07/12/2015
Juste une balade à Chamonix
Mon camarade Robert me propose une randonnée pédestre à Chamonix pour le samedi 7 novembre. Nous devons nous retrouver la veille au Chamoniard Volant, gîte refuge bien connu des alpinistes et des randonneurs à l'entrée de la ville.
Habitant dans les Vosges, je me pose la question de savoir comment je vais rejoindre notre lieu de rendez-vous. Plusieurs options sont envisageables: prendre le train jusqu'à Paris rejoindre Robert à Fontainebleau et descendre ensemble, ou prendre ma voiture et me rendre directement au pied du mont Blanc. Puis une dernière idée me vient, pourquoi ne pas m'y rendre à vélo en traversant le Jura par la Suisse? Novembre à vélo, selon les aléas du temps, surtout à travers le Jura et les zones montagneuses des Alpes, les surprises y sont possibles, qui se concrétisent par de belles souffrances. En effet, un coup de mauvais temps avec pluie ou neige et le voyage à vélo se transforme en vraie galère, il peut même être interrompu. Les jours précédents mon départ je surveille avec assiduité les bulletins météorologiques.
J'en profite pour faire quelques sorties entre 500 et 1200 mètres d'altitude pour tester mes différents habits, en particulier les pantalons que je compte enfiler par-dessus mon cuissard en cas de froid. En effet, je me souviens d'un trajet Lyon-les Vosges fin octobre 2014. Je comptais passer par les parties hautes du Jura, mais le froid et l'humidité m'avaient repoussé vers des routes plus basses. Le matin, aux premières heures de la journée je roulais avec les extrémités bien froides et cela piquait. Alors, ne vais-je pas avoir encore plus froid en passant par des coins réputés les plus glacials de notre pays, comme la ville de Mouthe.
Arrive la date du départ, mardi 3 novembre. Le temps devrait rester couvert seulement ce jour, puis le grand beau pour une semaine est annoncé, idéal pour m'assurer un aller-retour de plus de 800 kilomètres en tout confort. Donc sans hésiter à 8 heures je me mets en route. J'ai essayé de limiter mes bagages, mais à cette période pour être autonome et pouvoir bivouaquer sans trop de souffrance, il est nécessaire de prendre un minimum de matériel. Mon barda pèse de l'ordre d'une douzaine de kilogrammes, qui tiennent dans deux sacoches arrière et une de guidon.
J'espère rejoindre Chamonix en 4 étapes, le trajet aller totalisant un peu moins de 400 kilomètres,le retour un peu plus. Mon plan consiste, après avoir quitté les Vosges, à traverser le Jura par de petites routes au hasard de ma carte et descendre en Suisse et me diriger vers Vevey sur le lac Léman. Ensuite, longer ce dernier par sa rive nord en direction de l'ouest, puis remonter la vallée du Rhône en Valais jusqu'à Martigny, où je compte m'arrêter pour la nuit chez ma camarade de l'Atacama, Flora. Une dernière étape me conduira à Chamonix par les cols de la Forclaz et des Montets.
En ce matin il fait froid, mais pas de brouillard. Dans les prés la gelée blanche apporte sa légère touche hivernale avant l'heure. Sur un rythme alerte je m'engage dans l'escalade de deux cols des Vosges au dénivelé faible, le Ménil et les Croix. Très vite la chaleur de l'effort m'envahit de sa douce irradiation et dans la foulée les épaisseurs d'habits sont enlevées. J'ai très vite la sensation de pédaler comme en été. Pourtant la température est légèrement négative et le ciel bien gris. Comme toujours, avec les premiers kilomètres d'une nouvelle aventure les doutes s'envolent et l'esprit du voyage me submerge. Il n'est pas besoin de partir de l'autre côté de la planète pour se sentir vivre. Rapidement je quitte le département des Vosges pour la Haute-Saône. Par des routes confidentielles à la circulation quasiment inexistante je traverse de nombreux villages, qui dans cette triste journée, à la lumière crépusculaire, sont déserts.
J'avance rapidement. Aux environs de midi je traverse le Doubs à Isle-sur-le-Doubs. Un salon de thé, je m'arrête et déguste un énorme chocolat au lait accompagné d'un gros gâteau plein de crème. Cette belle collation, qui me tient bien au ventre, va constituer mon repas de midi. A la sortie de la ville, sur quelques kilomètres il me faut emprunter la D 683, large route à quatre voies. Heureusement le trafic y est faible. Puis une route, presque oubliée des cartes, me permet de m'échapper en direction des montagnes du Lomont, que je franchis par le col de Ferrière.
Quelques gouttes commencent à tomber, juste de quoi m'inquiéter. Mais cela ne va pas s'aggraver. Une jolie descente me conduit au village de Sancey-l'Eglise. Le temps passe vite et en cette période de l'année. Sous cette couche nuageuse épaisse la pénombre s'intensifie dès 14 heures. Je commence à me poser la question du point de chute pour la nuit. En effet, il est vivement conseillé de ne plus rouler après 17 heures, car la circulation dans le noir est dangereuse pour les cyclistes. Une côte bien raide de quelques 6 kilomètres me ralentit. Vers les 16 heures j'arrive à la petite ville de Pierrefontaine-les-Varans. Deux gendarmes, je leur demande s'il y a un gîte communal. Ils me répondent par la négative, mais m'indiquent un camping et un hôtel. Mon choix me conduit vers cette deuxième option, d'autant plus qu'il se situe juste devant moi à 300 mètres. Joli établissement au charme désuet, où l'accueil est très sympathique et les prix doux. Cette première journée s'est bien passée avec 117 kilomètres au compteur et 1526 mètres de dénivelé. La route n'a pas été aussi plate que je le pensais. En effet, une succession de côtes, jamais trop marquées, mais une fois cumulées donnent un dénivelé équivalent à celui d'un grand col des Alpes.
Repas du soir agréable, nuit douillette, les prévisions météo sont moins optimistes que prévu quelques jours auparavant. Pour cette deuxième étape, c'est sous un ciel bas et menaçant que je me mets en selle. Par des routes de traverse étroites, tortueuses et désertes, agrémentées de fortes côtes par de belles forêts à l'aspect mystérieux et austère sous une lumière blafarde, je rejoins la ville de Morteau. L'humidité très forte déclenche des bancs de brouillard ténu qui s'accrochent au relief. La pluie n'est pas très loin. Je traverse la ville assez animée. Je me dirige vers la bourgade de Montlebon, porte d'entrée vers la Suisse. J'y fais une halte afin de me ravitailler, pour éviter de faire des achats chez nos amis helvètes, car les prix y sont prohibitifs. Le temps de mon arrêt la pluie se met à tomber, elle est assez forte, et semble s'installer. Et dire qu'il n'y a pas même un café dans cette agglomération, pourtant pas si petite. Depuis ce matin, en une bonne cinquantaine de kilomètres, je n'ai pas vu dans les villages traversés le moindre commerce. La désertification des zones rurales est bien réelle. Je m'abandonne à ces pensées tout en regardant tomber la pluie, abrité devant la boulangerie qui m'a vendu deux jolis pains dont l'un de seigle.
Je suis toujours partisan du mouvement et de ne pas trop perdre de temps. Donc, sans attendre que la pluie cesse j'attaque la côte assez raide qui mène à un petit col, qui n' a pas de nom. Je ne peux pas faire la photo rituelle de mon vélo devant le panneau mentionnant le nom du point haut, car il n'y en a pas. Je passe la frontière quelques kilomètres plus loin. Là encore petite curiosité, le changement de pays ne correspond pas exactement à la ligne de crêtes.
Je traverse une magnifique région, un peu triste et fraîche malgré le vert intense des prés. Elle est dénommée la petite Sibérie suisse. Effectivement, il n'y fait pas très chaud, tout particulièrement dans les descentes. Je dépasse le village de la Brévine. Une perte d'altitude de quelques 600 mètres en une dizaine de kilomètres me conduit à la bourgade de Fleurier. Imprudemment je ne me suis pas couvert en descendant à vive allure et c'est transi de froid que je m'arrête dans une cabane en bordure de village pour casser la croûte. Je grelotte et j'ai du mal à me réchauffer. Pédaler en novembre malgré le réchauffement terrestre ce ne sera jamais la même chose que pédaler en été. Une fois ma pause terminée, c'est chaudement habillé que je me remets en route, en direction du col des Etroits, qui culmine à 1153 mètres. Très vite je transpire et j'enlève les couches les unes après les autres, pour très rapidement me retrouver en tee-shirt. Et malgré tout, je continue à transpirer dans cette côte qui n'en finit pas. En novembre, une fois les habits mouillés de sueur, il est très difficile de les faire sécher si l'on envisage de bivouaquer. Donc c'est torse nu sous une légère pluie que je termine l'ascension du col. Les automobilistes qui me doublent doivent se demander quel est cet étrange cycliste.
Vers les 15 heures j'atteins le col. L'obscurité risque de tomber rapidement ce soir. Mais la pluie s'est arrêtée et tout là-bas, à l'ouest, les Alpes se dessinent en ombres chinoises. De larges zones de ciel bleu les dominent. A mes pieds la vaste plaine, bordée par les lacs de Neuchâtel au nord et Léman au sud, s'étire. Elle semble très loin en contre-bas. Le brouillard étend son emprise et la recouvre toujours plus. Dans ces conditions elle m'apparaît bien froide et hostile. Il me faut me dépêcher de la rejoindre, et un peu avant que la nuit ne tombe trouver un endroit où poser ma tente. Bien que je sente la course contre la nuit déjà enclenchée, je prends le temps, depuis ce haut promontoire, de m'imprégner de ce spectacle grandiose qui s'étire jusqu'à cette immense barrière de montagnes hérissées de pics acérés. Ces flashes qui m'interpellent de loin en loin, en s'égrainant au hasard du chemin, sont l'un des carburants du voyage à vélo. Je sais que cette sensation que j'éprouve entre extase face à la nature et urgence de chercher un lieu pour ériger ma tente, tant que la lumière est suffisante, restera l'un des instants forts de cette semaine sur la route.
Je m'habille chaudement avant de me lancer dans une belle descente en direction de cette vallée qui s'enfonce dans le flou de la pénombre et de la brume.
A ces moments, où il reste moins de deux heures de jour et que la plus grande incertitude règne quant à l'endroit où l'on va pouvoir s'établir pour la nuit, alors tout l'intérêt de l'itinérance à vélo se révèle. L'esprit se met en activité tous sens en éveil. On étudie le type de contrée que l'on traverse. Plutôt des cultures, des prairies ou des forêts, ou pire des zones d'habitations assez denses. Dans des pays comme la Suisse le camping sauvage n'est pas très facile, mais à cette période de l'année il suffit d'attendre la tombée de la nuit pour se poser, et généralement personne ne vient vous déloger.
La circulation est importante sur les grandes routes que je suis contraint de suivre durant une quinzaine de kilomètres. Je contourne la ville d'Orbe par son périphérique est. La zone est très industrialisée et fortement habitée. Une immense usine Nestlé, dont les dimensions du parking prouvent le gigantisme de ce site. Il me faut au plus vite m'éloigner vers des coins de campagne plus propices au bivouac. Une route peu passante part plein est vers le village de Chavornay, puis cette localité dépassée, elle se dirige vers Corcelles. A la fontaine au centre je remplis mes deux bouteilles d'eau, ce qui me donnera un peu moins de trois litres pour bivouaquer. Entre les pâtes à faire cuire, le thé du matin et la boisson c'est ce qu'il faut.
Une fois cette tâche accomplie je me dépêche de me remettre en route à la recherche d'un lieu éloigné des habitations. Je traverse une large zone de cultures entrecoupée de loin en loin de bosquets et petits bois, qui marquent des lignes nettes de séparation. Je devrais trouver le coin idéal et discret pour me cacher. Un chemin part sur la droite parmi les arbres. Le sol est tout détrempé de cette humidité qui se condense alors que le froid s'intensifie. Après quelques centaines de mètres je débouche dans une large clairière où s'étale un champ de maïs. Il vient juste d'être récolté. J'y recherche un emplacement bien plat et je m'installe. Il est plus de 17 heures. Une course contre le temps s'enclenche. Il me faut avoir organisé mon matériel avant la nuit, qui progresse rapidement. Bien que mon dernier bivouac remonte à plusieurs mois, les réflexes acquis reviennent vite. La couverture de survie étalée, la tente montée, le sac de couchage, le matelas gonflable, le sac à viande et le coussin lui aussi gonflable sont déroulés. Je me change, enlevant mon cuissard, le remplaçant par un pantalon épais, mon tee-shirt humide vite échangé avec un sec et plus chaud, par-dessus lequel je rajoute deux épaisseurs dont ma doudoune en plumes d'oie. Me voilà prêt pour une longue nuit d'immobilité de 13 heures. Une dernière photo de mon camp avec les ultimes lueurs du jour qui meurent à l'ouest. Je me rends compte que je suis installé sur une terre bien grasse qui colle aux chaussures. Je rentre dans ma tente, me glisse entre mes trois sacoches, les deux arrière et celle de guidon, mais pas de problème j'ai de quoi m'allonger.
Maintenant vient le moment de préparer mon repas. Une bonne gamelle de vermicelles rehaussée de deux bouillons Kub. Il me faut faire très attention à ne pas mettre le feu au tissu de la tente, d'autant plus que mon réchaud a le pas de vis qui s'est grippé et devient particulièrement instable. Le repas terminé, il ne reste plus qu'à me laver les dents et puis me mettre en position confortable pour attendre le jour demain matin. Je suis à plusieurs centaines de mètres de la route et encore plus loin de la première habitation, donc la nuit sera calme.
Au matin je guette les premières lueurs du jour dans l'attente du moment où je vais sortir de mon duvet afin de replier au plus vite mes affaires. Je suis toujours étonné par ces bivouacs hivernaux, plus de 12 heures et le temps qui semble avoir filé comme s'il ne s'était agi que de quelques heures. Cette capacité d'adaptation aux éléments même lorsque qu'ils deviennent un peu adverses procure un réel plaisir. Là encore on découvre un autre aspect de la motivation du voyage à vélo.
Dès que la pénombre s'est suffisamment dissipée je plie avec un maximum d'ordre mes affaires dans mes trois sacoches tout en faisant démarrer un thé sur mon réchaud. Une heure plus tard je suis en mesure de repartir. Dans mon champ il y a du brouillard. Pourvu que la route n'en soit pas trop recouverte.
Le soleil pointe derrière le rideau d'arbres devant moi. Une fois sur le goudron je constate que la visibilité reste assez bonne. Aujourd'hui, je compte rejoindre Martigny au pied du col de la Forclaz. Cette plaine entre ces deux grands lacs suisses est loin d'être plate, succession de bosses plus ou moins grosses.
Le temps est redevenu très beau, contrairement aux deux jours précédents, durant lesquels j’ai roulé sous la menace de la pluie, qui heureusement ne s’est jamais vraiment concrétisée.
Alors que je ne vois pas encore le lac Léman, je distingue très nettement les montagnes qui se situent sur sa rive sud en France, comme la Dent d’Oche ou les aiguilles du Midi. Je longe le lac de Bret, puis je plonge en direction du Léman à travers les vignes de Vevey. Dans cet automne en son milieu, elles sont d’un jaune éclatant, et se découpent sur l’eau sombre du lac. Le soleil les éclaire de face. Toujours cette féerie de la surprise à vélo, cette immensité toute jaune s’étend et s’échelonne sur un large pan de colline, qui prend fin dans l'immensité bleue du lac. Si par moments on se demande ce que l’on fait à souffrir sur la route, il suffit d’un tel spectacle pour ne plus douter et en comprendre les raisons.
Rapidement je rejoins la rive, que je vais suivre jusqu’à l’entrée de la vallée de Martigny. De très beaux tronçons de piste cyclable me font traverser la ville de Montreux, aux bâtiments imposants, baignés dans une végétation multicolore. Un peu avant le bout du lac je m’installe confortablement sur un banc face au large et je fais un copieux repas à base des nombreuses réserves que je transporte. Des voiliers croisent en silence. ils me font penser à Ella Maillart, cette grande aventurière des années 30, écrivain de talent qui relata magnifiquement ses expériences d'exception. Elle commença sa vie aventureuse en éprouvant son courage sur un frêle esquif livré aux tempêtes parfois soudaines et violentes du lac de Genève. En effet, par mauvais temps de forts vents tombent des montagnes environnantes, certaines culminant à plus de 3000 mètres d'altitude, et agitent l'eau avec fureur.
Sous ce soleil généreux, avec difficulté je m'arrache à mes rêveries, transporté quelque part dans l'Himalaya à la suite d'Ella dans le souvenir de ses nombreux livres, comme par exemple Croisières et Caravanes ou Oasis interdites. Je vais quitter le bord du lac aux eaux très calmes au cours de cet été indien. Les derniers kilomètres sur cette grève je les fais à vitesse réduite pour fixer un maximum d’images, de sensations et d'émotions dans ma mémoire.
Voilà c’est fini, la vallée se présente devant moi. J’ai de la chance un vent favorable me pousse tout au long des trente derniers kilomètres. Je sais que la via Rhodania se cache quelque part à ma droite, mais mes quelques essais pour la rejoindre se terminent par des impasses avec demi-tour dans des culs-de-sac. Vers 15 heures j’arrive à Martigny, et je rejoins en traversant cette petite ville le gymnase où m’a donné rendez-vous Flora. Pour le moment elle travaille à la piscine et me rejoindra plus tard. Effectivement, un peu après 17 heures elle arrive pour assurer ses cours de gymnastique. Je peux attester que ses élèves passeront une bonne nuit après une séance intense, où elle sait les pousser loin dans l'effort, dans la bonne humeur ponctuée d'éclats de rire. Nous allons passer une soirée superbe à se remémorer notre incroyable voyage à vélo ensemble à travers le désert de l’Atacama. Cela fait maintenant deux ans.
Le lendemain matin départ à 8 heures. Elle m’accompagne dans les premiers kilomètres du col de la Forclaz. Au lieu de suivre la route principale à la circulation importante, elle me fait découvrir de petites routes qui serpentent dans les vignes. Certes ça monte très raide, mais nous sommes seuls. Aujourd’hui encore, le temps est très beau, et la végétation explose en une multitude de couleurs en ce milieu d’automne. Je passe à la meilleure époque pour pouvoir jouir de ce spectacle. Dans quelques jours les teintes se seront affadies et les parures d’hiver prendront le dessus.
A mi-pente Flora fait demi-tour car le devoir l’appelle dans son gymnase.
Je reprends ma route par voies détournées et chemins en sous-bois. Il me faut par moments pousser mon vélo tant la piste à travers la forêt est pentue. Mais ce n'est que du bonheur. Je suis toujours étonné de constater, alors que l'on marche à faible allure, accroché au guidon de son vélo , que le dénivelé se creuse rapidement. Il faut dire que dans le désert d'Atacama, nous avions été à bonne école de patience. Des dizaines de kilomètres à rester à côté de nos montures, qui s'enfonçaient dans les scories volcaniques pulvérulentes, parfois du lever du jour jusqu'à la tombée de la nuit, bousculés par des bourrasques de vent adverses.
Je débouche sur la grande route pratiquement au sommet du col. Quelques centaines de mètres et j’y suis. Je fais une longue halte.
Un couple de Chinois m'aborde, lui parle anglais et elle très bien français. Ils me mitraillent de leurs appareils photo. Très vite notre conversation se dirige vers la politique internationale. Ils sont sévères avec la France dont ils trouvent la politique internationale molle et sans cap. Habitants d'un grand pays, qui vise la suprématie mondiale, il sont pour l'ordre et la discipline. Je m'arrête là cette parenthèse politique, car justement l'un des buts des voyages consiste à nous déconnecter de ce flot d'informations angoissantes qui nous submerge à longueur de télé, de radio, de journaux d'ipad et autres engins, soit-disant de progrès, qui rythment avec tyrannie notre vie quotidienne.
Après ce moment très intéressant, je me lance dans une longue descente afin de rejoindre le pied du dernier col, celui des Montets. Il fait froid et humide. La route est mouillée dans ce grand pan de montagne à l’ombre, et pourtant il est midi. Je pense à après-demain lorsque je vais faire ce trajet dans l’autre sens tôt le matin. Je risque d’avoir beaucoup plus froid, et peut-être du verglas. Chaque chose en son temps, il sera toujours temps d'aviser le moment venu. Le col des Montets est vite enlevé.
Apparaît alors le massif montagneux mythique de Chamonix, d’abord l’aiguille Vertes et les Drus. Ces derniers sont une vieille connaissance, constituant l’une des plus mémorables ascensions que j’ai effectuées, il y a déjà bien longtemps. Il ne me reste plus qu’à me laisser entraîner dans une dernière descente pour rejoindre Chamonix, à la recherche du Chamoniard Volant, où je rejoins un groupe d’amis afin de faire une randonnée en montagne demain. J’ai parcouru 368 kilomètres en 4 jours.
Ce samedi est mon jour de repos avant de reprendre la direction des Vosges. Nous prenons le train à crémaillère du Montenvert. Le décor que je connais bien est absolument extraordinaire, d’abord la face ouest des Drus qui s’élance d'un jet sur mille mètres de verticalité et qui culmine à un peu moins de 3800 mètres, et la face nord de l'aiguille du plan qui nous domine de sa paroi froide et glacée. Tout au bout de la mer de glace et du glacier de Leschaux la face nord des Grandes Jorasses dresse son mur de roche et de glace qui monte dans le ciel jusqu’à plus de 4000 mètres. La mer de glace par contre donne un spectacle inquiétant, surtout en fin de saison avant les premières chutes de neige. Elle est entièrement noire couverte de caillasses et elle s’enfonce toujours plus dans le lit qu'elle a érodé, perdant en épaisseur des quantités importantes. Sur un an elle vient de fondre de 3,5 mètres en épaisseur, ce qui est particulièrement important. Jusqu’à présent on était sur une moyenne annuelle de 2 mètres. Elle est encore épaisse d’une centaine de mètres. Une division simple permet de réaliser quelle est la durée de vie de ce symbole de nos Alpes à ce rythme. La succession des échelles pour la rejoindre a été multipliée par deux, voire plus, en trente ans. D’ailleurs, il n’y a pas que la glace qui disparaît, les parois de granit s’éboulent. La glace interne, qui colmate les fissures et tient lieu de ciment entre ces immenses plaques qui supportent l’architecture de ces magnifiques parois d’escalade, eh bien cette glace fond et les rochers s’écroulent. Les éboulements peuvent atteindre des dimensions gigantesques. Toutes les aiguilles de Chamonix arborent d’immenses balafres claires qui jurent sur la belle couleur fauve du granit qui a subi la patine du temps. Les Drus sont particulièrement affectés. Sur plus de 700 mètres cette lèpre blanche due à l'effondrement atteste sans contestation possible du réchauffement. De toute évidence il se passe quelque chose dans nos montagnes, et l’augmentation de la température est toute désignée comme coupable de ces bouleversements.
On ne se croirait pas au mois de novembre à 2000 mètres d'altitude. En effet, afin d’économiser mes habits pour le retour, je me déplace torse nu, même à l’ombre des montagnes. Bien évidemment le beau temps y est aussi pour quelque chose, mais je ne peux m’empêcher de penser à certaines promenades dans ce coin par mauvais temps en été, la température était nettement moins clémente.
De retour dans la vallée, après une magnifique journée passée au pied des aiguilles de Chamonix, flammes de pierre mondialement connues pour leur esthétique unique et la beauté de leurs escalades, nous assistons au spectacle de la nuit envahissant ces vastes parois. Les derniers rayons de soleil livrent un ultime combat en semant une incandescence fugitive sur les neiges de la Verte et dans la verticalité des Drus.
Dimanche matin, après un copieux petit déjeuner dans notre sympathique refuge le Chamoniard Volant, je me prépare à reprendre la route. J’ai un dernier entretien intéressant avec le propriétaire, qui m’explique qu’avec le durcissement des réglementations en matière de sécurité, de nombreux établissements comme le sien, n’auront pas les moyens financiers pour se mettre aux normes. Il faut donc s’attendre à voir disparaître ces chalets de montagne chargés d’histoire, qui nous rappellent la longue tradition montagnarde de ces régions. Je me souviens aussi du refuge de l’Aigle au pied de la Meije à plus de 3000 mètre, qui a été remplacé par une structure moderne. On peut le regretter, mais il est vrai qu’un incendie de nuit dans un lieu qui accueille du public a souvent des conséquences dramatiques.
Il est 8 heures, il fait froid dans le fond de la vallée de Chamonix, un au revoir à mes amis qui vont repartir de leur côté, et je prends la direction du col des Montets.
Je m’attends à avoir froid, mais tout de suite la montée me réchauffe et je me déshabille. La descente en direction du pied de la Forclaz est sèche et se passe bien. A bonne vitesse je franchis les 500 mètres de dénivelé qui me conduisent au col. En ce dimanche de novembre, le beau temps a motivé de nombreux randonneurs à venir profiter des beautés de la montagne. Je fais une dernière pause et je jette un ultime et long regard à ce massif magique, dans lequel j’ai vécu tant d’aventures. Cette intrusion à vélo à cette époque de l'année ajoute une touche supplémentaire à la longue série d’émotions qui me lie à ces hautes terres peuplées de parois redoutables.
Je plonge vers Martigny dans une descente d’une vingtaine de kilomètres et plus de 1000 mètres de dénivelé. Les vignes ont perdu en moins de 48 heures leur jaune éclatant et tirent sur un brun plus terne. Une fois en fond de vallée je me trompe dans la ville et pars dans la mauvaise direction, car la vallée fait un coude à 90 degrés. Rapidement je me rends compte de mon erreur et reprends la direction du lac Léman. Aujourd’hui encore les éléments sont avec moi. Une petite brise me pousse et la moyenne s’en ressent. En début d'après-midi je quitte la Suisse en passant le poste frontière de Saint-Gingolph. Le lac est d’un calme plat, semblable à un miroir, pas une ride.
Les montagnes qui me dominent cachent le soleil qui descend rapidement. La température s’en ressent. Sur mon vélo il me faut jongler avec les couches de vêtements pour gérer au moins mal les coups de chaud et les coups de froid, le tee-shirt mouillé de sueur, sans parler des bouts de doigts et de pieds.
