ce coin de paradis.

Le dimanche après-midi nous rejoignons en une courte montée le refuge du Chardonnet, jolie petite bâtisse au milieu d’une prairie à 2200 mètres d’altitude. Le début de la marche d’approche s’effectue le long de la Clarée, torrent de montagne à l’eau cristalline, qui dévale à vive allure, présentant une surface frangée d’écume, mais n’enlevant rien à la transparence de son onde.

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En juillet dans cette vallée réputée, nous avions un peu peur de trouver le lieu bondé, il n’en est rien, nous ne sommes pas très nombreux au refuge. Nous aurons même droit à une chambre pour deux, le rêve. Ces dernières années, j’ai constaté que la fréquentation des refuges de montagne n’était pas très importante. Faut-il y voir une désaffection, due à la crise ou aux conditions climatiques qui évoluent ? A moins que je sois particulièrement chanceux et que le hasard me guide aux endroits ou conjoncturellement l’affluence n’est pas présente ?

Cette vallée de Névache je la connais assez bien, pour l’avoir parcourue à pied et à ski, y avoir foulé son point culminant le Mont Thabor, au demeurant une immense « bavasse » dans un magnifique décor minéral. Mais l’escalade je ne me doutais pas qu’elle présentait un tel intérêt sur une belle qualité de montagnes, avec un grand choix de parois jusqu’à trois cents mètres de haut. La roche est majoritairement calcaire, bien que certaines parties soient formées de gneiss. Nous n’aurons pas l’occasion de grimper sur ce type de rocher, notre sélection de  voies  nous cantonnera uniquement au calcaire.  

Lundi 8 juillet Crête du Diable : voie L’enfer du décor 300 m TD+

Notre première destination sera la crête du Diable et le nom de la voie bien de circonstance « l’enfer du décor ». Du refuge nous prenons un vallon qui s’enfonce entre des faces de trois cents mètres et plus de hauteur. La plus esthétique est la crête du Raisin. Notre voie d’escalade se trouve de l’autre côté de ce vallon minéral et exceptionnellement enneigé pour un début juillet. L’ambiance est austère, il fait frais, de plus nous sommes en face ouest donc ne comptons pas sur le soleil avant midi. Les accès au pied de ces parois sont toujours pénibles, du fait des pierriers raides et croulants qu’il faut remonter. De plus ces endroits étant peu fréquentés, les traces y sont quasiment  inexistantes, d’où difficultés accrues sur des pierres qui roulent sous le pied.

 

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Après une courte halte au pied du rocher, le temps de s’équiper et de se sustenter quelque peu, nous attaquons la première partie de notre ascension. Elle consiste en de grandes dalles sur une centaine de mètres, où le rocher n’est pas excellent mais cependant convenable, la difficulté est assez sérieuse 5c et 6a.  Nous arrivons dans une zone de très mauvais rocher, heureusement pas très raide, donnant accès à la partie supérieure de notre itinéraire,  de toute beauté le long d’un calcaire compact. Mais d’abord il nous faut franchir cette portion très instable. J’effleure une grosse pierre, qui se met immédiatement en mouvement. Dans un premier temps elle me frôle en m’entaillant le bas de la jambe droite sur une vingtaine de centimètres, ce dont je ne me rends pas compte tout de suite. Puis elle continue son chemin, juste derrière moi Robert. Je vois cet énorme caillou, une cinquantaine de kilos lui tomber sur le bras. Je m’attends au pire. Après quelques secondes de stupeur, il s’avère qu’il a de nombreuses entailles superficielles sur l’avant-bras gauche, mais rien de cassé ou écrasé. En définitive plus de peur que de mal. Nos capacités physiques ne sont pas altérées.

 

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Que faire d’autre à part continuer ? Justement rien, donc en avant pour le sommet. Après 150 mètres d’une escalade de grande qualité, nous atteignons la croix sommitale de la crête du Diable, qui culmine aux environs des 2800 mètres.

 

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Le temps est clément, bien que quelques nuages commencent à s’amonceler en arrière-plan. Bien installés tous les trois sur cette cime nous avons tout loisir de contempler cette magnifique région. Il est surprenant de se trouver dans des coins des Alpes françaises, très réputés en été, et de ne voir personne. Ce sera le cas tout au long de ces cinq journées d’escalade. Après une demi-heure, Il est temps de redescendre. Par une série de rappels nous rejoignons un couloir qui en une centaine de mètres nous ramène au pied de la paroi. Cette dernière partie, dans laquelle alternent  neige raide et rocher très inconsistant nécessite beaucoup d’attention en chaussons d’escalade, car nous ne pouvons nous assurer. Nous reprenons le chemin du refuge, que nous atteignons sous la pluie.

 

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Mardi 8 juillet crête du Queyrellin voie la Grolle  200 m TD

Ce matin les conditions météorologiques ne sont pas très encourageantes, cependant la pluie ne devrait pas venir avant le début d’après-midi. Il ne faut pas hésiter, nous prenons le chemin du Queyrellin. La marche d’approche n’est pas très longue. Tout d’abord le sentier nous conduit auprès d’un magnifique petit lac, où à la descente nous pourrons observer un saumon de fontaine.

 

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Après un agréable cheminement à travers prairie, un pierrier beaucoup plus désagréable nous donne accès au pied de la paroi. Aujourd’hui encore nous sommes seuls et nous effectuons une jolie escalade difficile dans un cadre sauvage.

 

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La redescente en trois rappels dans une gorge sévère, enserrée entre des parois rendues d’autant plus sombre que le temps se dégrade, est un moment impressionnant. Ces exercices de descente de paroi raide en rappel sont des moments où il faut garder toute sa concentration, car l’accident dû à une fausse manœuvre est vite arrivé. Aujourd’hui encore nous terminons dans une pente de neige abrupte, heureusement nous pouvons nous y assurer. La redescente en direction du refuge est magnifique, bien qu’effectuée en partie sous la pluie. L’eau est présente tout au long de ce parcours, d’abord de petits lacs, puis une rivière, plutôt un torrent, tout en courbes qui court entre de grosses pierres.

 

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Mercredi 9 juillet crête du Queyrellin :  voie Nulle Part Ailleurs 150 m TD

Aujourd’hui les prévisions météo ne sont pas très bonnes. Nous décidons de retourner à la crête du Queyrellin, mais cette fois sur une partie de cette montagne plus proche du refuge. En effet cela nous permet d’être au pied de l’itinéraire envisagé en moins d’une heure. Il s’agit d’une magnifique escalade constituée d’un rocher d’une qualité exceptionnelle, comparable à ce que l’on trouve dans les gorges du Verdon. Effectivement sur 150 mètres nous allons le long de dalles raides quasi verticales, très adhérentes prendre un plaisir fou à nous déplacer.  Vers le haut une extraordinaire traversée sur un rocher aux teintes jaunes, dues à la présence de minuscules lichens (qui je le précise ne nuisent en aucune manière à l’adhérence des pieds), représente la quintessence de l’esthétique en escalade.

 

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Un retour rapide en trois rappels, nous permet de prendre la pluie de vitesse. Sur proposition de Christophe nous entreprenons de grimper une belle dalle de cinquante mètres de difficulté soutenue, 6a et 6b. Immense plaisir encore une fois, on se demande parfois comment on arrive à tenir en équilibre sur pratiquement rien pour les pieds et les mains dans des passages proches de la verticale !

 

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Un dernier rappel et nous nous retrouvons au pied des crêtes du Queyrellin, la pluie devenant de plus en plus menaçante. Il ne nous reste plus qu’à rejoindre le refuge, avant de quitter ce coin de paradis où nous venons de passer 3 jours merveilleux, d’une part pour les escalades de toute beauté et très sauvages que nous avons effectuées, mais aussi du fait de l’accueil dans ce refuge où la nourriture est du niveau d’un très bon restaurant, sans parler de la carte des vins et d’un rhum exceptionnel, si ma mémoire ne me trahit pas, qui provient du Venezuela et qui porte le joli nom plein de promesses : Diplomatico! On aurait dit un vieil armagnac, rond, suave et de grande longueur qui vous explose en bouche et exhale par le nez les plus merveilleux des arômes ! J’arrête là, car ce compte-rendu n’a pas vocation à dévoiler mes penchants naturels de bon Lyonnais !

Nous retrouvons donc la Clarée et son eau d’une clarté presque surnaturelle,  ainsi que notre voiture et partons à la recherche d’un logement que nous trouvons à Plampinet dans un gîte très sympathique. Maison historique qui au cours des siècles passés, fin du XIX et moitié du XX siècle était une caserne. Aux murs de vieux documents rappellent ces temps anciens, qui font la fierté bien justifiée de la propriétaire du lieu.

 

Jeudi 10 juillet Vallée Etroite contreforts du Pic Gaspard 180 mètres TD

Une fois encore les prévisions météo assez pessimistes nous incitent à rester relativement bas en altitude. Raison pour laquelle nous optons pour la Vallée Etroite, d’altitude modérée et permettant des marches d’approche très courtes. Autant d’atouts à prendre en compte, lorsqu’on risque de se lancer dans une course chronométrée contre la pluie. En effet, je connais peu de situations plus désagréables, que de devoir s’échapper d’une paroi difficile sous la pluie voire les éclairs, car les risques d’orages ne sont pas négligeables.

Afin de rejoindre la Vallée Etroite nous passons par le col de l’Echelle et découvrons cette vallée bordée d’immenses faces, en particulier la Paroi des Militaires, à-pic de plus de trois cents mètres qui démarre à même la route. Nous sommes au pied de notre voie d’escalade en un quart d’heure, un torrent à l’eau opalescente nous a accompagnés, le long duquel quelques pêcheurs s’activent, apparemment sans trop de résultats. L’escalade s’avère immédiatement particulièrement difficile, en surplomb sans aucune prise de pied et de main franche. Heureusement Christophe va laisser pendre dans les endroits les plus scabreux, 6c, des sangles que Robert et moi allons utiliser en nous hissant à pleines mains dans ces passages en dévers particulièrement dépourvus de prises. Il fait chaud et les efforts intenses sont pénibles. Dans la vallée à nos pieds les clarines des vaches nous apportent une petite touche de sérénité, alors que nous forçons tant et plus sur cette paroi, peut-être un peu au-dessus de la force que nous sommes capables de déployer dans nos doigts, suspendus dans des passages en dévers alors que les prises de pieds brillent par leur parcimonie ! Pour les presque papys que nous sommes, dans notre soixantième année (ouille) les passages vraiment sportifs au-delà de la verticale sans prises franches ou directes commencent sérieusement à nous poser des problèmes, d’autant plus que nous ne sommes pas des stakhanovistes de l’entraînement ! Mais bien que dépassés, l’effort extrême que nous fournissons pour nous hisser à la force des bras, les mains verrouillées sur les sangles mises en place par notre premier de cordée, nous procure un plaisir prodigieux. Lorsqu’après ces quelques passages extrêmes l’escalade redescend d’un bon niveau, 6a ou 5c, nous avons de la difficulté à nous saisir des prises de mains, tellement nos muscles de doigts ont été tétanisés. Mais heureusement avec les prises de mains les prises de pieds réapparaissent, alors la technique du positionnement de pied, bien acquise depuis de longues années, en particulier à Fontainebleau, permet de solliciter au minimum les doigts qui n’en peuvent plus. Encore une belle paroi effectuée dans laquelle nous aurons été seuls.

 

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Vers midi nous sommes de retour à la voiture. Contrairement aux prévisions le temps est magnifique. Christophe nous propose de monter au lac Vert qui se situe à trois quarts d’heure de marche. La montée le long du torrent au milieu des fleurs est particulièrement agréable. Au détour d’un dernier petit raidillon le lac se dévoile. Il est de toute beauté, d’une couleur verte émeraude, d’une limpidité totale. Nous en distinguons très précisément tous les détails du fond, en particulier un grand nombre de troncs d’arbres, immergés reposant horizontalement, semblant comme fossilisés.

 

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Nous distinguons une truite de belle taille, approximativement cinquante centimètres. Deux pêcheurs âgés d’une vingtaine d’années apparaissent avec l’intention de tenter leur chance dans ce paradis aquatique. Je les regarde avec des pensées quelque peu narquoises, car pour moi toutes les conditions sont réunies pour que les truites, généralement très méfiantes ne mordent pas. L’heure, la transparence de l’eau,  la présence de personnes qui font du bruit, le fait de les voir, donc elles nous voient aussi, et généralement c’est rédhibitoire. Eh bien en une demi-heure, toutes mes certitudes en matière de pêche à la truite vont s’effondrer, même plus se fracasser, à l’aune d’une réalité que je ne soupçonnais pas, car ils vont devant nos yeux incrédules sortir six belles truites farios, la plus petite faisant dans les quarante centimètres. Une semaine plus tard je n’en reviens toujours pas, moi qui me prenais pour un bon pêcheur, cette saison j’en suis à quarante et une, mais dans ma rivière la Moselotte dans les Vosges. Ces pêcheurs sont ardéchois et ils pratiquent le « no kill », c'est-à-dire qu’ils remettent les poissons à l’eau après les avoir délicatement décrochés. C’est aussi mon cas, sur les quarante et une prises je n’en ai gardé que sept. Mais je ne le dis pas toujours aux membres de ma famille, qui me reprocheraient de ne pas leur en donner quelques unes de plus !

 

Vendredi 11 juillet crête de la Moutouze : voie le bal des Vampires 250 m TD

Après une seconde nuit dans notre gîte de Plampinet, nous repartons dans le fond de la vallée de Névache, nous confronter à une magnifique arête. De plus, enfin les prévisions météorologiques sont favorables. Nous laissons notre véhicule tout au bout de la route ouverte à la circulation et partons en direction de cette crête qui se situe à proximité du lac des Béraudes. Cette marche d’approche au milieu des fleurs et des arbres est un enchantement. Au détour d’un mouvement nous surprenons un chevreuil de belle taille, qui rapidement nous détecte et disparaît comme une fusée. Un peu plus loin  un chamois, il ne nous a pas vus, nous le surplombons d’une cinquantaine de mètres. Tout à loisir nous l’observons brouter avidement une belle herbe bien drue. L’intérêt  de la montagne ne réside pas uniquement dans le plaisir de s’arracher les doigts sur des prises minuscules, qui font mal, mais aussi il se cache dans ces moments de hasard où l’on peut un peu à la manière d’un voyeur surprendre les habitants du lieu, le cœur battant en se demandant combien de temps vont-ils mettre à détecter notre présence ? Un peu plus loin deux bébés marmottes se roulent devant leur trou. Mais là-bas en arrière-plan notre arête commence à envahir tout l’espace, et l’appel se fait de plus en plus pressant.

 

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Nous quittons la forêt puis la prairie et abordons un pierrier raide dans lequel une légère trace nous facilite un peu la progression, et nous voilà au pied de notre cinquième et dernière escalade de cette semaine annuelle et rituelle. Deux cent cinquante mètres d’un rocher de grande qualité, permettant une escalade de toute beauté. La première moitié est proche de la verticale et nous demande de beaux efforts à nous tirer sur de toutes petites prises, bien souvent indirectes, donc demandant une succession de mouvements en opposition. Mais l’adhérence des chaussons d’escalade est maximale, et de cet équilibre subtil entre force et adhérence naît la joie la plus totale dans l’effort physique.

 

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En trois heures nous atteignons le sommet de cette crête de Moutouze. Perchés tout au sommet, sans crainte de l’orage nous nous délectons du panorama, qui nous dévoile cette magnifique vallée de Névache dans sa totalité.  A certains moments on voudrait que le temps s’arrête et l’éternité nous envahisse. Mais il faut penser à redescendre. En sept rappels, qui nous procurent de fortes montées d’adrénaline, car à plusieurs reprises nos cordes se bloquent. Mais le doigté tout en souplesse de Christophe nous sauvera  de rester prisonniers en pleine paroi.  Après de longues minutes  à tirer les cordes dans un sens, puis dans un autre, à essayer de leur donner un mouvement, dans l’espoir de les voir coulisser, enfin elles viennent, on se sent libéré d’une énorme pression.

Voilà cinq jours dont le souvenir nous habitera encore longtemps, pour ne pas dire toujours. Il ne nous reste plus qu’à nous donner rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle semaine de plaisir, accrochés dans de belles parois bien raides.

01/07/2013

Pyrénées à vélo par mauvais temps fin mai 2013

 

 

Ce premier semestre 2013 restera dans les annales pour ses conditions météorologiques particulièrement exécrables. L’année dernière,  nous avions effectué une jolie randonnée à travers les Pyrénées par bon nombre de cols mythiques comme le Tourmalet, Marie Blanque, Aspin et bien d’autres depuis l’Atlantique jusqu’à Montréjeau par un trajet concocté par Jean de l’ordre de 450 kilomètres en 6 jours.  Nous avions programmé de terminer en 2013 notre périple en rejoignant  la Méditerranée depuis cette dernière ville. A six il n’est pas toujours facile de trouver une date qui convienne à tous. Alors quand le mauvais temps s’en mêle, cela devient la quadrature du cercle. Mais outre l’envie de parcourir cette deuxième partie d’une traversée des Pyrénées, nous voulons vraiment passer une petite semaine ensemble, car nous avons beaucoup de choses à nous raconter sur nos différents voyages effectués, chacun de son côté en ce début d’année. Les prévisions sont catastrophiques, eh bien tant pis, nous partirons quand même ! 

Nous nous retrouvons tous le dimanche 26 mai au gîte « le Pigeon Voyageur » à quelques deux kilomètres de la gare. Nous arrivons pour deux d’entre nous de Lyon, Evelyne et Luc, un autre du pays basque André, un autre du Béarn Michel, un cinquième de Cannes un deuxième Michel, et pour finir notre gentil concepteur du trajet Jean, qui arrive de l’île de Gomera aux Canaries. Mais il est venu du Portugal à vélo, donc ces 6 jours en direction de la Méditerranée ne seront qu’une formalité.

Les retrouvailles de vieux compagnons de route sont toujours émouvantes. Les grands périples sur tous les continents reviennent en mémoire. Par delà les petites dissensions que la grande promiscuité durant de longues semaines à souffrir le long des routes et des chemins, ces expériences à vélo en dehors du temps et des espaces habituels font naître des amitiés à toute épreuve. En effet dans ces  longues errances, soumis aux aléas du climat de la route et du relief, l’âme est mise à nue et l’on dévoile sa vraie nature à l’autre ou aux autres. Dans ces épreuves au long cours il est difficile de tricher, voire impossible. Ses défauts, petits et grands, on les révèle, et c’est pour cela qu’une vraie amitié peut naître, car on est accepté tel que l’on est.

Dans ce gîte nous trouvons d’anciennes revues de montagne, dont l’une d’entre elles, relate la première  tentative d’escalade, sur la face est du Mont Valier, haute de 800 mètres, pyramide bien visible de la vallée, qui culmine à 2838 mètres. Cette entreprise s’était terminée par un drame, la chute mortelle des trois protagonistes, sur une paroi redoutable, plus pour son rocher incertain et la difficulté de s’y assurer, que du fait de la technicité de l’escalade. Cela se passait en 1957.

 

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Lundi 27 mai 70km de Montréjeau à Castillons-de-Couserans

Sans trop se presser nous prenons la route vers les 8 heures du matin. Contre toutes attentes le temps est assez beau. L’ambiance de ce premier jour est plutôt à la flânerie. Avec les pluies continuelles depuis des mois, la nature explose. Nous n’attendons pas longtemps pour faire notre première pause, café et gâteaux. C’est l’ambiance vacances. On en oublierait presque que nous sommes venus pour faire quelques centaines de kilomètres à vélo. A midi nouvel arrêt casse-croûte dans un petit village. Il ne fait quand même pas très chaud pour une fin de mois de mai. La petite difficulté de la journée se présente, pas si débonnaire, le col d’Aspet, belle rampe qui se termine par un raidillon de cinq kilomètres à 10% de moyenne.

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Vers les 17 heures nous rentrons dans le village de Castillons et rejoignons notre gîte dénommé « gîte de la Bouche » en plein centre. L’accueil y est de tout premier ordre. Nous y passons une soirée et une nuit excellentes.