Je traverse la ville d’Evian, qui en cet après-midi de dimanche est envahie de piétons qui viennent profiter de cet été indien dans ce décor immense au milieu des montagnes. La densité de population est importante sur cette rive. Je ne pense pas pouvoir trouver un coin tranquille pour bivouaquer. En arrivant à Thonon-les-Bains je recherche un hôtel. Un passant en centre-ville me donne le bon renseignement et à quelques centaines de mètres sur les hauteurs je rejoins un établissement tranquille à l’accueil très sympathique et au prix modéré. En ce jour j’ai effectué 117 kilomètres et la fatigue me tombe dessus au moment de la douche. Comme la restauration de l’hôtel est fermée en ce jour férié, je ne vais pas trouver le courage d’aller me promener en ville à la recherche d’un lieu pour dîner. J’ai de nombreuses réserves que je transporte maintenant depuis 500 kilomètres. Je vais donc mettre en route mon camping gaz dans la douche, attention au déclenchement de l'alarme incendie, et me faire une ration de riz précuit. C’est extrêmement pratique, le temps de chauffe se limite à deux minutes. La contrepartie, comme le riz est déjà imprégné d’eau, les provisions sont donc plus lourdes. Ce que l’on gagne en économie de gaz on le perd en poids de riz.
Lundi matin, après une bonne nuit et un excellent et gargantuesque petit déjeuner je suis sur mon vélo à 8h15. Heureusement pas de brouillard, très fréquent à cette époque, il constitue un vrai danger pour le cycliste. Contrairement à ce que je pensais, pas de piste cyclable sur cette rive du lac. La route qui suit la grève, pas toujours au plus près, est particulière encombrée en ce début de semaine, et de plus par de nombreux camions. Au plus vite j’essaie de m’échapper vers des routes moins importantes. A plusieurs reprises je me fourvoie dans des impasses. A l’aide de plusieurs personnes qui me renseignent fort aimablement je réussis à me faufiler par des routes et des chemins à travers des bois agréables pour le cycliste.
Dans le lointain je vois le grand jet d’eau, symbole de la ville de Genève. Je pénètre en Suisse et comme par enchantement les pistes cyclables font leur apparition. Plus je rentre en ville et plus le déplacement à vélo est facile. Au cœur de la capitale suisse c’est un vrai plaisir de suivre le bord du lac. Je fais ma pause casse-croûte au plus près du jet.
Je continue à suivre le lac en direction de Nyon. La piste cyclable est continue, à part quelques travaux qui me forcent à la quitter ponctuellement. Les 25 kilomètres qui mènent à cette ville sont parcourus rapidement. Pour le moment les conditions sont clémentes, d’après la météo elles devraient continuer à être favorables, voire très favorables pour la saison. Une fois à l’entrée de Nyon je me dirige vers le col de la Grivine. Les premiers kilomètres en m’éloignant de la grève du lac sont très raides. Depuis une centaine de kilomètres j’avais pris l’habitude du plat, il va falloir me remettre aux côtes. Une succession d’épingles à cheveux me conduit au village de Saint-Cergue. Encore 5 kilomètres et j’atteins le col.
Le temps passe, la station des Rousses n’est plus qu’à quelques kilomètres et je décide de ne pas m’y arrêter et de continuer, quitte à devoir bivouaquer à la tombée de la nuit. Rapidement je suis à Bois-d’Amont. J’ai le choix entre partir par la vallée de Joux en Suisse ou me diriger plein est par une minuscule route en direction de Bellefontaine. J’opte pour cette deuxième solution. Ça monte dur, mais heureusement la circulation est nulle. J’ai l’impression de ne jamais sortir de cette forêt d’altitude, des bosses qui n’en finissent pas de se succéder, et le jour décline. Enfin, par une descente franche, à belle vitesse je rejoins le village précité. Il va falloir que je commence à me poser la question de mon lieu de station pour la nuit. Ce village est désert, je me dirige vers le suivant, Chapelle-des-Bois. Le plateau du Jura est magnifique dans son immensité dépouillée, de grandes prairies encore bien vertes. Je sais que dans quelques semaines, voire quelques jours, ces espaces auront perdu leur couleur de pâture pour une livrée blanche, sur laquelle les fondeurs se livreront à leur sport.
Au centre de Chapelle-des-Bois je découvre deux hôtels, mais à cette époque de l’année, juste l’entre-saison, aucun d'eux n’est ouvert. Cependant j’essaie de contacter l'un des propriétaires à partir d’un numéro de portable affiché sur la porte. Personne ne répond. Un passant, le seul que je verrai ne me laisse pas grand espoir de trouver un toit. Il ne me reste plus qu’à remplir mes deux bouteilles d’eau à la fontaine toute proche et partir à la recherche d’un endroit confortable pour m’installer pour la longue nuit qui arrive avec rapidité. Une fois en mouvement, plus que la route je scrute les environs à la recherche du coin adapté. Des vaches paissent tranquillement à ma gauche. Sur ma droite un indice, il n’y a plus de clôture, je vais donc pouvoir partir à la recherche d’un emplacement plat. Je roule dans l’herbe en direction de quelques sapins. Entre deux d’entre eux, une place plate me convient. Je monte mon camp talonné par la nuit qui tombe rapidement. Je me suis arrêté juste à temps. Le plus difficile n’est pas de monter sa tente de nuit, ni d’organiser son matériel de bivouac à l’intérieur, mais de trouver un endroit plat dans la nuit. En effet, le halo de la lampe ne porte qu’à quelques mètres et alors trouver un emplacement convenable relève de l’aiguille dans la botte de foin.
Une fois bien installé dans mon duvet, il ne me reste plus qu’à faire chauffer ma soupe aux vermicelles. Un petit problème sur le pas de vis trop oxydé de mon réchaud entraîne la chute de ma gamelle et de son contenu. Pas de problème pour récupérer les pâtes, mais l’eau il me faut en remettre. Mes réserves sont limitées, deux bouteilles, l’une de 1,25 l et l’autre de 1,50, donc un peu moins de trois litres. Je ne peux pas me permettre une seconde mauvaise manipulation si je ne veux pas souffrir de la soif durant la nuit. Pour ce deuxième essai tout se passe pour le mieux et ma platée rehaussée de deux bouillons Kub est un vrai régal. Quelques petites sucreries en guise de dessert et je suis en mesure d’affronter la longue nuit sur ce magnifique plateau à plus de mille mètres d’altitude. Un appel téléphonique, il s'agit de l'hôtelier qui me demande si j'ai trouvé un gîte pour la nuit. A ma réponse négative il émet un regret de ne pas m'avoir répondu immédiatement. Mais ma nuit sera beaucoup plus belle et enrichissante que dans une chambre confortable.
Je vais entendre la vie nocturne bruire. Certains cris d’animaux me sont complètement inconnus. C’est plein de curiosité que j’écoute la nuit bruisser. Le bivouac seul permet une telle proximité avec la nature. Les sacrifices d’inconfort sont nettement remboursés par cette osmose avec les éléments climatiques et la vie sauvage que l’on vit, comme accepté par effraction dans ce monde discret et fragile.
Le jour arrive tardivement en ce 10 novembre. Je guette le moment où la lumière sera suffisante pour commencer à plier mes affaires et me faire chauffer du thé. Ça y est le top est donné. Bien que ma tente soit petite, les sacoches sont stockées à l'intérieur, et rapidement chaque chose prend sa place pendant que le thé arrive à ébullition. Il ne fait pas froid, vers les 3 degrés. Une brume ténue flotte aux alentours. L’effet est superbe, encore une raison de se laisser aller au bivouac à cette époque. Je prendrais presque mon temps, tant je me trouve à ma place dans ce matin calme plein de mystère, où les formes apparaissent de manière floue à travers un léger voile qui se répand horizontalement, laissant le ciel d’un bleu uniforme. Encore une magnifique journée en perspective. Je me couvre de façon adaptée pour partir dans cet air frais et humide, tout en dosant bien le nombre d’épaisseurs pour ne pas avoir froid, ni me retrouver en sudation au bout de quelques minutes.
La route prend des airs fantastiques dans ce jeu de lumières entre brumes, ombres et soleil montant lentement, tout en étant toujours caché par le relief à l’est. Je m’arrête à plusieurs reprises pour photographier ce spectacle éphémère, qui évolue rapidement au rythme du soleil qui se fait toujours plus présent.
Une fois à Mouthe, arrêt dans un bar très accueillant. J’y fais un petit déjeuner copieux tout en discutant avec le propriétaire. Bien repu je reprends la route en direction de Pontarlier. Je longe le lac de Saint-Pons. Encore une journée que l’on peut qualifier d’été indien. Quand je pense que je me demandais s’il était raisonnable de partir à vélo pour un périple de plus de 800 kilomètres à cette époque. La preuve est faite qu’il faut toujours tenter.
Une fois Pontarlier traversée, je tombe sur la piste cyclable qui se dirige vers Gilley. Une vingtaine de kilomètres de plaisir dans un décor d’automne finissant, les teintes perdant leur éclat, les feuilles au sol commençant à s’accumuler par endroits, tout espace encore à l’ombre étant détrempé. Manifestement les dernières résistances de l’automne cèdent rapidement aux parures de l’hiver, que les prévisions météorologiques prévoient pour la semaine à venir. J’ai un peu l’impression de voler une dernière magnifique chevauchée à vélo au cycle des saisons. Cette incertitude face aux éléments qu’il s’agisse d’intempéries ou d'éminence de l'hiver, le vélo permet d’en ressentir toutes les vibrations et les émotions. Je ne suis jamais tant attentif à l’évolution du temps que lorsque je suis en voyage à vélo. Une sortie à la journée ne permet pas d’éprouver ce lien fort au climat. En effet, il n’y a que l’engagement qui vous pousse à essayer d’anticiper les choix en fonction de l’évolution du temps. Lors d’une sortie de la journée, il est toujours possible de rebrousser chemin ou de forcer sous la pluie pour finir au chaud à la maison, où des habits propres et secs vous attendent. Mais quand on sait que la prochaine nuit risque d’être sous tente avec les vêtements que l’on porte, alors les sens se mettent en éveil et les stratégies s’élaborent.
Oui le voyage à vélo donne une vraie dimension d’aventure. Mais aujourd’hui de toute évidence le temps reste au beau fixe et pas de souci du côté d’une quelconque dégradation à venir. Je traverse de longues zones au relief de moins en moins montagneux, bien que les dénivelés se succèdent de bosse en bosse. La montagne laisse la place à la campagne. Je rejoins la ville de Pierrefontaine-les-Varans, lieu d’arrêt lors de la première étape de mon périple. L’horaire me permet de pousser plus loin et j’atteins le village de Sancey-l’Eglise, où je vais trouver un hébergement pour la nuit.
Le dernier jour de mon escapade arrive. En une centaine de kilomètres à travers la Haute-Saône je vais rentrer dans les Vosges. Le temps est toujours aussi beau, seuls quelques bancs de brouillard matinal me donnent parfois des sueurs froides pour des raisons de sécurité, malgré mon éclairage assez efficace. Mais en ce 11 novembre la circulation n’est pas très importante. Rapidement cependant, le soleil réchauffant le sol, la visibilité va devenir très convenable. En une belle étape au dénivelé conséquent à travers cette plaine toutes de bosses je vais rejoindre le département des Vosges. Sans perdre de temps après un pique-nique, agréable chauffé aux rayons du soleil au bord de la rivière l’Ognon, je vais à bonne vitesse gravir les deux cols, des Croix et du Ménil, que je commence à bien connaître. Vers les 15 heures je suis à Cornimont, après une chevauchée à vélo de 8 jours , une randonnée à Chamonix et un cumul de 825 kilomètres et 10500 mètres de dénivelé. La pratique des sorties de ce type avant les froideurs de l’hiver me procure un vif plaisir et je crois bien que je vais repartir dès que possible.
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23/07/2015
Une boucle à vélo des Vosges aux Vosges par 5 pays alpins plus la France en 2300 km
Dans une semaine l'aventure à vélo reprend. Cette fois elle sera familiale. Je pars avec mon petit-cousin Maxime, héritier d'une fameuse famille de sportives et sportifs. Même les jeux olympiques ne les ont pas effrayés.Trois de ses grand-tantes y ont participé. Dans la famille on ne compte plus les médailles. Maxime est moniteur de ski, bien dans la tradition familiale où depuis des générations on chausse les planches au moment de faire ses premiers pas. Il va donc falloir que je m'accroche. Mais je n'oublie pas l'écrivain Kazansakis et sa fameuse devise "Un jour où je n'ai pas souffert est un jour où je n'ai pas vécu". Donc tout devrait bien se passer!
61 et 22 font 83, donc moyenne d'âge de l'équipe 41,5 ans , pas si mal. Heureusement que nous rentrerons avant le 17 septembre sinon cela ferait 62 et 22.
Bodensee
Autriche
Slovénie
Dolomites italiennes
Suisse
Notre projet sur 40 jours consiste à faire le maximum de cols à vélo dans les Alpes en traversant 5 pays, l'Allemagne, l'Autriche, la Slovénie, l'Italie et la Suisse. Nous y ajouterons quelques cols français des Vosges au départ et du Jura en finale. Notre périple devrait avoisiner les 3500 kilomètres. Mais comme toujours dans ces aventures de durée moyenne, il ne faut pas trop planifier, afin de se laisser la liberté de modifier l'itinéraire en fonction des coups de cœur et des découvertes en cours de route.
Nous partons avec le même type de vélo, Fahrrad Fabrik, deutsche Kalität. Pour ma part je viens de le tester en mai sur un trajet de 1200 kilomètres à travers les montagnes de la côte atlantique espagnole. Manifestement il va très bien, même s'il est un peu plus lourd que mon Trek alu, avec lequel j'ai parcouru trois continents.
le vélo
Le départ est prévu le lundi 27 juillet, après avoir été retardé d'une semaine pour raison de santé dans la famille. Mais tout rentre dans l'ordre et le compte-à-rebours est enclenché.
Départ de Ventron direction le Rhin au plus court. Puis de là nous remonterons jusqu'au Bodensee en suivant la vélo-route du Rhin en Allemagne. A l'extrémité est du lac nous rentrerons en Autriche, où au gré des massifs montagneux réputés nous nous dirigerons vers la Slovénie. Dans ce pays nous irons admirer le Triglav, point culminant de Slovénie, sommet très parcouru. Et puis si une opportunité se présente, peut-être essayerons-nous de le gravir. Mais que faire des vélos et du matériel? Et puis j'ai bien peur qu'il n'y ait foule. Enfin nous verrons bien sur place, wait and see. De Slovénie nous pénétrerons en Italie avec l'intention de gravir un maximum de cols haut perchés de ce formidable massif des Dolomites. Ensuite nous traverserons la Suisse par quelques-uns de ses cols mythiques pour venir buter contre le Jura, dernière bosse avant de retrouver nos Vosges.
J-4
Je teste tous mes appareils électriques, photos, GPS, ordinateur, des petits problèmes comme toujours, mon ordinateur portable ne charge plus. Ouf! Il ne s'agit que d'une panne du câble, tout va donc bien, il suffit d'en acheter un nouveau.
J-3
Toujours quelques préparations, puis quelques actions pour la famille, un petit tour du Parc de le Tête d'or avec ma tante de 93 ans, sans problème elle a effectué ses 7 kilomètres dans la canicule, comme dirait Flora c'est top c'est cool.
Le soir, venue du fils de Danièle et de sa famille et de la correspondante anglaise d'Alysée. Elle est originaire d'une famille d'Afrique du Sud, et sa grand-mère qui est médecin a soigné Mandela lorsqu'il était en prison. On en oublie presque que l'on est sur le départ, mais le rosé coulait bien.
J-1
Je suis dans les Vosges, demain matin départ à 7h, le temps n'est pas terrible, mais nous ne devrions pas avoir des trombes d'eau. Les sacoches sont prêtes, encore quelques petits réglages sur le vélo, mettre un rétro et fixer le support GPS, puis au dodo.
27 juillet Cornimont Bad Säckingen 163 km
Départ au petit matin avant 7 heures sous un ciel bas et pluvieux. C'est toujours étonnant de se dire que l'on part pour un grand périple et que ça commence par la pluie. Comme prévu Maxime m'attend au carrefour de Frère Joseph. Notre premier col Oderen sous des trombes d'eau, on a froid.
La traversée de l'Alsace en évitant Mulhouse par le nord pas si facile. On traverse la forêt de la Harth.
On finit par rejoindre une piste cyclable qui nous amène en Allemagne. Mais on doit revenir en Suisse et traverser Bâle, on galère un peu. Puis c'est parti le long du Rhin, une fois en Allemagne une fois en Suisse.
Un coin sympa pour bivouaquer en Suisse mais le feu y est strictement interdit, et nous n'avons que du riz, donc pas possible de s'arrêter.
Vers 19 heures on roule toujours. En Allemagne un super marché est ouvert, nous faisons quelques courses et partons bivouaquer le long du Rhin. Longue journée 10 heures effectives sur les vélos. Je dors comme une souche de 21H30 à 5H.
28 juillet Bad Säckingen à Constance 130 km
7h30 nous prenons la route avec un vent favorable. La vélo-route du Rhin est un peu "pomatoire", on ne sait jamais si on est dessus et en plus on ne sait pas si on est en Allemagne ou en Suisse. Moi qui pensais que le fleuve marquait la frontière, pas du tout. Sur la rive droite parfois on est en Suisse et en plus dans ce territoire suisse il y a des enclaves allemandes. Ce matin déjà presque 80 km, les affaires marchent!
Nous déjeunons à 13h dans une enclave allemande sous régime économique suisse donc en francs suisses et pas en euros. Casse-tête.
Nous sommes passés aux chutes du Rhin.
Nous reprenons la route en espérant rejoindre Constance ce soir, on verra.
Les 50 km pour Constance sont assez vite faits. Encore une journée à 130 km.
Camping à Constance, difficile à trouver dans la ville sans véritable indication mais les gens sont sympa. Le vélo est roi, sur les pistes cyclables que des bolides, jeunes vieux et même gros. pas intérêt à traîner.
Nuit un peu moins bonne, un peu de pluie et un gros ronfleur dans une tente à côté.
29 juillet Constance pied de la Silvretta 124 km
Départ 7h30
Le lac de Constance est vite remonté. Comme la veille on fait du saute frontière, mais là entre Suisse et Autriche.
A 13h 80 km, on mange à Götzis, des super pâtes aux cèpes de Bordeaux avec une grande bière. L'après-midi va être dure, et le jeune me mène la vie dure sur la route, les étapes de moins de 130 il ne voit pas l'intérêt. Demain la montagne commence avec le premier col à plus de 2000 m et on est à peine à 400!
Mais, déjà aujourd'hui on va passer le cap des 400km en trois jours avant les grandes montagnes qui commencent à nous regarder de haut, un peu dans les nuages cependant.
L'après-midi se passe pas trop mal, route coupée pour travaux de réfection, mais ils nous ont laissés passer avec nos vélos. On attaque la montée vers le col de la Silvretta. Le temps n'est pas terrible, plutôt à la pluie. On double un Polonais aussi à vélo, petite discussion sympa, puis nous reprenons notre montée. On trouve un coin pas trop humide pour bivouaquer sous des sapins. La pluie va nous bercer tout au long de la nuit. Nous avons fait 124 km ce jour. Je ne sais pas si ce train d'enfer est bien raisonnable.
30 juillet pied Silvretta à Öetz au pied du Timmelsjoch 125 km 1700 m de dénivelé
Bonne nuit de 10 heures, il fallait bien cela. Le temps est couvert, mais il ne pleut plus. 7h30 nous roulons, tout d'abord ça ne monte pas trop. Nous passons une première station de ski avec 4 splendides tremplins de ski.
Au pied des difficultés nous marquons l"arrêt vers les 9h30 et prenons un petit déjeuner complet dans une salle de restauration magnifique avec les serveuses en tenue traditionnelle autrichienne, superbe. Nous mangeons comme des goinfres, mais on fait bien, car il nous attend une montée de 16 km avec des passages bien au-dessus des 10%. Et cela est d'autant plus impressionnant que nous retrouvons rapidement dans le brouillard, et que la pente semble d'autant plus impressionnante en disparaissant dans le néant des hauteurs.
Comme je l'avais prévu je mets 2h30 pour gravir la partie raide ce col de la Silvretta, Maxime 1h50. Mais j'étais à fond tout du long, je vais essayer de m'améliorer!
Col dans le brouillard, on ne voit rien. Nous ne traînons pas et nous lançons dans une descente à fond la caisse. Nous décidons de rejoindre la vallée de Ötztal (pléonasme Tal veut dire vallée) afin d'être positionnés au mieux pour le col de demain qui d'après ma carte culmine à 2400 mètres. Encore une belle journée en perspective. Ce soir je décide que ce sera hôtel car nous ne trouvons pas de camping et qu'après deux jours et 250 km une douche sera la bienvenue, l'étape du jour est de 125 km et presque 9 h effectives sur les vélos.
Super appartement à Öetz, ce qui nous permet de faire sécher nos affaires qui commencent à être bien humides. Bon repas avec un superbe vin rouge autrichien. Souhaitons que ce sera une bonne nuit bien réparatrice car l'étape de demain s'annonce coriace et nous avons déjà 541 km dans les pattes en 4 jours, certes au cours des trois premiers jours le dénivelé n'était que 800 mètres en moyenne.
31 juillet 89 km Öetz à San Leonardo 1935 m de dénivelé Timmelsjoch ou Paso del Rombo 2509m
Le temps est beau pour la première fois depuis notre départ. L'étape du jour, col à 2509m (j'ai corrigé car j'ignorais l'altitude exacte difficile à lire sur la carte) Paso del Rombo, 1800 m de dénivelé. On va faire une petite incursion en Italie d'une journée avant de repasser en Autriche demain par le Paso Vizze.
La journée aura été difficile la vallée à remonter jusqu'au col fait 60 km, les 24 derniers une succession de rampes souvent au-dessus de 10%. Le clou une fois arrivés à 2300m, une descente nous ramène vers les 2000 mètres et c'est parti pour 500 mètres dans une petite vallée et ça monte direct, souvent plus de 10% et un fort vent dans le nez. Evelyne va comprendre, c'est un peu comme la fin de la Colombière en plus raide plus long (déjà 50 km de montée dans les mollets)et cerise sur le gâteau un vent rageur en plein nez. On est en plein Kasansakis, que la souffrance nous rappelle qu'on est vivant!
Etant partis à 8h30 je suis arrivé au col à 17h, belle journée d'effort. Maxime ne m'a mis que 50 minutes dans la vue, il en a aussi chié, ouf! car je me demandais si j'étais encore à ma place.
Superbe descente en Italie par une route comme seuls les Italiens savent en construire. Ça a bombardé dur, devant moi j'avais Pantani, je n'ai pas cherché à le provoquer!
Camping à San Léonardo, nuit sympathique dans un coin pas trop populeux. Personne ne parle italien, nur deutsch. On a même vu écrit en allemand: le sud Tyrol n'est pas italien. Ambiance ambiance, vive l'Europe.
J'avais prévu de repasser en Autriche dès demain, mais j'avais mal vu la carte et j'avais oublié un col de 1400 m de dénivelé qui culmine à 2094 m. Ce sera notre étape de demain en vue de s'avancer sur le col qui nous fera passer une fois encore la frontière.
1 août San Leonardo à San Giacomo col de Jaufenpass ou Passo Giovo et 30 km de montée vers le Passo Vizze 65 km 1965 m de dénivelé
Il est 14 h on mange à Vipitelo après avoir gravi le col de Giovo. Montée de 1400 m assez tranquille dans le brouillard en finale et parfois sous un petit crachin, juste de quoi nous rafraîchir. Descente d'enfer j'ai suivi Pantani mais je ne vais pas le provoquer plus, on s'est fait un super dépassement de voiture en duo, ça m'a rappelé ma jeunesse à moto. Promis je me calme.
Cet après-midi on attaque le col suivant qui sera désert car il n'y a pas de route qui descende en Autriche. Ça va être notre séquence Atacama, Amérique du Sud, quand même on n'est pas là pour que ce soit trop cool.
Nous attaquons une longue montée sous un ciel uniformément couvert. La pente est raide et n'en finit plus de s'enfoncer dans une longue vallée. Nous passons le village de San Giacomo et allons bivouaquer trois kilomètres au-dessus dans un endroit charmant au bord d'un torrent. Sauf que la couche de nuages dès les 19h30, à peine notre repas terminé, se déverse en une pluie continue, qui ne prendra fin que vers 5h du matin. Que ces nuits de bivouac sous des trombes sont agréables!
J'ai redécouvert les joies d'aller me laver dans un torrent glacé à 1500 m d'altitude et sous la pluie. Je pensais ce charme suranné oublié depuis une éternité, eh bien non! on revient toujours à ce qu'on a aimé!!!
2 août Passo Vizze puis descente sur Zell im Zillertal 52 km 832 m de dénivelé
Ce matin la vallée est obstruée juste au-dessus de nous par de vilains nuages qui ne me disent rien de bon. Nous prenons notre petit déjeuner en pensant à ce col Vizze qui nous attend quelques 800 m plus haut. De ce côté, ça n'a pas belle allure. Je me souviens trop bien des grosses caillantes dans le mauvais temps dans les Alpes, pour me sentir tranquille. Maxime n'a pas l'air perturbé, je m'attends à ce qu'il me dise: c'est top c'est cool.
Nous démarrons à 7h30 dans un petit crachin et montons vers les nuages qui manifestement forment une couche épaisse. On se croirait dans une aube de fin du monde. Je m'attends au pire. Mais il ne viendra pas. Au contraire nous allons prendre un bon rythme sur notre piste de 11,5 km, qui somme toute n'est pas si mauvaise, pas de gros cailloux, pas de sable qui force à marcher en poussant le vélo, une piste civilisée.
Sur les trois derniers kilomètres nous rentrons dans un brouillard épais avec un vent frais. la visibilité est réduite à 50 m tout au plus. Du col un petit raidillon nous amène au refuge de Vizze à 2294 m. Nous y faisons halte bien au chaud et nous reconditionnons pour la descente en Autriche.