 

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Mardi  28 mai 30 km de Castillons à Seix

Le temps est franchement maussade et les prévisions pour la journée nous enlèvent toute illusion. A l’ambiance du départ, on sait que ça ne va pas être une partie de plaisir. Il fait froid, quelques degrés. Très vite le ciel très noir commence à se déverser en une pluie glaciale et forte. Les quinze kilomètres de montée jusqu’au pas de la Core sont effectués dans une bourrasque qui s’intensifie au fur et à mesure que nous prenons de l’altitude. Le dernier kilomètre dans le brouillard, le vent et la pluie qui nous cingle le visage, nous donne à penser que la descente va nous transformer en véritables glaçons ; pas question de s’attendre au sommet, chacun fuit comme il le peut. Pour ma part à la première épingle en contrebas, je m’arrête et me change entièrement malgré le vent et les cataractes. Nous nous regroupons, 15 kilomètres plus bas, au village de Seix dans le premier bistrot que nous rencontrons. Nous sommes tous les 6 en hypothermie, incapables durant deux heures de réfréner les tremblements qui nous secouent des pieds à la tête. Notre étape du jour qui devait faire 80 kilomètres va prendre fin dans ce fond de vallée submergé par une pluie glaciale. Nous ne pourrons donc pas rejoindre notre point de chute prévu à Vicdessos, et nous perdons les arrhes versés, certes pas très importants, 7 euros par personne. Nous trouvons à nous loger dans ce charmant bourg d’Ariège Seix, à l’auberge du Mont Valier. Très bel accueil et belle prestation, les chambres au vieux parquet sont de toute beauté dans leur rusticité.

Nous profitons d’une accalmie dans l’après-midi pour aller découvrir  le village au travers de ses petites rues et de ses points de vue, en particulier sur son château et son église.

 

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Mercredi 29 mai  75 km Seix à Goulours

Ce matin les éléments semblent vouloir nous octroyer un répit. Ce n’est pas à proprement parler le beau temps, mais il ne pleut pas et la route est presque sèche. Départ matinal, car nous devons reprendre au cours de l’étape de ce jour le kilométrage non effectué hier et accomplir l’étape prévue.  Heureusement, par un aménagement de l’itinéraire, le trajet ne sera pas hors de portée. Tout commence par une longue montée en direction du col de Port, 1250 mètres. La pente n’est jamais très importante et à bon train nous effectuons ce parcours. Au col une auberge nous tente, et nous y faisons halte. Les conditions météorologiques depuis déjà pas mal de temps ont fait fuir les touristes. Les aubergistes en sont désolés.

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En remontant sur nos vélos nous regrettons presque de nous être arrêtés, car la pluie nous rattrape en venant de l’ouest. Mais elle reste active sur le relief et dès que nous avons effectué quelques kilomètres en direction de Tarascon-sur-Ariège, nous trouvons une route sèche. Une belle descente nous conduit au village de Bédeilhac, célèbre pour sa grotte étonnante à plus d’un titre. De là en quelques kilomètres nous sommes à Tarascon, et entreprenons de remonter sur Ax-les-Thermes. Ce parcours entre ces deux agglomérations nous paraît interminable.

Une fois dans cette ville, il nous reste une côte de quelques kilomètres qui nous conduit au gîte qui se trouve au lieu-dit la Forge. Lieu magnifique, situé au dessus d’un étang, les propriétaires sont hollandais. Depuis une expérience dans un hôtel tenu par un couple de Hollandais, certes très sympathiques, j’avais quelques inquiétudes quant aux repas. Eh bien, ce soir mes craintes se sont avérées totalement infondées. Le dîner fut superbe, une spécialité dont je ne me souviens pas le nom, mais provenant du Surinam, ancienne colonie hollandaise. Par contre la chambre dans laquelle je me trouvais avec l’un de mes camarades, était traversée en son centre par une énorme poutre, pas très haute, un peu plus d’un mètre au-dessus du sol. Les lits se trouvaient dessous. En nous levant nous avons à plusieurs reprises donné de sérieux coups de boule dedans. Ce fut pour  le moins désagréable.

 

 

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Jeudi 30 mai 85 km  de Goulours à Mosset

Ce matin le temps n’est pas terrible et les prévisions météo le prévoyaient. Les conditions sont tellement adverses, que certains parmi nous ont émis l’idée de redescendre à Ax-les-Thermes et de prendre le train. Mais manifestement la majorité ne comptait pas se contenter de ce genre de capitulation, et c’est comme cela que nous sommes gaillardement partis à l’assaut du col de la Pradel, qui culmine à 1680 mètres.  Dès les premiers tours de roue la pluie est arrivée. La route est adorable, très étroite, elle traverse de grandes forêts qui dans ce matin sombre sont très impressionnantes. Pas une voiture se perturbe le calme du lieu. Rapidement la pluie cède la place à la neige. Cette dernière tombe de plus en plus fort. Les flocons sont eux aussi de plus en plus gros. L’ambiance est franchement hivernale. La neige commence par tenir sur le bord de la route sur l’herbe. Plus nous approchons du sommet du col plus elle prend possession de la chaussée. C’est sur une route complètement enneigée que nous arrivons au point le plus haut. Nous éprouvons un immense plaisir à pédaler dans ces conditions inhabituelles.

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Nous basculons en versant nord dans la descente. Du fait de l’orientation l’épaisseur de neige augmente subitement sur cette pente orientée au septentrion. Nous faisons bien attention de ne pas perdre l’équilibre, nous descendons très lentement. En s’enfonçant dans les gorges du Rebenty, dans  une zone encaissée sous des escarpements, nous sommes arrêtés par un chasse-neige en pleine action de déblaiement.

Plus bas la neige cède à nouveau la place à la pluie. Très rapidement nous sommes trempés. Nous retrouvons les sensations de froid intense que nous avons connues il y a 48 heures. La descente est cependant moins longue, la déperdition chaleur sera donc moindre. Un pont enjambe la rivière. Nous le franchissons, une belle côte bien raide nous attend. Avant de l’attaquer nous nous sustentons sous une légère bruine.

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L’effort fourni dans cette montée nous réchauffe rapidement. Nous arrivons sur un plateau. Le temps reste maussade, mais la visibilité est bonne. Le paysage est de toute beauté. Avec les pluies qui durent depuis des semaines, la végétation est florissante. On pourrait se croire en Irlande et non dans les Pyrénées orientales, plus très loin de la mer Méditerranée. Un village, un hangar, Jean à la bonne idée de proposer d’y faire arrêt pour le repas de midi. Durant cette halte bien à l’abri d’un toit, la pluie redouble d’intensité. Mais au moment de partir elle faiblit, sans toutefois s’arrêter. Nous rejoignons la vallée de l’Aude que nous descendons sur une dizaine de kilomètres. Une fois encore, un pont, nous le franchissons et entamons la monté du col de Jau. Le panneau indicateur annonce 19 km pour le sommet, ça me donne un petit coup au moral. Je me dis que si ce col est dans les mêmes conditions que le précédent, cela va encore donner lieu à une belle bagarre. Heureusement il n’en sera rien. Le temps s’améliorera un peu, la pluie deviendra intermittente, et la déclivité ne sera pas très importante le long de cette rampe de 19 km. Vers le sommet le vent se fera plus présent. Nous nous abritons au col dans un bâtiment ouvert aux quatre vents. Nous nous lançons sans trop traîner dans une magnifique descente en direction de Mosset. Le froid aux mains est désagréable. Le ciel s’éclaircit, l’altitude diminue rapidement et nos corps se réchauffent. Nous sommes fin mai, et dès le plus petit rayon de soleil l’atmosphère gagne rapidement en chaleur.  Les montagnes dans cette fin d’après-midi partiellement ensoleillée prennent des teintes subtiles dans des tons pastel. Le Canigou reste drapé d’un épais manteau nuageux et il ne nous dévoile que ses soubassements. La neige descend incroyablement bas pour un dernier jour du mois de mai.

 

 

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Le village de Mosset, lumineux par un éclairage d’ouest,  apparaît tout en longueur sur une crête perpendiculaire à notre axe de descente. Nous le rejoignons rapidement. Une épicerie, proposant des cafés chauds, nous y faisons une halte prolongée. La tenancière très sympathique, nous indique notre gîte, et les prévient, car nos téléphones portables ne passent pas dans ces zones accidentées.

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 Nous profitons collés le long d'un mur du village à l'abri du vent des rayons du soleil qui nous prodiguent une douce chaleur que nos corps apprécient grandement. Nous nous arrachons à ce plaisir et nous rejoignons deux kilomètres sous le village le Domaine Saint Georges, vieille bâtisse au charme certain en pleine nature. Les chambres à trois lits sont spartiates et exigües, mais l’accueil est de tout premier ordre. Le repas du soir excellent dans une salle à manger pleine de charme, en compagnie des propriétaires, sera non seulement excellent, mais particulièrement animé. Il y sera question de champignons, on aura droit de contempler et de humer une partie de la cueillette de morilles de cette année. On y discutera aussi pêche à la truite, comparant les Vosges et  les Pyrénées orientales. On aura droit à l’anecdote des gardes pêche, qui surveillaient à la jumelle un pêcheur, en attendant qu’il commette une infraction, afin de lui tomber dessus. En effet, dans les lacs de montagne et les torrents, il est souvent interdit de pêcher avec des vairons comme appât. Notre pêcheur tout au long de l’après-midi avait essayé de prendre au ver une énorme truite de plus de cinq kilos. Cette dernière ne voulait rien savoir. Notre pêcheur en désespoir de cause, ne se résolvant pas à capituler, attrape un vairon et le met à son hameçon. La truite se jette dessus, une bagarre acharnée s’ensuit, qui se termine en défaveur du pêcheur, car le poisson cassa le fil. Mais les gardes n’avaient rien perdu du spectacle. Non seulement notre homme ne ramena pas sa truite, mais il écopa d’une amende, après procès, carabinée, d’un montant de plusieurs milliers d’euros. Avis aux amateurs, ne pas resquiller en matière de pêche à la truite, ou alors bien se planquer !

 

Vendredi 1 juin Mosset  90 km Saint-Laurent de Cerdans

Ce matin, comme les jours précédents, le ciel est bas et gris. Le Canigou reste toujours bien emmitouflé dans sa gangue de nuages. Le départ, après un petit-déjeuner sympathique, se fait sous un début de pluie. Cela augure mal de la journée. Mais rapidement le ciel va se dégager et la pluie prendre fin définitivement. Une longue descente nous conduit à Prades, où nous allons suivre la nationale 116 sur une quinzaine de kilomètres. Nous bifurquons à droite vers le charmant village de Bouleternère. Nous y faisons une pause café dans un estaminet très animé. Ensuite la route en direction du col Fourtou et du col Xalard  déroule ses courbes sous nos roues dans une ambiance méditerranéenne. Que cette douce chaleur est agréable après les très mauvaises conditions de ces derniers jours. Notre itinéraire tourne autour du Canigou, avant de plonger, dans une magnifique succession de virages sur 20 kilomètres, en direction de la petite ville thermale d’Amélie-les Bains. Cette ville me rappelle ma traversée des Pyrénées à pied cela fait maintenant sept ans. Que le temps passe vite et les années se précipitent !

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Encore quelques kilomètres sur une route très passante. Nous traversons Arles-sur- Tech, lieu de passage du GR10 en direction du Canigou. J’y avais dormi, avant d’attaquer à pied la longue montée vers ce sommet mythique. Un peu plus loin nous prenons une route à la pente régulière, qui en une dizaine de kilomètres nous conduit au camping de Saint-Laurent de Cerdans. Le gérant nous informe que le matin la température était de zéro degré ! Quelques courageux montent au village, éloigné d’un kilomètre, et ramènent les ingrédients du repas du soir, qui sera comme d’habitude très sympathique dans notre vaste mobil home.

 

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Samedi 2 juin  95 km Saint-Laurent de Cerdans à Cerbère

Le temps est au beau, mais le vent semble vouloir se mettre de la partie pour la journée. Dans ce coin il est fréquent est assez rageur et se dénomme lorsqu’il vient du nord la tramontane. Pour commencer nous mettons le cap sur l’Espagne, donc au sud et bien évidemment le vent est notre allié. Nous dépassons le village de Coustouges et jute après nous basculons en Espagne. Ce versant des Pyrénées est impressionnant, car constitué de vastes zones sans population. Cette impression on la ressent tout au long de la frontière de la Méditerranée à l’Atlantique. D’ailleurs j’envisage sérieusement un long périple d’au moins mille kilomètres à travers ces coins reculés, où tous les paysages  sont possibles.

 

La route que nous suivons nous conduit en descente douce jusqu’à la mer en une quarantaine de kilomètres. Une fois au bord de l’eau dans la région de la Jonquera, lieu de perdition et de frénésie du sexe, nous changeons de cap et repartons plein nord vers la France. Nous allons vivre un moment de grande émotion. En effet le long de cette route de toute beauté surplombant la mer, le vent va se déchaîner comme rarement je l’ai expérimenté. Une personne rencontrée nous dira que ce matin une pointe de 200 km/h a été enregistrée. Nous sommes ballottés comme des fétus de paille. Cela est dangereux, car lorsque les bourrasques nous bousculent nous pouvons être projetés contre les voitures. Cependant ces dernières, étant aussi très nettement chahutées, roulent avec grande prudence. Avant d’arriver à Port Bou nous traversons deux tunnels. Avec l’effet venturi le souffle qui nous percute est d’une force incroyable. Mais bien que très puissant, il est régulier à l'interieur des ouvrages, nous ne sommes donc pas trop déstabilisés. La sensation est époustouflante, arc-boutés sur les pédales on avance au maximum à cinq à l’heure en déployant des efforts considérables. Nous sommes incapables de nous adresser la moindre parole, tellement ce courant d’air en furie nous assourdit. Expérience étonnante !

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Une fois à Port Bou, nous décidons de rejoindre notre point de chute de ce soir par train. Il s’agit de Port-Vendres. Mais les horaires entre Espagne et France ne sont pas compatibles. Nous nous résignons à rejoindre Cerbère à vélo et de là envisager la suite par le rail. La route passe en hauteur le long d’arêtes particulièrement exposées aux rafales. Et justement c’est sur ce tronçon que le vent a été chronométré ce matin à 200. Nous avons une dizaine de kilomètres à parcourir. Très vite nous réalisons que ça va être sportif. Avec le relief tourmenté de la tombée des Pyrénées dans  la mer Méditerranée, par grand vent, se crée une aérologie locale complètement anarchique. On passe au détour d’un mouvement de terrain d’un vent très fort dans un sens à un vent de la même puissance mais en sens inverse. Dans une ligne droite bien pentue, je suis poussé puissamment, je ne pédale plus et j’accélère franchement. Sur les premiers mètres cela me fait franchement rire de monter sans pédaler, mais rapidement je me demande jusqu’à quelle vitesse je vais  être entraîné. Plus haut je vois un virage, vais-je le prendre ou bien la bourrasque va-t-elle me jeter dans le décor ? Après une centaine de mètres le vent va me lâcher. Un peu plus loin, nous sommes quatre à la fois à être précipités contre le rail de sécurité. S’il n’avait pas été là pour nous arrêter, nous aurions été éjéctés dans la pente raide en caillasse pleine d’épineux, qui descend jusqu'à la mer. Le bouquet final, fut le passage de la frontière, où nous avons rencontré un couple de cyclistes au long cours, une Polonaise et un Irlandais, bien planqués à l’abri du vent. Pour franchir le replat de la frontière, le vent adverse était  si puissant, que nous avons dû nous mettre à deux pour faire passer les vélos, l’un accroché au guidon, et l’autre poussant sur les sacoches, moment d’anthologie à deux roues !                                                                                                                                          

Une fois à Cerbère, nous avons pris le train pour rejoindre notre gîte. Lieu tout à fait étonnant en plein centre ville à proximité du port de Port Vendres. Le propriétaire est artiste peintre et dans la grande salle où nous avons dîné de bons poissons fraîchement pêchés nous avons pu admirer ses nombreuses œuvres, toutes dédiées aux beautés de ce coin de France. Voilà, ainsi ce termine un périple de 450 kilomètres entre passionnés de l’errance à vélo. Nous achevons ainsi notre traversée de la chaîne des Pyrénées que nous avions commencée l’année dernière d’Hendaye à Montréjeau. Il ne nous reste plus qu’à nous donner un nouveau rendez-vous pour une nouvelle aventure, avant que  le  groupe se disperse.

04/03/2013

Deux mois à vélo autour du Mékong dernière partie: retour en Thaïlande direction Bangkok

 

 

 

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Cette dernière partie se déroule sur 750 kilomètres. On peut en visualiser le tracé au stylo ci-dessus.

 

4 mars   Paksé à Phibun Mangsahan 95 km

Aujourd'hui nous allons quitter le Laos pour retrouver la Thaïlande. Nous comptions partir très tôt. Mais le temps de dire au revoir à nos amis néo-zélandais et il est déjà plus de 7h30. Et puis, je ne résiste pas à l'envie teintée de forte curiosité, d'aller faire un détour par le marché pour voir l'arrivage de poissons du matin.

 

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A 8h30 nous passons le pont sur le Mékong en direction de la frontière distante de 40 kilomètres. Le pont en mesure 1,4. En le traversant, on prend bien conscience de la puissance de ce fleuve.

 

 

 

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La frontière est vite franchie, car elle est déserte et les douaniers des deux côtés sont coopératifs et aimables. La route jusqu'à la petite ville de Phibun est parcourue facilement, bien que le vent ne soit pas favorable. En arrivant, nous déjeunons à même le trottoir. C'est délicieux, nous retrouvons le plaisir que nous avions il y a un mois dans ce pays. Enfin, je trouve des rayons pour mon vélo. Il était temps car je n'avais plus de rechange.

 

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Le soir nous partons sur le marché de nuit. L'ambiance est adorable, une multitude de marchands proposent des mets plus tentants les uns que les autres. Nous optons pour une espèce de fondue, à base de viandes et de calamar, accompagnés de crudités. Expérience étonnante, mais à l'avenir nous resterons plus classiques, avec un bon poulet grillé, comme ils le font si bien. Et dire que cette petite ville ne figure même pas dans notre guide. Oui de toute évidence, seul le vélo permet ces arrêts un peu au hasard des contraintes horaires, dans des coins ignorés qui se révélent de vraies petites perles, bien loin des circuits fortement conseillés.

 

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5 mars Phibun Mangsahan à Sisaket 105 km

Nous effectuons  cette étape sur grande route à quatre voies, un espace est aménagé permettant la circulation des vélos sans danger. Il n'y a pratiquement plus de côtes, la moyenne se situe au-dessus de 20km/h. Cependant l'intérêt du paysage qui nous entoure n'est pas énorme. Sur cent kilomètres, je ne me suis pas arrêté une seule fois pour faire des photos.

Nous allons étudier la carte pour voir dans quelle mesure on peut rejoindre Bangkok par des routes plus intéressantes à vélo. En effet, il nous reste encore 6 ou 7 jours à pédaler. Nous voulons être à Bangkok le 12 mars au plus tard, afin de pouvoir visiter cette gigantesque ville tranquillement.

Nous sommes allés manger au marché de nuit. Dans ces endroits en Thaïlande, il y règne une atmosphère industrieuse et cependant paisible, un grand nombre d'échoppes proposent une multitude de plats, souvent délicieux à une foule non pressée. Il y a les clients qui repartent chez eux avec leurs aliments en sachets plastiques, et il y a ceux qui consomment sur place sur les tables prévues à cet effet. J'apprécie beaucoup ces arrêts dans ces villes, loin du tourisme. En effet, elles ne figurent pas sur les guides, donc les flux occidentaux prennent d'autres directions. Voyager un peu différement implique ne ne pas se fier aux guides et de partir au petit bonheur la chance. On tombe presque toujours dans des coins, où la relation entre autochtones et touristes est agréable voire plus, de grande qualité. Avis aux amateurs, déchirez vos guides! 

 

6 mars Sisaket à Surin 107 km

L'étape de ce matin, la route pure et dure! Grande artère à quatre voies, des camions du trafic et du bruit. Mais la bande de droite, non la bande de gauche (on circule comme les Anglais ici) nous permet de rouler en sécurité.

 

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Platitude avec un petit vent dans le dos, nous avançons entre 25 et 30 km/h, c'est bien agréable malgré l'ambiance grosse circulation. Départ 7h arrivée midi et sans forcer. Il faisait 20 degrés ce matin, nous avions presque froid, 40 degrés à l'arrivée on ne s'en rendait pas compte. Sans le thermomètre on y aurait pas cru.

Tous les jours, où les étapes dépassent les 100 kilomètres, je guette avec un immense plaisir le moment où mon compteur journalier bascule de 99,99 à 100! On s'occupe comme on peut!

 

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J'ai attrapé un début de je ne sais pas quoi, sans doute à cause de la climatisation dans les chambres. Depuis ce matin 3 heures je me suis mis sous antibiotiques pour juguler ce mal de gorge et ce qui va avec. 

Nous avons fait une pause café avec petits gâteaux, les serveuses thaïlandaises sont toujours très serviables et souriantes, donc adorables. Si je n'étais pas un jeune marié je n'attendrais peut-être pas d'avoir faim ou soif pour m'arrêter, just joking!

 A la sortie du café j'ai rencontré une belle araignée, je vous en fais profiter:

 

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Tout le long de la route, il y a des mares et les Thaïlandais y pêchent des poissons chats. Pendant que nous déjeunons à midi à l'entrée de Surin, je vois un poisson d'une trentaine de centimètres qui saute sur le bord. Je laisse tomber ma fourchette, mon riz et mon poulet et je me précipite. Le temps que j'arrive le poisson chat a effectué des bonds sur les trois mètres qui séparent les deux mares et je le vois s'enfuir dans une eau bien boueuse.

 

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A Surin, hôtel en centre ville. Je viens de trouver des rayons juste à la longueur. Je pense que le problème de casse est définitivement règlé. il nous reste entre quatre et cinq cents kilomètres à parcourir. Nous en sommes à plus de 3600. Les 4000 seront donc atteints si nous n'avons pas de difficultés particulières.

Arrivée prévue à Bangkok le 10 ou le 11 au soir. Nous venons de trouver un itinéraire qui dès demain devrait nous permettre de ne plus rester sur cette véritable autoroute.

Danielle n'en reviendra pas, j'ai cassé mes lunettes et on me les a très bien réparées. 

Nous sommes dans les starting-blocks en attente de la tombée de la nuit pour nous précipiter justement au marché de nuit. Ce soir pas de Beerléo, les antibiotiques et l'alcool pas terrible!

7 mars Surin à Nang Rong  100km

Hier soir, comme les jours précédents le marché de nuit était très agréable, et nous avons mangé un excellent poulet accompagné d'un riz très bien préparé avec de nombreux ingrédients.

 

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Nous nous sommes aussi laissés faire par un gros pot dans lequel cohabitaient produit laitier, glace et fruits, un délice et bien bourratif. Et en finale Christian a mangé de l'ananas et pour ma part une sorte de melon rouge, pas très sucré mais frais.

 

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La nuit a été très bruyante, nous avons assez mal dormi.

 

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Notre hôtel présente un aspect un peu "déglingue" mais les chambres à l'aspect plus que désuet étaient propres.

Départ tardif à 7h10. Après 20 kilomètres de grande route, nous en avons emprunté une de moindre importance au trafic faible sur 45 km, puis nous avons retrouvé un grand axe sur lequel les camions étaient très nombreux.

 

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Nous sommes en finale, et nous allons à Bangkok à vélo peut-être aussi un peu pour meubler le temps, notre avion décolle le 17. Nous prévoyons encore trois étapes dont une grosse demain, 130 kilomètres.

 

8 mars Nang Rong à Wattahana Nakhon 141 km

Aujourd'hui départ à 6h20, longue étape sur route plate. Le plaisir  de pédaler est toujours très présent. Cependant l'intérêt du spectacle le long de la route n'est pas énorme. En cette période sèche, où nous n'avons pratiquement pas subi de pluie, la végétation est desséchée et ne présente pas de couleurs très vives. De temps à autre une rizière apporte une touche plus marquée.

Guest house sympathique un peu en dehors de la ville. Ce soir nous n'irons pas au marché de nuit, mais dînerons dans notre gîte.

 

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9 mars Wattahana Nakhon à Phanom Sarakham 124 km

La soirée d'hier soir a été adorable dans le jardin de notre maison d'hotes. Nous avons dîné en plein air au milieu d'une multitude de fleurs. Un nabab avait l'air bien heureux dans cette verdure. Jugez-en par vous-même!

 

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Lever cinq heures trente, petit déjeuner à base de pain de mie et de confiture, très bon. Départ relativement tardif, 6h45. Un très beau lever de soleil juste dans l'axe de la route devant nous. Mais au fait, il y a quelque chose qui cloche, nous devons continuer notre cap plein ouest comme les jours précédents, alors pourquoi ce soleil devant nous? Une seule explication à cette anomalie: nous sommes sur la bonne route, la 33, mais dans le mauvais sens. Bon, la perte de temps est moindre car nous n'avons fait que quatre kilomètres dans la mauvaise direction. C'est dommage de devoir faire demi-tour, car le vent nous poussait.

Je ressens bien la fatigue ce matin. La moyenne est en chute libre. Le trafic s'intensifie, Bangkok est à moins de 200 kilomètres. J'ai lu que 90% du parc automobile thaïlandais se trouvait précisément dans cette zone que nous abordons.

Petite moyenne le long d'immenses lignes droites,  nous sommes doublés en permanence par des flots de camions vrombissant. Parfois, je me demande pourquoi venir dans des coins comme celui-là à vélo. Des montagnes de cannes à sucre sont transportées principalement par des semi-remorques.De ces énormes chargements, il se dégage une odeur, un mélange de gaz d'échappement et de fermentation de sucre.

 

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Nous faisons un arrêt pour acheter un melon, que nous dégustons sur place. On nous offre en sus plusieurs grosses tranches de différents fruits, un régal bien réconfortant.

 

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Vers midi, halte dans un restaurant de bord de route. Le trafic bat son plein. Malgré le vacarme que nous subissons en mangeant, nous passons un agréable moment. En effet, la patronne est très aimable et lance de temps en temps quelques mots de français accompagnés d'éclats de rire.

Après m'être alimenté, la forme revient et nous ferons 40 kilomètres de plus. Une courte perte de temps, due à un bruit inquiétant sur la roue arrière de Christian. Nous ne sommes pas sûrs d'en avoir identifié la cause. Tout au long de la route d'immenses travaux sont en cours. Ces pays d'Asie sont en évolution rapide.

 

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Arrivée vers 17 heures, il y a longtemps que cela ne nous était pas arrivé. Nous trouvons avec quelques difficultés un point de chute pour la nuit. Mais si nous avons cherché, nous avons été récompensés, nos chambres sont superbes. Nous devons aller manger un peu plus haut sur une aire d'autoroute. En effet, nous avons fait une trentaine de kilomètres sur autoroute, et demain nous remettons cela. On sent la présence de l'immense ville que nous allons aborder demain, jour de notre dernière étape. Nous avons juste passé les 4000 kilomètres, mon compteur en indique 4004.

10 mars PhanomSarakham à Bangkok 72 km

Aujourd'hui, lever matinal, car nous espérons rejoindre notre hôtel d'arrivée à Bangkok, le 11 janvier. La route que nous comptons prendre est à peine marquée sur notre carte. Nous doutons de pouvoir la trouver dans cette énorme mégalopole que nous abordons.

Les quarante premiers kilomètres sont parcourus en empruntant une autoroute. Nous sommes dimanche, la circulation est moins intense que la semaine. Cependant, par moments nous subissons de véritables "bouffées" de camions. Nous avons le vent dans le dos et nous filons à vive allure. Les quarante kilomètres sont effectués en 1H30. 

 

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Le moment que nous pensons délicat de notre itinéraire arrive. Mais contre toute attente, les indices de la carte, coïncident exactement avec le terrain et notre route s'avère  belle et en 32 kilomètres elle nous dépose devant notre hôtel. Nous avons eu une petite averse à 30 kilomètres avant l'arrivée. Ce sera la seule tout au long des 4000 kilomètres. Nous nous abrîtons chez un particulier. L'intensité de l'averse faiblit, nous repartons. 15 kilomètres plus loin, il ne subsiste que quelques traces d'humidité au sol. En effet, la température très forte, bien au-dessus des 40 degrés fait rapidement disparaître les flaques laissées par l'ondée.

10h30, nous sommes arrivés, le périple prend fin. Une photo sur laquelle Christian et moi posons, symbolise cet instant mettant un point final à 4077 kilomètres d'errance entre la Thaïlande et le Laos.

 

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11 mars

Voilà, la fin du voyage à deux roues est bien arrivée. Ce matin nous avons mis  nos vélos en carton, avec beaucoup de difficultés. Nos emballages n'étaient pas vraiment conçus à cet effet.

 

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Un périple de ce type, il faut laisser le temps passer, afin que les impressions et souvenirs décantent. A chaud on est tout simplement étonné de se lever et de se dire que ce matin on ne montera pas sur le vélo pour effectuer les 100 kilomètres journaliers.

Pour ma part je suis impatient de rentrer. Cependant, la semaine qui nous reste à passer à Bangkok je vais la mettre à profit pour découvrir un peu plus la Thaïlande, ce pays que j'ai beaucoup aimé, dans ses coins boudés du tourisme.

Pour terminer, un immense merci à tous ceux qui nous ont suivis et encouragés, car de temps en temps on se pose des questions et on culpabilise en laissant sa famille. D'ailleurs l'une des tantes de Danielle m'avait dit un jour: vous savez comment cela s'appelle ce que vous faites, de l'abandon de famille! Elle n'avait pas totalement tort. Et  donc un tout dernier mot, un grand merci à Danielle qui me supporte et qui ne s'en va pas malgré mes pulsions d'errance. Je te chanterais bien Nougaro "tu verras tu verras", mais tiendrais-je ma promesse?

Peut-être à une prochaine aventure d'une manière ou d'une autre

 

24/02/2013

Deux mois autour du Mékong à vélo quatrième partie: Vientiane Paksé par les plateaux du centre

 

20 février Vientiane à Thaoy Noy 116 km

Ce matin petit-déjeuner à 7 heures pour un départ prévu une demi-heure plus tard. Mais c'est compter sans les rencontres de dernière minute. Tout d'abord, un jeune Irlandais, qui voyant nos vélos chargés vient nous parler. Il a traversé les Amériques de l'Alaska à la Terre de Feu  à vélo en 15 mois. Bien évidemment, cela ouvre le champ des discussions!  Ensuite, nous tombons sur un Français, déjà vu la veille, qui vit en Thaïande. J'en profite pour lui demander son avis, carte à l'appui, sur les différentes options que nous envisageons dans la dernière étape de notre voyage, lorsque nous retournerons en Thaïlande. Mon choix serait plutôt de longer la frontière cambodgienne en se rapprochant de Bangkok. Christian serait plutôt tenté par une descente en train vers le sud pour aller au bord de la mer. Ma priorité étant de rouler, je privilégie toujours l'option qui nous permettra le plus grand nombre de jours à vélo. D'autre part, le trajet qui a ma faveur sera très certainement beaucoup plus tranquille que les plages du sud. Nous disposons encore d'une douzaine de jours pour trouver un terrain d'entente. Il y a aussi un aléas, la manière dont mon vélo va tenir!

Donc, notre départ se fera péniblement à huit heures passées. Il nous faudra affronter les chaleurs du début d'après-midi. Les premiers kilomètres sont effectués le long de la grande esplanade dominant le Mékong. A cette heure, somme toute matinale, nous sommes presque seuls.

 

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Une fois arrivés à la limite sud de la ville, nous prenons une route secondaire qui nous permettra de rester au plus près du fleuve. Dans un premier temps, nous passons sous le pont qui communique avec la Thaïlande en enjambant le Mékong. Nous sommes passés sous ce même pont mais sur l'autre rive, il y a tout juste un mois, alors que nous roulions vers le nord de la Thaïlande. Un peu plus loin nous voyons distinctement la petite ville de Nong Khai, où nous avions séjourné deux jours. 

Un voyage de deux mois, parfois cela paraît long, et à d'autres moments cela sembe très court. Je n'ai pas le sentiment qu'il y a déjà  un mois, nous remontions la rive opposée du Mékong, et que nous avons parcouru presque deux mille kilomètres depuis. En effet, aujourd'hui nous allons dépasser les 2500 kilomètres.

 

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Notre route, après le fameux pont "friendship  bridge", pont de l'amitié en français, se transforme en piste. Tout d'abord elle est pleine de trous, ce qui rend la progression lente, pénible et dangereuse pour nos vélos chargés. Plus loin, elle se révèle plus plate, mais plus poussièreuse. L'expérience de la piste se déroulera durant quarante kilomètres. Nous retrouverons alors le goudron. Je m'y trouvais bien sur cette piste, bien qu'enveloppé de pousssière. Dans ces cas j'ai vraiment l'impression d'être parti loin. Et puis la poussière, certes elle n'est pas très agréable à respirer, mais la fumée noire des camions sur les axes goudronnés ce n'est pas vraiment mieux! Car, bien que plusieurs personnes nous aient dit que le trafic n'était pas très important au Laos, il est loin d'être négligeable.

 

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Vers 13h30, une halte dans un petit restaurant de bord de route est la bien-venue. Nous y mangeons une belle assiette de soupe aux pâtes, accompagnée  de crudités, comme bien souvent au Laos. Nous repartons pour 45 kilomètres sous une chaleur importante. Je décide de remplacer mon casque par le chapeau que je me suis acheté il y a deux semaines. Où est la sécurité optimale: garder le casque pour éviter les chocs en cas de chute, ou mettre le chapeau pour éviter les coups de chaud à la tête?

Vers les 16 heures après quelques recherches nous optons pour un logement dans la petite bourgade de Thaoy Noy. Les prix ne sont pas aussi bas qu'annoncés au Laos, bien qu'ils restent très abordables. Ces deniers temps, ils ont une fâcheuse tendance à augmenter rapidement d'une année sur l'autre. Par exemple la guest house dans laquelle nous avons dormi deux nuits à Vientiane, le prix annoncé dans notre guide 2013, qui en réalité datait de trois ans, car seule la couverture avec en gros 2013 avait était mise à jour, eh bien ce prix a été multiplié par trois. On nous a expliqué que ces pays asiatiques étaient en train de changer leur politique touristique. Ils ne seraient plus intéressés par le flux d'Occidents fauchés à la recherche de vacances pas chères. Ils se tourneraient plutôt vers une clientèle haut de gamme qui ne regarde pas à la dépense. Ainsi, nous avons constaté que les hôtels de bon standing se mettent à pulluler, et que la clientèle chinoise, équipée de grosses voitures, y est abondante. Je crois qu'en Europe nous ne sommes qu'au début de nos soucis économiques devant la montée en puissance de l'Asie avec ses milliards d'habitants, qui sont particulièrement durs à la tâche et de plus peu revendicatifs.

 

21 février Thaoy Noy à Paksan 67 km

Ce matin départ à 7h10, il commence à faire beau dès le matin. Finies les brumes matinales, nous pouvons assister au lever du soleil, ce que nous ne pouvions faire au cours des deux semaines précédentes. L'étape de la journée ne sera pas très longue, 67 kilomètres, que nous parcourons en moins de trois heures, à la moyenne de 24km/h. Notre étape prend fin vers les 10 heures, mais c'est agréable de pouvoir prendre son temps. J'en profite pour faire une grosse lessive, enfin grosse toute relative!

 

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Nous somme dans une guest house très sympathique. Le propriétaire parle bien le français et sa femme l'anglais. Cette dernière nous offre des fruits à section en étoile de son arbre, caroube, je crois. Ce fruit nous l'utilisons en France pour la décoration de certaines présentations. Mais c'est la première fois que je mords à pleine dent dans ce type de fruit après l'avoir cueilli sur l'arbre. S'il est bien mûr, il dégouline d'un jus abondant un peu assidulé. Un couple de cyclistes allemands arrive un peu après nous. Au Laos ils ont suivi le même itinéraire que nous. Les deux jours qui viennent nous devrions encore faire route commune, puis ils partiront à l'est sur le Vietnam, alors que nous resterons au Laos en mettant la cap au sud.

22 février Paksan Viang Kham  91 km

Départ matinal, vers les 7h, après avoir concocté notre  un petit-déjeuner à base de café froid, de lait concentré et de gâteaux pas très bons. Contrairement à la Thaïlande nous commençons à trouver la nourriture peu variée et pas toujours très appétissante. A part quelques exceptions nous n'avons jamais mangé un bon poulet rôti comme en Thaïlande. 

Question nourriture à plusieurs reprises des cyclistes rencontrés nous ont fait des remarques à ce sujet en comparant avec les différents pays des environs par lesquels ils sont passés.

Le ciel est couvert, ce qui est agréable  pour rouler. Cependant, un vent irrégulier se lève. Jusqu'à présent nous n'avions pas connu ce phénomène météorologique.Serait-il lié à l'approche des premières pluies de mousson, qui d'ici un mois au plus tard vont sévir?

Tout surpris, nous voyons arriver Stéphane, qui nous rattrape. Il nous dit un grand bonjour. Je suis tout content de le voir. Il a bien trouvé le petit mot que je lui avais laissé. Manifestement la brouille n'est pas d'actualité!

Tout en roulant, un petit clic métallique m'inquiète. Je m'arrête, le constat est sans appel, encore un rayon cassé. J'essaye de rejoindre au plus vite Stéphane et Christian qui me précèdent de cinq cents mètres. Je vais mettre plusieurs kilomètres, et enfin ils m'entendent les appeler. Ma roue n'est presque pas voilée. Nous atteignons le prochain village et nous effectuons la réparation. J'utilise le rayon, un peu plus court que les miens,  celui que Stéphane m'avait donné il y a dix jours. Ca a l'air d'aller. Il ne m'en reste plus qu'un dernier. Notre itinéraire prévu dans quelques jours à travers pistes, il n'est plus question d'y penser. Nous allons rester sagement sur route goudronnée avec l'espoir d'atteindre Paksé dans quelques 600 kilomètres, sans nouvelle casse. 

Après le réparation Stéphane nous dit au revoir, cette fois définitivement. En effet, il compte encore parcourir plus de 120 kilomètres aujourd'hui, ce qui lui fera une étape de quelques 200km! Le 3 mars il compte être à Bangkok, ce qui fait des étapes bien supérieures à cent kilomètres chaque jour.

A l'étape, dans un village sans relief de croisement de routes, dans un vent fou, qui soulève des nuages de poussière nous trouvons après bien des recherches, un logement convenable. Nous y retrouvons notre couple d'Allemands. Nous déjeunons d'un excellent poulet bien grillé badijonné avec une sauce au citron. Le restaurant est une cour des miracles, qui vibre au passage des camions et des cars, et où chats, chiens, poules et coqs viennent quémander quelques restes, et même vont directement dans les poubelles se servir sous le comptoir! Mais tout se passe dans le calme et l'impassibilité asiatique.

 

23 février Viang Kham à Nahim  44 km

Ce matin nous allons quitter pour quelques centaines de kilomètres la grande route du bord du Mékong. Cependant le trafic restera relativement important, car la frontière du Vietnam est à une centaine de kilomètres et le transport routier y est assez important. Mais les gros camions ne sont pas les plus dangereux, car ils sont très respectueux des cyclistes. Notre guide (livre) parle d'un trafic de chiens entre la Thaïlande et le Vietnam, ces animaux étant consommés dans ce pays. Certains poids lourds en transporteraient jusqu'à un millier. Ce commerce serait très lucratif.Nous n'avon pas entendu aboyer.

 

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Nous nous attendions à de très longues montées. Il n'en est rien. Peut-être 500 mètres de dénivelé, mais nous les remarquons tout juste. Il faut dire que cela fait 45 jours que nous roulons et les muscles sont bien entraînés.

Les paysages deviennent plus jolis que ceux de ces derniers jours. Les formations karstiques font leur apparition. Il est étonnant de voir ces grandes falaises calcaires de couleur noire. Par moments, on pourrait se croire dans certains cirques de roches métamorphiques du Massif Central, alors que nous sommes en pleine zone calcaire, étrange!