Là, terminée la belle piste, un sentier de montagne la remplace sur 7 kilomètres. Maxime en fera une grande partie sur son vélo, pour ma part ce sera à pied au milieu des gros cailloux qui parsèment le chemin.
Puis nous trouvons brusquement une belle route qui va nous conduire sous la pluie à Zell im Zillertall. Nous décidons de faire halte à l'hôtel, afin de faire sécher nos affaires qui commencent à être sérieusement mouillées. Cet hôtel est superbe, le personnel très accueillant, et l'espace sauna hammam une merveille. C'est la première fois depuis une semaine que nous nous arrêtons de pédaler avant 18h voire souvent au-delà de 19h. Que c'est bon!
Notre chambre est encombrée de tout le matériel qui sèche, pour que ça aille plus vite Maxime a même monté sa tente. Super séance de sauna et hammam, on y boit des sirops de fruits faits maison absolument fabuleux!
Le moral est au beau car justement ils annoncent une semaine de beau temps. On espère reprendre notre rythme et sans doute nous serons en Slovénie avant les prochaines grosses pluies.
Pour le moment notre prochain massif montagneux autrichien le Dachstein, sans doute dans deux ou trois jours nous y serons.
3 août Maria Alm 50 km au sud de Salzbourg 121 km dénivelé 1546
Ce matin, départ à 9h. Le temps est magnifique, on peut voir toutes les montagnes qui hier étaient cachées. Montée au Gerlosspass, col sans aucun caractère, un simple panneau au bord de la route sur une ligne droite plate.
A la descente nous pouvons admirer la plus puissante cascade que j'ai vue.
Parfois nous avons des pistes cyclables, parfois non. Dans ce second cas, du fait de la forte circulation et des automobilistes pas toujours respectueux de la distance de sécurité pour doubler un vélo, il n'est pas très agréable de rouler. Mais sur piste un vrai régal.
Les 15 derniers kilomètres sur une piste de toute beauté face à de grande montagnes calcaires sont de toute beauté.
Notre camping est au pied de cette vague calcaire. Quel spectacle à la tombée de la nuit.
4 août Hallstatt 109 km dénivelé 1658 m
La nuit dans ce camping fut absolument géniale, en plus internet sous la tente c'est le must. Le couple de vieux paysans autrichiens qui ont implanté ce camping sur leur terres sont absolument charmants. Très beau moment. Le lever de soleil sur les tentes un régal.
Que le lieu est calme avant de replonger dans une circulation d'enfer au cours d'une longue étape et trois cols. En Autriche la limitation sur route est de 100 km/h. C'est rapide sur des routes assez étroites, juste deux voies et personne ne respecte cette limite. Les voitures qui nous passent à 140 voire plus sont légion. Comme toujours ceux qui font attentions aux cyclistes ce sont les Allemands, les autres ont tendance à forcer quand il y a quelqu'un en face. Un mauvais point pour les Hollandais, ils sont les pires pour raser les vélos. Pourtant on m'a toujours mis en exergue leur savoir-vivre.
Camping au pied du Dachstein dans une petite ville charmante Hallstatt, surpopulation généralisée en ville et dans le camping. Mais la tenancière est particulièrement sympathique et gère sa grosse foule avec bonne humeur et compétence. Gros orage dans la nuit avec des éclairs partout. Les tentes MSR tiennent bien le coup.
5 août pied du Sölkpass vers 1200 m Distance 71 km dénivelé 1215 m
Départ tôt, le lac au petit matin superbe. Tout de suite la première difficulté une montée à 23% sur 500 mètres. Dans un virage en forçant sur les pédales ma roue avant a décollé, c'est la première fois que cela m'arrive sur route. Maxime avait déjà disparu dans le lointain.
Vers les 11h superbe arrêt dans une pâtisserie salon de thé, très bons gâteaux et fraulein sympa à l'accent à couper au couteau. Dommage que nous ne restions pas plus longtemps dans ce pays car je commence à m'habituer à leur accent marqué.
Très belle portion de route à travers une gorge surplombant un lac, circulation interdite, que cela fait du bien.
Grosse chaleur, nous marquons l'arrêt sous un arbre et petit roupillon d'une heure avant de partir à l'attaque du col. On a fait une vingtaine de kilomètres et le bivouac s'effectue à même le bord de la route, heureusement peu de trafic. On se débrouille pas mal en matière de nourriture, pâtes, riz, beaucoup de charcuterie, fromage, du pain généralement excellent et des fruits en pagaille. Ça nous réussit pas trop mal.
6 août passage Sölkpass 1790 m arrêt à Völkermarkt distance 117 km dénivelé 1249 m
Notre lieu de bivouac:
On a attaqué le col pour les dix derniers km à la fraîche et c'est passé tout seul.Les 3 derniers kilomètres à 12% on les a à peine vus. Au sommet petite rigolade avec trois motards dont une motarde autrichiens.
Une super moto Guzzi est venue. Maxime s'est fait un plaisir à la doubler dans la descente. Je n'ai pas pris part aux réjouissances. Cette partie de l'Autriche avant la Slovénie est superbe, des petites routes sans trop de véhicules, de belles pistes cyclables, et partout dans les champs les paysans font les foins. Ça sent bon, le vélo est un vrai plaisir dans ces conditions.
A midi, menu du jour dans un petit restaurant au très bon accueil. On a mangé des chanterelles excellentes ramassées la veille par le chef cuisinier dans la forêt au-dessus, le paradis!
Après-midi rentable malgré la grosse chaleur, 60 km le long d'une belle vallée, certes descendante, mais avec un petit vent adverse.
Puis en finale quelques raidillons pour arriver à Völkermarkt. Petit hôtel au très bon accueil au centre ville. C'est mon côté petit bourgeois, Maxime serait peut-être retourné dans la touffeur en bordure de route un peu plus loin. Mais je ne lui ai pas laissé l'alternative, merde quoi dans une vie antérieure j'étais chef!
Nous sommes à moins de 40 kilomètres de la frontière, demain nous dormirons en Slovénie. Les conditions météo s'annoncent assez bonnes, même si la grosse chaleur va durer. Pourvu que ça tienne jusque dans les grands cols italiens et suisses.
7 août Seebergpass Kranj 88 km dénivelé 873 m
Départ assez tardif vers la frontière slovène à 40 km. Le Seebergpass n'est pas très difficile mais très joli. Des grandes courbes en lacet avec pente raisonnable. Mais j'étais un peu beaucoup à la ramasse. Je paie les 12 jours de vélo à pédaler du matin jusqu'à 18h, parfois plus tard, tous les jours.
Longue pause au sommet. La descente sur Kranj s'est bien passée car ça descendait justement. En arrivant dans la ville, juste à l'entrée une épicerie un peu genre balkanique. On s'arrête pour acheter une demi-pastèque. Mais nous ne parlons pas slovène.
Je demande à la tenancière:
Do you speak english? No
Sprechen Sie deutsch? No
Parlez-vous français? No
Flisni shqip? Po
Super elle est albanaise. On achète notre pastèque, elle sort un grand couteau. Elle nous sort des caisses pour nous asseoir. On entame la conversation Elle est de Priseren, une vraie ville d'Ali Baba au Kosovo. J'avais adoré. Je revis dès que je mets les pieds dans les Balkans, même si la Slovénie en est à peine la porte d'entrée.
Difficulté à se loger. Camping 10 km à l'est. On trouve un couple de prof d'EPS de Chambéry en voyage à vélo qui vont prendre la même route que nous vers les Dolomites.
8 août Tolmin 82 km 914 m de dénivelé
Nous sommes en route pour les Dolomites. Nous faisons une pause dans un café, les gens sont super sympa, ils nous parlent de foot, moi qui ne connais pas un seul joueur ça les fait rigoler, eux qui vous citent tous les joueurs de Paris, Marseille ou Lyon.
Demain on devrait passer en Italie et les gros dénivelés vont reprendre. Mama mia!!!
Etape sur petite route pas trop passante, agréable, malgré la grosse chaleur et la multitude de points de passage qui ressemblent à des cols et qui n'en sont pas.
On se refroidit comme on peut.
Camping sympa avec musique nostalgique balkanique,on en profite car demain on retrouve l'Europe plus classique en Italie. La bière Lasko se laisse boire sans problème!!
Par crainte de l'orage et aussi pour être en mesure de rouler dès 6h30 pour échapper à la canicule, nous avons opté pour les cabanes en bois. Nous sommes dans celle de droite à la fenêtre ouverte.
9 aoüt Pontebba 92 km 2009 m de dénivelé
Ce matin nous décidons de changer notre mode de fonctionnement en partant plus tôt. Nous avions prévu le départ à 6h30, nous sommes partis à 6h55, c'est déjà pas mal demain on fera mieux.
Un petit brouillard nous accompagne les premiers kilomètres, les super phares de nos vélos sont une sécurité supplémentaire. Nous profitons de nos quarante derniers kilomètres en Slovénie. Nous n'y sommes pas assez restés, dommage car ce pays est vraiment attachant. L'ambiance des villes est calme et accueillante, les campings bien organisés, peu chers et pas trop encombrés.
Passage au pied de Caporetto, tristement célèbre pour les Italiens au cours du premier conflit mondial.
On profite de nos dernières statues bien dans la tradition balkanique et soviétique. Pourvu qu'avec l'entrée dans l'Europe tous ces pays au passé plus ou moins communiste ne détruisent pas les traces de leur histoire, même si elle fut douloureuse et tragique.
Premier col qui nous conduit en Italie. Jolie petite route avec très peu de circulation, voilà le vélo comme on l'aime.
Arrivée vers 13h dans une vallée basse en Italie sous une chaleur suffocante. On s'arrête au restaurant, Maxime mange comme un ogre à une vitesse faramineuse. Pourtant je croyais m'y connaître en repas ingurgité à fond la caisse avec une carrière dans l'armée de l'air. Eh bien j'ai encore à apprendre. Je ne m'étendrai pas sur les techniques d'ingurgitation à full speed.
Nous pensions rester cloués sous la chaleur, mais on a décidé de ne pas réfléchir et vers 14h on a attaqué la côte suivante de 19 km. Ça c'est bien passé au delà de nos espérances. On a fait une petite halte baignade dans le torrent qui nous faisait des clins d’œil. Absolument sublime.
Les premières montagnes dolomitiques ont fait leur apparition, et ce n'est qu'un début.
Petit hôtel sympa, bien en Italie ça parle fort au bar et la bière est un peu moins bonne qu'en Autriche, mais on la boit quand même.
10 août bivouac dans la pampa 50 km 1640 m de dénivelé
Nous avons fait tous deux le col le plus difficile de notre vie à vélo. 1100 m de dénivelé dont de très longs passages entre 15 et 20%, même certaines portions encore plus raides. Son nom: Passo Canon di Lanza. Ensuite encore une pente à 18% en pleine chaleur vers 14 h, dure journée.
Point de bivouac très sympa on s'est baigné et lavé dans un torrent pas trop froid.
11 août camping au pied des Tre cime di Lavaredo 86 km 2031 m de dénivelé
Encore une dure journée. En finale dans des pentes à 12%, Maxime a pris une partie de mes bagages, sans doute demain toute petite étape, car cela fait 16 jours que l'on roule sans se reposer, 1566 km et 21933 m de dénivelé. Il va falloir calmer un peu le rythme.
En tout cas des Dolomites sont d'une grande beauté, malgré le fort trafic sur la route.
12 août Bivouac à 15 km de la Marmolada 52km 1280 m de dénivelé
Nous avons quitté le camping des Tre cime assez tardivement vers 9h. A priori la bête repart après un repos un peu plus long que d'habitude. On n'a fait que passer à Cortina d'Empezzo, car WE du 15 août oblige, la foule est immense. On attaque dans la foulée le col de Giau, à peu près mille mètres de dénivelé. Maxime fait la course avec les vélos justement de course, alors que moi je me traîne à mon allure habituelle, pourtant on a échangé nos sacs, lui ayant pris le plus lourd.
Le décor est fabuleux, je reconnais des parois grimpées il y a déjà presque 40 ans, snif ça passe.
Dans la descente une vision magnifique sur le Civetta la plus fabuleuse paroi des Dolomites avec ses 1200 de développement.
La Civetta et ses 1200 m de paroi et dire que des grimpeurs l'ont gravie dans les années 30, quand on pense au matériel de l'époque, prodigieux!
13 août bivouac un peu après Merano 120km 1635 m de dénivelé
Départ très matinal de notre bivouac, 6h40, on gravit le col de Fedaia à la fraîche sans beaucoup de circulation. 1000 m de dénivelé, à 9h nous y sommes. Les 6 derniers kilomètres sont très raides et continus dans les 15%, les rampes du col de Marie Blanque dans les Pyrénées, pourtant célèbres, sont moins longues et moins raides que ce qu'on trouve souvent dans les Dolomites.
La vue au cours de cette montée est époustouflante sur une multitude de parois qui émergent dans le soleil du matin.
Café à Canazei. On met le cap sur Bolzano, et nous quittons les Dolomites.
Nous passons le col de Costalunga à 1752 mètres et nous quittons les Dolomites. Un descente rapide vers Bolzano nous amène à une belle piste cyclable que je connais. Elle nous conduira au pied du col du Stelvio le deuxième des Alpes après l'Iseran. Nous poussons jusqu'à Merano, camping complet, aïe, il nous faut continuer et 6 km plus loin nous trouvons notre bonheur, ouf.
14 août Santa Maria Suisse 90 km 2384 m de dénivelé
Départ vers 8 heures, l'étape d'hier ayant été longue, 7h30 sur le vélo. Dans un premier temps on remonte le val Vinosta jusqu'à l'embranchement qui conduit au fameux col Stelvio, qui culmine à 2756 mètres. On a l'intention de monter jusque vers 1500 et de le gravir demain.
On parcourt les 45 km de fond de vallée par une piste cyclable entre les pommiers.
Arrêt à Prato allo Stelvio, où j'avais passé la nuit il y a quelques années lorsque j'avais gravi le Stelvio avec Gérard au cours d'une traversée Venise Thonon-les-Bains. Après un sérieux casse-croûte, nous reprenons la route à 13h30, et atteignons notre point prévu d'arrêt vers 15h. On se sent une forme superbe, donc c'est parti pas d'arrêt. La magie du Stelvio joue à fond, et j'arrive au col un peu après 18h, bien qu'ayant eu un petit passage à vide 5 km avant le sommet. J'ai poussé mon vélo quelquLs centaines de mètres. Maxime ne m'a pas trop attendu au sommet. le temps est mitigé.
Nous descendons sur la Suisse par le col Umbrail ou de Santa Maria, mais seulement 50 mètres de montée. Splendide descente, bivouac dans une clairière au-dessus du village. Forts orages qui se sont succédé au cours de la nuit. Mais les tentes ont bien tenu.
15 août 10km de Saint Moritz 58 km 1230 m de dénivelé
Départ vers 8h, le temps semble assez beau en ce début de matinée, mais il fait frais.
Première difficulté, l' Ofenpass ou Pass dal Fuom, 2149 mètres d'altitude. Malgré le gros dénivelé de la veille la montée se passe assez bien.
A la descente sur Zernez, surprise on remonte de 200 mètres après une première descente. Je suis sec!!! Maxime caracole loin devant.
On teste notre premier bistrot suisse. ils acceptent les euros mais les prix! 17 euros une assiette de pâtes.
Le temps ne va pas vers le beau, on s'attend à en c.. un peu dans les derniers cols qui s'annoncent avant Interlaken.
Durant notre repas de midi des grosses trombes d'eau s'abattent. Ça se calme et nous partons à 13h30. Mais rapidement la pluie revient et s'intensifie. A 10 km de Saint Moritz nous devons attaquer notre col suivant, mais les conditions météo se dégradent, pluie forte et nuages bas, donc un col à plus de 2300 mètres cela ne nous inspire pas. On trouve une chambre chez l'habitant dans le village de Madulain. La propriétaire est sympa, et sa maison une ancienne ferme très originale avec un petit air vieillot que j'adore. Et puis on est au sec à l'abri de l'humidité.
Les prévisions météo à 4 jours sont très mauvaises, neige prévue à partir de 3000 m. Le 15 août est toujours un tournant pour le temps. On réfléchit, on consulte les horaires de train, on décide ce soir si on s'engage dans les derniers cols prévus ou si on déclare forfait en prenant le train pour Bâle.
16 août
Nous avons décidé de rejoindre Bâle à vélo mais par les fonds de vallées et non les cols, le mauvais temps y sera moins éprouvant. Un col cependant à passer l'Albulapass 2312 m juste au-dessus du village où nous nous sommes arrêtés hier. Nous allons attendre un moment pas trop défavorable pour le passer. Vers midi il est question d'une accalmie.
Une fois passé ce col nous suivrons la vallée par Chur, Zurich, Bâle et retour dans les Vosges.
16 août Chur 83 km 1043 m de dénivelé
Après une bonne nuit nous partons vers les 10 heures en direction de l'Albulapass. Le temps n'est pas à la pluie bien que très nuageux. On monte sans se faire mouiller, au sommet il fait très frais.
La redescende en direction de la vallée du Rhin se fait sous un ciel très menaçant, mais pratiquement pas de pluie. On s'arrête manger un platée de frites avec un petit bout de viande et un café, on s'en tire pour 52 euros, même la carafe d'eau ils la font payer.
Le Rhin encore tout petit
Camping à Chur, demain cap sur Zurich et ça va pas tarder à sentir la fin du voyage.
17 août Zurich 128 km 602 m de dénivelé
Après un petit déjeuner pris à l'abri de la pluie, nous partons vers les 8 heures dans une ambiance humide, petite pluie qui rend ces fonds de vallées des Alpes bien tristes.
L'itinéraire de la piste cyclable du Rhin nous balade à flanc de colline. A midi nous n'avons fait que 30 km. Nous pique-niquons au bord du Walensee.
Puis nous reprenons notre route à petit rythme. Vers 18h nous réalisons que nous n'aurons pas d'opportunité en matière de camping sauvage. Alors on appuie au max sur les pédales pour rejoindre Zurich et son camping. Nous y sommes à 19h30.
La Suisse est vraiment très chère, quelques courses pour pique-niquer: 47 euros, la place de camping 20 euros. Nous sommes contents à l'idée que nous ferons notre dernière étape suisse demain.
18 août retour à la maison pour Maxime et Altkirch pour moi
Maxime 190 km 2000 m de dénivelé
Luc 138 km 1040 m de dénivelé
Départ tardif du camping de Zurich, car la veille nous avons roulé jusque tard. Petite mesquinerie qui me fait cependant bien plaisir, nous n'avons déclaré qu'une tente au camping et on a cependant payé 40 euros à deux. La resquille ce n'est pas ce que j'aime le plus mais dans ce cas j'ai bien aimé. D'autant plus que notre place était minuscule collée contre la route passante et une voie ferrée aussi très active.
Donc départ à 9 heures en direction de Bâle. On commence par se tromper dans Zurich ce qui occasionne quelques détours, et quelques renseignements demandés. Certains Suisses dans ce coin ne parlent pas un traître mot de français, donc allemand obligatoire, par contre certains font l'effort d'essayer de parler, pas toujours bien. C'est intéressant à constater.
Une fois sur la route de Bâle nous prenons un bon rythme malgré le vent défavorable, qui impose des efforts supplémentaires. Arrivée à Bâle vers 16 heures. Nous négocions bien la traversée de la vile sans perte de temps.
Nous retrouvons la France à Saint-Louis. Nous prenons la direction Altkirch. A Hesingue après 105 kilomètres nous faisons notre seconde pause casse-croûte.
Elle lui trottait dans la tête depuis le matin, l'envie de rentrer à Ventron d'une traite. Il est 17 heures et la distance à parcourir est de 90 kilomètres avec vent défavorable et le col d'Oderen à passer. Je ne me sens pas de tenter l'expérience. Cependant j'encourage Maxime à se lancer si c'est son envie, malgré ses scrupules à me laisser. Donc je le vois disparaître rapidement. Il arrivera chez lui à 22 heures. Pas mal, Zurich Ventron avec des sacoches et vent défavorable.
Pour ma part je repars sur un rythme plus calme, cependant il me faut appuyer sur les pédales, car il y a des bosses et toujours ce vent dans la figure depuis 4 jours.
La fin d'après-midi est très belle et malgré la fatigue je trouve très agréable de rouler sur cette route vallonnée. Du hauts des monticules on aperçoit très clairement les Vosges.
La fin est proche. A Altkirch j'ai quelque peine à trouver un point de chute pour la nuit. Un hôtel très sympathique me permet de dîner, mais n'ayant plus de chambre libre, la patronne m'autorise à planter ma tente dans la forêt attenante qui domine l'établissement. Je fête à ma manière la fin de cette belle expérience, qui nous a conduits nous l'équipe improbable de deux protagonistes de 40 ans d'écart au cœur des Alpes.
Superbe nuit, je ne mets pas le double-toit de ma tente et j'ai de grands arbres en guise de voûte de cathédrale. J'ai un peu de mal à dormir correctement car je me suis installé de nuit et ce n'est pas très plat, et la vin a peut-être été un peu trop bon, beau Haut-Médoc. Je sais nous sommes en Alsace mais avec un filet de bœuf et une belle palette de fromage, de toute évidence un rouge consistant s'impose.
19 août Cornimont fin de voyage 64 km 732 m de dénivelé
La nuit dans ma forêt n'a pas été très confortable.A 7 heures je descends la pelouse de l'hôtel et pars. Je réussis à trouver un itinéraire à travers de petits villages jusqu'à Thann, afin d'éviter les grands axes au fort trafic. Arrivée dans cette ville vers 9 heures, je fais un très agréable et copieux petit déjeuner. Sur les 6 villages traversés pas un seul n'avait de bistrot. Cela montre à l'évidence que l'on est en pleine désertification des campagnes.
Un peu avant 10 heures je reprends ma route à bonne allure. les 31000 mètres de dénivelé accumulés depuis le 27 juillet manifestement m'ont donné la pêche. A vive allure je monte le col d'Oderen, col de départ et col d'arrivée de notre aventure. Je roule un peu avec un Allemand en voyage avec son fils, puis sur les derniers kilomètres avant le sommet avec un cycliste en vélo de course, qui a une bonne expérience du voyage à vélo. J'arrive au col à 11 heures 15, les Allemands me rejoignent. Mon téléphone n'a pas de réseau pour annoncer mon arrivée imminente à Danielle, le cycliste allemand gentiment me prête le sien.
Vous pouvez constater sur cette dernière photo que j'ai perdu ma petite bedaine, mais faites- moi confiance pour la reprendre malheureusement assez vite! Je suis avec le jeune Allemand.
Après un bon moment passé à discuter je me lance dans la descente et retrouve avec joie Cornimont et Danièle.
Bilan: très belle expérience inter-générationnelle, qui demande à chacun à s'adapter à l'autre, ce qui n'a pas été trop difficile, sauf en matière de longueur d'étapes et d'absence de jours de repos!
Distance totale: 2299 kilomètres
Dénivelé total: 31864 mètres
Durée 24 jours
Dans ma planification j'avais prévu plus. D'une part, nous avons écourté notre traversée des Dolomites, car gros trafic en août et puis les pentes sont très difficiles, et d'autre part le mauvais temps en Suisse nous a amenés à éviter les grands cols du centre du pays, ce qui a entraîné une baisse sensible de la distance parcourue.
Merci à ceux qui nous ont encouragés par leurs petits mots et aussi à tous ceux qui ont pris de leur temps pour nous suivre.
20:06 Publié dans voyage à vélo | Lien permanent | Commentaires (19)
08/01/2015
Mon premier livre "quelques récits d'un touche-à-tout" Editions Persée
Vous pouvez le trouver en le commandant dans toutes les librairies. 17 récits dans divers domaines avec un fil conducteur l'engagement physique, souvenirs de jeunesse, montagne, voyage à vélo, expériences professionnelles siège de Sarajevo, Albanie d'où le titre " Quelques récits d'un touche-à-tout". Le lien suivant vous permettra d’y accéder.
-2013- 394 pages – www.editions-persee.fr
Et puis si cela vous plaît faites-le savoir! Merci
17:22 Publié dans champignons, escalade, Livre, vivre à l'étranger, voyage à vélo, voyage en marchant | Lien permanent | Commentaires (2)
Traversée de l'Atacama à vélo
Un voyage de deux mois à vélo à travers le désert de l'Atacama de Arica au nord du Chili jusqu'à Santiago sa capitale, en passant par la Bolivie et l'Argentine sur une distance d'à peu près 3600 kilomètres, à travers l'une des plus arides régions du monde, est un projet enthousiasmant que nous nous apprêtons à entreprendre à partir du 16 octobre, sur une période de deux mois Flora et moi.
Pour celles et ceux qui ne prendraient pas le temps de suivre ce voyage dans les détails, je rajoute une synthèse de 5 minutes de ces 40 jours sur la planète Mars:
https://www.youtube.com/watch?v=CvVUzUv-gDw
Elle est suissesse, elle a la grosse pêche physique et comme moi est fascinée par ce coin de la planète. Elle a renoncé à son projet initial, le parcourir en véhicule 4X4, choisissant de l'affronter à la loyale à la force des mollets et au moral, les deux étant intimement liés. Partir de cette façon sans se connaître, ayant simplement communiqué par le net et avoir déjeuné ensemble un jour dans la magnifique ville d'Annecy peut apparaître un peu comme un jeu de roulette russe. Mais il ne faut pas longtemps pour se jauger et juger de la motivation de l'autre. Le challenge lorsque la barre est assez haute se charge de vite souder l'équipe, chacun tendu vers le but à atteindre, sachant que l'entraide devient un besoin vital. Si la fin du chemin en elle-même ne représente rien de particulier, les efforts deux mois durant en vue d'y parvenir devraient créer l'esprit du chemin de l'aventure à laquelle nous aspirons.
Le vélo dans ces coins reculés rend à la planète sa dimension. Se soumettre de cette façon aux caprices du temps, du vent, du froid, du sable et peut-être de la neige sans savoir où l'on va pouvoir s'arrêter et poser sa tente si possible à l'abri de bourrasques furieuses et subir les aléas du ravitaillement tout particulièrement sur les mille premiers kilomètres, cela crée les conditions qui nous attirent irrésistiblement, mais qui nous inquiètent aussi un peu. Ne pas se perdre, assurer dans tous les cas le minimum en particulier l'eau, bien prendre garde aux longues nuits durant lesquelles la température descend en-dessous de moins dix et bien d'autres choses.