 

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Vers 10 heures nous atteignons notre but de la journée. Nous trouvons un logement de très bonne qualité. A 12h30 nous prenons le bus pour aller visiter la grotte de Tham Konglor située à 45 kilomètres. Un trajet en bus de temps à autre n'est pas désagréable! Nous remontons une immense vallée toute plate à la terre aride, entourée de belles falaises noires.

La visite de la grotte s'effectue en pirogue à moteur. En fait, il s'agit d'une rivière sousterraine qui traverse une montagne sur 7,500 km. Le trajet aller-retour s'effectue en deux heures. Par endroits, il n'y a pas beaucoup d'eau et la pirogue émet des gémissements sinistres en raclant le fond! A une étroiture de la rivière, notre équipage, deux adolescents, nous fait descendre Christian et moi, pour faire franchir à l'embarcation une petite cascade. Manifetsement ils s'y prennent assez mal et la pirogue se remplit. On vient à la rouscousse pour les aider à sortir le bateau des rapides, car il s'alourdit dangeureusement. Il s'ensuit une bonne séance d'écopage. 

 

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Cette visite est intéressante et nous ne regrettons pas d'y être venus. Nous sommes aussi contents de nous être logés à 45 km, car le lieu est envahi d'une masse de touristes occidentaux qui cherchent le gîte et le couvert. Je suis toujours étonné de voir ces points de focalisation d'Occidentaux, alors qu'en dehors de ces endroits précis, nous n'en voyons quasiment aucun. D'autre part, il ne s'agit pas de retraités qui cherchent à occuper leur temps définitivement libre, mais de jeunes hommes et femmes entre 20 et 35 ans, qui se baladent des mois durant. Le problème de l'emploi en Occident n'a pas l'air de les préoccuper, ou alors c'est parce qu'ils n'en trouvent pas qu'ils partent se promener? Cela reste un mystère pour moi.

 

24 février Nahim à Lak Sao  59 km

Ce matin nous disons au revoir à Stefie et Marcus, le couple d'Allemands avec lequel nous faisons route depuis trois jours. Aujourd'hui nous attaquons par une côte de 8 kilomètres d'entrée. L'envie de pédaler n'est pas très forte. Je suis à l'écoute de tout bruit, qui pourrait se produire sur mon vélo, avec la peur d'un nouveau rayon cassé. Ne nous laissons pas submerger par le stress!

 

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La route, ce matin, est magnifique, elle suit une vallée encaissée entre de belles montagnes, qui viennent s'immerger dans une forêt aux très hauts arbres. Le vent est bien souvent défavorable, mais l'étape est assez courte. Vers 9 heures nous faisons une longue halte dans une petite échoppe en bord de route. Nous y buvons un café chaud et mangeons quels gâteaux. Nous avons du mal à repartir tellement l'ambiance est paisible. Nous sommes dimanche et la circulation est faible. Cela nous change de la majorité des routes que nous avons parcourues depuis notre arrivée dans le pays.

Un serpent mort en bordure de route. J'en fais quelques photos et le prends par la queue. Les véhicules, qui passent freinent et les conducteurs sont intrigués. Avis aux amateurs: qui peut donner le nom de ce serpent?

 

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 25 février Lak Sao à Gnômmalat 86 km dont 75 de piste
 
On nous avait dit que la route n'était pas très bonne sur la portion que nous voulons prendre. Nous décidons de partir  tôt. Mais nous avons du mal à rouler avant 7 heures. En face de notre hôtel le soleil se lève sur de grandes parois, le spéctacle est de toute beauté. Y-at-il des voies d'escalade dans ces grandes faces? Si le rocher était blanc au lieu d'être noir, on pourrait se croire dans les Dolomites. Cela me fait déjà penser à ma semaine d'escalade avec Robert et Christophe début juillet! Mais une chose après l'autre. 

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Il fait relativement frais, nous devons être en altitude vers les mille mètres. Christian prévoyant une journée épouvantable sur des pistes poussièreuses décide d'acheter des masques. Très vite nous sommes dans l'ambiance, gros nuage de pouussière dès que nous croisons un véhicule. Heureusement ils ne sont pas très nombreux. A côté de l'Amérique du Sud c'est de la rigolade. Je ne sais pas pourquoi, mais ces pistes toujours un peu scabreuses pleines de cailloux, qui ne permettent pas des moyennes supérieures à 10 à l'heure j'aime bien, à une seule condition, il faut pouvoir rester sur le vélo. En effet, je vois Jean sourire à ce que j'écris. Mais lui, ce qu'il adore c'est pousser son vélo sur 200 kilomètres! Je reconnais que nous ne jouons pas dans la même catégorie! 

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De plus sur les 15 premiers kilomètres ça se passe assez bien, tout en faisant attention à cause de ma roue arrière, je tiens le 15 km/h sans difficulté. Ensuite cela se corse un peu, des pierres de bonne dimension font leur apparition, donc je redouble de vigilance. Il m'arrive même pour économiser mon vélo de faire certains tronçons à pied alors que je peux rester en selle. Mais on n'est jamais assez prudent pour économiser le matériel!
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Nous arrivons sur la zone innondée par un barrage qui a créé un immense lac de plus de cinquante kilomètres de long. Dans certaines parties immergées, des squelettes d'arbres en grand nombre sortent de l'eau et lancent vers le ciel leurs troncs morts. Cela a un côté franchement lugubre. Mais je ne sais pas à quoi ressemblait le paysage en France, lorsqu'on a mis en eau des ouvrages comme le barrage de Vouglans?
 

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Pendant que j'écris, dans ma chambre une tarente ou géko des murailles fait des vocalises. J'adore ces petites bêtes, et ici elles mangent les vilains moustiques qui donnent le paludisme. A ce sujet, pour le moment nous ne sommes vraiment pas embêtés. Depuis deux semaines nous ne mettons plus de répulsif et nous dormons sans moustiquaire. Il n'y a pas un seul moustique. Si parfois il y en a quelques uns dans les chambres, ils ne piquent pas. Notre énorme bardat de  protection, multitude de bombes pour la peau et pour les vêtements, moustiquaires et autres médicaments comme la malaronne, tout cet attirail reste sagement dans les sacoches, cela fait du poids en plus. Mais il vaut mieux avoir tout prévu et ne pas s'en servir que de contracter une "saloperie". Cependant, il ne faut pas vendre la peau de l'ours.... restons vigilents, en effet notre voyage dure encore trois semaines et la saison des pluies peut faire son apparition sans préavis. Et avec les premières flaques les larves ne tarderont pas à éclore.

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A 13h30 nous nous arrêtons dans une échoppe de bord de route et mangeons un excellent riz et un magnifique concombre coupé en tranches arrosé d'un jus de citron vert. On a adoré.
Un peu plus loin une guest house nous offre un hébergement très confortable. 
Cette étape m'a beaucoup plu. Mais hélas ce sera la dernière de ce style. Nous allons retrouver la route goudronnée et descendre vers le sud sur 400 kilomètres en direction de Paksé.  Cependant le long de cette piste nous sommes passés devant des habitations d'une pauvreté absolue, les enfants en bas âge semblaient se diluer dans la poussière de la route qui submergeait leur demeure. Je n'ose imaginer les conditions sanitaires de ces pauvres gens qui ingurgitent à longueur de journée cette poussière soulevée par le trafic routier, et certains véhicules, gros 4x4 foncent et ne se soucient pas du nuage qu'ils déclenchent.
Ce soir, dans ce village sans rien au bout du monde, jeté au bord d'une route, eh bien le charme opère! Une quiétude générale règne. Une petite fille avec son frère, presque encore un bébé, juché sur le porte-bagages, attend je ne sais quoi. Je n'y résiste pas, je fais une photo. La petite fille intimidée fait comme si elle ne me voyait pas. Son frère au contraire intrigué ouvre de gros yeux ronds en me voyant m'approcher avec mon appareil.
 

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Dans une petite échoppe, la tenancière particulièrement avenante, nous sert un festival de crudités, accompagnées d'une bonne masse de riz gluant. Elle rit de bon coeur et prononce quelques mots de français, comme merci. On est bien loin de l'ambiance que nous avons trouvée, et pas vraiment aimée dans les villes touristiques comme Luang Prabang, Vang Vieng ou Vientiane. 
 

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26 février Gnômmalat à je ne sais pas où, coin perdu sur la route dans la vallée du Mékongk  distance parcourue 115 km
 
Ce matin départ à 7 heures, après une nuit pas très bonne, en particulier pour Christian, qui n'avait pas mis de boules quies. En effet, dans l'une des chambres, la télé a fonctinné fort et très tard et de plus les personnes n'étaient pas discrètes.
Nous allons rejoindre la vallée du Mékong et retrouver la grande route. Durant les soixante premiers kilomètres nous traversons de très belles zones karstiques, toujours très déchiquetées et très noires. Nous croisons un serpent de belles dimensions, vivant cette fois, un vélo de chaque côté, impressionnant! Il se déplaçait en se tortillant d'une façon incroyable en faisant des mouvements très rapides. J'ai failli rouler dessus. Bien sûr, j'ai eu le réflexe de lever les pieds, mais c'était sans compter que mes chaussures étaient rivées à mes pédales!

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Arrivés le long du Mékong, nous suivons une route sans grand intérêt, de plus qui ne nous permet pas de voir le fleuve. Aujourd'hui nous passons le cap des 3000 km. 
A quatorze heures, nous nous arrêtons après 115 kilomètres et dans une véritable fournaise. Nous sommes logés dans des petites constructions individuelles qui donnent sur un grand étang, mais je ne vois aucun poisson!
Après une petite sieste salvatrice, nous partons à la recherche de nourriture pour le petit-déjeunetr de demain, et aussi en vue du repas de ce soir. Dans ces pays c'est comme à l'hôpital, on mange en cinq et six heures. Que ce village aux maisons (si on peut appeler cela des maisons) alignées à ras la route à circulation assez importante, mobylettes, voitures, camions et cars, paraît lugubre. De nombreux commerces ouvrent à même le bourdonnement de la route, parmi lesquels plusieurs ateliers de réparation, dégoulinant d'huile. Les teintes sombres, annonciatrices de crasse, de misère et de saleté prédominent. Nous avons de la difficulté à trouver un paquet de gâteaux pour notre petit-déjeuner. Nous nous mettons ensuite en quête d'un lieu pour manger quelque chose afin de ne pas aller nous coucher le ventre vide. Une échoppe à la mine un peu moins sale que les autres, nous nous y installons et commandons une bière. Il en reste justement une.  Nous sommes les seuls clients et pas un seul autre ne viendra. A la jeune adolescente, entre 12 et 14 ans, qui tient la boutique, qui tient lieu de restaurant, nous demandons si nous pouvons manger. Il semblerait que oui. Mais de toute évidence il n'y a pas grand chose. Il faut dire qu'il ne fait pas très clair, la lumière blafarde ne nous permet pas de bien discerner l'ensemble de ce que contient la pièce. Comme il en a pris l'habitude depuis que nous sommes partis, Christian va fouiller dans un fouillis indescriptible de gamelles et autres instruments indéterminés.Il dégote quatre oeufs durs et deux paniers de riz. C'est déjà pas si mal. J'assaisonne mon riz d'un jus de poisson plus ou moins fermenté, mon Dieu c'est pas mauvais, bien relevé, très salé avec un goût prononcé! Mais notre faim n'est pas apaisée. Christian repart à la charge et trouve quatre tomates et un citron, un délice. Il a fallu cependant demander qu'on les lave car elles avaient une teinte poussiéreuse affirmée. Pour étancher notre soif, il prend une bouteille de thé citron, pour ma part je désire une bière. Je pars donc à la recherche de la boisson convoitée dans une échoppe à côté et reviens triomphalement en brandissant ma Beerlao.
On est bien loin de l'ambiance des lieux de focalisation des Occidentaux. Les bus passent mais ne s'arrêtent pas dans ces coins désolés respirant la poussière la misère et le bruit de la route. Le vélo, par contre vous oblige à l'arrêt, car après 115 kilomètres et une température au moins égale à quarante degrés, malgré l'attrait de l'effort physique, le corps commence à demander grâce et la tête chauffe. Voilà comment on se retrouve dans un endroit improbable, que jamais on ne connaîtrait si l'on voyageait en voiture. Mais c'est la réalité de ce pays, ce que vivent ses habitants, bien loin des lieux de concentration des Occidentaux. Je pense que c'est cette  réalité qui me restera lorsque je quitterai le Laos et non le souvenir des restaurants de Luang Prabang et de Vientiane.  
Mais il y a encore bien pire sur notre planète. Durant les quelques jours que nous sommes restés avec Stéphane, il nous a raconté les conditions qu'il avait rencontrées dans certains endroits reculés de l'Inde. Des lieux sordides à l'extrême, on lui préparait de la nourriture à même le sol au milieu des rats qui grouillaient. D'ailleurs il est resté une fois affalé durant trois jours entre la vie et la mort à la suite d'une intoxication alimentaire. Un gourou est venu après ce laps de temps et lui a administré un produit miracle, peut-être la potion magique d'Asterix? Non seulement il s'est rapidement senti mieux, mais le lendemain il roula  plus de cent kilomètres! Je ne pense pas que je partirais parcourir l'Inde à vélo. En effet, ici au Laos, même dans les endroits un peu sordides et lugubres où nous nous arrêtons, la nourriture semble toujours saine et assez bien protégée.
Au moment de payer, la note s'élève à l'équivalent de 3,80 euros, qui dans la monnaie locale se monte à 38000 kips. Je donne un billet de 50000. La jeune adolescente, pour faire l'appoint, part, puis elle revient avec une poignée de billets parmi lesquels un billet thaïlandais. Les problèmes de monnaie sont parfois très compliqués au Laos! 
 
 
 
27 février Paksong distance parcourue 118 km
 
Des villes qui s'appellent Paksong, il y en a deux au Laos. Celle dont je parle se trouve sur le grand axe (tout est relatif) entre Vientiane et Paksé au sud. Cette étape se déroule le long d'une route que de nombreux  cyclistes préfèrent effectuer en bus. On comprend facilement que l'intérêt n'est pas très important.
 Je dirai simplement que comme partout au Laos tout le monde dit bonjour aux cyclistes étrangers chargés de bagages, tout particulièrement les enfants. Souvent on ne les voit pas et des petites voix cristalines envoient des "sabadi'. On a presque l'impression que ce sont les maisons qui nous saluent de ces superbes petites voix. Ca les rend moins tristes. Même en ne voyant personne je m'applique à répondre par un "sabadi" ou un signe de la main. La chaleur devient de plus en plus imporante au fur et à mesure que nous avançons dans la saison et que nous descendons vers le sud. 
J'ai cassé mon quatrième rayon, je viens donc de mettre ma dernière pièce de rechange. J'espère en trouver à Paksé. Si ce n'est pas le cas, à la prochaine casse, je prendrais un rayon sur la roue avant moins chargée, pour le mettre à l'arrière. Et puis après en cas de nouveau problème, ce sera le car direct pour Bangkok! De  toutes façons, le but initial était de rejoindre Paksé à vélo. L'objectif est presque atteint. J'ai même constaté qu'avec le dernier rayon en moins, la roue présentait un voilage assez réduit. J'ai donc roulé une trentaine de kilomètres et nous n'avons changé le rayon avec Christian que le soir à l'étape. On commence à devenir champion pour cette opération. Mais j'ai encore au moins deux rayons fragilisés, suite au déraillage de chaîne il y a 2000 kilomètres en Thaïlande. Est-ce que le dérailleur a bougé dans l'avion ou est-ce que mon marchand  de vélo m'a fait un mauvais réglage, ce qui a entraîné le blocage de la chaîne entre les pignons et les rayons lors des premières fortes pentes? 
 
 
 
28 février 65 km au nord de Paksé    distance parcourue104 km
 
Ce matin nous partons à 6h30 pour éviter la grosse chaleur qui arrive de plus en plus tôt et qui est de plus en plus forte. Nous assistons à cette heure matinale aux prières des gens le long de la route. Il s'agit principalement de femmes agenouillées individuellement à même le bord de la chaussée, les mains jointes avec devant elles quelques aliments, souvent du riz, qu'elles distribuent aux bonzes qui viennent se ravitailler.

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Vers midi nous arrivons à l'étape. La chaleur est étouffant, 44 degrés. Depuis quelques jours nous sentons un changement très net. Autant au nord nous arrivions à pédaler au-delà de midi, autant il va maintenant falloir faire attention, car l'effort par cette température extrême devient dangereux. Nous buvons beaucoup plus, et nous sommes en permanence assoiffés.
 

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Nous trouvons un petit hôtel bien sympathique. Juste à côté dans une gargote  on nous sert une superbe platée de riz avec une omelette dessus. Nous la dévorons avec une telle voracité que nous en redemandons. Nous accompagnons notre assiette d'une bonne bière locale, bien fraîche. Cela nous change de l'eau que nous buvons en roulant et qui est à plus de trente degrés. Le ventilateur brasse un air chaud, qui ne donne aucune sensation de frais, mais au contraire emplifie la touffeur ambiante. 
Entre problème de vélo et grosse chaleur, une fois arrivés à Paksé, nous ferons le point pour voir comment nous allons organiser la suite du voyage, car il reste encore deux semaines. Nous pensons passer au moins quatre ou cinq jours à Bangkok en finale, et avant nous allons aussi aller visiter le plateau des Boloven au Laos. Nous devrions passer la frontière Laos Thaïlande le 6 mars. C'est le dernier jour de notre visa 30 jours, au-delà un PV de 10 euros par jour supplémentaire. Au moins la règle est claire. On ne vous embête pas pour entrer mais vous devez respecter l'échéance.
 

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C'est la première fois que je fais des étapes supérieures à 100 km trois jours de suite.
 
 
1 Mars Paksé 66 km
 
Ca y est l'étape de ce jour va nous mener à Paksé, le point final initialement prévu de notre périple au Laos. 
Je ressens la fatigue des jours précédents au cours de cette courte étape. Heureusement qu'elle n'est pas plus longue. Nous sommes partis juste après 6h30. Bien que la route soit plate, un vent défavorable nous ralentit et nous force à appuyer sur les pédales plus que nous voudrions.
Aujourd'hui c'est jour de propreté. Le long de la route tous les écoliers sont mobilisés et ramassent les très nombreux déchets, papiers, plastiques et autres qui constellent les deux côtés de la route. Ils en font des tas et y mettent le feu.

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Il s'en dégage une odeur désagréable de plastique brûlé portée par de gros nuages de fumée. Parfois le feu se propage à la végétation grillée de chaleur et par le manque d'eau. Mais cela n'inquiète personne.
Nous nous arrêtons devant une femme maniant une drôle de presse à faire du jus de canne. Elle nous en remplit deux grands récipients, auxquels elle ajoute des glaçons. C'est absolument délicieux. Je pourrais en boire des litres et des litres. Souffrir sur la route sous la chaleur et le vent apporte au moins cette consolation, de pouvoir se désaltérer d'un véritable nectar, que l'on apprécie beaucoup plus au cours d'un effort prolongé.
 

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Ne devrions rester quelques jours à Paksé. Nous ne devons pas passer en Thaïlande avant le 3 mars, car nous n'aurons qu'un visa 15 jours. Notre avion étant le 17, cela fera juste le compte. Mais nous allons probablement prolonger jusqu'au 5 ou 6 mars. Puis nous partirons à vélo jusqu'à la ville d'Ubon, point de départ de notre périple à vélo le 14janvier. Avec un petit détour prévu le long du Mékong cela fait de l'ordre de 150 kilomètres à parcourir, en deux petites étapes
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Demain nous partons visiter le plateau des Boloven avec un couple de cyclistes germano-irlandais, qui sont sur la route depuis une dizaine de mois. Je précise que nous y allons en véhicule à moteur. Cela fait du bien de laisser un peu les vélos!
 