Dans quinze jours l'aventure démarre. J'ai un peu de mal à l'imaginer, bien au chaud dans mon salon.
Dans un premier temps la préparation de l'itinéraire permet de rêver sur des cartes absolument extraordinaires dévoilées par Google earth. Cette région d'Amérique du Sud vue du ciel ressemble à la lune voire à la planète Mars, que l'on appelle aussi la planète Rouge.
Je me donne encore une semaine de vacances dans les Vosges entre cueillette des cèpes et pêche à la truite dans le dernier lac encore ouvert à cette activité après le 15 septembre, le lac des Corbeaux. En fin de semaine prochaine, retour à Lyon et préparation du matériel, du vélo et de quoi réparer la casse; les habits, le couchage, la tente, le réchaud et les gamelles, les appareils photo, l'intégration des données dans le GPS et plein d'autre choses. Les bagages devront être le moins lourds possibles, mais ce sera autour des 25 kilogrammes.
Sur cette première photo notre itinéraire est matérialisé en rouge, et se développe sur 3500 km. On constate que nous allons rester pratiquement tout le long dans des zones désertiques. Juste au nord de la trace rouge on distingue une tache bleue allongée, il s'agit du lac Titicaca, à la frontière du Pérou et de la Bolivie.
L'itinéraire complet plus en détail
Le trajet de Arica à San Pedro de Atacama qui se développe sur plus de mille kilomètres dont 800 de piste et de sel. Il est détaillé sur les trois vues suivantes.
Cette première partie devrait nous prendre trois semaines. Elle représente la plus difficile, par le fait que nous serons en permanence en altitude(à part le début de la montée partant de la mer et nous conduisant à 4500m) au-dessus de 3600 mètres, et souvent au-dessus de 4000, et parfois frisant ou dépassant de peu les 5000 en particulier dans le sud Lipez. La difficulté sera aussi directement liée à la quasi-absence de route goudronnée et parfois à la disparition de la piste dans le sable et les pierres. Le ravitaillement devra être étudié avec minutie car les quelques villages traversés ne seront pas en mesure de nous proposer un réel choix d'aliments. Nous allons compter sur un stock de pâtes et de riz. Cependant nous espérons rencontrer de loin en loin dans ce nul part des petits restaurants improbables où nous pourrons manger à l'abri du vent, et éventuellement trouver un toit afin d'éviter de dormir dehors.
La première partie du trajet d'Arica au salar de Coipasa sur une distance d'à peu près 500 km dont plus de la moitié hors route goudronnée.
La seconde partie du voyage, sans doute la plus étonnante sans être la plus difficile. Entièrement en dehors des routes, uniquement sur pistes ou directement sur le sel des deux salars de Coipasa et Uyuni, sur une distance de 300 km. L'altitude des salars est de 3600 mètres.
La troisième partie de notre périple, le sud Lipez, passage de 400 km; à part l'arrivée à San Pedro de Atacama par route goudronnée, nous serons sur des pistes sableuses où parfois il faudra pousser les vélos, l'altitude rapidement après avoir quitté le salar d'Uyuni se situe entre 4000 et 5000 mètres, avec un court passage au-dessus de cette dernière altitude.
La quatrième partie de notre voyage de San Pedro de Atacama à Salta nous fera passer par le paso Sico la frontière du Chili et de l'Argentine. Nous retrouverons des pistes et peut-être des routes goudronnées!
La cinquième partie de Salta à San Miguel de Tucuma 300km
La sixième partie de San Miguel de Tucuma à San Juan 700 km
Dernière partie de la Rioja à Santiago du Chili
Je reviens plus précisément sur la partie de notre voyage qui a trait aux salars de Coipasa et d'Uyuni, ainsi que sur la région du sud Lipez.
Les traits jaunes matérialisent les frontières entre le Chili à gauche, la Bolivie en haut et l'Argentine à droite et en bas.
Au centre de la vue ci-dessus les deux taches blanches sont les salars de Coipasa et d'Uyuni, celui du haut le plus petit a une superficie de 2500 km2 et une largeur de soixante kilomètres et le second Uyuni s'étend sur 12000 km2 et dans sa grande largeur dépasse les 150km.
Ci-dessus le salar de Coipasa d'une superficie de 2500 km2 et de soixante kilomètres de large.
La zone entre les deux salas de Coipasa et de Uyuni, le chemin matérialisé est d'environ 70 kilomètres.
La Laguna Colorada
Désert de Dali
La Laguna Verde et le volcan Licancabur qui frôle les 6000m, ce sera la fin du sud Lipez. la route en bas de l'image est goudronnée et en 2000 mètres de dénivelé elle conduit à San Pedro de Atacama
Ci-dessus différentes vues de la région la plus envoûtante que nous allons traverser, le sud Lipez. 400 km de piste et de sable entre 4000 et 5000 mètres d'altitude. Le rêve de tout cyclo-rando. Ceux qui en reviennent en parlent comme d'une expérience unique dans le vent le froid l'altitude, les pistes instables, mais l'incroyable beauté de l'une des régions les plus sauvages de notre planète.Terre perdue semée de lacs salés aux couleurs changeantes, du vert au rouge en passant par le bleu et le jaune, parmi lesquels jaillissent des volcans pour certains actifs et qui montent jusqu'à 6000 mètres. Dans cet enfer subsistent les flamants roses et les Vigognes, ainsi qu'un drôle de gros lapin à la queue en tire-bouchon, la viscache. Au cours de mes périples à vélo, lorsque j'ai rencontré des cyclistes lancés dans un tour du monde, le coin qui les a le plus fortement marqués c'est justement ce bout de Bolivie perché à la frontière chilienne. Tous, sans exception, cette traversée ils en parlent comme d'une révélation, et l'on comprend que c'est la plus forte expérience à vélo qui les a marqués de façon indélébile.
J-2 lundi 14 octobre
Les sacs sont pratiquement bouclés. J'ai mis mon vélo en carton. C'est toujours une opération qui demande du temps, car dans les transports aériens les bagages sont malmenés, et les vélos sont des engins fragiles. Notre parcours aérien va nous mener de Lyon à Madrid puis à Santiago du Chili et enfin à Arica près de la frontière péruvienne. Cela fait trois transferts, ce qui augmente d'autant les risques de casse. En confectionnant mon paquet j'ai à l'esprit toutes les manipulations que cela va nécessiter. Il ne faut pas trop y penser!
Ensuite j'ai préparé mon sac avec le matériel pour cette aventure, de quoi camper par grand froid, les habits, le matériel de réparation du vélo et le reste. Cela fait un peu moins de vingt kilos. En route, il faudra selon les tronçons ajouter jusqu'à 10 kilogrammes entre l'eau et la nourriture. Donc une addition rapide me permet d'évaluer le poids de ma monture avec moi dessus à 110 kilogrammes.
L'élément le plus lourd, la tente représente 3,1 kilos. Mais cet abri sera essentiel dans la réalisation de notre aventure. En effet, il faut s'attendre à des températures basses en-dessous de -10 et des vents violents. Donc ,une tente adaptée aux conditions très difficiles (en particulier résistance au vent) est essentielle afin d'assurer des conditions de sécurité minimales.
Le vélo comme moyen de voyager laisse libre cours à tous les espoirs d'aventure, en nous permettant une vraie confrontation avec la nature. Cela me rappelle mes lectures, en particulier les fabuleux écrits d'Ella Maillart, "croisières et caravanes" et "oasis interdites", pour n'en citer que deux. Dans les années trente elle arpentait les grands déserts d'Asie à pied et à dos de chameau. Elle narre cela de façon remarquable. En hiver, durant de longues semaines elle dormait en se protégeant du froid et des intempéries en se collant au corps de son chameau. Ces récits m'ont fortement marqué et cette envie de traverser de grands déserts, comme nous allons le faire, je la dois en partie à cette Suissesse, qui représente l'une des plus grandes exploratrices de tous les temps. Les déserts attirent par les conditions extrêmes qui y règnent. Ce qui m'interpelle et me fascine aussi, ce sont les noms qu'ils portent. Les plus grands sont largement pourvus en a, Sahara, d'Ad Dahna, Atacama, Taklamakan, respectivement situés en Afrique, dans la péninsule arabique, en Asie et Amérique du sud. Je me souviens d'une époque où je partais pour une mission de plusieurs mois en Arabie. Je m' y étais rendu à bord d'un avion militaire Hercule. Il ne volait pas très haut et nous avons traversé toute la péninsule arabique de la mer Rouge jusqu'au golfe Persique. J'étais resté fasciné, le front collé au hublot assis sur un missile, des heures à regarder défiler ces terres mystérieuses comme n'appartenant pas à notre planète. Cette expérience m'a aussi fortement marqué et sans doute l'envie de me plonger dans ces régions "hors de notre Terre" n'y est pas étrangère.
J
Ce matin je suis allé chercher Flora à la gare de la Part Dieu. Puis nous avons mis son vélo en carton. Le voisin nous a donné un bon coup de main pour desserrer ses pédales, en s'aidant d'un bras de levier d'un bon mètre. A 14h les vélos étaient sur le toit de la voiture et mon frère nous emmenait à l'aéroport. Sans problème nous avons pu les faire embarquer.
J+1
Nous sommes en transit à Santiago après un long voyage de 13 heures et nous avons 12 heures d'attente avant de faire la dernière partie de notre trajet en avion pour notre mise en place à Arica; Les bagages et les vélos à la consignes, quand même 40 euros pour deux, nous sommes partis faire un tour au centre ville où nous sommes en train de déjeuner dans un petit restaurant. On a profité de l'occasion pour faire du change en monnaies chilienne et argentine, mais pas de possibilité d'avoir des bolivaros. On espère à Arica, car à la frontière à Parinacota, il ne faut pas y compter. Nous avons aussi prospecter pour voir les possibilités de trouver de quoi emballer les vélos lors de notre retour, certain pour moi par Santiago et possible pour Flora. Les vélos procurent un moyen de voyager fabuleux mais procurent aussi beaucoup de soucis pour les faire accepter dans les avions.
Ce matin, la vision de l'avion alors que nous traversions le Andes pour passer d'Argentine au Chili était fabuleuse. Nous avons pu admirer l'Aconcagua dans toute son immensité. Bien entendu la première pensée qui vient à l'esprit c'est l'exploit moult fois répété par les pilotes de l’aéropostale, Guillaumet, Mermoz, Saint Ex et les autres, qui vers les années 1930 franchissaient cette immense barrière que je contemple bien au chaud dans notre boing 787. Eux, il leur arrivait de sortir à pied de la chaîne montagneuse, suite à un crash, après avoir bataillé des jours dans la neige, animés d'un farouche instinct de survie. il faut lire le "Mermoz" de Kessel.
Notre dernière partie du voyage s'est bien commencée sans problème pour l'embarquement de nos vélos.
J+2
Tout début de ce vendredi 19 nous arrivons à 0h15 à Arica. Pas de chance nos sacs étaient dans les derniers à sortir de l'avion, mais nos vélos dans les premiers et les cartons étaient en bon état, ce qui veut dire qu'ils n'ont pas été maltraités au cours de ces trois changements entre Lyon et Arica.
Par contre pour trouver un taxi voulant prendre ces volumineux paquets, nous avons bien cru que nous n'y arriverions pas. Il s'en est fallu de peu que nous nous mettions à les remonter dans la nuit afin de parcourir les 18 km qui nous séparent de la ville. Pas terrible, surtout qu'il s'agit sur une partie de la terrible panaméricaine que j'avais expérimentée sur 600 km en Équateur, expérience dont on se souvient, mais c'était de jour, j'imagine difficilement ce que cela donne à deux heures du matin.
Mais un chauffeur de taxi a eu pitié de nous et a téléphoné à un de ses copains qui est venu avec une camionnette, et voilà comment à deux heures du matin nous nous sommes retrouvés dans un lit après 33 heures de voyage.
Lever 7h15. Petit déjeuner sympa, mais nous n'avons pas vraiment faim. En effet, nos organismes n'ont pas encore bien pris en compte les six heures de décalage.
Ensuite, opération de remontage des vélos. Tout se déroule pour le mieux. Apparemment ils n'ont absolument pas souffert. Il faut reconnaître que nos grands cartons qui nous ont permis de ne pas démonter les roues arrières sont très pratiques même si pour le transport ils nous causent plus de soucis.
Premier contact avec la ville. Elle est vraiment dans le désert, qui la cerne de toutes parts. Par endroits, on a vraiment l'impression qu'il veut déferler à travers les rues. Notre première préoccupation, faire les réserves suffisantes pour la première partie de notre voyage, 1000 km au cours desquels les possibilités de ravitaillement risquent d'être faibles, même si nous espérons trouver de loin en loin des lieux improbables, où il sera possible de manger une platée de riz ou des pâtes.
Les commerces sont nombreux, nous trouvons des cartouches de gaz. Nous achetons trois kilos de riz et quelques sacs de pâtes ainsi que tout un assortiment de denrées, salées et sucrées. Sur les trois semaines à venir nous devrions passer la moitié des nuits dehors, donc notre fond de nourriture devrait nous permettre de tenir. En effet nous ne pouvons pas nous permettre de trop prendre car le poids est un ennemi redoutable. Nous allons chacun avoir des charges aux environs des 25 kilos, et la première côte fait deux cents kilomètres et 4600 mètres de dénivelé.
Nous sommes allés nous promener au bord du Pacifique regarder les pêcheurs qui tiraient leurs filets à partir de barques en tout point semblables aux pointus de Méditerranée. Je n'étais pas le seul intéressé. En effet des phoques suivaient les bateaux en attente d'un poisson rejeté.
Arica vue des hauteurs surplombant la mer
J+3 66 km 1550 mètres de dénivelé
Nous petit-déjeunons, les vélos sont chargés. L'aventure va commencer. On nous a mis en garde contre la difficulté de la route à venir du fait de l'interminable montée. Le propriétaire de l'auberge qui nous reçoit connaît remarquablement sa région. Il nous parle avec passion de tous les géoglyphes, ces immenses dessins à même la caillasse dans le désert. Il nous fait part de ses réflexions et de son expérience sur le mal des montagnes, la pouna. Elle n'est pas due simplement à l'altitude mais aussi aux forces telluriques du coin. Par exemple il nous affirme qu'à Putre, petite ville pas loin de la frontière avec la Bolivie, où nous passerons, bien que l'altitude ne soit que de 3500 mètres, il y ressent la pouna, alors que plus au sud au salar de Souriré à 4200 mètres il n'en ressent pas les effets! Nous verrons.
Nous commençons par longer l'océan Pacifique sur 12 kilomètres puis nous pénétrons dans le fameux désert de l'Atacama. La route est enserrée entre d'immenses dunes aux teintes multiples. Les 38 premiers kilomètres sont presque plats, 400 mètres de dénivelé. Un restaurant avant le début des grandes pentes. Nous nous y arrêtons, mais il n'est que 11H30, donc rien n'est cuit. On se contente d'un sandwich.
Nous reprenons notre route et de suite une immense rampe fait tomber la moyenne à 5 voire 4km/h. En effet, nous sommes très lourds, car nous avons une quinzaine de jours de nourriture en prévision des déserts boliviens. Mais il nous faut d'abord franchir ce premier obstacle avec un passage à 4600 mètres. Une montée de presque 200 km. On essaie de ne pas trop penser.
Une dizaine de kilomètres plus loin un autre restaurant. Il est 13H30, donc tout est cuit, et nous nous régalons. La patronne nous affirme que le prochain point de ravitaillement se trouve à 30 kilomètres. Nous partons donc pas très chargés en eau, avec l'intention de bivouaquer vers la moitié du trajet et demain vers les 10 heures pouvoir nous ravitailler. Mais l'information s'avérera fausse, le prochain point est à 62 kilomètres et 1700 mètres plus haut à 3200 mètres d'altitude.
Nous partons donc confiants dans des pentes gigantesques au milieu des camions. Mais les chauffeurs sont très courtois avec nous et nous gratifient de grands bonjours. Les bords de la chaussée sont très raides. Va-t-on trouver un endroit où poser la tente?
Vers les 19h, une petite gorge en amont. Je vais jeter un coup d’œil. A une centaine de mètres de la route une petite plage de sable, idéale pour notre tente.
Rapidement elle est montée, le camping gaz est mis en œuvre et nous mangeons une bonne platée de riz et sombrons dans le sommeil.
J+4 lieu de bivouac à Zapehuria altitude 3200, 45 Km 1800 mètres de dénivelé
Après une nuit longue et réparatrice nous attaquons confiants en direction de cette station à 14 km. Elle n’est pas là, nous faisons huit kilomètres supplémentaires. Sur le bord de la chaussée un 4X4 arrêté. Le propriétaire nous dit que le prochain point d’eau est à plus de vingt kilomètres. Nous n’avons plus une goutte d’eau, il fait plus de trente degré et la pente est très raide. Avec nos vélos lourdement chargés en matériel et nourriture en prévision des pistes désertes à venir, nous nous traînons à six à l’heure. Je lui demande de l’eau. Il n’en a pas. A ce moment un camping-car freine. Sa plaque d’immatriculation est française, le 83 montre que le couple qui est à l’intérieur vient du Var. Je réitère ma demande. Le véhicule vient se garer et voilà comment nous remplissons toutes nos bouteilles, ce qui fait plus de sept litres.
Nous discutons un peu avec ces gens qui sont sur la route depuis treize mois. Puis chacun reprend sa route, eux vers le bas et nous dans cette pente infernale. Et la chaleur de plus en plus terrible qui se concentre comme dans un four le long de ces parois claires. Rapidement nous faisons une pause et le réchaud est mis en action pour des pâtes. Mais la chaleur est tellement pénible que nous replions vite tout et reprenons notre ascension. Il est hors de question de pouvoir s'assoupir, on a vraiment l'impression de cuire.
Vers les 17h nous rencontrons un camion en panne. Le chauffeur me demande si j'ai de quoi réparer. Je sors tout ce que j'ai pour réparer un vélo. Mais un camion ce n'est pas un vélo! Cependant notre camionneur ne perd pas sa bonne humeur et la conversation va bon train. Pour lui expliquer qu'un homme et une femme qui voyagent ensemble ne vivent pas ensemble est presque mission impossible. Il nous raconte sa vie entre deux "ports" La Paz et Arica!
On l'abandonne à son sort. La pente faiblit. Nous sommes sur un immense plateau. Mais rien à l'horizon. Puis soudain derrière une bosse du terrain le havre salvateur se révèle .
Nous y trouvons une chambre et mangeons très bien. Puis nous nous enfonçons dans un long sommeil de 10 heures.
J+5 Zapehuria à Putré 32 km altitude 3400, dénivelé 732 mètres
Après les efforts des deux premiers jours nous décidons de faire une étape courte. En effet, commencer à tirer comme nous venons de le faire avec des charges de trente kilos, alors que nous sommes partis pour un voyage de deux mois ce n'est pas très bon.
La route s'humanise. Aux côtes pas très longues et pas toujours raides succèdent des parties plates et des descentes. Les grands volcans sont de plus en plus présents. Ils sont enneigés de frais.
On nous a dit que vers les 4000 il avait neigé la semaine dernière. Paradoxe de ces pays, un jour on étouffe et le lendemain il neige. Nous surplombons Putré en passant un col à l'altitude de 3550 mètres. D'un joli point de panorama nous contemplons la ville et le trajet qui nous mènera à la frontière 1000 mètres plus haut. Nous y rencontrons un motard australien qui parle couramment le français du fait de sa mère.
Arrivés à Putré un peu après midi nous trouvons une auberge "Hostal Cali" très accueillante. En plus elle est pleine de chats qui se vautrent partout et qui n'arrêtent pas de faire miaou-miaou.
Je crains que le prochain point de contact internet ne soit à San Pedro de Atacama après 900 km de piste et vingt jours. Mais il n'est pas impossible que nous ayons une bonne surprise demain à Tombo Quémado ou dans une semaine à Sabaya avant d'attaquer le salar de Coipasa. Mais je fais le max pour donner des nouvelles, mais pas de panique s'il y a un silence de vingt jours. Merci Bertrand et bises à tous.
Nous somme arrivés à San Pedro de Atacama
Bonjour nous venons de terminer la première partie de notre périple. 1000 km dont 800 de pistes dans des conditions parfois difficiles. On a poussé les vélos dans le sable et la caillasse volcanique entre 50 et 60 km.
Deux bivouacs d'anthologie entre 4600 et 5000 mètres d'altitude. Un passage dans une fournaise collés dans une espèce de talc avec 45 degrés du côté de Sacabaya. Un camion improbable nous a sortis de ce sale pas.
Le sud Lipez c'était vraiment la planète Mars sur 400 km. L'épreuve a été facilitée par deux qualités de Flora, un moral d'acier et une puissance digne d'un tracteur. Demain j'essaie de vous raconter ces vingt jours de folie et surtout de vous mettre de belles et surprenantes photos entre lagunes multicolores et mers de sel ou momies de plus de 5000 ans conservées dans ces montagnes les plus sèches du monde.
Je reprends le fil de notre aventure là où je l'avais laissé il y a 15 jours:
L’étape après Putré nous a conduits à passer un col à plus de 4600 mètres dans un décor magnifique, deux volcans à plus de 6000 mètres couronnés de neige. Le cumul du dénivelé depuis notre départ du niveau de la mer à Arica s’élève à plus de 5700 mètres. Le passage de frontière s’effectue sans difficulté. Notre arrivée à la tombée de la nuit dans la ville frontière bolivienne de Tombo Quemado dans un froid et un vent terribles est pour le moins patibulaire. Ces villes frontières fourmillent de personnes prêtes à vous arracher une sacoche ou plus. Les cyclos lourdement chargés sont particulièrement vulnérables. Mais à deux on s’organise, et mon expérience du vol quasiment à l’arrache, que j’ai subi il y a quatre ans au Pérou a été très formatrice. On détecte de ce fait plus facilement les individus qui ont l’intention de s’emparer de nos affaires. Je vais cependant y laisser mon compteur de vitesse pour un oubli de quelques minutes sur la table du «restaurant» où nous avons mangé une platée de riz. Ce qui m’a forcé à mieux utiliser mon GPS afin de connaître les kilométrages effectués.
Après une nuit fort médiocre nous dégarpissons au plus vite de cet endroit sordide. L’équipement des vélos se fait sous haute surveillance d’un voleur qui guette la moindre inattention de notre part pour s’enfuir avec une partie de nos affaires. Flora pige vite le processus d’action de ce sordide individu et elle le maintient à distance pendant que je descends les bagages.
Les vingt premiers kilomètres sont rapidement avalés sur une piste roulante bien qu’il nous faille un peu pousser les vélos dans les pentes trop raides pour nos charges importantes. Dans le deuxième village, nous recherchons un point d’eau. Le lieu semble désert. Cependant nous détectons un mouvement dans une cour. Nous demandons de l’eau. Gentiment un homme nous remplit nos bouteilles vides. Il en profite pour nous indiquer un chemin plus court. Enfin les vélos chargés nous prenons le large. Le premier point de mon GPS nous donne la direction des pistes plein sud que nous allons suivre durant 800 km. Il est toujours assez inquiétant de se lancer comme cela à travers des régions réputées les plus arides du monde, avec comme seules indications des points GPS «piochés» sur Google earth. Quant à la nourriture et à l’eau on ne peut que se fier à nos estimations pleines d’incertitude.
L’information s’avérera complètement erronée du fait de la confusion entre le village de Sacabaya et la laguna de Sacabaya. Après quelques kilomètres nous allons être piégés dans des sables inconsistants au milieu d’une immense plaine bordée de grands volcans, dont l’un émet de ses flancs des panaches de fumée blanches. La température devient infernale. Notre moral en prend un sacré coup. Comment imaginer que nous allons traverser 800 kilomètres dans cet enfer absolument pas adapté au vélo?
Un camion, le seul que nous verrons de la journée nous dépasse et nous met en garde quant au piège dans lequel nous nous enfermons. Dans un premier temps nous refusons son aide. Quelques kilomètres plus loin nous réalisons que nous n’aurons pas l’énergie de nous sortir de ce terrain mouvant, de plus terrassés par une chaleur accablante. Dans le lointain nous distinguons le camion à l’arrêt. Nous allons dans sa direction. Il se met en marche et vient vers nous. Nous l’arrêtons et acceptons son aide. Il nous conduit vers ce fameux village de Sacabaya, au milieu de nulle part, à travers un terrain totalement inconsistant de poussière blanche.
Ce village du bout du monde est incroyable. Il y a un petit poste militaire qui contrôle les mouvements improbables. La frontière chilienne n’est pas loin, et les deux pays ne sont pas amis, depuis qu’au 19 ème siècle la Bolivie au cours d’une guerre a perdu son accès à la mer entre le Pérou et le Chili.
Nous débarquons avec nos vélos dans ce lieu étrange écrasé d’une chaleur suffocante. Qu’allons nous faire? Les militaires et le chauffeur nous regardent comme des bêtes curieuses et pas très sensées. Après un moment d’attente, on nous propose un logement dans un hôtel fermé sans eau ni électricité qui n’a sans doute jamais vu un client.
Nous attendons devant la porte fermée à clef un improbable propriétaire. Alors que nous commençons à désespérer un femme s’approche et nous propose de la suivre. Elle va nous offrir le gîte et le couvert pour une somme modique. Un problème de résolu. Mais comment allons nous sortir de cet enfer de poussière inconsistante? Alors le chauffeur vient nous avertir qu’à 5 heures, c’est à dire dans deux heures il part pour Négrillos, justement notre itinéraire y passe. Nous acceptons avec empressement son aide. Alors que nous préparons nos bagages, il nous dit de ne pas nous presser, car son départ est différé, puis il nous annoncera dans la soirée qu’il partira le lendemain matin très tôt. Après une nuit à ruminer nos incertitudes et à douter de nos capacités à affronter le défi de l’Atacama, nous nous préparons au départ en camion. Mais rien ne vient. Nous partons aux renseignements. Nous apprenons par personne interposée que le départ est prévu pour midi, puis pour 14 heures.