 
2 mars visite des Boloven
 
Ce matin nous changeons de logement. Nous rejoignons la guest house "sabaidi", très réputée parmi les routards occidentaux. nous n'avons plus l'impression d'être dans un pays très loin, mais de nous trouver dans un refuge d'occidentaux! En arrivant on voit tout ne suite que nous ne sommes pas à la mode asiatique avec un bol de riz pour petit-déjeuner, mais  la confiture et le pain constitue le menu, alors que depuis deux mois nous n'en avons pratiquement pas vus; on peut être routard et tenir à ses petites habitudes occidentales. je dois reconnaître que c'est très agréable. demain nous ferons comme eux, pour aujourd'hui nous nous sommes déjà alimenté à la mode locale.
8 heures , départ. nous sommes 10 dans le mini-bus, en comptant le chauffeur et le guide. Ce dernier, vieux d'une vingtaine d'années est plein d'humour et connaît bien son sujet pour intéresser les touristes. 
Nous allons parcourir de l'ordre de 200 kilomètres avec différents arrêts, dont trois visites de cascades, différentes plantations de thé et café ainsi que plusieurs villages représentant des éthnies différentes. journée intéressante sur le plan culturel, mais très décevante quant à la beauté des paysages, que l'on nous avait annoncé comme incomparable.

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Dans le village de cette minorité ethnique, fumer la pipe fait partie de l'héritageculturel. De ce fait les enfants l'utilisent dès l'âge de quatre à cinq ans!
 
 Nous avons passé une excellente jornée, très instructive même si les paysages n'étaient pas spectaculaires. Il faut bien reconnaître que nous avons en France tellement de sites naturels et humains de grande beauté, que l'on devient très difficile!
 
Ce soir nous dînons avec un couple de cyclistes néo-zélandais. La discussion multidirectionnelle est très intéressante pour moi, moins pour Christian qui a une maîtrise très limitée de l'anglais.
 

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3 mars journée de repos à Paksé
Ce matin, lever vers les huit heures, ça fait du bien. Nous aurons un morceau de pain pour le petit-déjeuner, nous apprécions. Nous consatons que le couple germano-irlandais qui devait partir ce matin, et qui était venu gentiment nous dire au-revoir sont toujours là. Elle a un fort mal de tête et espèrent pouvoir mettre le cap sur le Cambodge demain.
Nous partons vers le marché de jour. Il est gigantesque et bonheur suprême,  plusieurs étalages de poissons exposent des spécimens étonnants, autant par leur taille, leur forme et leurs couleurs. Incroyable, je reste un long moment à faire arpenter le secteur en tous sens. Je désespérais de voir un grand marché aux poissons avant de quitter le Mékong. Ce fleuve représente l'un des plus riches écosystèmes d'eau douce. Les variétés de poissons se comptent en centaines, 800 me semble-il!

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Tous les poissons que j'ai photographiés au marché, qui se situe à moins de cinq cents mètres, proviennent d'ici. On peut distinguer quelques barques de pêcheurs, perdues dans l'immensité du fleuve, qui fait au moins un kilomètre de large. 
 
Un lien vers les monstres du Mékong:
http://www.labouillette.com/suitenews.php?newsid=199
 
 
Demain je débute un dernier chapitre sur notre voyage, le retour en Thaïlande  en direction de Bangkok.
 

15/02/2013

Deux mois autour du Mékong à vélo, troisième partie Luang Prabang à Vientiane 400 km

 

13 Février Luang Prabang  à Kiou Ka Cham 78 km

Ce matin, nous partons à trois,  avec Stéphane, sur une portion de route qui passe pour l'une des plus appréciées des fous des grands voyages à vélo. Le temps reste voilé, la visibilité réduite, ce qui enlève sans doute au spectacle des montagnes qui nous entourent. Le relief est accidenté, nous allons subir deux montées, l'une de 10 km et la seconde de 20 km, mais jamais au-dessus de 10%  de déclivité. J'arrive toujours à garder une vitesse de l'ordre de 8 ou 9 km/h. On est loin des terribles pentes thaïes. Le dénivelé est cependant important, sans doute supérieur à 1500 mètres. Stéphane me tire de temps en temps, en me coupant le vent, et ça le fait rigoler de voir comme je m'acharne sur mon vélo pour monter.

 

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Mais l'intérêt de la journée, à mon avis, ne sera pas dû au panorama, certes joli mais sans plus, mais dans les rencontres de Martiens que  nous faisons en chemin.  Sur la journée on va s'arrêter à plusieurs reprises, lorsque nous rencontrons des cylos lancés dans des périples au long cours. Tout d'abord un couple d'Allemands en route depuis plus d'un an, puis un couple de Belges aussi parti depuis longtemps. Une fois arrivés à l'étape, quatre jeunes Français en route depuis deux ans et demi font un bref arrêt avant de repartir vers Luang Prabang avec une arrivée très probablement de nuit. Alors arrive un OVNI, un couple de Belges sur la route depuis presque deux ans, chevauchant un très étonnant tandem. La discussion avec eux est un grand moment de plaisir. Ils viennent de traverser l'outback australien avec leur drôle d'engin. Ils terminent leur tour en Asie et repartiront bientôt du Cap pour traverser l'Afrique. Ces routards du vélo constituent une population étrange. Ils ne rêvent que d'errance et de fuite en avant avec toujours avec au coin des lèvres un sourire béat. Ce couple de Belges comme bien d'autres, au cours de leur longue itinérance, ce qui généralement les a le plus marqué c'est le Chili, la Bolivie en traversant le désert de l'Atacama et l'altiplano. Je dois dire que ce que je vois de l'Asie est vraiment loin de m'enthousiasmer comme ces immenses zones sud-américaines. Mais ne comparons pas trop, ce que nous voyons est tout de même intéressant, même si les grands espaces des Andes m'ont beaucoup plus marqué! 

 

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Sur la photo on voit de gauche à droite le couple d'Allemands sur la route depuis pas mal de temps, Christian, et puis Stéphane qui en est dans son huitième mois de vélo à travers l'Asie.

 

14 février  Kiou Ka Cham à Kasi 95 km

Au lever depuis la terrasse de notre guest house nous avons une vue imprenable sur les vallées tout en bas et le brouillard, que pour une fois nous contemplons de haut.

La route de la veille monte le long de la crête aux deux bosses, que l'on voit plonger dans les brumes.

 

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Après une bonne nuit, nous partons avec l'intention de rejoindre directement Vang Vieng, plus de 150 km. Cela me semble beaucoup, mais Stéphane ne doute pas. Il paraît qu'il y a pas mal de descente. Psychologiquement, je me mets dans l'état d'esprit d'atteindre le but fixé. Mais les 25 premiers kilomètres constituent une immense montée et après une courte descente ça repart ver le ciel. Très vite nous réalisons que nous ne ferons pas les 150 kilomètres prévus, bien que Stéphane seul les aurait effectués sans problème. En effet, nous parcourerons 95 kilomètres, ce qui est déjà pas mal pour l'entraînement que j'ai. Au cours de ce trajet, que l'on nous annonçait en descente,  j'ai eu l'impression qu'il n'y avait que des côtes et le thermomètre est monté à plus de 40 degrés. Sur la route, beaucoup de circulation, essentiellement des Chinois avec de grosses voitures allemandes. Le camarade Montebourg devrait leur faire la remarque et leur dire d'acheter français! Pour une route tranquille, comme on nous l'avait prédit, nous avons été servis. En plus, dans leurs grosses voitures, ils doublent n'importe où, et attention dans les virages, s'il y a un camion en face, on risque de devoir s'effacer rapidement pour laisser passer une énorme BMW ou un Porsche Cayenne en train de dépasser!

Le paysage karstique est joli, mais le temps voilé, une fois de plus, enlève tout relief. Heureusement nous croisons quelques fous du vélo pour nous faire rigoler. En particulier, un couple de paysans de Colias dans le Gard, tous les deux la soixantaine bien avancée. Ils ne doutent de rien et à 14 heures par 40 degrés ils sont lancés dans une interminable pente de vingt kilomètres, que nous sommes (heureusement) en train de descendre. Ils traversent le Laos en arrivant du Cambodge et vont enchaîner par le Vietnam, ben voyons tout est normal! La femme râle un peu avec son accent chantant du Midi, mais à peine, sans perdre son sourire. En effet, son mari lui a dit, c'est juste une bosse, mais il n'a pas précisé qu'elle faisait vingt kilomètres et que la pente était à 10%! Bon les 14 heures et les 40 degrés ça ne compte pas quand on habite le Gard!

 

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15 février Kasi à Vang Vieng 60 km

Aujourd'hui l'étape sera de courte durée, 60 kilomètres sans grand dénivelé. En trois heures nous arrivons à Vang Vieng, tout en prenant notre temps. Nous nous arrêtons en chemin encore une fois pour discuter avec un couple de Chtis en voyage à vélo pour 15 jours. Arrivée à Vang Vieng vers les 11 heures. La région montagneuse qui entoure la ville est hérissée de pics, l'effet est magnifique. De notre chambre nous embrassons "cette forêt de pics". D'après notre livre guide , il s'agit d'un site d'escalade majeur en Asie.

 

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Mon vélo continue à avoir des défaillances. Une gaine de dérailleur s'est ouverte, j' en ai trouvé une neuve. Le pédalier émet des bruits des plus inquiétants. Après force graissage, les craquements sinistres se sont atténués. On verra à Vientiane, si je dois changer l'axe et les roulements.

 

16 Février repos à Vang Vieng

Le lever du jour et l'arrivée du soleil sur les montagnes en face de notre fenêtre, je les guette avec l'espoir de faire de magnifiques prises de vue. Le brouillard est du meilleur effet, mais les couleurs sont estompées. Je vous laisse juger:

 

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La journée s'est écoulée à se balader dans la ville de Vang Vieng. La grosse  réputation de débauche et de soûlographie de la ville a pris fin il y a quelques mois, suite à une intervention musclée de la police et de l'armée.

N'étant pas dans le même hébergement que Stéphane, nous nous étions donné rendez-vous devant un magasin de vélos hier soir à 18 heures. Malheureusement,  nous ne nous sommes pas attendus devant le même magasin, ce qui fait que nous ne nous sommes pas trouvés. Ce matin nous nous sommes croisés, il semblait en colère, sans doute pensant qu'on l'avait laissé tomber. Dommage, j'avais bien aimé les quelques jours passés avec ce gros baroudeur. Je lui ai mis un petit mot sur la porte de sa paillotte pour lui dire merci pour son aide technique et le plaisir d'avoir fait un bout de chemin ensemble. Je suis un peu triste que cela se termine de cette façon. Mais la vie et la route continuent!

 

 

 

 

17 février Vang Vieng à Phonhong  84 km

 

Ce matin nous partons à 7h30. La route est sans difficulté, la montagne est derrière nous. Seule curiosité rencontrée: lorsque nous arrivons à proximité d'un grand lac, à même le bord de la route un marché est installé. Tous les étalages sont identiques et proposent des poissons séchés.

 

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Nous arrivons tôt, heureusement car la chaleur en plaine est intense. Petite bourgade à l'aspct désolé et sale toute en longueur en bordure de route. Le logement est de qualité pour cinq euros chacun. A proximité nous avons la possibilité de manger correctement, nous y allons midi et soir. Une soupe aux pâtes accompagnée d'une grosse assiette de verdure, salade, haricots verts crus et autres plantes qui se rapprochent de la menthe. Les haricots ont une particularité, ils sont très longs une quarantaine de centimètres et ils sont sans fil, j'adore je les croque par poignées!

 

 

 

18 février Phonhong à Vientiane  76 km

 

Départ 7h15. Je commence par aller dire au-revoir à notre cuisinière de la veille qui  s'affaire devant ses fourneaux. Elle est toute contente et me sourit largement.

 

  Ce matin encore un tronçon de route sans caractéristique, presque uniformément plat, de la circulation modérément, quelques camions qui crachent une fumée bien noire. Nous pédalons rapidement, ce qui nous permet de faire une halte d'assez longue durée à 50km. 

 

L'arrivée dans Vientiane n'est pas très belle. Sur une dizaine de kilomètres une longue rue au trafic important que nous remontons dans la chaleur de midi. Nous commençons par un tour involontaire de la ville avant de nous repérer. Nous éprouvons quelques difficultés à trouver un logement, mais tout finit bien.

 

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Nous passons l'après-midi à rechercher les deux magasins de vélos que l'on nous a indiqués. Le premier, impossible à trouver, dommage car il est tenu par un Français. Nous finissons par dénicher le second au fond d'un quartier perdu de la ville. Heureusement j'ai l'adresse écrite en laotien sur une feuille. En faisant lire ces renseignements de loin en loin, une femme finit par nous donner l'indication précise, qui nous permet d'atteindre ce magasin de cycles. C'est le réparateur de Vang Vieng qui me l'avait écrite à ma demande.

 

J'explique mon problème d'axe de pédalier. Le diagnostic est rapide, pièce à changer. J'ai rendez-vous pour demain 9 heures. Il me faut maintenant bien identifier la route afin d'être en mesure de revenir sans difficulté. Il est 16 heures, la chaleur et le trafic sont très forts. Pour le moment la petite capitale paisible nous ne la voyons pas trop!

 

Nous partons nous promener à pied à la tombée de la nuit le long de la grande promenade du Mékong. L'atmosphère y est beaucoup plus sympathique, ce qui nous réconcilie avec la ville. Une foule importante déambule le long de cette immense esplanade. De nuit, la ville prend un apect plus agréable bien qu'elle semble plus délabrée dans la pénombre.

 

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19 février  Vientiane

Ma priorité ce matin, c'est de porter mon vélo chez le réparateur. Ca commence mal, il n'arrive pas à désolidariser l'un des bras de pédalier, car sans doute l'oxydation ou un frein filet trop fort  a fait son effet. Le mécanicien essaye à grands coups de marteau, à part déformer l'aluminium, rien ne se passe. On en vient à la scie, et du coup c'est l'ensemble pédalier, plateaux moyeu et bras de pédalier, le tout shimano, que je fais changer. Cela me coûte 35 euros main d'oeuvre comprise. En France il faut compter 100 euros au moins. 

Le temps que les réparations soient effectuées je me promène dans les environs dans un grand espace de temples et de stupas.

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 Demain nous allons attaquer la dernière partie de notre périple au Laos, de Vientiane à Paksé en passant par le centre, cet itinéraire fait à peu près mille kilomètres. Tout d'abord trois cents kilomètres plats le long du Mékong, puis deux cents kilomètres en montagne, qui nous feront nous enfoncer dans le centre du pays, mais sur route goudronnée. A partir de Mahaxai la route risque de se transformer et ne plus être goudronnée sur trois cents kilomètres. Pour le moment nous n'avons pas d'indication sur ce tronçon, aucun des cyclistes rencontrés n'ayant suivi cette route . Nous savons seulement qu'une rivière n'est pas franchissable en voiture, mais à vélo nous devrions trouver une pirogue pour nous permettre de traverser. Nous atteindrons alors la région du plateau des Boloven et la ville de Pakson. De là en une centaine de kilomètres nous atteindrons la frontière thaïlandaise quarante kilomètres après la ville de Paksé. Nous devrions rentrer en Thaïlande entre le 3 et le 6 mars. 

Pour cette dernière partie au Laos, qui s'étendra sur une douzaine de jours, je vais ouvrir une nouvelle page. Je ne pense pas que nous aurons beaucoup de points internet au centre du pays. En contre-partie j'espère que nous trouverons des coins beaucoup moins envahis par le tourisme de masse.

 

 

17/12/2012

Deux mois autour du Mékong à vélo 1ère partie Thaïlande

 

 

Un projet comme celui que nous envisageons Christian et moi, de l'ordre de 4 à 5000 km en un peu plus de deux mois en Thaïlande, Laos et Cambodge, commence à se vivre bien avant d'être partis. Des images déjà plein la tête nous réfléchissons à l'itinéraire. Mais le chemin suivi a-t-il vraiment une importance quant à son détail? Le voyage ne se construit-il pas au fur et à mesure des sensations ressenties, des rencontres faites, et des intuitions sur le terrain?

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Ce que je sais de façon presque certaine, c'est que la route passera par les montagnes du nord Thaïlande et nord Laos. Le voyage à vélo, outre bien entendu le fait, comme les autres formes de voyages, de se plonger dans des cultures autres, consiste plus précisément en de longues étapes sur la route, tourné vers soi-même dans l'accomplissement d'un effort de longue durée. Peut-être ce mode de déplacement simple et peu onéreux permet-il d'avoir une meilleure communion avec l'espace et donc communication avec les autochtones?  Ce n'est pas sûr. Il faut savoir garder son humilité et bien réaliser que pour les habitants de pays très pauvres, nous restons des touristes, certes à vélo, mais des touristes.  Eux qui bien souvent ne rêvent que de limiter les efforts qui les épuisent à essayer de se procurer la nourriture qui leur permet de survivre. Quelle idée peuvent-ils se faire de ces Occidentaux repus qui pour combler leur grand vide, ne trouvent rien de mieux que de se lancer dans de durs efforts physiques?

Vers le 15 novembre, nous avons pris nos billets d’avions.  C'est un grand pas psychologiquement, bien que nous n'ayons pas encore fait le premier centimètre de notre périple. Je suis satisfait, en effet un changement avec peu d'attente aussi bien à l'aller qu'au retour; départ donc le 10 janvier et retour le 17 mars. Cela représente un peu plus de 60 jours sur nos vélos, ce qui fait peu et beaucoup. 

Je suis depuis pas mal de temps  un couple de cyclistes lancés dans la traversée de l'Amérique du Sud. Leur dernière narration sur leur blog consiste en la traversée du sud Lipez. Magnifique tout simplement. Hier je suis allé à l'ISBA Santé Prévention. Un médecin très compétent durant 45 minutes m'a expliqué les différents risques dans les différentes zones que nous comptons traverser. Effectivement les risques sont d'autant plus élevés que nous allons séjourner généralement en dehors des villes dans les campagnes, là où se développent les foyers de paludisme, de dengue et de l'encéphalite japonaise. Concernant le palu et l'encéphalite la question se pose, concernant le premier de se mettre sous malarone tout au long du voyage ou non, et pour le second de se faire vacciner, que faire? Nous ne serons pas dans ces pays à la saison des pluies, donc le risque est moindre, mais jamais nul. Mon camarade Eric qui traîne dans ces coins depuis de nombreux mois, me rassure en me disant qu'un bon répulsif est tout à fait suffisant. Ce qui est aussi le cas d’Évelyne et Jean qui l'année dernière sont restés trois mois dans cette région.

En définitive, je m'oriente vers une vaccination contre l'encéphalite japonaise et une dose de sécurité en malarone en cas de suspicion de contamination. Il est préférable d'être prudent sans être alarmiste. Comme on me l'a appris: pessimiste dans la conception et optimiste dans la réalisation.

Je viens d'avoir un contact intéressant, qui m'a relaté son voyage à travers les pistes du Laos  du nord loin des routes les plus courues. Son récit m'a beaucoup plu et me donne vraiment envie d'aller me perdre sur les plateaux parmi les ethnies. Ce coin de la planète est une destination assez courante pour les cyclotouristes. En particulier la route Luang Prabang Vientiane représente souvent pour ceux qui l'ont parcourue un passage d'anthologie. Mais les pistes perdues semblent moins pratiquées. Si l'on s' inscrit dans un voyage programmé avec points de passage obligatoires dans un temps contraint, alors nécessairement on a tendance à rejoindre les routes les plus roulantes, donc les plus passantes pour abattre des kilomètres, afin de coller au programme. Mais bien souvent ces points de passage sont les grands "spots" touristiques qui ponctuent les pays de loin en loin. Ne faut-il pas justement échapper à cette normalisation du voyage à l'occidentale et aller à l'aventure justement là où aucune promotion n'est faite dans les guides?

                                  

                    

 Sur la carte ci-dessus notre itinéraire durant le premier mois à travers la Thaïlande est facile à repérer. Après notre arrivée à l'aéroport de Bangkok, nous prendrons le train pour Ubon Ratchathani, située à  600 kilomètres à l'est de la capitale. De cette ville notre périple à deux roues commencera. Tout d'abord nos vélos nous conduiront plein nord en direction de Mukdahan, cité où nous trouverons le Mékong. De là nous longerons la frontière est du pays jusqu'au nord, à venir buter contre la Birmanie. Alors nous franchirons la frontière laotienne à Chiang Kong.

Cet itinéraire en Thaïlande, estimé à 1500 kilomètres, sans tenir compte des détours que nous ferons sans doute, se décompose en deux parties distinctes.