Alors que nous commençons à douter sérieusement de la fiabilité du chauffeur, il nous annonce qu’il partira à 15 heures et cette fois en direction de Sabaya à proximité du salar de Coipasa. Nous n’hésitons pas et acceptons l’offre, cela nous recalera sur un terrain moins mouvant où nous pourrons décider de la suite de notre projet. Mais le moral n’est pas haut et nous pensons bien abandonner pour prendre la direction du bord de l’océan Pacifique et cela même quasiment avant d’avoir engagé le combat. Après un transport de plusieurs heures dans un décor dantesque, nous voilà à Sabaya. Le moral remonte un peu, et nous décidons sans réelle conviction de nous remettre dans le course. Nous faisons quelques provisions chez l’hôtelier épicier en prévision de la traversée des salars de Coipasa et d’Uyuni et du sud Lipez, ce qui représente une distance de plus de 600 kilomètres par des pistes réputées infernales. Je me dis que si cela se passe mal nous aurons la possibilité de nous échapper soit vers la ville d’Uyuni ou cent kilomètres plus loin en direction de la frontière chilienne.
Nous voilà donc partis lourdement chargés en direction de Villa Vitalinia petit village sur la route donnant accès au salar de Coipasa. Tout se passe pour le mieux, la vingtaine de kilomètres est effectuée rapidement sur une piste acceptable. Une fois en ce lieu, nous complétons nos réserves d’eau. Je suis toujours étonné de constater que dans ces villages en plein désert, à proximité d’une mer de sel on trouve des robinets qui délivrent une eau fraîche de bonne qualité, mystère de la nature. Des ouvriers en plein travail nous saluent. Ils nous indiquent un chemin direct pour le salar. Nous voilà mettant le cap plein sud vers ce premier miroir blanc de 50 km qui s’ouvre devant nous. Commence alors ce genre d’expérience qui reste gravée en soi pour la vie.
Les roues crissent sur cette surface de sel. Je sais que cette entrée se fait par une zone humide, mais l’assurance des ouvriers quant à la dureté du sol nous a enlevé toute hésitation. Effectivement, le sol ne se dérobe pas sous nos pneus, même si parfois nous traversons des flaques. Les vélos se couvrent de sel, qui s’accroche en gros conglomérats un peu partout. Nous louvoyons entre des mares parfois importantes sur une vingtaine de kilomètres. Puis toute trace d’eau disparaît et nous voilà sur un sol dur, tout accaparés par le plaisir fou de traverser un lieu aussi insolite. Nous sommes seuls, aucun mouvement de véhicule. La vue porte loin. Mon GPS indique qu’il reste plus de trente kilomètres pour atteindre la rive sud qui semble cependant si proche. Lentement elle se rapproche. Il est important de sortir par une zone stabilisée afin d’éviter des efforts surhumains de poussage, les roues enfoncées dans des alternances de sable et de sel, qui bordent les abords des déserts de sel. Nous rejoignons un chemin, sableux en bordure sud . La chaleur est forte. Un village, nous y entrons, il est désert. Sur la place centrale, en réalité sur la zone sableuse qui en tient lieu un robinet. Nous en profitons pour faire un peu de lessive et nous nettoyer ainsi que les vélos, couverts d’une gangue de sel. La chaleur est terrible. Mais où est donc le chemin du village de Luca que mon GPS donne dans le sud est pour vingt kilomètres? Il nous faut absolument une indication. Nous partons doucement à travers les rues ensablées. Un chapeau immobile dans la fournaise, il dépasse d’un mur. Y a-t-il une tête dessous? Je l’interpelle par un «per favor» dans ce silence troublé uniquement par le vent, qui comme chaque après-midi monte en puissance. Effectivement, mon appel a un effet. Le chapeau pivote puis s’élève et une tête tirée du sommeil dans la torpeur ambiante nous regarde et répond à nos questions. Il nous faut repartir en direction du salar. Nous voilà à nous battre contre le sable qui obstrue le chemin. Vers les 18 heures nous décidons de nous arrêter et de monter la tente dans une légère dépression creusée par les eaux lors des rares précipitations. La tente est spacieuse. Nous avons de bonnes réserves d’eau et de nourriture. Une belle platée de riz est vite préparée et aussi vite engloutie. Le moral remonte après cette journée où nous avons effectué plus de 80 kilomètres dont 47 sur le sel.
Assister à la venue de la nuit dans un lieu aussi insolite s’apparente plus à un rêve qu’à la réalité.
Bien que nous soyons bien installés, l’effet de l’altitude plus de 3600 mètres se fait ressentir sur la qualité de notre sommeil. Au matin dans un air immobile nous déjeunons rapidement et plions vite notre matériel et nous voilà en route pour Luca que mon GPS donne à 10 kilomètres. Nous y voilà. A la recherche d’eau, une femme nous donne une indication et nous nous présentons devant une cour. Un homme nous invite à entrer. Il nous offre un plein seau du liquide précieux. Nous en remplissons nos nombreuses bouteilles. Nous lui demandons si nous pouvons faire une lessive, car nos habits sont complètement imprégnés de
sel. Son épouse nous prête une bassine et nous voilà lancés à neuf heures du matin dans la plus improbable lessive de notre existence. On nous vend même deux bananes que nous dégustons avec grand plaisir.
A dix heures après des remerciements chaleureux nous reprenons notre route. Elle escalade les hauteurs au sud du village. Cependant une trace directe à travers un «golfe» en bordure de salar nous laisse envisager un raccourci possible. Alors la chance nous sourit, un véhicule s’arrête et nous voyant dans l’hésitation le chauffeur nous confirme que si nous suivons cette trace à travers cette zone de sel et de sable nous arriverons à Alcaya, le lieu que nous cherchons à rejoindre. Comme souvent dans ces bordures de salar les parties très roulantes et les parties ensablées alternent. Globalement nous avançons de façon satisfaisante. Mais la chaleur devient infernale. Vers midi nous quittons définitivement la zone du salar pour la terre ferme. Il fait horriblement chaud, mais rien pour s’abriter. Flora remarque une buse qui passe sous la piste. Il n’en faut pas plus et nous voilà allongés à l’intérieur à la recherche d’un peu d’ombre à nous faire cuire une gamelle de riz. La situation me fait penser au livre de Bernard Ollivier.
En effet, lors de sa traversée du désert de l’Atlamakan en Asie il recourt aussi aux buses sous la route à la recherche d’un peu d’ombre. Sous notre piste nous profitons de ce moment de répit. Un bruit de moteur. De toute évidence il s’agit d’un deux roues. Je sors de notre trou et monte sur la piste. Le véhicule s’arrête et nous engageons la conversation. Le conducteur m’indique que le village d’Alcaya se situe à quelques kilomètres. Nous décidons donc de nous y rendre malgré la terrible chaleur qui nous écrase. Effectivement deux kilomètres plus loin sur notre gauche apparaît l’un de ces villages typiques, figés dans la désolation et l’absence apparente de vie. Nous y entrons. Dans une cour je vois deux femmes. Nous nous rendons au centre, où de drôles de constructions attirent notre attention. Il s’agit du fameux musée précolombien, qui retrace l’histoire d’une civilisation disparue il y a cinq mille ans d’après ce l’on nous expliquera. Pour le moment personne, tout est fermé et j’ai mal à la tête en proie à un début d’insolation. Je pars à travers le village à la rencontre des deux femmes entraperçues. Gentiment l’une d’elles m’accompagne jusqu’à la maison du couple qui pour une période de deux semaines gère ce site. L’épouse nous fait visiter le musée qui recèle quelques restes de cette civilisation perdue, puis le mari nous propose une visite de la ville morte dans la montagne. Nous acceptons mais seulement à partir de 18 heures en espérant que la chaleur devienne supportable. Ils nous invitent à prendre une douche, et nous découvrons de ce fait qu’il y a de quoi loger deux fous égarés dans cette fournaise. Il ne nous en faut pas plus pour profiter de cette occasion inespérée qui nous évite un bivouac dans des conditions difficiles.
A 18 heures, après avoir savouré la délicieuse omelette confectionnée par la maîtresse des lieux nous partons pour une incroyable visite dans la montagne sur les traces d’une civilisation disparue. Le guide et Flora marchent allègrement, pour ma part j’ai du mal à avancer encore sous l'emprise d’un coup de chaleur. Ce que nous découvrons est tout simplement stupéfiant. Une ville étrange, immense toute de pierre à flanc de montagne. Les constructions ressemblent à de petites borilles semi-enterrées. Il n’y a pas de porte, seulement un orifice à section carrée d’une quarantaine de centimètres de côté qui permettait aux habitants de se glisser dans leurs habitations. Cela me semble effrayant et je ressens tout le poids de la claustrophobie à l’idée de me faufiler à l’intérieur. Mais le plus surprenant provient des sépultures qui recèlent des momies conservées dans des conditions étonnantes de par les millénaires. Cela est dû à l’hygrométrie presque nulle de ces montagnes les plus arides de la planète. Absolument stupéfiant. Les images se passent de commentaires! Cette civilisation aurait été anéantie par la chute d’un météorite à quelques dizaines de kilomètres. On peut effectivement voir un cratère de belle taille pas très loin.
Le lendemain départ matinal malgré un quiproquo dû au fait que nous sommes restés à l’heure chilienne qui diffère de celle de Bolivie. La journée commence par un poussage des vélos sur une piste dure mais trop raide pour que nous restions sur nos montures très lourdes. Arrivés au col qui nous domine après une petite heure, devant nous se dévoile le salar d’Uyuni, le plus grand de la planète. Nous restons subjugués par le spectacle. La petite ville de Salinas est vite atteinte. Il s’agit d’une bourgade où le marché sur la place centrale donne une activité inhabituelle dans ces coins reculés.
Comment vous parler en quelques mots des cinq cents kilomètres suivants, parcourus en onze jours entre le plus grand salar du monde Uyuni et la traversée du sud Lipez haute terre entre 4000 et 5000 mètres, où le climat touche au paroxysme, grand froid la nuit, de la glace dans la tente, et des températures fortes la journée et puis ce vent terrible qui se lève systématiquement vers les onze heures pour ne s'apaiser qu'une heure après la venue de la nuit. Et encore ces poussages de vélos à l'infini dans le sable et les champs de lave. Un jour nous avons poussé 8 heures d'affilé dans la tourmente et une montée terrible avec un passage au-dessus de 4700 mètres presque jusqu'à la tombée de la nuit. Mais Flora indestructible ouvrait le chemin. Et puis ces rencontres de fous animés par la même envie de dépassement qui rigolent dans les pires situations. Une nature aux teintes inimaginables, on croirait qu'un spécialiste a retouché les couleurs des montagnes du ciel, des nuages et des lagunes. Les quelques photos ci-dessous vous donneront un bref aperçu de ce que furent ces jours de joie intense dans l'effort.
Sur cette dernière photo nous sommes Flora et moi avec Daniel un Allemand voyageant au long cours jusqu'à la Tierra del Fuego. Nous effectuons les derniers kilomètres presque à reculons tellement nous avons l'impression de terminer une expérience d'une rare intensité au milieu de ces hautes terres boliviennes.
Dans quelques kilomètres le goudron et après une descente de 47 kilomètres, 2200 mètres plus bas à 2400 mètres d'altitude la ville très touristique de San Pedro de Atacama. La prochaine étape le Passo Sico à plus de 4000 mètres va nous conduire en Argentine, à la découverte d'une autre partie de ces immensités désertiques de l'Amérique du Sud.
Sur le lien suivant vous pouvez lire le compte-rendu spécifique que j'ai fait concernant cette traversée de 10 jours du Sud Lipez:
Notre traversée du Sud Lipez à vélo
J'allais oublier: on a vu Moustaki
Donc après une journée et demie passée dans le village de San Pedro de Atacama, le Sud Lipez ne nous a pas calmés, mais au contraire notre envie de repartir dans ces grands déserts est plus forte que jamais et sur les 500 kilomètres à venir nous n'allons pas être déçus! L'aventure sera à la hauteur de ce que nous venons de vivre précédemment.
10 Novembre Départ pour le Paso Sico
Ce col va nous donner accès à l’Argentine. Depuis San Pedro de Atacama deux chemins sont possibles le Paso Jama et le Paso Sico. Les deux sont de redoutables obstacles. Nous choisissons ce second col car d’une part nous avons déjà parcouru les 42 derniers kilomètres du précédent à la sortie du sud Lipez, et d’autre part il est réputé plus facile, bien que asphalté uniquement sur les 85 premiers kilomètres de la montée qui en comprend 216. Et je ne parle pas de la descente en Argentine, où nous ne retrouverons le goudron après San Antonio de los Cobres, c’est à dire 135 kilomètres plus loin, sans parler des portions qui par la suite ne sont pas asphaltées.
Nous partons donc à l’assaut de ce col assez tardivement, vers les 9h30, du fait des démarches douanières qui doivent se faire impérativement à San Pedro de Atacama, alors que nous ne quitterons le pays véritablement que trois jours plus tard. Nous prenons un bon rythme sur la route goudronnée. Nous longeons le salar d’Atacama qui s’étend sur plusieurs dizaines de kilomètres. Sans incident nous arrivons dans le village de Socaire vers les 17h après 86 kilomètres et 800 mètres de dénivelé.
Nous sommes tout étonnés de cette distance parcourue, en pensant aux minuscules distances que nous effectuions dans le Sud Lipez en poussant nos vélos toute la journée, parfois à peine 20 kilomètres et généralement de l’ordre d’une trentaine. Très gentiment un homme nous accompagne pour trouver un logement. Ce n’est jamais très simple, mais nous finissons par avoir satisfaction. Le soir le restaurant attenant nous confectionne une excellente platée de spaghettis, mais nous en aurions bien mangé deux fois plus.
Le lendemain départ matinal, nous espérons monter rapidement. En effet, nous sommes à 3200 mètres d’altitude et la Paso Sico, bien qu’encore fort éloigné ne culmine qu’à 4060 mètres. Mais ce que notre carte ne nous dit pas, car pas assez précise, c’est qu’avant de l’atteindre il nous faudra d’abord passer trois points hauts dont deux dépassent les 4600 mètres. Nous sommes lourdement chargés, en particulier 7 litres d'eau chacun, car nous savons que nous avons peu de chance d’éviter un bivouac. Les deux premières heures sont longues, cloués sur place dans une pente raide en terre. Vers midi le vent va se lever et par moments souffler en furie. Nous ne nous en plaignons pas car il nous pousse.
Par moments il soulève de tels nuages de poussière que nous sommes littéralement aveugles, et nous devons nous immobiliser. Nous dépassons allègrement les 4200 mètres avant de replonger vers des lagunes d’une beauté stupéfiante. Nous commençons vers les 15 heures à nous demander où nous allons bien pouvoir nous arrêter pour la nuit dans ces éléments déchaînés. Vers les 17 heures sur le bord gauche de la route à quelques centaines de mètres un énorme rocher d’une dizaine de mètres de haut semble présenter un écran contre ce vent rageur. A son pied nous découvrons un petit espace sableux, qui correspond parfaitement aux dimensions de notre tente. Le lieu est parfait, l’altitude est un peu supérieure à 4200 mètres. Une fois bien installés nous pouvons assister à l’évolution des couleurs dans ce monde stupéfiant de l’Atacama. Au sol une herbe rase à la couleur jaune avivée par le soleil rasant se découpe sur le rouge sombre des montagnes qui l’entourent. Le tout rehaussé de touches de blanc éclatant, d’une part dû aux quelques névés qui subsistent et d’autre part du fait de la couleur de la roche qui par endroits s’apparente plus à du talc qu’à de la pierre. Absolument fantastique. Nous nous disons que tous les efforts consentis sont bien payés, de pouvoir assister bien installés dans notre tente à ce spectacle unique de la nuit qui vient sur ce désert de l’Atacama.
11 novembre
Après une nuit confortable malgré le vent qui a soufflé par intermittences et parfois très fort nous sommes d’attaque pour une nouvelle journée avec la ferme intention de passer en Argentine. Le Paso Sico n’est qu’à quarante kilomètres, mais ce que nous ignorons, c’est qu’avant de l’atteindre il nous faudra d’abord franchir deux passages au-dessus de 4600 mètres par des pistes pas très bonnes, pour ne pas dire plus, et le poussage sera long dans la première partie.
Donc vers huit heures après un petit déjeuner à base de flocons d’avoine nous nous mettons en route pleins d’entrain. Très vite la piste devient exécrable, et de plus elle monte dans le ciel. Deux heures plus tard nous atteignons le Camp el Laco à 4600 mètres. S’y trouve un ensemble de bâtiments. Flora a la géniale idée d’aller voir si nous pouvons nous y approvisionner en eau et éventuellement acheter quelques denrées. Il s’agit d’une base de mineurs. Ils nous invitent à un petit déjeuner gargantuesque, qui nous remet d’aplomb, car nos rations congrues ne sont pas vraiment adaptées aux efforts que nous effectuons. Nous passons une heure exquise à manger comme des ogres dans une douce chaleur.
Chez les mineurs je n'ai pas eu le temps de faire la photo qu'on avait tout mangé!
La reprise n’est pas trop dure, le vent est modéré et le soleil darde des rayons généreux. Cependant la pente continue à monter vers le ciel et pourtant le camp est à 4600 mètres. Enfin nous arrivons au sommet de cette bosse et nous découvrons de l’autre côté un salar de plus, tout à fait splendide dans ce monde minéral. Sur le bord, minuscule, le poste frontière chilien. Nous l’atteignons, un dernier contrôle et nous continuons en direction de l’Argentine, encore fort éloignée. Le point frontière est à 25 kilomètres et le poste argentin 11 kilomètres plus loin. Avant de quitter les douaniers chiliens nous leur demandons de l’eau. Ils nous offrent une bouteille de 1,6 litre, c’est toujours cela en plus en cas de nouveau bivouac.
La piste est un enfer, nous poussons sur plusieurs kilomètres. On se dit que jamais nous ne serons en mesure d’atteindre ce fameux Paso Sico. La piste ne s’améliore pas et commence à repartir dans le ciel. Mais le décor est tellement surréaliste que nous sentons à peine nos efforts, même si nous sommes quelque peu inquiets de la moyenne ridicule de notre déplacement.
Puis la délivrance arrive. Au sommet de cette nouvelle bosse, la piste s’améliore et nous nous engageons dans une descente d’une extraordinaire beauté, parmi des roches multicolores, de hautes dunes et des salars qui virent au rose. Dans un immense cratère plusieurs cônes de terre offrent un spectacle d’un esthétisme parfait. Bien loin vers le bas un gigantesque salar se dessine.
Cette région gigantesque est loin des dimensions européennes. Notre vitesse sur une piste dure est tout à fait satisfaisante et rapidement nous atteignons ce fameux Paso Sico, qui n’est pas à proprement parler un col, mais plutôt une plaine d’altitude.
11 kilomètres plus loin le poste argentin. Les formalités sont rapides. Dans ce coin de désert nous sommes les seuls à nous présenter à la frontière. Manifestement les 36 kilomètres de piste entre les deux postes chilien et argentin se sont pratiquement pas utilisés. Nous n'y avons pas vu un seul véhicule. Il est déjà 16h30, et nous demandons aux douaniers s’ils peuvent nous héberger pour la nuit. Ils refusent. Ils nous donnent cependant une bouteille d’eau. Ils nous indiquent un village à 18 kilomètres où nous pourrons trouver un hébergement. Ce qui est embêtant, c’est que ce n’est pas notre route. Ils nous certifient que le village se trouve sur un autre itinéraire qui n’est pas plus long et qui rejoint la route de Salta cinquante kilomètres plus loin.
Il ne nous en faut pas plus pour nous lancer dans une course effrénée pour essayer de rejoindre ce village avant la nuit. Même si le vent est avec nous, cela commence assez mal, une terrible piste en tôle ondulée qui de plus monte. Après quelques kilomètres nous nous demandons si nous n’avons pas réagi trop impulsivement. Mais il est trop tard pour faire demi-tour, donc nous forçons sur nos pédales malgré la grosse journée que nous avons déjà derrière nous. Par miracle la piste s’améliore et le vent persiste en notre faveur. Vers 18 heures nous atteignons ce village étonnant de Catuan, minuscule enfermé dans une gorge désertique. Nous y trouvons un logement rudimentaire et faisons quelques courses dans un mini-market qui n’a pas grand chose à offrir. Le coin est très dépaysant. Nous nous disons qu’il est préférable de loger chez l’habitant que de monter notre tente sans contact avec la population.
12 novembre
Départ vers les 8 heures après nous être confectionné notre petit déjeuner. Il fait bon, le soleil chauffe et le vent est nul. Le matin dans ces hautes terres est toujours agréable. On a du mal à imaginer que la nuit y soit si hostile. Après quelques kilomètres qui nous laissent pleins d’espoir quant à la facilité de cette portion de route non prévue, nous tombons sur les premières difficultés et elles sont de taille, une piste qui monte et qui est entièrement sablonneuse. Il s’ensuit une épuisante séance de poussage. En trois heures nous n’effectuerons que 13 kilomètres. Notre étape du jour en comporte 45. De plus pas une voiture, nous sommes vraiment sur une piste presque à l’abandon. Ce qu’il y a de plus épuisant nerveusement sur ce type de chemin, c’est de ne jamais savoir quand le sable commence et où il va s’arrêter. Parfois après cent mètres on peut remonter sur les vélos mais voilà qu’ à nouveau il faut pousser sur plusieurs kilomètres et tout cela dans une pente qui ne faiblit pas. La roue avant a tendance à se mettre de travers, entraînée par le sable pulvérulent. Les efforts pour la remettre dans l’axe sont épuisants. Avec cela l’altitude continue de monter alors que nous sommes déjà à plus de 4000 mètres. Loin devant nous, nous distinguons une crête. De toute évidence c’est par là que passe notre itinéraire pour rejoindre la route nationale qui va vers Salta. Enfin après plus de trois heures le point culminant vers les 4300 mètres est atteint. Comment va être la descente?
Un peu sableuse mais nous réussissons à prendre un bon rythme et enfin dans le lointain, à l’aide des jumelles de Flora, nous apercevons les véhicules qui lèvent des nuages de poussière sur la route que nous convoitons. Un salar de grandes dimensions nous en sépare. Nous le traversons sur une piste dure et le plaisir de se trouver dans ces environnements inhabituels est très grand.
Malgré l’immensité qui se développe devant nous, notre vitesse qui doit frôler les 20 km/h nous laisse envisager de rejoindre rapidement cette fameuse nationale que nous avons quittée hier soir au poste de douane. Nous y sommes vers 13 heures. A l’abri d’un mur en ruine nous faisons une pause casse-croûte, thon, pain et une demi-pomme. Le lieu est désolé, complètement à l’abandon. On se croirait vraiment dans ces cités construites à la va-vite lors de la ruée vers l’or et désertées quelques temps plus tard du fait des espoirs déçus d’enrichissement du fait du défaut de filons rentables.
La nationale est une affreuse piste sablonneuse molle qui alterne avec des passages redoutables de tôle ondulée. Deux états de la route qui sont un enfer pour le cycliste. Notre but de ce jour, le village de Olatacapo est distant de huit kilomètres. Il nous faut une bonne heure sous une chaleur forte pour les franchir. Les cinq cents derniers mètres pour accéder aux maisons sont impraticables et nous voilà à nouveau à pousser. Nous trouvons un hébergement et sommes satisfaits que cette étape prenne fin vers les 15 heures, car les jours précédents nous sommes restés dix heures sur ou à côté de nos vélos.
13 Novembre Olatacapo à San Antonio de los Cobres 60 km
Après une bonne nuit nous décidons de partir de bonne heure car l’étape de la journée fait plus de 60 kilomètres. Cela peut paraître peu, mais vu l’état de la fameuse RN 51 nous nous attendons à une étape que je qualifie de peu tranquille. Et je suis loin d’imaginer ce qui nous attend. En effet mon GPS donne la ville de San Antonio de los Cobres vers les 3900 mètres. J’en déduis que nous aurons peu de montée. Là, je me trompe très nettement. En effet il nous faudra passer un col à 4560 mètres d’altitude, et la piste est franchement horrible, sable en permanence et tôle ondulée très fréquemment. 31 kilomètres de montée, ils me semblent interminables. J’en arrive même à me demander ce que je fais là dans ces pentes infinies. Mais le col est enfin atteint et la descente ne pose pas vraiment de problème même si nous nous faisons secouer très sérieusement.
Ces grandes randonnées à vélo ont ont un côté étrange. Alors que l’on passe des heures à se traîner le long de pistes sablonneuses ou dans des pentes trop raides pour rester sur nos montures, eh bien dès que la phase suivante se présente, on oublie du passé, tout du moins tout ce qui nous a demandé des efforts épuisants, pour ne se souvenir que des paysages à couper le souffle.
14 Novembre San Antonio à Campo Quijano 130 km
Aujourd'hui nous allons renouer avec la route asphaltée, mais d'abord vingt kilomètres de piste. Cette dernière n'est pas mauvaise et nous n'aurons pas à pousser nos vélo dans le sable. Puis enfin le goudron, ce que cela est bon. Rapidement nous atteignons le Abra Blanca, col qui frôle les 4000 mètres. Alors s'ouvre à nous une descente gigantesque, qui va nous permettre d'effectuer plus de 130 kilomètres ce jour. Dans un premier temps le vent nous est favorable, mais dans l'après-midi il s'inverse et redouble de vigueur. Après un moment d'hésitation nous reprenons notre descente en appuyant sur nos pédales. Avec Flora nous nous relayons en tête face au vent rageur. Nous prenons goût à cet effort. Une dernière section de piste de 22 kilomètres et nous arrivons vers les 18h dans la petite ville de Campo Quijano.
Nous quittons la piste pour l'asphalte
Encore 22 km de piste, mais après nous devrions rester sur le goudron pour des centaines de km
Nous ne sommes plus qu'à une vingtaine de kilomètres de la ville de Salta. Mais nous avons décidé de ne pas nous y rendre. Nous mettrons le cap directement sur Cafayate.