La première de Ubon Ratchathan jusqu'à Nong Khai (qui est le point frontière donnant sur la capitale du Laos, Vientiane) se déroulera le long du Mékong, zone essentiellement plate. La distance est de 600 kilomètres. Outre l'attrait de découvrir ce grand fleuve tout au long de ce parcours de plusieurs centaines de kilomètres, cela me permettra de m'installer dans l'effort physique au long court, car je pars avec très peu d'entraînement, pour ne pas dire aucun!

La seconde partie, de Nong Khai à Chiang Kong plus au nord à la frontière avec la Chine, passe à travers les montagnes du nord du pays. Le parcours sera beaucoup plus accidenté, et il s'étirera sur une distance de 900 kilomètres.

Arrivant le 11 janvier à Bangkok, il nous faudra au plus tard sortir du pays 30 jours après, durée limitée du visa. En fonction de cette contrainte nous adapterons notre durée de séjour dans le nord du pays et des différents circuits que nous envisagerons afin de monter sur quelques uns des sommets réputés pour leur fabuleux point de vue, en particulier au lever du jour.

                      

 Concernant le Laos, le programme n'est pas encore calé. D'ailleurs nous n'avons pas l'intention de planifier grand chose. Nous savons que nous voulons dans toute la mesure du possible rouler par des pistes perdues avec peu de circulation. A travers les différents contacts pris avec des cyclistes qui ont emprunté les routes et chemins de ce pays, j'ai bon espoir que nous puissions partir nous perdre sur des plateaux loin des routes classiques suivies par les tour-opérateurs. Nous ne chercherons pas à traverser le pays en vue de préserver une semaine pour visiter le Cambodge, au contraire nous nous laisserons guider par notre inspiration et les informations que nous glanerons éventuellement au cours de notre avancement.

 

  

 Sur cette carte du Laos on peut distinguer les différentes régions. Ce pays me fascine de plus en plus au fil des témoignages des voyageurs à vélo, dont je lis les aventures sur leurs blogs. J'ai l'impression que deux types de voyages à vélo fort différents sont possibles, soit rester sur les grands axes du nord au sud, ou alors aller à la découverte par des petites pistes peu fréquentées. Ces dernières on les trouve aussi bien au nord qu'au sud. Ces différentes lectures, me permettent de visualiser mieux le trajet à venir, que nous cherchons à élaborer. 

Depuis le nord à partir de Chiang Kong rejoindre Pakbèng puis Hongsa et de là Luang Prabang; ensuite nous ne couperons pas à la mythique route qui conduit en 400 kilomètres à Vientiane via Vang Viang; puis rejoindre Viang Kham quelques 200 km à l'est puis par la N8 Lak Sao, puis plein sud par la N1E jusqu'à Mahaxai, puis en restant au centre du pays par des pistes rejoindre Saravane puis Attopeu, et revenir plein ouest sur Pakse. 

En un mois cela me semble déjà un joli programme, car selon l'état des pistes et le niveau des précipitations, la moyenne journalière peut fort tomber à quelques dizaines de kilomètres! Nous verrons bien, c'est justement là tout l'intérêt de ce type de voyage, l’incertitude.

 

J-2

Le départ arrive. Je commence à faire les sacs, je vais avoir moins de vingt kilos de bagages, bien que nous ayons opté pour la version lourde avec autonomie donc capacité de camping sauvage. Ce jour j'ai enduit mes vêtements d'un répulsif à moustiques. Pouah!  ça pue! j"espère que ce sera efficace.  J'ai  pulvérisé ce produit, piquant pour le nez, sur mes vêtements de base, un pantalon et trois t-shirt à manches longues. Ces quatre effets seront  ceux que je porterai en permanence durant ces deux mois. En effet, le problème du paludisme est à prendre au sérieux, car nous n'avons pas l'intention de rester dans les villes mais d'aller dans les coins reculés et d'y dormir dans des conditions rustiques. J'ai entendu tous les avis sur ce problème de piqûre de moustiques. Cependant certaines personnes interrogées avaient contracté le paludisme. Toute fois, ne soyons pas alarmiste, même en France nous ne sommes pas à l'abri. Une personne de mon entourage l'a attrapé, alors qu'elle n'était jamais partie à l'étranger. Pour ma part, suite à avis médical j'ai décidé de partir avec deux plaquettes de malarone, que je prendrai à dose massive, quatre par jour pendant trois jours, en cas de crise de palu. Le prix en pharmacie varie de 31 à 49 euros la plaquette de 12. La grande pharmacie de Lyon est particulièrement compétitive. Concernant l'encéphalite japonaise, je me suis fait vacciner, deux doses espacées d'un mois, 115 euros la dose, aïe! 

 

J  10 Janvier

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Il ne fait pas beau à Lyon, de la pluie, nous partons pour l'aéroport assez tôt. Sur les conseils de Christian j'expérimente l'emballage directement à l'aéroport avec film plastique. Pas si évident et cela prend du temps. Les opérateurs de la machine à filmer se sont appliqué et sont allé chercher du carton pour renforcer la protection.Mais ils se sont fait bien payer pour leur labeur: 25 euros par vélo. Une petite sueur froide à l'enregistrement, nos vélos n'étaient pas prévus, alors que nous avions payé depuis deux mois. Mais tout a fini par s'arranger.

J+1   11 Janvier

Arrivée à Bangkok vers 15 heures locales, six heures de décalage avec la France. L'aéroport est très grand, moins cependant que Francfort, par lequel nous avons transité. La récupération de nos bagages et vélos se passe pas trop mal. Nous n'avons pas trop de dégâts sur nos montures malgré une manutention assez "virile". Mon porte- bagages un peu tordu, ce qui est une petite gêne, mais que j'ai déjà expérimentée, car il avait souffert au retour du Chili, raison pour laquelle j'avais décidé de le changer.

L'hôtel nous fait récupérer à la descente de l'avion, tout est bien organisé. Il fait chaud vers les trente degrés avec un fort taux d'humidité. Le contraste avec la Franc en ce mois de janvier est important.

Premier dîner thaï, nous demandons expressément que les aliments ne soient pas trop épicés,faveur qui nous fut accordé. J'ai du mal à définir ce que j'ai mangé, un mélange de légumes avec différents fruits de mer, le tout accompagné d'une sauce douce, très bon.

Nous n'avons pas trop dormi, tout du moins en décalé, car en nous couchant à 22 heures locales, il était 16 heures en France!

 

J+2  12 Janvier

Journée à Bangkok, notre hôtel à proximité de l'aéroport est loin du centre ville. Nous partons à pied pour la station de train la plus proche. Nous nous perdons, mais cela nous permet de regarder des quantités de gros poissons qui grouillent dans un canal.

 

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Nous faisons appel à un taxi qui nous amène à la gare. De là après un parcours d'une bonne quinzaine de kilomètres nous continuons notre chemin en métro. Ce dernier est très propre. Nous arrivons à la gare centrale avec l'intention de prendre nos billets pour demain soir à destination de Ubon Rathachani, ville distante de 600 kilomètres en direction de la frontière est du pays. Nous voyagerons de nuit afin d'attaquer notre première étape à vélo tôt le matin.

Christian achète un abonnement téléphonique thaï, pas évident à mettre en œuvre!

Nous partons nous balader dans la ville, en particulier nous traversons toute la China Town, grouillement immense qui s'étire sur des kilomètres carrés. La ville compte 12 millions d'habitants.

 

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De retour à l'hôtel, nous n'arrivons pas à négocier un taxi en mesure de nous conduire avec nos vélos au train. Nous décidons que demain nous irons à deux roues. Trajet de 25 ou 30 kilomètres en ville, mais Évelyne et Jean l'ont fait l'année dernière, ça nous donne le moral.

 

 

 

J+3    13 Janvier      Bangkok 26 km

 

 

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Ce matin il fait chaud, nous démarrons la traversée de la ville tentaculaire de Bangkok à neuf heures. C’est avec quelques appréhensions que nous nous lançons dans ce trajet de 26 kilomètres.  D’après le plan fourni par l’hôtel, l’itinéraire semble très simple. Ce dimanche matin nous nous retrouvons dans un trafic modéré . Dès que que nous roulons l’air créé par le mouvement rend l’étuve provenant de la chaleur, du goudron et de la pollution très supportable. Bangkok est considérée comme l’une des villes les plus polluées au monde.

 

Les douze premiers kilomètres sont rapidement parcourus avec un petit vent arrière qui nous permet sans forcer de rouler à 25 kilomètres à l’heure. 

 

Les choses vont se gâter quelque peu par la suite. En effet, à un carrefour en patte d’oie, que nous ne remarquons même pas, nous prenons le mauvais embranchement. Nous allons réaliser notre erreur quelques kilomètres plus loin, car la route prend une direction que le plan n’indique pas. Nous nous retrouvons dans une grande avenue au très fort trafic,  enserrée au milieu  d’immenses buildings. Arrive un carrefour, nous sommes perdus, que faire? A l'aide du plan j’interroge la première personne. Il s’agit d’un homme qui parle couramment anglais et qui lit facilement le plan de la ville, ce qui est loin d'être la généralité, vu notre expérience de la veille. Nous avons de la chance. Il nous situe immédiatement et nous indique le chemin de la gare. Dans un énorme flot de voitures et  de motos nous parcourons les dix derniers kilomètres conduisant à notre destination. Il nous aura fallu deux heures. Par comparaison, j’ai trouvé ce parcours moins stressant que la traversée de Quito, que nous avions effectuée deux fois il y a trois ans, d’abord de jour puis de nuit.

 

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Nous voilà donc arrivés en gare, il est onze heures du matin. Il ne nous reste plus qu'à attendre patiemment le départ de notre train de nuit jusqu'à 20h30. 

 

Dans le hall beaucoup d'Occidentaux avec sac au dos. L'ambiance est calme, mis à part une musique d'ambiance, qui par moments nous casse un peu les oreilles. J'en profite pour m'acheter un bouquin, in english of course, ce qui me permet d'attaquer cette longue attente dans de bonnes conditions.

 

Enfin la délivrance. Nous chargeons nos vélos, et avec nos bagages nous rejoignons nos couchettes. Le compartiment fait un peu transport vers Tréblinka. Mais un employé vient confectionner les couchettes et ajoute pour chaque voyageur un rideau vert pour l'isoler des autres. Le compartiment s'en trouve transformé instantanément. Il ne me reste qu'à essayer de trouver le sommeil qui ne vient pas vraiment.

 

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J+4  Ubon Rathatchani à Kut Khaopun  96 km

 

 

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A 7h40, après une longue nuit le train arrive à son terminus. Rapidement nous sommes en mesure de rouler et quelques centaines de mètres après la gare nous nous retrouvons au milieu d'un trafic conséquent. Par où partir? Tout est écrit en thaï, bien que ma carte soit dans les deux langues, l'écriture thaïe est tellement tarabiscotée que nous n'arrivons pas à identifier les noms de ville par comparaison. Mais une personne nous renseigne et nous voilà dans la traversée de Ubon un lundi, sans doute à l'heure d'embauche. 

 

Nous n'avons rien dans le ventre. Arrêt dans un café, qui nous prépare un café très bon, mais la tenancière ne peut rien nous proposer à manger.

 

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Nous reprenons notre route avec l'espoir de nous ravitailler plus loin. Nous nous engageons sur la N212 que nous suivons une trentaine de kilomètres. Premier contacts avec les commerçants de bord de route. Nous dégustons nos premières bananes, très bonnes, douces et sucrées, et nos premiers criquets, salés, craquants et les pattes qui restent dans la gorge!

 

Puis nous optons pour des routes secondaires, ce qui bien entendu du fait de l'écriture thaïe laisse toujours une incertitude sur l'itinéraire, car la carte Michelin en notre possession est au 1/ 1 370 000, et la barrière de la langue est bien réelle. Mais la bonne volonté des gens rencontrés et la très bonne facture de la carte nous permettent sans difficulté de ne pas nous perdre.

 

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Vers les 13 heures, il fait 37 degrés, en roulant cela va bien, mais à l'arrêt nous sommes dans un four. Arrêt en rase campagne dans un petit restaurant , où la nourriture à base de riz et poulet est très bonne et surtout pas épicée. Nous prenons notre premier cours de thaï. Bosse de rire général, mais ils nous comprennent à moins qu'il s'agisse de politesse de leur part! Voilà le fruit de ce premier apprentissage: droite KWA, gauche SAÏ, toilettes OHN NHAM, très bien SABAÏDI KHRAP, combien ça coûte KHO LAY KHRAP... 

 

Le son KHRAP revient très souvent dans de nombreux mots dont bonjour, bonsoir. Cela m'amuse et me sert de moyen mnémotechnique, car en albanais il signifie carpe.

 

Vers les quatorze heures nous repartons après un très bon moment passé dans ce petit restaurant au milieu de nulle part. La chaleur étouffante est immédiatement atténuée par le vent généré par le mouvement.

 

La campagne environnante n'a pas grand caractère,  à cette période de l'année, le manque d'eau est évident, tout est jaune. Dans ce qui tient lieu de prés, pour le moins rabougris, quelques buffles et d'étranges vaches aux très longues oreilles, qui font plutôt penser au chien Pluto des dessins animés de Donald.

 

Bien que de loin en loin il y ait quelques mares, les moustiques semblent absents, pourvu que cela dure! Par contre les serpents manifestement sont bien présents, vu le nombre écrasés en bord de route. Christian me dit que dans le coin il y a des cobras, j'aurai du coup tendance à ne pas trop raser les herbes du bord de chaussée!

 

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A seize heures nous arrivons à Kut Khaopun, je suis content de m'arrêter. En effet, ces derniers jours depuis notre départ de Lyon, n'ont pas été de tout repos. De plus mon entraînement n'est pas terrible, je n'ai pratiquement pas fait de vélo depuis septembre. Après quelques recherches un jeune Thaï nous conduit un peu en dehors du village dans un endroit assez extraordinaire, chez un Allemand qui tient une Gest House depuis trois ans. Il possède une grande mare dans laquelle se cachent quelques monstres. Je me précipite avec ma canne à pêche, essayant différents leurres, mais les monstres ne se laisseront pas abuser.

 

J+5 Kut Khaopun à Don Tan  85 km

 

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Sur la photo à droite Christian et à gauche un locataire à temps complet de nationalité allemande. Ce dernier nous fournit gentiment des photocopies de sa carte plus détaillée que la notre.

Ce matin nous démarrons à neuf heures, quittant notre Allemand et sa compagne thaïe par un revoir appuyé. Rendus trop sûrs de notre navigation de la veille sans problème, nous commençons la journée en prenant la mauvaise route. Nous avons été induits en erreur par le fait que toutes les routes ne figurent pas sur la carte, mais comment peut-il en être autrement avec une carte d'une telle échelle? Il nous aurait suffi de chercher le numéro des routes sur les bornes et aux carrefours importants. Après quatre kilomètres nous réalisons notre erreur, car la direction prise est plein est au lien du nord.

 

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La chaleur est importante, jusqu'à 38 degrés, et nous avons un léger vent de face. Vers quatorze heures, arrêt dans une minuscule échoppe, où nous dégustons une soupe locale à base de pâtes chinoises de viandes et de boules blanches à la composition indéterminée. C'est très bon, d'autant que le bouillon regorge d'une multitude d'herbes aromatiques très goûteuses.

 

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Cette heure passée à l'abri du soleil particulièrement ardent nous requinque. Au moment de partir je demande l'autorisation de faire une photo de la cuisinière devant son fourneau. Immédiatement son mari et sans doute son fils arrivent en riant, et tous trois se mettent au garde-à-vous pour la prise de vue.

 

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Nous reprenons notre chemin à travers une campagne desséchée et nous rejoignons la route qui longe le Mékong. Hélas ce dernier nous reste caché.

 

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Arrivés à Don Tan, on nous indique un hébergement pour la nuit. Nous débouchons sur le fleuve, situé quelques mètres en contrebas. Il nous apparaît dans toute son immensité. Fantastique, je l'évalue à au moins 700 mètres de large (en réalité plus d'un kilomètre). Des pêcheurs en pirogue au milieu semblent minuscules. Leur embarcation ressemble à une brindille.

 

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Le gîte nous est proposé, mais pas le couvert. Ayant déposé nos bagages, nous reprenons nos vélos, et nous voilà repartis pour le marché au milieu du village. Nous sommes un peu l'attraction. Nous achetons deux belles mangues, deux salades composées mélange de différents légumes et des brochettes proposées par une petite fille adorable à l'air un peu effarouché. Nous passons un moment très agréable au milieu des  vendeurs et vendeuses qui s'esclaffent, lorsque nous essayons de prononcer des mots  en thaï. Je vais apprendre un mot indispensable: kao, le riz.

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J+6 Don Tan à That Phanom  86 km 

Nous commençons à nous installer dans le voyage.  Au stress des premiers jours, dû au transport, aux craintes que nos vélos soient   abîmés au cours des manipulations de chargement et déchargement, et aussi du fait des deux jours passés dans cette ville géante de Bangkok, succède un mode de vie plus en harmonie avec nos  aspirations.

Nous quittons notre gîte au-dessus du Mékong d'où nous avions un point de vue remarquable. L'étape de ce jour va se passer sans incident. Elle sera ponctuée d'un très bel arrêt dans la ville de Mukdahan, qui possède un magnifique temple juste au-dessus du Mékong. 

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Halte vers midi en bordure de route pour déguster des spécialités locales, excellents légumes, très bien cuits et macérés dans un jus, toutefois un peu épicé!

 

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Nous arrivons vers seize heures à That Phanom. Rapidement installés dans un hôtel en bordure du fleuve, nous partons visiter ce fameux stûpa de 55 mètres de haut, l'un des principaux lieux de pèlerinage de Thaïlande. Il est vraiment époustouflant!

 

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Nous finissons la soirée dans un restaurant tout au bord du Mékong, la nuit s'est installée. L'eau ne reflète rien,devant nous un kilomètre de néant et tout là-bas dans le lointain, les lumières de villages laotiens de l'autre côté de la frontière.

 
J+7 Jeudi 17/01 That Phanom à Tha Udhen 85 km

 Ce matin départ matinal, 7h30. Nous espérons de la sorte limiter notre temps de pédalage par grosse chaleur. Les berges de la petite ville de That Phanom sont ce matin envahies par les échoppes des commerçants du marché laotien, qui se tient deux fois par semaine. Avec nos vélos nous avons du mal à nous frayer un chemin dans cette masse humaine compacte. Mais ce moment d'immersion au milieu d'une foule n'a rien de désagréable.

 

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Les cinquante premiers kilomètres, qui nous conduisent à la ville de Nakhon Phanom, se déroulent le long d'une autoroute. Mais la circulation n'est pas très importante, et une large bande est à la disposition des deux roues. La monotonie du trajet est ponctuée à quelques reprises de vendeuses d'ail.

 

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Après une vingtaine de kilomètres nous visitons un temple et assistons à un office autour d'un grand stûpa.

Trente kilomètres plus loin, la ville de Nakhon Phanom. Elle possède une magnifique esplanade, bordée d'un côté d'une multitude de temples plus beaux les uns que les autres et de l'autre par le fleuve. Nous avons une très belle vue sur les montagnes laotiennes sur la rive gauche du Mékong. Pris par le charme de l'endroit, nous effectuons un arrêt prolongé, et dégustons un ananas doux et sucré bien installés sur la promenade. Je suis étonné par la quantité de temples en si peu de distance. Ils sont tous remarquablement entretenus.

 

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Vers treize heures nous effectuons les trente derniers kilomètres qui nous amènent à notre étape du jour Tha Udhet. Petite ville alanguie auprès du Mékong. Un marché très dense propose une multitude de poissons du fleuve, en particulier de grosses carpes à écailles et des silures. 

Cette étape semble ignorée des chemins touristiques, nous n'avons vu que deux Occidentaux. A chaque fois il s'agissait d'un homme accompagné d'une jeune asiatique d'une vingtaine d'années. A proximité de notre hôtel, nous rencontrons un jeune Camerounais qui est professeur d'anglais dans les environs.

 

J+8 Vendredi 18 Tha Uthen à Bung Khla 124 km

Départ à 7h30. L'étape du jour va se dérouler le long d'une route monotone, où cependant nous avons éprouvé du plaisir à pédaler. Nos corps s'habituent à la chaleur et nous ne trouvons plus qu'il fait si chaud, alors que le thermomètre indiquait 35 degrés.

En démarrant de notre hôtel, dans la rue qui nous conduit au Mékong, nous tombons sur notre professeur d'anglais camerounais, avec qui nous avions discuté hier soir. Il s'appelle Dieudonné. A cette heure matinale, il s'apprête à emmener ses élèves à l'école.

 

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Il y  a beaucoup d'eau de part et d'autre de la route. Nous nous sommes arrêtés sur un pont pour regarder des élevages de poissons.

 

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Un peu plus loin, nous avons été attaqués, non par un cobra ou un naja, mais par un ichtyosaure. Christian, un moment en mauvaise posture a réussi à maîtriser la bête, en véritable Indiana Jones qu'il est!

 

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Vers treize heures, tout juste à 100 kilomètres de notre point de départ de ce matin, nous avons mangé comme des ogres dans une petite échoppe en bordure de route. Les abords ne faisaient pas très net, mais en définitive, ce fut excellent et nous avons mangé deux plats chacun, soupe aux pâtes chinoises et riz assaisonné de succulentes plantes aromatiques. On nous sert en condiment de grandes branches de basilique frais, un délice. Nous avons goûté au "pork fish", poisson cochon, en boules dans le bouillon. Cela a un peu la consistance de la quenelle, en plus ferme et avec une saveur nettement plus relevée.

 

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Nous avons repris la route vers quinze heures, bien requinqués. Tellement bien d'ailleurs que nous sommes partis comme des fusées et  avons dépassé notre point de chute de plusieurs kilomètres, ce qui nous a obligé à faire marche arrière.  Le cap des cinq cents kilomètres est passé.

Cette nuit nous logeons dans un hôtel perdu en pleine campagne juste au-dessus du Mékong.

 

J+9 Samedi 19 Bung Khla à Pak Khat 96 km

Une fois de plus nous pouvons admirer le fleuve au réveil, chaque jour le spectacle est différent.

 

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Ce matin comme les jours précédents nous démarrons le ventre presque vide. Aujourd'hui, contrairement aux fois précédentes, impossible de se faire chauffer quoi que ce soit. Avec l'eau chaude de la douche on se concocte un semblant de café crème. Durant les vingt premiers kilomètres, nous suivons une route très agréable qui ne figure  pas sur notre carte. On traverse de grandes forêts d'hévéas, équipés pour la récolte du latex. Un petit gobelet, comme pour la résine dans les Landes, et au pied une demi-sphère de latex au sol, en attente d'être ramassée.

 

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Nous retrouvons notre fameuse nationale 212, qui commence à être une vieille connaissance. Bien que les abords ne soient pas très propres, le panorama monotone et la circulation assez importante et de plus les véhicules roulant souvent vite, et bien nous prenons plaisir à pédaler le long de ces immenses lignes droites. 

Vers dix heures trente, nous nous arrêtons pour acheter quelques bananes. Le compteur indique 48 kilomètres et d'un coup nous réalisons que nous avons faim. Nous n'allons pas prendre uniquement des bananes, mais aussi pas mal d'autres choses, dont un magnifique poulet à la braise. Il est préparé de façon particulière (cf la photo). En tout cas c'est excellent. Nous allons rester assis à nous empiffrer de tout ce qui nous tombe sous la main dans cette échoppe durant une bonne heure et c'est repus que nous remontons sur nos vélos pour effectuer les 50 kilomètres restants.  

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Bien requinqués, le ventre rebondi, il nous faut quelques distances pour reprendre notre vitesse de croisière. Nous longeons un étrange parc dans lequel fleurissent d'immenses blocs de grès. Intrigués nous le visitons. Nous ne serons pas déçus, car la visite conduit au bord même du Mékong, dans un coin charmant.

 

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Nous effectuons ensuite les derniers 25 kilomètre de la journée. A l'arrivée à Pak Khat, un hôtel adorable nous accueille, avec piscine et une vue merveilleuse sur le Mékong.

 

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 Un rêve se réalise. Je lance pour la première fois ma canne dans ce fleuve fabuleux. Bien évidemment, je m'imagine une foule d'énormes poissons grouillant de toutes parts, n'attendant que mon hameçon. Je dois bien avouer que la réalité est toute différente. D'abord je n'ai pas eu de touche, et puis j'ai accroché et ma belle cuillère ondulante à sandre, bien sûr je l'ai perdue. Cependant le plaisir fut intense. 

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Le repas du soir sur la terrasse face au fleuve, qui a disparu dans le grand trou noir de la nuit, est très agréable, et pour ne rien gâcher, il n'y a pas un seul moustique.

 

J+10   Dimanche 20  Pat Khat à Nong Khai  90 km

Pour la première fois depuis notre départ nous avons eu un petit déjeuner copieux, café, tartines, pain, beurre, confiture, beignets et une délicieuse soupe vietnamienne à base de pâtes chinoises et d'herbes aromatiques.

On se sent nettement mieux de partir le ventre bien plein, et pas seulement en ayant ingurgité trois petits biscuits avec un peu d'eau dans laquelle le café en poudre fait de gros grumeaux!.

Sur la distance qui nous sépare de Nong Khai l'itinéraire suit la nationale 212. Le rythme est soutenu et en quatre heures nous effectuons les 90 kilomètres qui nous conduisent au cœur de cette petite ville au bord du Mékong. Le plaisir de pédaler est immense lorsqu'on avance de cette manière à une moyenne élevée, bien que le panorama ne présente pas grand intérêt, à part à de rares occasions la vue sur des champs de riz au joli vert tendre.

 

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Durant cette étape sans point caractéristique, juste à mi-parcours nous avons eu la chance d'assister à un match de foot d'éléphants ainsi que d'admirer des champignons géants! 

 

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Mon compteur affiche 697 kilomètres depuis Bangkok. Demain lundi nous allons faire une pause et prendre le temps de nous balader tranquillement le long du fleuve et dans le vaste marché couvert, en attendant de reprendre notre périple en direction des montagnes du nord de la Thaïlande.

Ce soir succulent repas au bord du Mékong, une multitude de crudités dont certaines assez épicées mais pas trop, un régal. Je vous laisse admirer la photo.

 

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J+11 lundi 21 repos à Nong Khai

Ce matin lever tardif, pas de préparation de bagages à arrimer sur le vélo en se dépêchant pour profiter au maximum des quelques heures de températures relativement clémentes. Nous partons nous promener à travers la ville vers un grand marché, où l'on expose une multitude d'objets en tek, superbes.

 

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Nous retournons au bord du Mékong. Dans son immensité trouble se cachent des monstres de grande taille. 

 

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Dans l'après-midi, nous testons le massage thaï, une heure pour moins de cinq euros. Pendant une heure on se fait malaxer dans tous les sens  à coups de tranchant de la main, de poings, de pieds, de coudes,de genoux. On se fait tordre de haut en bas , de gauche à droite, et droite à gauche, on nous presse les membres, on nous les étire, nos pieds sont tordus avec vigueur. Parfois ça fait mal, parfois ça chatouille. Le résultat est sans appel. Nous partons de notre séance en ayant laissé toutes nos douleurs sur le tapis. 

Le soir vient doucement sur le fleuve qui est d'huile. Au loin, on distingue le pont de l'amitié qui permet d'accéder au Laos.

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J+12 Nong Khai à Sangkhom  84 km  

Départ matinal, le ventre vide. Vingt kilomètres plus loin nous trouvons un petit commerce qui nous propose thé et café avec une omelette. Il était temps.

La route devient plus petite, avantages et inconvénients. Avantages, les abords sont plus jolis et le tracé est souvent à proximité du fleuve, offrant de beaux points de vue sur les berges sablonneuses. Inconvénients, chaussée plus étroite, donc les voitures nous serrent de plus près, mais en général les conducteurs sont très corrects.

Sur la route, quelques plantations de tabac, et aussi, je suis désolé Bertrand mais un pêcheur a surgi avec un énorme poisson chat ou quelque chose de ressemblant, tout du moins en ce qui concerne la tête.

 

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Je suis tout surpris de constater que nos étapes de plus de 80 kilomètres nous les effectuons rapidement. Aujourd'hui à midi nous sommes arrivés à notre but, un adorable site de cabanes dominant le Mékong. Nous avons chacun la nôtre, elles sont ouvertes aux quatre vents, mais heureusement les lits sont équipés de moustiquaires.

 

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Demain nous devrions encore avoir une étape à peu près plate, puis la montagne commencera.Nous allons contourner la pointe du Laos qui s'enfonce en Thaïlande et ensuite remonter vers le nord tout en longeant la frontière.

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Sur la carte on peut voir notre itinéraire d'aujourd'hui de Nong Khai à Sangkhom et celui de demain jusqu'à Chiang Khan.  

 

J+13 Mercredi 23 Sangkhom à Chiang Khan  103 km     

Ce matin, je suis sorti de ma cabane avec en spectacle un magnifique lever de soleil sur le Mékong. 

 

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Nous avons eu droit, une fois encore à un petit déjeuner avec tartines, beurre et confiture.

Vers les 8 heures nous nous sommes mis en route. L'itinéraire passe au plus près du fleuve. Les points de vue y sont nombreux et variés. Par endroits le fleuve semble se perdre, puis plus loin de nouveau il est plus important. 

 

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Un peu après 80 km il est midi, et nous faisons arrêt là où nous voyons des gamelles chauffer. Une bonne ration de pâtes chinoises accompagnées de verdure du genre épinard, avec en dessert une canette de café froid, le tout pour 75 centimes d'euro par tête. En prime les femmes dans cette petite échoppe étaient très gentilles.

 

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Nous arrivons vers les 14 heures dans la petite ville de Chiang Khan, très pittoresque avec sa rue le long du fleuve, bordée de magnifiques maisons de bois.

 

 

 

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Demain nous allons changer de décor et rentrer dans des zones plus reculées, où les logements seront sans doute plus difficiles à trouver. Nous n'écartons pas l'option tente, et pour la première fois nous avons fait quelques provisions. 

La prochaine petite ville se trouve à plus de 300 km, Nan, et les dénivelés seront sans doute conséquents, car la montagne arrive. Nous allons continuer à descendre au sud ouest le long de la frontière encore une centaine de kilomètres, puis nous reprendrons la direction du nord, après avoir contourné cette protubérance laotienne en territoire thaï.

 

J+14 jeudi 24 Chiang Khan à Ban Nong Phue 53 km

Nous allons quitter le Mékong après une quinzaine de kilomètres. Nous le retrouverons dans deux semaines lors du passage de la frontière au nord du pays. La route devient plus étroite, la circulation peu dense. Mais l'état de la chaussée n'a plus rien à voir avec ce que nous avons connu depuis notre départ. Une multitude de gros nids de poule nécessitent une attention permanente.

Un petit incident mécanique nous fait perdre un peu de temps. Il s'agit en fait d'une belle chute de l'un d'entre nous. Vol plané par dessus le vélo, le casque fendu, mais à part des égratignures de partout rien de sérieux! Mais cela nous permet de constater la grande serviabilité des Thaïs. Immédiatement le blessé est emmené en mobylette chez le médecin du coin, qui le soigne remarquablement bien. Une heure plus tard après cette séance chez le toubib et la réparation du vélo qui a aussi subi quelques dégâts nous reprenons notre route.

 

 

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Les premiers raidillons qui font la réputation du nord de la Thaïlande apparaissent. Il fait chaud, vers les trente degrés mais tout se passe bien.

Vers les 13 heures nous faisons une erreur d'itinéraire et aboutissons dans un petit village complètement enserré en territoire laotien. D'ailleurs, il est en partie habité par des Laotiens, certains parlent quelques mots de français.

 

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Nous trouvons de quoi nous loger dans de très bonnes conditions à 500 bats, ce qui fait 12,5 euros, cher pour le coin, mais pas pour la prestation. Par contre en matière de nourriture c'est beaucoup plus difficile. L'épicerie vend de la bière des chips et des œufs. Nous arrivons à nous en faire faire trois au plat chacun, ce qui nous tiendra de repas du soir.

 

J+15 vendredi 25 Ban Nong Phue à Ban Mueng Phrae 72 km

 

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Lever matinal, petit déjeuner à partir des provisions que nous avons faites à Chiang Khan. Départ à 7h30. Les premiers trente kilomètres sont rapidement parcourus, on se prend à espérer des distances comme les jours précédents le long du Mékong. Mais une première côte, qui n'est que la première va nous révéler la vraie topographie des routes du coin. Un départ à 12%, avec des passages de plus de 15%. Ce que l'on vient de monter péniblement nous le redescendons dans la foulée et la prochaine côte infernale est là. Nous finirons à plusieurs reprises à pied à pousser les vélos. D'ailleurs en ce qui me concerne je vais plus vite à pied qu'à vélo dans ces cas. A pied 4,5 km/h, et à vélo je tombe à 3,5. La chaleur est très forte. Je bois trois litres d'eau au cours de ces montées. Heureusement j'avais prévu large, trois bouteilles d'eau d'un litre et demi et une bouteille de coca. Les pentes sont plus raides que celles que j'ai connues en Équateur, et qui représentaient mon expérience la plus difficile à vélo. Il ne reste plus qu'à attendre les prochaines étapes pour voir si la tendance se confirme.

 

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On commence à se poser des questions. Aurons-nous ce type de terrain  sur les 600 km qui nous séparent de la frontière?

Vers 13h30 nous arrivons  à Ban Mueng Phrae et trouvons un logement très honorable, mais encore à 500 bats. La proximité des parcs nationaux doit avoir une influence sur les prix. Après nous être installés, nous retournons au village pour déjeuner, bien qu'il soit plus de 14h30. Dans une petite échoppe repérée en passant on nous sert une succulente soupe avec du poulet. Nous sommes affamés, on en redemande.

 

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Ce soir le compteur affiche plus de 1000 kilomètres, ça ne veut pas dire grand chose mais c'est quand même bon pour le moral!

 

 

 J+16  Samedi 26   Ban Mueng Phrae à Ban Rom Klao 41 km

 

Après une nuit agréable nous prenons la route vers 7h30. On espère que la journée sera moins difficile que la précédente. Immédiatement la première immense côte nous enlève tous nos espoirs. J'ai vraiment la sensation de rester coller au goudron. Ma vitesse tombe par moments à 3,5 km/h. C'est la limite de l'équilibre, et pour rester sur le vélo, il me faut jouer du guidon.

 

En cinq heures nous ne parcourons que 41 kilomètres. On commence à comprendre que ce que nous avons lu sur les redoutables pentes de la montagne thaïe n'était pas exagéré.

 

 

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Au cours de ce parcours nous traversons de grandes zones aux collines couvertes de champs d'ananas.  A cette période  de l'année la récolte bat son plein. Partout des tracteurs chargés de centaines de gros ananas peinent le long de la route. Nous décidons de nous arrêter pour en acheter un et le dévorer sur place, car nous sommes affamés et assoiffés. La paysanne qui manipule son énorme tas de fruits en choisit un bien mûr, de deux kilos, et nous le découpe en belles tranches avec dextérité à l'aide d'un coupe-coupe. Il est absolument succulent, un jus chaud abondant et très sucré nous procure un grand plaisir. Au moment de payer elle refuse catégoriquement. Christian donne un paquet de cacahuètes à son fils. Au moment d'enfourcher nos vélos elle nous donne à chacun un grand sac rempli de tranches d'ananas. Nous ne pouvons pas refuser et nous voilà partis, chacun avec un bon kilo en plus!

 

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A midi au sommet d'une énième pente infernale, nous nous arrêtons pour déjeuner dans une petite échoppe comme souvent. Un jeune homme parle bien l'anglais. Nous lui demandons où loger. Il nous accompagne avec son cyclomoteur à une guest house, soit disant à 1km, en réalité il y en a trois. Mais les deux derniers empruntent une petite route qui monte littéralement dans le ciel. la pente moyenne est bien à 15% avec des passages à 20%. Il est 14h, nous venons juste de manger et la température est supérieure à 30 degrés. Ces deux kilomètres que nous gravirons en grande partie en poussant les vélos nous laisseront des souvenirs impérissables. Jean va bien comprendre, quand je compare cette épreuve à la montée chez Emmanuel en Équateur, pour aller au pied de l'Imbabura.

 

Une fois arrivés à cette fameuse guest house, on nous dit que la seule chambre de l'établissement n'est pas disponible. Nous sommes donc montés pour rien!

 

A ce moment le jeune homme nous dit que sa maison est à notre disposition. Nous redescendons donc au village et nous rendons chez lui. Son village est étonnant. Un peu en retrait de la route, tout en longueur, les maisons de bois sont alignées de part et d'autre de la rue unique. Une multitude d'enfants déambulent à même la chaussée. Les quelques véhicules, de gros 4x4 ou des tracteurs roulent au pas et manifestement les enfants n'ont rien à craindre. Il s'agit d'un village de l’ethnie hmong.

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Nous sommes reçus un peu à la manière d'autorités. Le maire vient nous saluer et nous sommes invités à manger le soir en se présence. La discussion au cours du repas sera très instructive. Les Hmongs de ce village à la frontière du Laos,sont tiraillés entre les deux pays, chacun des deux gouvernements revendiquant ce territoire. Il y a quelques dizaines d'années en ce lieu des combats particulièrement meurtriers se sont déroulés entre les armées thaïe et laotienne. Le maire se souvient aussi dans sa jeunesse des avions américains qui survolaient le village en route pour aller bombarder le viet minh au Laos.

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J+ 17 Dimanche 27  Ban Rom Klao à Ban Khok  70 km

 

Au cours de la nuit des pluies très violentes s'abattent pratiquement sans discontinuer. Comme par miracle, à 7 heures, le village s'éveille et la pluie s'arrête. Nous petit-déjeunons avec notre jeune homme, qui s'appelle Lee, et sa famille.  L'alimentation est hmong, à base de riz et de salade cuite, très énergique pour la journée qui nous attend. 

 

A 8h30 nous prenons congé de ces gens qui ont été si gentils, et bien évidemment ils refusent tout argent. Je ne sais plus qui a dit que le voyage c'était le plaisir de la découverte de l'autre et le déchirement de l'adieu. Ce sont bien les sentiments qui nous habitent en ce moment.

 

Très vite la route reprend le dessus. La chaussée est encore très mouillée, par endroits de nombreux végétaux au sol témoignent de l'importance des précipitations des dernières heures. Ce matin la montagne couverte d'une forêt très dense aux arbres gigantesques, toute nimbée de bandes de brume prend des airs mystérieux. Pas un véhicule, on a l'impression que les habitants ont disparu. Nous sommes en altitude vers les 800 mètres. Ce spectacle rappelle Pierre Schoendoerffer et son livre là-haut, dont la couverture représente justement cette forêt des hauts plateaux baignée de brume.

 

 

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Peu de montée, très vite de longues descentes vont nous conduire dans la plaine. Nous retenons notre vitesse, non seulement du fait de la chaussée détrempée, mais aussi parce que nous sommes sous le charme de ce coin reculé, toujours imprégnés des paroles de ces villageois hmongs qui nous ont hébergés, et qui nous ont parlé avec amour de leur forêt, de la cueillette du miel tout en haut des cimes de ces grands arbres perdus dans le brouillard.

 

Une fois dans la vallée, la végétation change radicalement et nous longeons des taillis aux arbres rabougris tout desséchés par le manque d'eau. Mais notre moyenne reprend de la consistance. Encore une petite échoppe en bord de route pour le repas vers les 13 heures. Un groupe d'enfants, plutôt d'adolescents, déjeunant est tout intrigué de voir ces deux farangs, à l'air de papis mal rasés à la barbe blanche, arriver sur des vélos surchargés.  Ces jeunes thaïs sont absolument magnifiques et toujours souriants.

 

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Après 70 km nous arrivons devant une guest house à l'accueil superbe par une femme qui nous offre un petit saladier de fruits locaux. Dix minutes plus tard son mari, qui parle très bien anglais, nous en apporte encore une assiette. Je lui montre la corbeille en lui disant que sa femme vient de nous l'apporter. Il repart avec son assiette en riant comme un bossu, mais me prévenant que c'est bon mais laxatif. 