15 Novembre Campo Quijano à Coronel Moldes 70 km
Nous sommes un peu déboussolés, d'une part du fait de quitter les pistes sur lesquelles nous évoluons entre 4000 et 5000 mètres depuis quatre semaines pour retrouver l'asphalte et la civilisation, et d'autre part du fait de la température modérée le soir et la nuit, alors que nous étions habitués au grand froid et aux moins dix degrés au lever du jour. Plus besoin de grosse couverture et de se coucher tout habillé. Au contraire il fait vite chaud et un simple drap suffit.
Nous nous levions tôt pour pouvoir rouler un maximum sans vent, il est toujours là et en plus il semble défavorable alors que généralement il était notre allié. Mais ce que nous allons devoir combattre maintenant ce sont les chaleurs suffocantes. En effet, au-delà de midi les quarante degrés seront dépassés, et de plus le vent fera virevolter des nuages de poussière. Donc on a l'intention de rouler de 6h à midi et de se trouver un coin à l'ombre pour l'après-midi.
Donc, fort de ce précepte nous démarrons ce matin seulement à 8H30. De plus suite à une erreur d'itinéraire, notre carte au 1/2 000 000 ne permet pas le détail, nous faisons une distance supplémentaire sans doute d'une bonne quinzaine de kilomètres. Mais dans le fond cela n'est pas plus mal, car cela nous évite la dernière portion de piste. Nous n'avons pas dû perdre beaucoup de temps. Que nous avons l'impression d'aller vite sur cette route asphaltée. Nous menons à tour de rôle et les kilomètres défilent. Deux petites pauses pour manger un gâteau une pomme et se désaltérer et nous sommes à Coronel Moldes un peu après midi.Nous avons abattu de l'ordre de 70 kilomètres. Mais il est vrai que les derniers dans la chaleur et contre le vent étaient fatigants. En dehors du grand plaisir d'avoir l'impression d'aller très vite, tout en faisant attention à la circulation parfois assez dense, nous n'avons rien remarqué de particulier sur ce tronçon. Nous ne sommes plus dans le même voyage qu'au cours des quatre semaines précédentes. Nous espérons cependant que la route jusqu'à Cafayate sera plus pittoresque que notre étape du jour. Je vous en reparlerai sans doute dans deux jours car cette ville est distante de 130 kilomètres. Mais si le démon de la défonce nous prend et que le vent trouve cela rigolo et nous aide, ce sera peut-être demain! Mais ne rêvons pas trop!
16 Novembre Coronel Moldes à Cafayate 128 km
Départ à 6h, il fait encore nuit. Après une brève hésitation nous nous lançons. A cette heure la ville est endormie et la route est déserte ou presque. Démarrer comme cela au petit matin et très agréable du fait du trafic nul ou presque et de la fraîcheur. Les conditions sont idéales pour pédaler. Attention seulement aux chiens que l’on voit tardivement dans ce jour tout juste naissant. La première bourgade de la Vigna est vite atteinte, 23 kilomètres en une heure. On comprend que nous avons toutes les chances de rejoindre Cafayate si les conditions se maintiennent, absence de vent et ciel couvert. La route s’insinue dans des gorges magnifiques. Sur 80 kilomètres une multitude de formations rocheuses et terreuses va nous étonner à chaque virage et à chaque montée. Le rouge prédomine. Une rivière au flux presque nul s’étale et donne l’illusion d’un large cours d’eau, car le sable du lit est mouillé.
Le vent nous est favorable et à 13H30 nous arrivons à Cafayate, petite ville touristique, dont la réputation provient de son vignoble, en particulier de son vin blanc. Allons-nous le tester? Pas si sûr car demain il nous faut rouler et ils ne vendent pas de demi-bouteille!
Le fait de rouler de cette façon en partant avec le jour est agréable à plus d’un titre et cela permet de passer tranquillement l’après-midi à se reposer en déambulant sans se presser dans la ville et puis aller s'asseoir à la terrasse d’un café à regarder la vie locale. Dans ces conditions on est bien en forme pour enfourcher nos montures dès le jour naissant le lendemain avec l’intention de dépasser encore une fois les 100 kilomètres. Cependant nos ambitions risquent d'être contrariées par un col de plus de 3000 mètres d'altitude qui s'annonce sur notre route. La grande étape risque plutôt d'avoir lieu le lendemain jusqu'à Concepcion.
Une fois arrivés à Cafayate nous avons élu domicile dans un petit hôtel sympa qui met à notre disposition une cuisine. Nous partons immédiatement faire des courses, légumes, œufs, sardines, pain et fromage de chèvre. Flora confectionne une grosse salade que nous accompagnons d’une énorme platée de pâtes. Nous engouffrons tout cela de bon appétit.
Le moral est au beau fixe. Si les conditions de route se maintiennent, vent pas trop gênant, et chaleur raisonnable comme aujourd’hui, nous envisageons de rouler jusqu’à Mendoza puis Santiago sans jamais avoir recours au bus. Pour le moment nous n’en sommes pas encore là. Nous avons décidé de rejoindre la Rioja, ville distante d'à peu près de 500 kilomètres et de faire un point à ce moment.
17 Novembre Cafayate Aimaicha de la Valle 75 km
Aujourd’hui nous allons rouler sur le mythique Ruta 40. Nous quittons Cafayate à 6H20 après que je sois retourné récupérer ma frontale oubliée sous l'oreiller. A la sortie de la ville les vignes s'étirent sur plusieurs kilomètres. Hier nous avons bu un excellent blanc d'ici.
La route en ce dimanche matin est déserte et nous avançons rapidement. Nous en profitons pour faire un petit détour de quelques kilomètres par une piste afin de visiter un ancien site indien. Il s'agit d'une multitude d'enclos aux murs de pierre qui s'étalent le long d'un grand flan de montagne. Nous n'avons pas bien compris ce que cela représentait. Il s'agit du site indien de Quilmes.
Vers midi nous arrivons dans la petite cité de Aimacha. On a l'impression qu'elle reste complètement en dehors des circuits touristiques.
18 Novembre Aimaichi à Tafi del Valle 57 km
Départ 6h, il fait frais. Une longue montée de 28 km nous attend, le dénivelé est de l'ordre de 1100 mètres et le point haut se situe à 3050 mètres. Il nous faut plus de 4 h pour franchir l'obstacle. Nous redescendons ensuite rapidement sur la petite ville de Tafi, qui est sympathique bien que très touristique.
19 Novembre Tafi del Valle Concepcion 100 km
Ce matin départ 6h. Il pleut nous sommes tout étonnés. On hésite, plutôt j' hésite car Flora veut foncer sans se poser de questions. Il fait nuit la route est mouillée, mais nous partons. Un peu plus loin on s' arrête quelques minutes dans un abri-bus car la pluie s'intensifie. Mais avec le jour cela va s'arranger. Ce matin nous allons perdre deux mille mètres d'altitude par une longue descente dans une gorge verdoyante, Après un mois de désert cela est étonnant d’être entouré de verdure.
Il va m'arriver un drôle d'incident, le roulement à billes de ma pédale gauche va casser à 12 kilomètres de Concepcion. Mais je vais réussir sans trop de difficultés à pédaler seulement avec l'axe de la pédale. Heureusement, j'ai pu en acheter une nouvelle paire en arrivant en ville.
La route est très passante et nous sommes dans des plaines de basse altitude. Cela me rappelle un peu les 700 kilomètres que j'ai effectués en début d'année entre Paksé au Laos et Bangkok, lors d'un périple de 4000 kilomètres autour du Mékong. J'avais trouvé du plaisir à rouler sur des routes très passantes, même sur autoroute, on abattait de l'ordre de 130 kilomètres par jour. Mais voilà aujourd'hui, Flora ne l'entend pas comme cela et ne trouve plus d'intérêt à pédaler dans ces conditions dangereuses. Nous prenons donc le premier bus pour Mendoza. Il nous faut la nuit pour y parvenir.
20 et 21 Novembre Mendoza
Nous passons deux jours de repos à Mendoza. La ville est agréable, bien arborée. Nous somme au centre ville dans une auberge de routards. L'ambiance est agréable, même si la nuit ça parle fort très tard. Demain nous reprenons la route pour notre dernière étape de 400 km jusqu'à Santiago.
Agent du Mossad prêt à l'action
Gloire à l'armée des Andes pour l'indépendance de l'Argentine
22 novembre Mendoza à Villavicencio 50 km
Nous décidons de passer par la route 52 et non la nationale 7. Certains nous la conseille d'autres non. Comme toujours lorsqu'on pose une question, on a toutes les réponses possibles. Déjà le fait que la circulation soit faible est un argument de poids en faveur de notre choix.Avec le recul de deux jours, ni Flora ni moi ne regrettons notre décision, bien que le chemin soit beaucoup plus difficile, route de terre sur plus de 40 kilomètres et le passage d'un col avec 2300 mètres de dénivelé.
Donc ce matin à six heures nous quittons notre auberge et prenons la route au lever du jour. A cette heure matinale nous n'éprouvons aucune difficulté car le trafic est quasiment nul. L'agglomération n'est pas très grande et en dix kilomètres nous sommes en pleine nature. Une gigantesque ligne droite part à l'assaut des Andes. En une vingtaine ou trentaine de kilomètres, tout en montant, elle nous conduit dans une petite gorge. Nous la suivons sur dix kilomètres et arrivons à la maison de la réserve naturelle de Villavicencio. Nous nous arrêtons pour visiter. Le gardien nous informe que l'hôtel un kilomètre plus loin est définitivement fermé. Nous qui pensions passer une bonne soirée, de plus avec des eaux thermales, eh bien non! Ce sera un bivouac à manger nos pâtes. Heureusement que nous avons toujours quelques provisions au fond des sacoches, car aujourd'hui nous sommes vraiment pris au dépourvu. Cet hôtel on en a entendu parler partout, et google earth l'annonce en gros. Mais voilà, afin de protéger la zone le gouvernement vient juste de prendre des mesures drastiques dont la fermeture du restaurant, l’hôtel quant à lui ne fonctionne plus depuis 1978!
Aujourd’hui nous avons vu des vigognes différentes de celles que l’on a côtoyées dans les hauteurs de l’Atacama. Nous avions l’habitude d’animaux d’assez petite taille, un peu plus d’un mètres et sans doute une vingtaine de kilos, très gracieux aux couleurs qui se fondaient bien dans le décor. Alors que là nous sommes en présence d’animaux beaucoup plus gros, d’une hauteur de deux mètres, beaucoup plus massifs et à la tête noire. De plus il y avait sur le bord de la route des panneaux annonçant «faune sauvage» avec une belle effigie de puma.
23 Novembre Villavicencio à Uspallata 57 km.
Départ 6h30, sans transition nous sommes engagés dans une montée de 28 kilomètres. La route escalade un grand flanc de montagne et nous conduit à un col à 2958 mètres d'altitude. Pour aujourd'hui il nous reste à peu près 1300 mètres de dénivelé à franchir. La route sera sur sa plus grande partie non goudronnée, ce qui apporte un petit air d'aventure à la montée. Les points de vue sont magnifiques. D'ailleurs, vu la dizaine de minibus de touristes qui nous doubleront au cours des cinq heures de la montée, l'endroit est réputé. Enfin le col, de là la vue s'étend à l'ouest sur les Andes et en particulier sur l'Aconcagua. Une belle descente de 28 kilomètres nous conduit à la petite ville de Uspallata. Sans trop de difficulté nous trouvons un hôtel pour la nuit.
24 Novembre Uspallata à Los Penitentes 64 km 1000 m de dénivelé
Nous partons un peu avant 6 heures. Il fait encore nuit. La circulation est très faible, nous sommes dimanche. Nous espérons qu’elle le restera. Mais non, rapidement le nombre de poids lourds va augmenter, malgré le jour férié. De plus le vent va se mettre de la partie . Il souffle en rafales et nous l’avons en plaine figure. Cela rend notre étape difficile. Nous évoluons dans un cadre superbe entourés de grandes montagnes de toutes les couleurs. Vers 13 heures nous arrivons dans une petite station où nous trouvons un hébergement dans un refuge qui de toute évidence sert de point de départ pour l’Aconcagua.
25 Novembre Los Penitents à Los Andes 97 km
Départ un peu après 6h car nous avons discuté avec Diego l'un des employés du refuge. Ce matin pas de vent, qu'il fait bon pédaler. Nous sommes entourés de hautes montagnes couvertes de glaciers. Le tunnel à la frontière de l'Argentine et du Chili se situe à l'altitude de 3200 mètres. Avant de l'atteindre nous surveillons sur notre droite le lieu où nous aurons un magnifique point de vue sur l'Aconcagua.
Une fois au tunnel, nous sommes pris en compte par un véhicule, car il est interdit aux vélos. Une fois de l'autre côté nous arrivons rapidement au poste frontière commun aux deux pays. Les Chiliens sont toujours assez pointilleux et il faut leur montrer tous nos aliments. Ils nous confisquent notre morceau de fromage. Une fois ces formalités terminées nous nous lançons dans une immense descente jusqu'à Los Andes, petite ville où nous arrivons vers les 16 heures.
La guerre des Malouines a laissé des traces!
26 Novembre Los Andes à Santiago 92 km
Aujourd'hui c'est la dernière étape de notre périple. Nous allons pédaler une dernière fois avant de nous séparer. Flora va partir vers le sud du Chili et moi je vais rentrer en France. C'est toujours un peu triste que l'on aborde l'ultime étape d'une belle aventure.
Mais très vite nous allons être plongés dans le feu de l'action, et pas le temps de se poser des questions métaphysiques. En effet ce dernier tronçon se fait en partie par autoroute, interdite aux vélos et parfois il n'y a pas de bande d'arrêt d'urgence et pour couronner le tout ce matin nous sommes partis par un matin gris brouillardeux. On n'a pas chaumé, un peu le stress aux fesses. Cette autoroute présente un tunnel. On l'a évité en prenant une belle route qui monte de 500 mètres et nous a permis de nous élever au-dessus de la nappe de brouillard. Lorsque nous sommes redescendu vers l'autoroute le temps était au beau. de plus sur les 18 kilomètres restant par autoroute il y avait une belle bande d'arrêt d'urgence, mais à plusieurs reprises de gros panneaux interdit aux vélos. Nous avons pris la sortie vers la ville de Colina comme une délivrance. Une dernière halte où nous avons mangé une dernière fois ensemble, puis encore 35 kilomètres pour arriver au cœur de Santiago. Circulation intense, l'agglomération compte 6 millions d'habitants. Flora qui ne perd pas de temps, s'arrête devant une quincaillerie, on achète du carton pour emballer nos vélos, elle pour le bus vers le sud et moi en prévision de l'avion. Nous roulons encore un peu ensemble avec nos rouleaux de carton sur nos sacoches arrières. On a presque le gabarit d'une voiture! Puis vient le moment où nos chemins se séparent. On reprend chacun ses affaires, on partage la caisse commune, une bise et s'est reparti chacun de son côté.
Mon souci premier, changer mon billet d'avion, ce qui se fera dans la foulée l'après-midi même et de trouver un logement. Je retourne à l'hostal Condell où j'avais déjà séjourné il y a quatre ans après une traversée de trois mois entre Équateur, Pérou, Chili et Bolivie. La patronne peut m'héberger une nuit, mais me trouvera un point de chute pour la nuit suivante.
J'ai emballé mon vélo dans le morceau de carton que j'ai acheté.Le paquet n'est pas terrible du tout. Le carton est fragile et casse. Je mets beaucoup de ruban adhésif, qui n'a d'adhésif que le nom et je renforce le tout avec de la ficelle. Ces retours avec vélo sont toujours assez délicats à gérer.
Pour finir j'adresse un grand merci à toutes celles et tous ceux qui nous ont suivis et tout particulièrement à ceux qui ont pris le temps de nous mettre un ou plusieurs petits mots. En effet, on a beaucoup apprécié, car contrairement à ce que l'on pourrait croire l'action intense n'empêche pas de beaucoup penser à ceux et celles que l'on laisse et qui nous manquent.
Voilà c'est fini snif, mais je suis content de rentrer et tout particulièrement de retrouver ma chère et tendre Danielle que je remercie du fond du cœur de tolérer mes errances désertiques.
17:19 Publié dans expérience vécue, voyage à vélo | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : atacama, arica, coipasa, uyuni, sud lipez, bolivie, chili, argentine, paso sico, san pedro de atacama, arbol de piedra, laguna colorada, laguna verde
30/12/2014
Deux mois autour du Mékong à vélo: deuxième partie le Laos de la frontière nord à Luang Prabang
Mardi 5 février
Bonjour tout le monde, nous sommes dans les starting-blocks pour traverser le Mékong de Chiang Khong en Thaïlande à Huay Xai au Laos, et être dans les premiers à la douane, dans la perspective de notre première journée de pédalage au Laos.
Je mets la carte de notre trajet approximatif au cours du mois à venir. Il y aura des variantes, car comme je l'ai dit, les pistes sont trempées et nous prendrons les routes. Donc dans la première partie, nous passerons un peu plus au nord par Louang Namha, puis nous redescendrons sur Luang Prabang et irons à Vientiane. La partie sud devrait rester conforme aux prévisions.
Le tracé est approximatif en particulier dans la partie sud nous sommes revenus le long du Mékong durant 400 km avant Paksé.
Comme je l'ai dit, nous nous attendons à avoir moins de possibilités internet, donc nous ne serons sans doute plus en mesure de donner des nouvelles journalières. On fera au mieux!
Mardi 5 février Chiang Khong à Donchai 68 km
Dans notre chambre carcérale, nous passons une bonne dernière nuit en Thaïlande. Nous nous levons afin de nous trouver au poste frontière un peu avant l'ouverture. A 7h45 il y a déjà une quinzaine de personnes qui attendent. Parmi celles-ci un Français de 80 ans, qui ne les fait vraiment pas!
Les formalités côté thaï sont vite expédiées; immédiatement nous descendons au fleuve, prenons nos tickets de traversée et embarquons dans une pirogue. Les vélos sont chargés tels quels avec bagages. J'ai un peu peur qu'une vague, qui ferait tanguer notre frêle embarcation, envoie par dessus bord l'une de nos montures avec toutes nos affaires.
Mais non, tout se passe au mieux. Les formalités de l'autre côté sont un peu plus longues. A neuf heures tout est terminé. Nous tombons sur un couple de cyclistes ardéchois qui s'apprête à passer en Thaïlande, après avoir traversé le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Ils nous donnent des renseignements précieux. Avant de partir nous petit-déjeunons dans la petite ville frontière de Houay Say. Ce fut très bon et copieux, cependant beaucoup plus cher qu'en Thaïlande, 6 euros par personne. La monnaie locale est au taux de 10700 laks pour un euro. Nous nous retrouvons avec une montagne de billets!
Il est 10 heures, il fait chaud et nous avons 70 kilomètres à effectuer. Cette première journée sera éprouvante, du fait de l'heure tardive, et aussi du fait que je vais casser un autre rayon sur mon vélo. Au pied d'une immense côte un bruit sec et métallique ne laisse aucun doute sur son origine. Christian est devant. Une fois de plus j'attaque la pente à pied, afin de ne pas aggraver le mal. Après deux kilomètres très raides, la pente ne faiblit pas. Un gros camion s'arrête et les chauffeurs chargent mon vélo entre la cabine et la remorque et ils me déposent au sommet de la côte. Je leur dis un grand merci. Christian est tout étonné de me trouver là lorsqu'il arrive. En effet, lorsque nous l'avons doublé, il était tellement absorbé par son effort dans la chaleur suffocante, qu'il n'a pas levé la tête lorsque le chauffeur a klaxonné et que je l'ai interpelé par la fenêtre. Nous effectuons la réparation, grâce au démonte-moyeu que nous avons acheté à Chiang Rai. Cela devient inquiétant, c'est le second que je casse et il ne m'en reste plus qu'un!
Nous reprenons notre route. Le pays n'a plus rien à voir avec la Thaïlande. Les gens sont nettement plus miséreux. Leurs maisons alignées le long de la route sont de simples cabanes aux planches disjointes.
Vers 16 heures nous atteignons le village de Donchai, assez éprouvés par la chaleur terrible de cet après-midi. Le gîte est des plus rustiques, une grande couche pour deux, le matelas une simple planche en bois. Mais mon dieu, je vais bien dormir. Dans ce gîte une jeune polonaise est arrivée un peu avant nous. Elle voyage seule à travers l'Asie durant 6 mois. Les bouteilles de bière au Laos ont une contenance de 0,64 litre. Mais après de tels efforts sur une route surchauffée ça se boit d'un coup ou presque! Le repas du soir est excellent, un riz accompagné de multiples légumes. Autant la chambre est incomparable avec le luxe thaï, autant la nourriture, tout du moins ce soir, soutient sans problème la comparaison.
Mercredi 6 février Donchai à Vieng Phouka 51 km
Ce matin lever très matinal, nous voulons pédaler avant la chaleur. Cependant notre cuistot n'est pas à l'heure et nous partons seulement à 6h50. Mais il nous a cuisiné une grosse omelette avec des tomates et des oignons. Dès le départ une côte interminable nous fait sortir de la vallée embrumée et nous montons durant une bonne heure. Peu de circulation, des petits villages le long de la route desquels des multitudes de gamins nous disent bonjour. Vers 11h30 nous atteignons le village de Vieng Phouha. La chaleur commence à être très forte. Nous décidons de nous arrêter. Immédiatement une femme nous interpelle et nous propose son gîte. Il est très sympathique, quelques cabanes de palmes en bordure d'une belle pelouse très bien entretenue. Là aussi, une jeune Européenne nous a précédés. Elle est de nationalité allemande et voyage seule pour une durée de 9 mois.
Nous passons un après-midi très agréable dans ce village du bon du monde. Je pars à la recherche éventuelle de rayons de vélo adaptés à mes roues. Hélas, je ne trouverai pas. Notre jeune Allemande est avide de discussion, je ne me fais pas prier, car je ne rate jamais une occasion d'exercer mon allemand!
Le repas du soir sera sympathique par l'ambiance, mais la nourriture pas terrible. Le poulet est à la limite du mangeable, non par le goût, mais du fait de la manière dont il avait été découpé. On aurait pu penser qu'il avait été tué à la grenade et les morceaux d'os et les lambeaux de chair récupérés sur les murs! Particulièrement désagréable à manger, une multitude de fragments d'os très pointus, qu'il ne faut surtout pas avaler.
Jeudi 7 février Vieng Phouka à Na Teuy 87 km
Ce matin après une excellente nuit, lever 5h45, pour un petit déjeuner prévu à 6h15. Une fois de plus notre hôtesse est en retard et nous partirons avec 40 minutes de retard sur notre horaire prévu, il est 7h15. C'est la dernière fois que nous demandons le petit déjeuner. A l'avenir nous mangerons ce que nous aurons acheté la veille afin d'éviter d'être dépendants du lever tardif de nos hôtes!
Il fait frais, 10 degrés, le brouillard intense et de plus il mouille particulièrement. Nous ruisselons de grosses gouttes. Je comprends pourquoi Schoendoerffer appelait dans ses livres le Laos le pays des brumes.
Le long de notre route les habitants sont sortis de leurs habitations et se chauffent à de minuscules feux à même le bord de la chaussée. De ces silhouettes assises et blotties auprès de leur minuscules bûches incandescentes qui fument, le tout noyé dans une brume épaisse, il ressort une impression de grande pauvreté. Nous sommes vraiment très loin de ce que nous avons connu en Thaïlande.
Aujourd'hui les côtes ne sont pas très raides. De ce fait nous avançons rapidement. Je fais cependant attention de ne pas trop forcer sur mes rayons arrières.Dans une partie raide, je préfère pousser mon vélo afin de ne pas trop solliciter mes rayons abîmés. Mais en courant à côté de mon vélo je monte quand même à 9km/h, plus vite qu'en pédalant. Cependant, je tiens moins longtemps à ce rythme!
Vers midi nous avons effectué 87 kilomètres. Nous trouvons une guest house de bonne qualité et de plus elle a l'eau chaude.
Nous partons nous promener dans ce petit village qui n'est situé qu'à 20 kilomètres de la Chine. D'ailleurs si les routes sont en bon état depuis notre entrée au Laos, on le doit aux Chinois qui investissent pour le développement de ces régions près de leurs frontières. Le petit marché est miséreux, quelques fruits et légumes, deux bassines de gros poissons chats et puis c'est tout.
Vendredi 8 février Na Teuy à Oudom Xay 80km
Ce matin nous partons à 6h45, à l'heure prévue car nous petit-déjeunons dans notre chambre. Comme les jours précédents un brouillard assez épais nous accompagnera durant deux heures, jusqu'à ce que le soleil réchauffe l'atmosphère. Tout le long de la route des maisons misérables sont alignées. Les habitants sont assis à même la terre devant de minuscules feux. Partout des enfants qui se préparent et qui en groupes partent à l'école à pied. Malgré l'humidité et le froid, ce matin 11 degrés, certains sont très peu vêtus. Une petite fille de cinq ans, ne porte qu'un t-shirt à manches courtes.
Mais dès que le soleil fait son apparition dans un ciel dégagé, la température monte rapidement et cette sensation de grisaille et de tristesse se dissipe rapidement.
Vers midi nous atteignons notre but de la journée. Nous nous installons dans une guest house où nous rencontrons un couple constitué d'une jeune Allemande et d'un Mexicain, sans doute un peu plus âgé qu'elle, et qui sont en route à vélo depuis 18 mois. Nous déjeunons ensemble. Leur conversation est très intéressante, et nous parlons dans plusieurs langues, allemand, anglais, espagnol et même un peu français. Après le repas, avec Christian nous partons à la recherche de rayons pour mon vélo, mais sans trop d'espoir, car les roues de 700 sont très peu utilisées. Il me faudra sans doute plus tard m'acheter un vélo aux normes standardisées! Mais si nous ne trouvons pas de rayons, nous retrouvons Stéphane, le cycliste français rencontré à Chiang Rai. Nous allons boire un verre ensemble. Il nous parle d'un couple de Chinois à vélo, qu'il a doublé ce matin. Et voilà nos Chinois qui arrivent. Nous les invitons à notre table. Elle est professeur d''anglais et s'exprime très correctement. Nous passons un bon moment, puis ils reprennent leur route pour aller bivouaquer plus loin. Quel courage, il fait au moins 35 degrés.