 

Il y a un étang. Après avoir demandé la permission je me précipite pour y pêcher. A plusieurs reprises des poissons de grosse taille suivent mon leurre, mais ne s'en saisissent pas. Le repas du soir est un régal, multitude de plats, légumes et viandes variés. Bien que les efforts de la journée par grande chaleur soient intenses et nécessitent beaucoup d'énergie, j'ai bien peur que je ne maigrisse pas et que je rentre aussi lourd que je suis parti! 

 

J+18 Lundi 28 Ban Khok à  Na Noi 92 km

 Encore une fois il a bien plu cette nuit. Nous nous levons tardivement vers les 7h30. La maîtresse de maison nous a préparé un petit-déjeuner gargantuesque. A 8h45 nous partons après avoir fait quelques photos avec ce couple particulièrement accueillant.

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Les vingt premiers kilomètres sont plats, puis les 70 suivants sont constitués d'une série de montées et de descentes raides. Nous allons souffrir. La zone est complètement vide d'êtres humains. Nous traversons d'immenses forêts, qui par moments font penser aux routes de la Sainte Baume en automne.

 

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A 16h nous arrivons sur un sommet de 1300 mètres d'altitude après une interminable montée à 10% et plus. En 17 kilomètres d'une descente de rêve à grande vitesse nous atteignons Na Noi.

 

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Durant cette journée fatigante dans une zone abandonnée des hommes, à part quelques checks points militaires, nous n'avons traversé qu'un minuscule village, où cependant j'ai pu me ravitailler en boisson. Mais ce que je retiendrai c'est son nom qui me plait particulièrement: BAN DEN CHAT!

 

J+19 Mardi 29  Na Noi à Nan  59 km 

Hier soir étant arrivés tard, nous nous sommes rapidement mis à la recherche d'un endroit pour dîner. Il ne faut pas traîner car à 19h tout est fermé et les rues sont désertes. Nous tombons rapidement sur un restaurant à la grande salle vide et à l'aspect patibulaire. Mais mieux vaut tenir! Nous nous installons et la serveuse nous propose un menu auquel nous ne comprenons rien. Christian va regarder dans la cuisine. Paraît-il c'est un vrai capharnaüm. Quelques minutes plus tard les plats arrivent. Sublime, un mélange de légumes de poulet et de riz, que des petits morceaux très goûteux.

Une fois de plus le logement était de tout confort.

 

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Ce matin nous redoutons les séquelles de la séance d'hier où nous avons pédalé dans des conditions éprouvantes six heures et demi. Mais non, dès que nous roulons le plaisir est là, et l'envie d'abattre les kilomètres intacte. Cette sensation d'être sur la route à vélo est quelque chose d'étrange. Généralement en voiture les déplacements sont les moments incontournables que je trouve particulièrement ennuyeux en voyage. Alors qu'à vélo la route, même s'il s'agit d'une nationale passante, constitue l'essence même du voyage. Y-a-t-il quelque chose à comprendre?

Donc cette grande route présente des montées et des descentes comme nous en avons l'habitude depuis maintenant 500 km, mais les pourcentages de pente restent raisonnables. De grands champs de riz nous accompagnent et nous effectuons cette courte distance en un peu plus de trois heures.

 

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Nan, cette ville est quasiment inconnue de notre guide routard. On s'attend à un endroit lugubre et sans intérêt. Nous découvrons une petite ville au charme certain. Une guest house adorable en centre ville dans une petite rue calme nous accueille, et de plus le prix est particulièrement doux, cinq euros chacun, pour une chambre d'un très bons standard. Non Danielle, je te vois sourire, il ne s'agit pas du trou sordide au fond des Andes où je me trouvais comme un nabab!

Vite installés nous partons déjeuner dans un établissement qui une fois de plus nous sert des mets succulents, voir photos.

 

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Puis l'atmosphère paisible de la cité nous pousse à flâner. Un temple merveilleux aux sculptures extraordinaires nous offre un moment merveilleux.

 

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Nous trouvons enfin un petit bistrot qui nous sert un café doux à souhait. Nous sommes de vrais nababs dans cette petite ville négligée de notre guide. De plus dans ce café il y a des tas de livres d'occasion dans les principales langues européennes. J'en profite pour en acheter un en anglais qui va très certainement me passionner: Tracks, il s'agit du récit d'une femme qui en solitaire a traversé l'outback australien.

J+20 Mercredi 30 de Nan à Chaiang Muan 70 km

Bonjour tout le monde. Mais au fait c'est qui tout le monde? En effet, depuis trois semaines nous n'avons eu que cinq messages sur notre blog. Snif! Merci à ceux-là et aussi à ceux qui nous lisent? Si vous ne savez pas comment nous faire un petit coucou, je vous explique: en bas de cette page, se trouvent deux lignes en orange, parmi les différentes informations,  vous voyez commentaires. Vous cliquez dessus, ce qui fait apparaître les commentaires déjà écrits, et au bas de ces commentaires il y a l'emplacement afin que vous mettiez votre contribution, bien sûr si vous le voulez! Mais sachez que cela fait plaisir, car si nous sommes partis plein d'envie de jouer les Indiana Jons dans les forêts du Laos c'est toujours triste d'être loin de ceux que l'on aime. Et un petit coucou donne du baume au coeur!

Bonjour Mélody, je vais répondre à ta question: concernant ces deux derniers plats que l'on voit, bien évidemment que c'était très bon. Concernant le premier il s'agit d'une belle omelette posée sur une belle montagne de riz à laquelle on a mélangé de petits bouts de poulet et une multitude d'herbes aromatiques, toutes plus goûteuses les une que les autres. Leurs arômes se mélangent et cela donne une explosion de saveurs en bouche, un régal! Quant au second, il s'agit d'une salade composée de multiple légumes crus mais déjà un peu cuits dans le piments ou plutôt les différents piments de la recette. En effet, ils ont en Thaïlande cinquante mille façons d'allumer de gigantesques feux dans la bouche, mais ma foi, c'est un peu ou peut-être très fort, mais c'est bon. D'autre part le piment ça tue les microbes! 

Mais je ne t'ai pas tout dit. En effet, le soir on a mangé une soupe merveilleuse, au bouillon assez épais et sucré, au milieu duquel encore une fois une multitude de légumes, très différents du fait de leur consistance, de très tendre à très ligneuse, donnaient un goût merveilleux à cette soupe. Et puis pour finir, on a mangé une énorme glace à la vanille, avec des fruits confits. Ces derniers sont surprenants, car ils deviennent de plus en plus consistants à mesure qu'on les croque.

 

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Bon,  quand même je ne te cacherai pas, que la glace à la vanille de chez Bernachon, que je vais de temps en temps manger avec ma tante et Danielle est meilleure. Mais quand je vais chez Bernachon je ne suis jamais tombé sur un "super copain chat"!

 

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Cette journée commence sous les meilleures augures, en effet nous petit-déjeunons avec jambon, bacon, café, tartines, beurre et confiture, ça nous change un peu du riz. 

 

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Bien repus, nous quittons cette petite ville qui nous a beaucoup plu; les vingt premiers kilomètres sont  "tranquilles" et puis la Thaïlande se rappelle à nous par ses incessantes montées, qui n'en finissent pas de s'accentuer au fur et à mesure que l'on monte. Je verrai même un camion zigzaguer pour franchir les derniers mètres d'une énième côte à plus de 10%.

 

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Cela va durer 25 kilomètres, avec des passages en terre. Il est très étonnant de constater que cet effort ingrat à 5 km/h, je tombe même à 3,5, génère un vrai plaisir, dans cette fournaise. L'esprit est tendu vers le but du soir à atteindre, et vers le but final, qui dans le cas présent est notre point de départ, après une boucle de plus de 4000 km. Mais qu'importe le but, il n'y a que le chemin qui compte (Saint-Exupéry). Sur le chemin on y est en plein, la route qui nous attire et ne nous lâche plus. Je transpire à grosses gouttes, presque à flot continu le long de ces interminables rampes, qui ne montrent jamais leur fin, car derrière chaque virage on monte toujours plus. Il y a une très belle chanson qui parle justement de la route:

http://www.youtube.com/watch?v=tKCPIo9U_Qs 

Vers midi nous faisons halte et comme toujours une bonne assiette consistante nous remet de nos efforts du matin. Nous n'avons plus que 25 kilomètres à accomplir. On démarre plein de vigueur, Christian part devant. Après cinq kilomètres un cliquetis inquiétant me fait réaliser que j'ai cassé l'un des rayons de ma roue arrière. Je n'ose plus pédaler en côte de peur d'aggraver le problème avec une casse en chaîne de rayons. C'est donc en courant et poussant mon vélo que je monte. Au sommet de la dernière grande descente vers notre but Christian m'attend. On tente une réparation, j'ai bien des rayons de rechange, mais pas l'arrache-moyen indispensable car la pièce cassée s'encastre du côté des pignons. Donc suite à cette échec, relativement doucement je me laisse glisser jusqu'au village. Là personne en mesure de réparer. Que faire? Nous décidons que demain le plus tôt possible nous prendrons le bus avec montures et bagages pour la grande ville la plus proche, dans l'espoir de trouver un réparateur vélo. Il s'agit de Phayao, ville située une centaine de kilomètres à l'ouest un peu sous le triangle d'or. Pour ajouter au désagréable de cette fin de journée, je m'entaille profondément l'index droit avec le loquet de la porte de la salle de bain de notre guest house.  Durant plusieurs heures la plaie saigne fortement dès que je fais un mouvement. Je vous rassure, au moment où j'écris, cette belle entaille est en très bonne voie de cicatrisation.

 

J+21 Jeudi 31 Phayao en bus

Six heures le bus part. il fait nuit, tout est détrempé, il est tombé des cordes toute la nuit. Pour la saison sèche ça nous semble bien mouillé. A huit heures nous arrivons. Très vite nous trouvons un très bon hôtel, à un prix dérisoire 5 euros chacun, et pourtant avec tout le confort, en particulier une magnifique salle de bain. Nous nous mettons immédiatement à la recherche d'un réparateur vélo. Pas facile à trouver car les deux roues nombreux sont surtout des cyclomoteurs. Mais, malgré la barrière de la langue, avec l'aide de la population nous localisons assez rapidement notre sauveur. Très méticuleux, il accomplit le travail de façon remarquable et me dévoile ma roue parfaitement. Il me demande pour cela 50 bats soit 1,25 euro. Je lui tend un billet de 100 bats et il me remercie lorsque je lui dit de ne pas rendre la monnaie. Pour ma part c'est au centuple que jue le remercie.

 

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Nous passons notre journée à nous promener dans tous les recoins de la partie animée de la ville, grands magasins, marchés couverts et petites échoppes en bordure de chaussée, sans oublier de goûter à un excellent jus de mandarines!

 

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J+22 Vendredi 1février  Chiang Rai en bus

Merci d'avoir répondu à notre demande de "petit coucou". Ce matin nous quittons Phayao pour Chiang Rai, 90 kilomètres plus au nord, toujours en bus. On y prend goût! Il s'agit d'un tronçon de 90 km d'autoroute, pas très agréable à vélo, même si en Thaïlande les automobilistes, chauffeurs de car et camions ainsi que les deux roues à moteur sont très attentifs aux vélos.

Au cours des transports, que ce soit en avion ou en bus, le démontage des vélos est toujours un moment pénible. Eh bien! aujourd'hui, pas de tracas, le chauffeur nous aide à monter nos vélos complets dans son bus. Nos montures tiennent donc la place des six sièges à l'arrière du véhicule. Mais contre-partie de l'opération, puisque les six sièges ne sont plus disponibles, au moment de payer, la charmante jeune fille qui se déplace de passager en passager, peu nombreux, nous demande tout simplement de payer huit places, de manière certes un peu déguisée, 150 bats par vélo et 50 bats par passager, ce qui fait 400 bats pour deux. Mais, il faut relativiser, le tout ne fait que 10 euros, chacun de nous deux avec son vélo débourse 5 euros pour 90 kilomètres. Ne pas oublier que le prix du carburant est comparable à celui pratiqué en France.

 

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Vers les 10h30 nous atteignons notre destination, très prisée des Occidentaux. A tous les coins de rue nous entendons parler français. Durant trois semaines nous n'avons pratiquement pas vu d'Occidentaux et d'un coup forte concentration.Les guides touristiques doivent avoir une influence déterminante.Nous nous arrêtons au rond-point de la fameuse horloge dorée, afin de boire un café et de faire le point sur la direction à prendre.

 

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Nous trouvons un point de chute agréable, bien que certaines odeurs en provenance d'un canal en mauvais état, nous titillent un peu les narines. Nous en profitons pour acheter l'outil permettant l'extraction des pignons sur la roue arrière en cas de nouvelle casse de rayon. Au passage le vélociste en profite pour nous affiner quelques réglages. Dans ce magasin, nous rencontrons un vrai baroudeur, qui est en voyage en solitaire avec son vélo pour 7 mois. Il vient de traverser L'inde. Puis après un passage en avion de Dehli à Bangkhok, il a remonté le pays par la frontière birmane. Ensuite il va descendre le Laos comme nous l'envisageons. Puis retour en Thaïlande par Paksé et là, il abat les 700 kilomètres qui mènent à Bangkok et prend un avion pour Chamonix le 7 mars, où il reprend son travail de paysagiste.  Il fait des étapes journalières de 150 kilomètres!

 

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Le soir nous nous donnons rendez-vous au marché de nuit. Une foule dense s'y presse. Il nous communique des renseignements sur les routes du Laos, qu'il connait bien. Nous dînons de produits de la mer frits, un peu gras.

Demain, nous séjournerons un jour supplémentaire dans cette ville, ce qui nous permettra de rester trois jours sans rouler. Puis nous monterons vers le triangle d'or, qui est d'après ce que j'ai compris, la zone proche des frontières Birmanie, Thaïlande et Laos. Ensuite en deux jours de vélo nous irons à Chiang Khong après notre boucle dans le nord. Le mardi 5 février nous passerons au Laos pour de nouvelles aventures. On nous les promet différentes et en particulier plus spartiates. Il faut bien dire que jusqu'à présent c'est le grand luxe!

Pour des raisons de commodité de lecture, afin d'éviter un dérouler fastidieux qui s'allonge au fil des jours, le récit de nos tribulations laotiennes je le relaterai dans un nouveau chapitre. Pour le lecteur, toujours le même lien, mais il accèdera directement au texte sur le Laos sans avoir à faire défiler la traversée de la Thaïlande. Mais il pourra toujours accéder à cette première partie thaïe qui se trouvera derrière le récit sur le Laos. Long à expliquer mais très simple dans les faits! Et l'informatique ce n'est pas mon truc! La Wifi  sera sans doute beaucoup moins présente, donc des compte-rendus moins fréquents. Il sera temps de voir lorsque nous y serons.

 

J+23 Samedi 2 février Chiang Rai

Aujourd'hui dernier jour de repos, nous prenons nos vélos pour une petite balade, 30 kilomètres aller-retour pour aller visiter l'un des temples les plus originaux du pays, vraiment très étrange, on aime ou non. Regardez et pensez-en ce que vous voulez!

 

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 Bien évidemment en Asie, un grand temple est accompagné de bassins et que trouve-t-on dans ces bassins?

 

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J+24 Dimanche 3 Chiang Rai à Chiang Saen 62 km

Aujourd'hui petite étape pas très difficile, nous faisons 62 kilomètres sans même nous en rendre compte, en moins de trois heures. Nous nous sommes arrêtés devant un drôle d'arbre, nous n'avons pas réussi à déterminer s'il s'agissait d'une ancienne souche pétrifiée, ou d'une construction artificielle. Si c'est le cas elle est vraiment magnifiquement réalisée.

 

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En chemin nous rencontrons un cyclo en solitaire dans l'autre sens. Nous lui faisons signe de s'arrêter et nous discutons un bon moment. Il s'appelle Georges est catalan espagnol et roule depuis 6 mois. Il arrive d'Inde, où entre autre il a traversé L'Himalaya indien. il a trouvé cela absolument fabuleux, un mois et demi entre Cachemire, Ladhak et autres régions de haute altitude, avec un passage à 5400 mètres. Maintenant il rentre tout simplement en Espagne par la route et toute la ribambelle de pays à venir. La notion de fin de voyage est pour lui une idée abstraite qui n'a pas vraiment de sens!

 

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Chiang Saen se trouve sur le bord du Mékong, nous le retrouvons avec plaisir. De nombreux bateaux transportent des marchandises à destination du Laos en face ou plus loin vers la Chine. Une activité intense se développe le long des quais et des immenses escaliers qui y conduisent. Les bateaux m'ont toujours donné une profonde idée de partance. Toutes ces embarcations, qui font de grandes courbes dans le puissant courant du Mékong, exécutent un ballet de toute beauté. Les dockers comme des fourmis s'affairent autour de lourdes charges.

 

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Un petit chapitre pour Jérémy: dis-nous quelles sont les recettes qui t'intéressent et dès que nous maîtriserons la langue thaïe on te fera un compte-rendu détaillé et très précis sur les dosages des ingrédients!

 

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Comme partout en Thaïlande il y a dans cette ville des temples, devant lesquels un bestiaire fourni et faisant appel à la grande imagination puisée dans la religion bouddhiste. 

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Sur le marché nous avons goûté des superbes fruits aux couleurs vives et agréables à manger, même s'ils ne sont pas très goûteux. Mais malheureusement, nous sommes dans l'incapacité de savoir leur nom. Si quelqu'un peut nous renseigner, nus sommes preneurs!

 

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Nous avons aussi croisé notre premier éléphant, certes pas très gros. Son propriétaire le tenait le plus souvent en laisse sur le trottoir, comme un gros toutou.

 

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J+25  Lundi 4 Chiang Saen à Chiang Khong 55 km

Dernière étape avant le Laos. Notre sortie d'hier soir, que nous attendions avec impatience pour aller manger au marché de nuit sur le bord du Mékong, a tourné court, gros orage oblige. Pour la saison sèche c'est vraiment mouillé, une nuit sur deux grosses pluies et il y a quelques jours fortes pluies dans l'après-midi. Heureusement nous étions au repos à Chiang Rai.

Avec toute cette eau, notre plan initial de traverser le Laos par des pistes est contrarié. En effet, hors routes, déjà pas toujours très bonnes d'après ce qu'on nous a dit, c'est le bourbier assuré. Donc nous resterons sur les routes.

Nous disons ce matin au revoir au patron de notre guest house, il a été adorable. On a fait la connaissance d'un Japonais qui adore les Alpes françaises et qui est un fan inconditionnel de Gaston Rebuffat et de René Demaison. On a parlé des grandes faces mythiques comme la face nord de l'Olan, et nous étions aux anges!

 

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Hier, le patron, lorsque nous sommes arrivés, nous a dit,qu' un cycliste venait de passer la nuit ici. Il nous montre son appareil photo, il s'agit de notre Catalan. Je lui montre à mon tour mon appareil et il voit le Catalan. On éclate de rire!

Aujourd'hui 55 kilomètres, quelques pentes infernales qui vont vers les 15%, prémices du Laos. Des points de vue magnifiques sur le Mékong. Ce fleuve est étonnant, on a vraiment l'impression que par endroits, d'un coup, il subit des pertes. Il perd de sa largeur et de sa puissance et quelques kilomètres plus loin, de nouveau il revient avec toute sa puissance. On a constaté ce phénomène à plusieurs reprises. 

 

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Vers 12 heures nous sommes à Chiang Khong. Nous commençons par poser nos affaires dans une guest house, puis nous partons immédiatement dévorer un énorme poulet, des fois qu'on en trouve plus au Laos! Mais il y aussi les poissons du fleuve qui grillent!

 

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Puis, nous allons préparer les documents nécessaires pour notre traversée demain matin dès l'ouverture du poste frontière. Nous espérons embarquer au plus tôt juste après huit heures et commencer à rouler dans la foulée.

Le port, un foisonnement de bateaux, petits et gros, transportant des touristes occidentaux ou des semi-remorques de 30 tonnes. J'adore ce trafic incessant au fil du courant puissant du fleuve.

 

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Demain ce sera notre tour. J'attends avec impatience de me lancer dans ces bosses laotiennes que l'on nous promet infernales!