Le soir nous nous retrouvons avec Stéphane, encore un repas bien sympathique. Après avoir croisé peu de cyclistes au long cours depuis un mois, je me dis qu'aujourd'hui nous sommes vraiment servis. Vers 20h30 nous nous séparons en nous disant simplement au revoir, car nos routes devraient se croiser à nouveau dans deux jours. Je dis un grand merci à Stéphane, qui m'a donné l'un de ses rayons de rechange, car il roule aussi avec des roues de 700, ce qui fait que j'ai encore deux rayons de rechange. Et je le remercie aussi d'avoir dévoilé ma roue, ce que je n'avais pas réussi à faire lors de la dernière réparation que j'ai effectuée il y a trois jours.
Samedi 9 février Udom Xai à Muang Khoua 100 km
Ce matin départ à 6h50, après avoir petit-déjeuné dans notre chambre, avec entre autre du pain que nous avons acheté hier soir. Ce pain est un compromis entre la baguette et la brioche. Il n'est pas très frais mais on le trouve quand même bon.
Ce matin comme les jours précédents, le brouillard est présent. Que tout semble triste dans ces petits matins mornes. Les bords de route ne sont pas très propres, une multitude de déchets plastiques constelle la végétation. La France à vélo n'offre jamais un tel spectacle de désolation. Peut-être faut-il partir pour se persuader que notre pays est vraiment la destination la plus merveilleuse?
Nous commençons par quelques bosses. Si le profil de la route reste le même sur les cent kilomètres que nous avons à parcourir, l'étape sera sportive. Mais il n'en sera rien. Après vingt kilomètres les bosses s'affaissent et alternent montées et descentes peu raides. Nous allons suivre une vallée dominée de forêts inextricables et au fond de laquelle coule une rivière à l'eau claire. De nombreux villages jalonnent notre itinéraire. Fréquemment nous voyons des pêcheurs qui réparent leurs filets accrochés devant leur maison. Cette étape me ravit, ce qui n'est pas le cas de Christian. Des goûts et des couleurs, il en faut pour tout le monde. Pour ma part, dès qu'au détour d'un virage je peux voir de l'eau courir sur des galets ou chercher dans des gros trous d'eau verts quelques poissons, je suis aux anges!
Nous croisons un cycliste au long cours. Bien évidemment nous nous arrêtons et nous lançons dans une discussion passionnée. Il s'agit d'un jeune Allemand qui est sur la route depuis 13 mois. Il a entre autre parcouru une bonne partie de l'Himalaya, en passant par différents pays, en particulier l'Inde et le Népal. Il nous montre carte à l'appui son trajet à travers ce gigantesque massif montagneux. Ça fait rêver. Ne t'inquiète pas Danielle je n'envisage pas de partir si longtemps, déjà deux mois le temps me semble long sur certains points! Ces cavaliers au long cours de la route et des pistes ont dans l'expression du visage une forme de sérénité, que j'ai vue chez les religieux des ordres réguliers. A chacun sa religion, ses croyances et son mode de vie. Mais l'accomplissement dans la durée, qu'il soit de renoncement ou d'effort amène une forme de béatitude, à laquelle j'aspire.
Les cent kilomètres vont être effectués sans trop de difficulté. Les trois premières heures de brouillard sont certes assez désagréables, mais cette période permet d'avancer sans s'épuiser sous une chaleur accablante.
Vers 13heures nous atteignons notre but, Muang Khoua. C'est une petite bourgade alanguie au milieu d'une forêt impénétrable, qui doit sa notoriété à sa position au bord de la rivière Nam Ou. Nous somme presque à l'extrême nord du Laos. La chine est toute proche.
Après avoir posé nos affaires dans une guest house, nous partons manger dans un petit restaurant qui surplombe la rivière. Nous pouvons voir les bateaux le long des berges, qui demain feront le trajet vers Nong Khiao, 115 kilomètres plus au sud. Nous comptons prendre cet itinéraire fluvial. Cela nous fera une journée de repos après nos 400 premiers kilomètres au Laos. Je dois dire qu'ils ont été moins difficiles que ce à quoi nous nous attendions. Les raidillons de la Thaïlande sont incomparablement plus difficiles que ce que nous avons parcouru ces cinq derniers jours.
Ce soir je pars pêcher dans la Nam Ou, que nous allons descendre demain. Je vois bien quelques poissons de petite taille sauter, mais je n'ai pas de touche.
Ce soir nous retrouvons le français Stéphane. Cela fait la troisième fois. Il compte rester un jour supplémentaire dans ce village. Nous nous donnons rendez-vous dans deux jours à Luang Prabang. En effet, il roule plus vite que nous et il effectuera les 150 kilomètres un un jour. Pour notre part tranquillement nous étalerons ce trajet sur deux jours.
Lundi 11 février Nong Khiao à Luang Prabang 145 km
Cette petite bourgade perdue au milieu des montagnes, nous n'en ferons même pas une photo, car la visibilité ne sera jamais suffisante. Seulement une fois la nuit tombée, hier soir nous aurons pu constater tout un magnifique cirque de montagnes.
Mais hélas, ce matin plus rien, sauf la grisaille à laquelle nous sommes habitués au lever depuis que nous roulons au Laos. Que ces départs matinaux sont mornes, et ce matin tout particulièrement. La visibilité réduite ne nous permet pas de voir plus loin que le bord de la route, jonché de détritus en particulier plastiques. Les trente premiers kilomètres sont vraiment tristes et c'est un véritable effort que je dois fournir pour pédaler dans ce décor de décharge publique sans intérêt.
Nous nous arrêtons boire un café, très bon que nous agrémentons du gâteau au chocolat que nous avons acheté hier. L'endroit très poussiéreux, carrefour de routes non goudronnées, est cependant très sympathique, car les gens y sont accueillants.
Nous repartons dans un meilleur état d'esprit. Le soleil fait de timides apparitions et vers les dix heures il s'installe vraiment. Le décor change prenant de la profondeur. De loin en loin des points de vue intéressants se laissent découvrir. Nous visitons les abords d'un temple. Il est orné à la manière des églises orthodoxes balkaniques. Un bonze s'approche tout sourire; mais hélas nous ne pouvons communiquer du fait de la barrière de la langue.
Tout au long de notre itinéraire les enfants très nombreux nous saluent avec des "sabadi" en insistant bien sur le i. Nous répondons à chacun, ce qui fait que nous sommes en permanence à envoyer des sabadi.
Nous comptions faire 80 kilomètres aujourd'hui. Nous ne rencontrons aucun point de chute susceptible de nous accueillir pour la nuit à venir. Vers treize heures trente, nous avons effectué 98 kilomètres. Nous nous arrêtons manger en bordure de route. Dans la chaleur une heure plus tard nous repartons. Nous ne verrons aucun hôtel avant Luang Prabang, voilà la raison pour laquelle nous effectuons cette longue étape d'une traite. Les quinze derniers kilomètres nous les parcourons au milieu d'une circulation très dense. Ce trafic très fourni est dû à la présence de nombreux Chinois qui viennent fêter leur nouvel an. Nous avons de la chance, car les jours précédents c'était bien pire! Nous arrivons à 17heures. Nous venons d'effectuer notre plus longue étape, presque huit heures sur le vélo, 7h51mn exactement.
La ville est grande, devant un hôtel manifestement chinois, on nous donne gentiment un plan de la cité, qui nous est bien utile. Nous trouvons rapidement un point de chute pour 12 euros à deux. Bien que ce soit plus cher que les jours précédents, cela reste très bon marché, pour une chambre de belles dimensions équipée d'une salle de bain fonctionnelle.
Cette cité est absolument remplie de touristes occidentaux. Une multitude de restaurants et de magasins, typiques des villes touristiques, sont très largement éclairés. Cela me fait une drôle d'impression. J'ai vraiment la sensation de me trouver sur la côte d'azur un soir du mois de juillet. Christian est moins critique.Attendons demain, quand il fera jour, pour se faire une idée de l'endroit.Nous avons passé aujourd'hui les 2000 kilomètres à vélo, et sans doute la moitié de notre périple à deux roues.
Mardi 12 février repos à Luang Prabang
Journée sans vélo, mais cela ne va pas durer, nous reprenons la route demain matin. Nous comptons cinq jours de trajet jusqu'à Vientiane, capitale du Laos. J'ouvrirai une nouvelle note de Luang Prabang à Vientiane, troisième partie.
Je vais essayer de mettre quelques photos de notre longue étape d'hier, mais internet est très lent, donc je risque d'attendre une prochaine étape où le débit sera meilleur.
Aujourd'hui nous nous sommes promenés dans la ville et le long du Mékong. Il est toujours aussi impressionnant par sa largeur. De très nombreux bateaux de transport de passagers occupent les rives. Je dois dire que l'envie de la route me rend impatient d'enfourcher ma monture. Ce que nous ferons demain dès le lever du jour.
18:05 Publié dans expérience vécue, voyage à vélo | Lien permanent | Commentaires (8)
28/11/2014
Lyon les Vosges à vélo en novembre
Lyon Cornimont à vélo en novembre
Rouler à vélo en France, selon les saisons les sensations sont très différentes. L'été, outre une température clémente, les journées longues permettent de prendre son temps et de faire des détours, de s’arrêter pour profiter de paysages superbes qui se découvrent au fil du chemin. L'hiver la clémence du temps a généralement disparu, mais plus embêtant les jours sont dramatiquement courts, le brouillard menace et l'arrêt est impératif au plus tard à dix-sept heures.
J'avais déjà testé la balade à vélo en hiver, il y a déjà quelques années en effectuant une traversée des grosses bosses de Provence sur six jours et six cents kilomètres. J'ai donc une assez bonne idée de ce qui m'attend. Je compte réitérer , mais cette fois ce sera le Jura et non la Provence. Les conditions climatiques risquent d'y être plus rudes.
L'itinéraire précis me mènera de Lyon à Cornimont dans les Vosges, à proximité de la station de la Bresse. La distance est de 377 kilomètres avec à peu près 4000 mètres de dénivelé, que je vais parcourir en quatre jours.
Initialement le départ est prévu pour le cinq novembre, mais je retarde mon départ au lendemain pour raisons météorologiques. Cependant, les prévisions à quatre jours à partir du six ne sont pas folichonnes, mais je maintiens mon départ. En effet, prendre la pluie au mois de novembre dans le Jura , ce n'est pas vraiment une partie de plaisir. Je me dis que j'aurai toujours la possibilité de me rabattre sur la gare la plus proche et de terminer, certes de manière peu glorieuse, mon aventure par le train, ou appeler mon épouse qui viendra me chercher en voiture.
6 novembre 74 km Lyon Poncin
Le temps ce matin invite au départ en présentant un beau ciel bleu. Cette première journée sera sous le signe de la sécheresse. Je démarre à huit heures et je rejoins le bord du Rhône et je remonte la via Rhodania sur une vingtaine de kilomètres. Les eaux du fleuve, du canal de Jonage ainsi que celles du Grand Large ont une teinte bleue, froide et métallique bien représentatives des conditions austères d'un mois de novembre. Sur la piste pas grand monde. Je suis bien habillé. Le bout des pieds se refroidit vite à cause de l'humidité importante.
Quelques kilomètres avant le confluent du Rhône et de l'Ain, je quitte le premier pour une petite route qui suit le second. Vers les onze heures je m'arrête dans le village de St-Maurice-de-Gourdans et fais quelques courses. J'en profite pour prendre un café dans un bistrot au charme discret et au plancher en bois sombre, où les habitués sont accoudés devant un petit blanc, un petit rouge ou une bière. Cela me rappelle une expérience vécue pas très loin d'ici il y a une dizaine d'années, alors que je remontais le Rhône à pied au mois de décembre. Je venais de passer la nuit dehors, au lever du jour j'avais vite plié ma tente, et dans un brouillard à couper au couteau j'avançais dans un village lugubre et mort. Sur le côté gauche, une lumière blafarde décelée à quelques mètres annonce un bistrot. Quelle chance, je n'avais pas mangé depuis la veille à midi. Je passe le pas de la porte et me retrouve dans un local bien chaud, où une population d'habitués se pressait dès sept heures du matin. Mon arrivée en décembre chargé de mon sac à dos, dans cette aube qui peinait à venir, laissa pour le moins les clients et la tenancière intrigués. Je me glisse furtivement dans ce lieu, ayant bien le sentiment d’être identifié comme le Père Noël en avance de quelques semaines, ou alors comme ET à la recherche d'un «téléphone maison». Comme quoi il n'y a pas besoin d'aller très loin de chez soi pour se retrouver dans un monde plein de surprises. En repensant à ces souvenirs déjà lointains, je savoure mon café en emmagasinant une douce chaleur.
Après une demi-heure je reprends mon chemin, et me retrouve rapidement au bord de l'Ain sur une minuscule route à la circulation inexistante. Cette rivière magnifique, sauvage et au débit rapide est un paradis de la pêche à la truite et à l'ombre. Je réalise que j'ai quitté Lyon par un itinéraire pratiquement sans avoir subi les dangers de la circulation automobile.
Vers midi le soleil chauffe à peine, mais les conditions pour rouler sont bonnes. Cependant la moindre transpiration procure une petite sensation de froid. Je préfère rouler par 45° dans un pays comme la Thaïlande ou dans le désert de l'Atacama en Amérique du Sud que par ces températures frisquettes dans un air saturé d'humidité.
Je vais devoir m'arrêter pour manger, et si possible dans un coin pas trop exposé au vent frais qui suit cette basse vallée de l'Ain. Je fais un détour par un minuscule hameau, et là le recoin d'un vieille bâtisse bien exposée au soleil et protégée du vent, m'offre un point d'arrêt très confortable.
Le retour sur le vélo me demande un effort. Mais c'est toujours ainsi le premier jour, lorsque l'entraînement fait défaut. Le voyage à vélo permet une montée en puissance progressivement après quelques jours, le rythme est pris et va être entretenu presque à l'infini. Malheureusement, dans le cas présent la brièveté du voyage la cadence n'aura pas vraiment le temps de s'installer que je serai arrivé.
La ville de Pont-d'-Ain apparaît. J'hésite à chercher un hôtel, mais il est trop tôt, aux environs des deux heures. Je continue donc ma route, et après quelques recherches dans le village de Neuville-sur-Ain, je trouve un joli hôtel juste en bordure de rivière. Hélas il est complet. Son propriétaire très sympathique me conseille d'aller à Poncin à quelques kilomètres.
Le village se situe un peu en dehors de la route. Par une ruelle en pente je débouche sur la place centrale et là effectivement il y a un hôtel. La patronne est assise à sa terrasse et immédiatement une chambre m'est proposée. Cette étape de 74 kilomètres, même si le dénivelé a été pratiquement nul, je la sens bien dans les jambes.
S'arrêter, au hasard de la fatigue ou la nuit, c'est le grand plaisir de la 'roulette russe' du voyage à vélo. Ne rien réserver, avoir le petit coup au cœur lorsqu'on vous annonce qu'il y a une chambre de libre ou non. Dans le premier cas on relâche la tension du cerveau en état de recherche, dans le second tous les sens encore en éveil on repart à la quête d'un toit. Dans des régions reculées de France, surtout en dehors de la période touristique, ce n'est pas toujours gagné d'avance. Il reste le dernier recours, la solution lourde, sortir la tente. En effet, je l'emporte systématiquement ou presque. Particulièrement à cette époque, coucher dehors est difficile, car la nuit s'étend de 17 heures à 7 heures le lendemain. Rester plus de dix heures dans un espace réduit n'est pas forcément une grande partie de plaisir. Par contre en été, une belle pelouse dans un camping communal confidentiel perdu au fond de la France profonde, comme j'en ai connu cet été au bord de la Saône, là on est au paradis. La tente dans ces conditions devient le meilleur abri pour le voyageur.
Après avoir déposé mes affaires dans ma chambre et remisé mon vélo dans un petit local, je pars à la découverte de ce joli petit village de Poncin. Dans le soleil couchant, une vieille maison à l'allure de manoir, peut-être hanté, offre à la lumière de l'astre du jour déclinant sur l'horizon sa façade couverte d'une vigne vierge rouge sombre.
Je me dirige vers l'église, qui est ouverte. Généralement elles ne le sont pas même dans les petits villages, car les dégradations gratuites et les vols d'objets religieux sont devenus banals. Une belle vierge multi-chrome est l'attraction du lieu. Cette statue de la Vierge à l'enfant en majesté date du début du 14ème siècle.
Le voyage en solitaire, que ce soit à pied ou à vélo se décompose en deux séquences journalières bien marquées, le déplacement et le repos après l'effort. Lorsqu'on avance tous les muscles en fonctionnement, on se retrouve face à soi-même à l'écoute de son corps, et l'esprit en éveil à la recherche permanente de l'itinéraire. La solitude dans ces conditions on s'y adapte facilement, on la rechercherait presque. Par contre une fois arrêté dans l'attente du départ du lendemain, pour ma part je me sens un peu seul et une présence me manque. L'idéal serait peut-être de pédaler seul la journée et se retrouver le soir.
Ces pensées me traversent la tête alors que je déambule le long des rues du village.Un affluent de l'Ain traverse le bourg, je vais regarder si une grosse truite se laisserait observer. À défaut de truite je tombe sur un chat pas farouche, qui cependant fait des simagrées avant de se laisser approcher et caresser. Juché du haut d'un mur, sur lequel il a sauté à pas mesurés, il me regarde d'un air hautain et tolère juste que je le gratte un peu.
Après cette promenade vespérale je rejoins mon hôtel, qui fait restaurant. Une magnifique tranche de bœuf accompagnée d'un vin rouge du coin, une mondeuse bien noire me fait le plus grand bien après cette journée à pédaler.
7 novembre Poncin à Lons-le-Saunier 88 km 1100 m de dénivelé
Petit déjeuner sympathique au cours duquel l'hôtelier me narre des parties de pêche mémorables au détour des berges de l'Ain. Il me parle de truites énormes, guettées de longues journées, puis finalement attrapées. Pourquoi durant des jours elles dédaignent les vers des pêcheurs au toc, ou les insectes artificiels des pêcheurs à la mouche, et d'un coup se décident? Mystère!
À 8heures 20 je démarre et remonte la vallée de l'Ain. Il fait froid, la végétation a déjà perdu ses belles couleurs éclatantes d'automne, pour prendre des teintes plus ternes, qui font déjà penser à l'hiver.
J'ai froid aux pieds. La route est magnifique et la rivière très présente. La circulation en ce matin frisquet est quasi nulle. Oui la France permet de belles échappées à vélo loin des camions et des voitures.
L'Ain par endroits offre des méandres pour le moins prononcés en forme d’Oméga. Après deux heures d'effort, un bar est bien tentant, seul isolé en bordure de route, surplombant la rivière. Non, je ne m'arrête pas. Le trajet jusqu'à Lons-le-Saunier est encore long, et le temps évolue à la pluie. De ce fait la nuit risque de me surprendre avant les 17 heures fatidiques.
Par un petit pont je passe rive droite et par une minuscule route je me dirige vers le barrage de Vouglans. Trois pêcheurs tentent leur chance au brochet. Je m'arrête et les interrogent. Chacun sa caste, ils me le font comprendre en me répondant d'un ton narquois et amusé, qu'ils pêchent des poissons. Mais devant ma curiosité non agressive, ils me réalisent que j'en connais aussi un rayon en la matière. Alors, enfin ils m'acceptent comme membre de leur tribu et la discussion devient intéressante.
Mais attention, le temps file, et les nuages deviennent toujours plus menaçants. Par une belle montée je double le barrage et je rejoins le village de Cernon qui le domine. Il est désert. Je ne mangerai pas au chaud, car aucun espoir de trouver un bistrot. Alors je choisis de m’arrêter au pied d'un calvaire afin de rapidement manger. J'en profite pour me changer, car le fond de l'air est frais. Je prends cependant le temps nécessaire pour mastiquer, car la précipitation dans ce domaine se paie toujours un peu plus tard par des aigreurs d'estomac.
Encore une agréable portion de route, serpentant entre bois et prairies, me conduit à la ville d'Orgelet. Je rejoins une route très passante. Je vais devoir la suivre durant une vingtaine de kilomètres pour arriver à Lons. L'humidité se renforce, prémices de pluie imminente. Vais-je y échapper? J'appuie au maximum sur les pédales, mais je suis enferré le long d'interminables faux plats qui font tomber ma moyenne à une vitesse ridicule.La course contre la pluie est engagée, mais le chronomètre joue contre moi. Effectivement les premières gouttes arrivent, elles deviennent de plus en plus grosses et serrées. Je finis par m’arrêter et je mets mon imperméable. Les sept derniers kilomètres je les parcours sous de véritables trombes. Mais l'énergie dégagée à me presser m'empêche de me refroidir. Une fois au centre de Lons je dégotte un hôtel au look intemporel, qui me fait penser à certains établissements que j'ai fréquentés au plus profond du Pérou ou de la Bolivie. La France reste très surprenante. Une chambre du bout du monde m'est proposée. Trois étages raides à escalader avec mes sacoches. Enfin me voilà sous la douche. Je ne me serais pas vu cette nuit aller dormir au coin d'un bois tout dégoulinant suite à l'abattée de cet après-midi.
Cette petite ville est charmante. Avec la nuit qui vient, les éclairages mettent en exergue les bâtiments. J'arpente la rue de Arcades. Elle est pavée, et me fait penser à ces villes des siècles derniers. J'en profite pour aller faire un repérage en vue du dîner. Je vais jeter mon dévolu sur une brasserie qui propose un succulent civet de sanglier . Bien évidemment je l'accompagnerai d'un bon vin rouge du Jura, un poulsard. Encore une fois je pars me coucher bien repu. Une fois dans ma chambre je cherche un bulletin météo sur BFMTV. Les dieux semblent être avec moi, demain grand beau temps, sans l'ombre d'un nuage toute la journée. Je m'endors d'un cœur léger.
8 novembre Lons-le-Saunier à Rioz 118 km 1400 m de dénivelé
Petit déjeuner au bar de l'hôtel. Nous sommes samedi matin. Je suis abordé par un fêtard sans doute encore bien imbibé, qui me voyant en cuissard se sent obligé de venir me parler vélo. Je n'arrive pas à m'en dépêtrer. La serveuse par derrière me fait des signes désespérés et des clins d’œil amusés, me voyant en situation agaçante.
Je commence par traverser la ville. Dans ce petit matin frisquet les rues sont désertes en ce jour du Seigneur. Rouler en ville dans ces conditions est agréable. Je prends la direction de Château-Chalon. Très rapidement je me retrouve au milieu des vignes. En ce milieu d'automne, les couleurs du vignoble, où le jaune domine, sont vives, et donne un contraste net en se découpant sur un ciel bleu. Les rayons du soleil encore bas mettent en valeur ce magnifique coin du Jura.
La route strie un long flan de colline. Comme toujours dans ces conditions le miracle s’accomplit. Au fur et à mesure de la montée le panorama s'élargit toujours plus.Quelques virages serrés me donnent accès à cette petite ville perchée. Je m'arrête et me penche pour regarder des constructions qui s'accrochent au-dessus du vide dans des pentes raides.
Je reprends mon chemin par une route confidentielle, ignorée des véhicules à moteur, qui semble monter dans le ciel. En une dizaine de kilomètres elle mène à Poligny. De colline en colline je me déplace au milieu de grandes prairies, où de très nombreuses vaches manifestement bien nourries, me regardent passer placidement, mais avec curiosité. Leur gros yeux me suivent longuement alors que je défile très lentement, en me demandant quand ça va s'arrêter de monter. Mon bringueur imbibé de ce matin m'avait prédit des côtes rudes et longues. Manifestement il a une bonne bonne connaissance des lieux, et ses brumes alcooliques ne lui ont pas trop grippé les neurones.
Ma moyenne est ridiculement faible. Je me demande où je serai ce soir, en étant bien conscient qu'à 17 heures il me faudra m'arrêter. Enfin, je renoue avec le plat et rapidement la panorama s'étend, prémices de grande descente à venir. En effet, je me laisse entraîner dans un versant nord, humide et froid, plongé dans l'ombre. Autant foncer dans la descente enété est enthousiasmant, en novembre tout suant on prend vite froid et la peau du corps entier se rebelle.
Rapidement je rejoins Poligny. D'un coup en sortant de l'ombre le soleil reprend le dessus et la température monte nettement. Le centre ville est accueillant, un bar à la terrasse remplie. Incroyable, en quelques kilomètres je passe de l'hiver à l'été. Cependant, prudemment je vais m'asseoir bien au chaud derrière la baie vitrée, qui fait effet loupe. J'adore ces arrêts que je qualifie de confortables, à recharger les batteries avant le retour sur la route.
Il est 11 heures et je n'ai parcouru qu’une vingtaine de kilomètres, alors que j'en prévois plus de cent aujourd'hui.Je commence à me poser des questions. Mais l'expérience aidant je sais que tout est possible et que tout espoir n'est pas abandonné d'atteindre Rioz ce soir. Je me dis que si à la nuit tombée je me trouve en rase campagne, j'ai toujours la solution de monter ma tente, dans une pâture ou au coin d'un bois. Mais en cette fin d'année si je peux éviter cette solution 'extrême', je ne me fais pas prier.
Perdu dans mes pensées le temps file, mais je suis si bien sur ma banquette bien au chaud dans cette ambiance bon enfant d'un bistrot d'une petite ville le dimanche matin. Il me faut cependant m'y recoller. Afin de gagner du temps et de la distance, je prends la RN 83 sur une quinzaine de kilomètres jusqu'à Mouchard, en laissant Arbois sur la droite. Rouler sur des routes à grande circulation n'est généralement pas une partie de plaisir. En ce samedi matin la circulation est faible et de plus la bande latérale fournit une bonne sécurité au cycliste. Le réseau routier français, sans présenter les qualité de celui de l'Allemagne en matière de circulation des vélos, est cependant de bonne qualité pour les deux roues.
Arrivé à Marchand je renoue avec le réseau secondaire en prenant la direction de Saline royale, située en lisière de la forêt de Chaux. Cette dernière est traversée d'une belle piste cyclable de 12 kilomètres. Qu'il est agréable d'y pédaler par ce temps immobile. Au nord je rejoins le Doubs et la piste cyclable en suit la berge. Je serais bien laissé le long de cette rivière, mais mon chemin à partir de Saint-Vit prend une direction nord et la rivière continue à l'est.
Il me reste 40 kilomètres à parcourir avant d'atteindre Rioz. La course contre la montre est lancée. Les aléas sont nombreux, un coup de fatigue, un vent adverse, une côte raide relativement longue et les prévisions sont bouleversées, alors que la nuit me guette inexorablement vers les 17 heures.
Cette dernière partie de mon trajet vers Rioz va se passer à bonne vitesse par de petites routes à travers champs et bois. Un peu avant les 17 heures fatidiques je rentre dans cette petite ville de Haute-Saône. Je trouve un au charme réel, installé dans une ancienne grande bâtisse à mi-chemin de la ferme et du château-fort. Mes 118 kilomètres je les ai faits. Je vais découvrir un plat local succulent: le poulet à la cancoillotte.
9 novembre Rioz à Cornimont 98 km 1400 m de dénivelé
L'hôtelier gentiment a décidé de se lever plus tôt pour me préparer un petit déjeuner.Ce matin le temps n'est pas particulièrement engageant. Cependant je reste optimiste, en effet hier soir en regardant le bulletin météorologique, j'ai constaté qu'à l'extrême bord nord-est de la carte de France, il y avait une petite lucarne plus claire. C'est justement par là que mon itinéraire passe. Donc j'ai bon espoir de passer entre les gouttes, alors que la France dans sa très grande partie va être sous la menace de gros nuages bien noirs.
En préparant mon vélo devant l'hôtel, il faut y croire au beau temp. Il fait froid et la pénombre est signe de couche nuageuse épaisse. Une petite bruine commence à tomber et je mets mon imperméable, mauvais présage. Mais quanq je regarde là-bas vers le nord-est, effectivement je constate que la petite lucarne plus claire est bien là. Je n'ai plus qu'à forcer sur les pédales pour prendre le mauvais temps de vitesse. En ce dimanche matin la D15, qui conduit à Villersexel, est triste sombre et déserte. La pluie claque sur mon ciré. Mais tout là-bas la tache claire dans le ciel s'élargit toujours plus. La pluie s'arrête, je retire mon imperméable. Après Montbozon j'emprunte de minuscules routes agricoles à travers champs. Le plaisir est grand de traverser en prenant le temps de contempler ces coins de la France profonde.
Vers midi je fais une halte à Lure, puis je reprends ma route vers les Vosges. Différents villages que je connais bien défilent, Mélisay, Ternuay et d'autres. J'effectue une pause casse-croûte au borde de la belle petite rivière l'Ognon. J'essaie de voir quelques truites dans le courant. Mais à cette époque de l'année, où il n'y a pas beaucoup d'insectes volant au-dessus de l'eau à gober, elles restent bien cachées.
J'attaque la dernière partie de mon voyage, en partant à l'attaque des deux petits cols qui me séparent de mon but, le col des Croix et celui du Ménil.
Au pied de ce dernier à) quelques 8 kilomètres de Cornimont un coup de fringale me stoppe. J'en profite pour terminer mes provisions, dont l'une partie je transporte depuis 300 kilomètres. Je n'ai plus qu'à me laisser glisser dans une pente modérée vers Cornimont, en longeant en finale la jolie petite rivière le Ventron tout en courbes.
04:45 Publié dans voyage à vélo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ain, rhône, arbois, forêt de chaux, vouglans, poncin, rioz
24/07/2014
Les Canaries à vélo
Nouvelle aventure, un petit séjour de deux semaines à vélo à travers les îles des Canaries. En si peu de temps nous espérons pouvoir rouler sur quatre îles, mais il ne faudra pas traîner. Voilà l'état d'esprit dans lequel nous sommes Gérard et moi en décollant de Lyon Saint-Exupéry pour un vol de quelques heures en direction de Tenerife.
La récupération de nos bagages s'est passée correctement , même si nous avons un peu cherché nos vélos, qui du fait de l'encombrement ne sont pas arrivés au même endroit. Rapidement nous trouvons le taxi capable de prendre nos volumineux paquets, et nous arrivons à notre hôtel "Los Amigos" pas très loin du bord de mer. Il fait très bon, car nous sommes seulement au 28ème nord.
En phase d'approche nous avons eu tout loisir d'avoir une bonne vue d'ensemble de l'île, aussi bien ses côtes, ses montagnes, ses villes et sa végétation. De toute évidence il s'agit d'un énorme rocher volcanique qui sort de l'Atlantique.
L’accueil de l'hôtel, plutôt de l'auberge de jeunesse est tenu par une jeune Lituanienne, au demeurant fort sympathique. Ce qui me chagrine un peu, c'est que la langue pratiquée est l'anglais, alors qu'étant en territoire espagnol je préférerais nettement m'exprimer dans la langue locale.Mais il n'en est pas question car notre charmante hôtesse ne connaît pas un traitre mot de cette langue.
Nous posons nos bagages sans déballer nos vélos et partons dîner dans le village éloigné d'un kilomètre. Ce trajet est désagréable le long d'une route passante sans trop d'espace pour les piétons. Le premier restaurant rencontré est tenu par une Anglaise. Nous nous y arrêtons, elle non plus ne connaît quasiment pas un seul mot d'espagnol, tant pis, mais ses spaghettis bolognaise sont excellents.
Après une nuit somme toute correcte, bien qu'à proximité de l'axe d'atterrissage de l'aéroport voisin, nous espérons remonter rapidement nos vélos afin de rejoindre le port de Los Cristalos éloigné d'une quinzaine de kilomètres. De là embraquer au plus vite pour Gomera où mon camarade Jean nous attend.
Mais voilà nos plans vont être bouleversés, Gérard réalise que son dérailleur est cassé. Nous sommes dimanche tous les magasins sont fermés. Au mieux il faudra attendre demain pour être dépanné. Nous voilà donc immobilisés pour au moins 24 heures. Mais restons philosophes, les impondérables de ce type font aussi partie du voyage.
Donc au lieu de nous presser afin de respecter des horaires contraints, il ne nous reste plus qu'à prendre la vie du bon côté et de partir nous balader sans but précis dans la petite station balnéaire de Los Abrigos. Nous y allons tranquillement par un sentier côtier qui surplombe la mer. La roche est de couleur sombre et de structure semblable aux rochers rouges de l'Estérel.
Une fois dans la petite ville nous en faisons vite le tour et allons déjeuner dans un joli restaurant qui domine la mer, le bien nommé "el Mirador". Il est réputé pour ses fruits de mer et ses poissons. L'eau est de toute beauté et très propre, on se croirait plus en Méditerranée que sur l'Atlantique.
Puis après une excellente platée de grosses moules nous partons nous promener le long des quais du port de pêche qui est le plus important de l'île de Tenerife.
En fin d'après-midi nous partons nous promener en bordure de mer avec l'intention de monter sur un gros rocher qui culmine à 171 mètres au-dessus de flots. Dans un premier temps nous marchons entre l'eau et une immense serre qui couvre des hectares. On y cultive des tomates sur des pieds qui montent à plusieurs mètres. Lors de l'atterrissage nous avons été surpris de voir cette multitude d'immenses serres qui couvrent une superficie gigantesque. Ensuite nous avons marché le long d'une plage pour enfin attaquer directement le rocher au nom évocateur de ce qu'il est: la montagne rouge. La végétation le long de ses flancs est très étonnante. Des arbres de petite taille aux troncs et aux branches incroyablement torturés. Ils ressemblent un peu à des bonsaïs.
Du sommet la vue porte sur une partie de l'île et nous dévoile une multitude de cônes volcaniques, vestiges d'une activité passée abondante.
l
Le soir nous partons manger une superbe paella au village voisin, il faut bien occuper notre temps en attendant de savoir si l'on peut réparer.
Lundi 7 40 km 700 m de dénivelé
La réparation a été effectuée avant onze heures. Nous avons pris la direction du port de Los Cristalos et avons embarqué dans le premier bateau à destination de Gomera. Petit trajet d'une heure par mer calme. Jean nous attendait. Cette île vit à un rythme calme, les voitures s'arrêtent systématiquement en voyant de vélos et attendent même pour le doubler de peur de les frôler.
Petit tour dans la ville et nous montons chez Jean. Il habite un peu sur les hauteurs et en finale pour atteindre sa maison il faut descendre et traverser un rio. Heureusement à cette époque il est à sec, mais en hiver il peut rester isoler chez lui tant que l'eau ne descend pas.
Mardi 8 56 km 1600 m de dénivelé
Départ huit heures trente pour la petite ville de Vallehermoso, par petite route et sentier dans la montagne. 56 km en 9 heures, on fait des moyennes dignes de l'Atacama, avec des descentes encore plus fatigantes que les montée. En effet des pistes défoncées pleines de gros cailloux qui avec nos montures chargées sont un enfer. Je vais tomber à plusieurs reprises, même à pied.
Retour sur le goudron pour 10 km de montée dans la chaleur d"après-midi. Nous avons effectué 2589 mètres de dénivelé positive.
Petit hôtel sympa, atmosphère survoltée du fait d'un match de foot. Nous mangeons comme des ogres..
Mercredi 9 51 km et 1700 m de dénivelé
Temps couvert le matin. Nous allons partir pour une étape courte avec cependant 600 mètres de dénivelé pour rejoindre un col, d'où nous plongerons vers l'océan à Alojera.
Ces 600 mètres je les trouve difficiles, mais ils sont effectués assez rapidement. Nous plongeons vers l'océan, en direction de la petite satition de Alojera. Nous arrivons en bordure de mer dans un coin très sauvage. Mais tout est désert, restaurant fermé et personne pour nous louer quelque chose pour la nuit. Nous décidons de tout remonter et de nous diriger vers la petite ville de Gran Rey que nous comptions rejoindre le lendemain. mais la forme semble venir et c'est plus de mille mètres qu'il nous faut remonter pour passer un col à 1012 mètres, à partir duquel une descente de 15 kilomètres nous conduit dans une petite ville touristique, où on entend beaucoup parler allemand. Sur la terrasse de notre hôtel un orchestre constitué de cinq instrumentistes et d'un chanteur se lancent dans des chansons endiablées. Ce village est domine par un immemse rocher de 700 m de hauteur.
Jeudi 10 64 km 1664 m de dénivelé
Ce matin nous partons rejoindre Jean qui nous attend dans un petit village perché à plus de 1000 m d' altitude.
Encore des pentes à n'en plus finir. Le climat d'une partie à l'autre de l' île est complètement different. Aujourd'hui brouillard et champ d'herbe bien verte.
L'oeuvre symbolise la position des mains pour exécuter le silbo, langue sifflée pratiquée sur l'île de Gomera. Pour perpétuer la tradition elle est apprise dès l'école primaire. A l'origine est permettait aux montagnards de se parler d'un flanc a l'autre de la montagne, car elle porte à 7 kilomètres.
Avant de rentrer sur San Sebastian nous sommes montes a pied sur le point culminant de l'ile, d'où nous voyions par dessus les nuages le volcan Teide à plus de 3700 mètres d'altitude sur l'île de Tenerife et de l'autre côté l'île de Las Palmas.
11 avril 30 km 500 mètres de dénivelé
Aujourd'hui journée tranquille à San Sebastian. Petite balade sans sacoches, on se sent léger.
Ce sont des pommes de terre accompagnées d'une très bonne sauce mais très grasse, on y a droit car nous avons déjà plus de 6000 mètres de dénivelé et 240 kilomètres dans les mollets.
Une bête très fauve qui m'a mordu lorsque je lui ai donné à manger.
12 avril 30km 1400 m de dénivelé du port de Los Cristianos à Vilaflor
On se lève à 5h30, il nous faut impérativement être à l’embarcadère à 6h30 pour le bateau à destination de Tenerife. Nous déjeunons rapidement et de nuit nous mettons en route, une dernière fois nous traversons le lit du torrent devant chez Jean, puis rejoignons la route par un terrible raidillon. puis il nous suffit de nous laisser emporter dans la descente sur 4km. Pas de problème nous sommes à l'heure.
La traversée dure 1h30. Le temps est à la pluie, Tenerife disparait sous les nuages. Nous débarquons et commençons par prendre un chocolat puis nous lançons dans une montée de 30 km pour 1300 m de dénivelé. Je vais voir un joggeur fait une belle chute en glissant, ainsi qu'une voiture faire une série de tête-à-queue puis s'encastrer dans une paroi rocheuse et rebondir sur la chaussée. Heureusement le conducteur n'aura aucun mal. Mais cela prouve que ce temps pluvieux est dangereux.
La pente par moments est très raide de l'ordre de 12%, et le temps se dégrade. Vers 14h nous arrivons dans la petite bourgade de Vilaflor et nous trouvons de quoi nous loger.
Cette œuvre représente un pasteur sauteur. Il se sert de sa perche pour descendre dans des a-pics, technique très impressionnante.
13 avril 61 km 1700 m de dénivelé de Vilaflor à Masca
Départ à neuf heures, en effet dans ces villages des Canaries, il est impossible de trouver un bar ouvert avant 8h, et on peut se considérer comme chanceux. Nous voilà partis vers le Teide avec un passage à plus de 2100 mètre. Nous avons de la chance avec le mauvais temps de la nuit passée, le Volcan s'est couvert de neige.
Mon vélo devant un immense champ de lave
Puis nous prenons la direction de la petite ville de Masca, perdue au milieu d'immenses rochers.L'endroit est merveilleux, nous trouvons à nous loger chez une Française qui loue des chambres confortables.
descente vers Masca
depuis Masca
dans Masca
14 avril 60 km 1600 m de dénivelé de Masca à Orotava
Nous mettons le cap sur la côte nord de l'île et rejoignons la petite ville d'Orotava. L'étape est pénible, de nombreuses montées très raides dans des zones habitées à la circulation dense. Seuls les 20 premiers kilomètres étaient magnifiques au milieu de montagnes déchiquetées.
15 avril 71 km 2104m de dénivelé direction de Ortava à La Laguna au nord de l'île
Lever matinal, départ à 7h pour repartir sur les pente du volcan Teide par une autre route qui va nous conduire à plus de 2000 m d'altitude et nous démarrons de 300 m.
Effectivement à 7h nous somme dehors, et il fait nuit. Nous partons en allumant nos feux de casque. Les 200 premiers mètres de dénivelé sont si raides que nous les effectuons à pied. Par moments la pente dépasse allègrement les 15%. 45 minutes nous sont nécessaires pour venir à bout de cette première partie. Ensuite la route sera plus facile, mais la circulation va s'intensifier. En effet, le volcan Teide point culminant d'Espagne avec ses 3718 m attire beaucoup de monde.
dans les rues d'Orotava au minimum 15%!
Le temps est très beau, mais comme souvent sur ces îles vers midi le brouillard monte de la mer et nous allons effectuer la descente vers le nord avec par endroits une visibilité de quelques mètres. Mais nous avons eu la chance d'avoir de magnifiques points de vue sur le Teide.
le Teide 3718 m d'altitude
La descente dans le brouillard a été assez fraîche et malheureusement nous n'avons pas pu profiter du magnifique spectacle qui se dévoile tout au long des 44 kilomètres de route qui suivent cette crête qui descend vers le nord.
Nous finissons la descente dans une magnifique forêt. Ces îles sont très étonnantes, d'un versant à l'autre le climat est totalement différent, ce qui engendre des végétations diverses.
16 avril 75 km 1700 m de dénivelé
Aujourd'hui nous partons pour une balade de la journée sans nos sacoches. Les pentes paraissent beaucoup plus faciles. Nous avons quelque mal à sortir de la ville, mais une fois sur une jolie route de crête qui frôle les mille mètres nous roulons avec plaisir bien qu'il fasse froid et que l'air soit très humide.
l'extrême nord de Tenerife
Santa Cruz la capitale
Le soir repas en ville et nous assistons aux magnifiques défilés de la semaine sainte,qui se répètent chaque soir. Absolument merveilleux des costumes aux couleurs vives, des orchestres très bons et une cohésion d'ensemble dans le défilé remarquable. il se dégage de cette cérémonie une grande ferveur.
17 avril La Laguna à Güimar 33km 500 m de dénivelé
Nous sommes bientôt en finale. Nous aurions pu rejoindre en une seule étape l'aéroport, mais cela ne sert à rien, il nous faut attendre le 19 pour décoller. Donc petite étape qui nous a pris un peu plus de deux heures sur terrain facile, le long d'une route agréable qui domine la côte est de Tenerife.
La côte est très construite, elle me fait un peu penser à celle de Chypre.
Arrêt dans la petite ville de Güimar vers midi, alors que le temps se dégrade et se met à la pluie. Nous sommes superbement loger dans une "casa rural" qui est un hôtel, dans une vieille demeure canarienne du XVIII siècle. Plancher et plafond en bois ciré, on dirait de l'acajou.
Une petite placette de cette ville est arborée de magnifiques spécimens aux troncs étonnants.
Notre hôtel sur les trois vues suivantes, la façade, la salle de restauration et la salon. Eh oui voyage à vélo et embourgeoisement peuvent aller de paire. Je me rends compte que ces quinze jours de vélo et plus de 15000 mètres de dénivelé ne m'aurot pas fait maigrir!
Ce soir nous sommes allés à une nouvelle procession religieuse dans le cadre de la Semaine Sainte. Toujours la même ferveur anime les participants, qui ce soir ont fait le tour de la place devant l'église avec les chars portant les représentations du Christ et de la Vierge.
Puis nos sommes retournés à notre hôtel déguster le menu de la Semaine Sainte. Nous l'avons accompagné d'un bon rouge de l'île.
18 avril 61 km 750 m de dénivelé Güimar à Los Abrigos
Aujourd'hui nous effectuons notre dernière étape avant retour en France. Ces deux semaines sont passées très vite. Ce matin alors que nous finissions de petit-déjeuner une procession s'est arrêtée sous les fenêtres de notre hôtel une procession s'arrête, nous sommes vendredi Saint.
Notre étape de 61 km sera la plus agréable de notre voyage, le long d'une petite route qui domine la mer de plusieurs centaines de mètres. Vers 13h nous arrivons à la plage de Medano à 4 km du point final de notre voyage. Nous y mangeons nos casse-croûtes. Il y a une foule immense qui se baigne. Puis nous rejoignons l'hôtel de notre arrivée Los Amigos point final de notre voyage.
09:46 Publié dans voyage à vélo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gomera, tenerife, teide, canaries, vélo
06/02/2014
Notre traversée du Sud Lipez
Notre traversée du Sud Lipez à vélo
Préparer un voyage à travers les déserts de l’Amérique du Sud, pourquoi ? Le Dakar à la télé, entre les camions, les motos et les voitures à fond à travers le désert de l’Atacama, un arrêt sur image, le journaliste focalise sur un cycliste lourdement chargé, qui avance à son rythme à travers ce désert hostile. Pour les coureurs mécanisés trois heures pour monter un col, pour lui, ils réalisent qu’il lui faudra trois jours. Les exigences de base de notre condition humaine se posent de façon immédiate à lui, l’eau, les aliments ainsi que l’absence d’assistance technique. Quels seront les souvenirs les plus forts et durables que chacun gardera de ce désert le plus vaste et le plus aride du monde ? Ces coureurs privilégiés qui ont besoin de vastes sommes d’argent pour assouvir une passion certes exigeante et exaltante mais pas à la portée de tous, ou alors ce cycliste seul parti avec pas grand-chose, dont l’engagement financier principal aura été le prix du billet d’avion le conduisant d’Espagne en Amérique ? Chacun est libre d’apporter sa propre réponse. En ce qui me concerne, je n’hésite pas et je penche pour le cycliste. Cela dit, je trouve les images de course automobile dans ces coins reculés absolument magnifiques et les capacités techniques des ingénieurs prodigieuses. Mais au-delà de ces considérations mécaniques, ma philosophie de la vie me conduit inexorablement à choisir la lenteur et l’engagement physique en autonomie, ce qui rend toute sa grandeur et son immensité à notre planète. Tout l’argent du monde ne permettra jamais d’apporter le bonheur procuré par cette confrontation aux éléments les plus hostiles de notre planète, armé seulement de sa passion et de sa force physique et morale.
Ces remarques me semblent primordiales pour comprendre pourquoi on s’engage dans des trajets longs et aléatoires dans les régions les plus hostiles de la planète. La journée il y fait chaud et la nuit il y fait fréquemment moins dix, voire moins. Les destinations de tourisme de masse ne sont pas recherchées, mais au contraire une envie d’apprendre à se connaître face à la nature de notre planète, dans les régions où elle se montre la plus rude et particulièrement inhospitalière. C’est quoi être écologiste ? Vouloir remplacer l’énergie nucléaire par une autre source de production électrique pour assouvir son envie de confort, ou cette aspiration à vivre (momentanément) dans une forme de dénuement face aux rigueurs de notre planète ? Chacun sa définition. Mais j’en conviens l’avion que l’on utilise pour s’y rendre n’est pas très écologique !
Voilà mon état d’esprit lorsque je fais défiler les cartes d’Amérique du Sud sur l’écran de mon ordinateur dans la préparation de mon prochain périple, tout en écoutant des voies splendides de chanteuses canadiennes. Toujours derrière mon bureau, je ressens déjà la sensation de la fatigue dans les jambes, la poussière dans le nez soulevée par un vent brutal et rageur qui règne en maître dans ces régions de dix heures du matin jusqu’à la tombée de la nuit, l’attaque des rayons solaires de longues heures durant à plus de quatre mille mètres d’altitude, exposé aux ultra-violets.
Mon envie ne fait que se renforcer à ces pensées, je sais que je vais partir, malgré l’incompréhension de mes proches, qui se sentent abandonnés ne pouvant imaginer toute la puissance de l’envie de vivre qui m’anime et me submerge. Oui les risques, il y en a certainement, la mort par manque d’eau perdu dans la fournaise de sable, l’accident de la route, un vélo c’est vulnérable, une vie est aussi fragile qu’une coquille d’œuf qui se brise, rependant son contenu. La différence, l’œuf ne réfléchit pas, l’homme conscient de sa faiblesse reste aux aguets et avec un peu d’intuition, d’anticipation, de réflexion et d’humilité, de chance, voire de crainte et de peur peut triompher de sa vulnérabilité.
Pour tout amateur du voyage à vélo la traversée du Sud Lipez, désert de 400 kilomètres au cœur de l’Atacama, représente la consécration. Tous les récits de ceux qui se sont lancés dans l’aventure mettent en exergue une expérience hors du commun nécessitant un profond engagement physique et moral. Il faut y ajouter une patience à toute épreuve, du fait des longs passages trop raides ou trop instables obligeant à pousser le vélo dans le sable ou la cendre volcanique. Les conditions météorologiques participent aussi à la réputation de cet itinéraire, qui se situe entre 4000 et 5000 mètres d’altitude. Vent violent, chaleur la journée et grand froid la nuit sont des constantes de ce coin de désert particulièrement aride, le plus sec du monde. Se pose aussi la question du ravitaillement, tout spécialement en eau.
Avant de se lancer dans cette traversée qui dure au minimum une dizaine de jours, toutes ces questions viennent à l’esprit. Bien évidemment le doute naît. Sera-t-on à la hauteur de l’épreuve ? Avons-nous sérieusement préparé l’itinéraire et anticipé les embûches qui nous attendent ? Les provisions seront-elles suffisantes ? Le matériel de bivouac est-il assez performant pour protéger des grands froids ? La tente sera-t-elle assez résistante contre le vent violent ?
Mais voilà, justement ce sont toutes ces questions et ces incertitudes qui font surgir l’envie irrépressible de se confronter à cette immensité désertique. Cela explique pourquoi nous nous retrouvons Flora et moi, après un périple depuis Arica, sur l’île d’Incahuasi au milieu du salar d’Uyuni le plus vaste du monde, prêts à nous lancer dans l’aventure, qui va durer dix jours. En ce lieu extraordinaire où je situe le départ de cette traversée mythique, nous passons une nuit étonnante avec deux cyclistes, qui se trouvent aussi là par le hasard de la route. Le premier, Javier l’Espagnol qui vient justement de vivre cette expérience du Sud Lipez et qui en parle avec des trémolos d’effroi dans la voix. Le second, Hugues, l’Anglais passera d’abord par la ville d’Uyuni avant de tenter l’aventure.
1er jour Île d’Incahuasi à Colcha K 60 km
Au matin, nous nous séparons de nos nouveaux amis, bien conscients d’avoir vécu un grand moment de communication entre amoureux de sensations fortes à vélo. Pour nous l’aventure commence par 50 kilomètres à rouler dans l’un des cadres les plus insolites de la planète, la partie sud du salar d’Uyuni. On reste stupéfait au milieu de cette grande étendue blanche entourée de hautes montagnes. Le silence est seulement perturbé par le crissement de nos pneus sur le sel. La vue porte à plus de cent kilomètres. Nous avançons facilement, donc assez rapidement. Presque à regret nous voyons le point de sortie approcher. Nous savourons d’autant plus notre plaisir, que nous savons qu’il s’agit de la partie la plus facile de notre itinéraire. Comment retranscrire ce que nous éprouvons en écoutant nos pneus bruire sur le sel dans cet air immobile du matin, alors que dans quelques heures le vent sera déchaîné, et alors toute quiétude aura déserté ce lieu. C’est tout le corps qui entre en harmonie avec les vibrations des roues en mouvement. La surface est changeante, elle peut être très lisse, plus rugueuse, parsemée de petites aspérités pointues ou faite d’immenses hexagones jusqu’à perte de vue. Cette surface figée s’apparente à la surface d’une mer qui elle aussi au gré des conditions météorologiques prend toutes sortes d’aspects. Nous restons très attentifs, afin de graver au plus profond de notre mémoire toutes ces émotions et sensations qui montent en nous, car la féerie du salar s’interrompt dès qu’on en aborde les confins.
La piste de sortie se dessine, tout d’abord comme un fin trait noir dans le lointain. Au fur et à mesure que nous nous en rapprochons ses vraies dimensions se révèlent. Il s’agit d’une large piste surélevée, qui s’étire sur trois kilomètres. En effet, les abords du salar sont mouvants entre sel et sable, qui se disputent la suprématie. Vouloir sortir hors de la piste aménagée contraindrait à des efforts surhumains à pousser son vélo dans des zones inconsistantes. Il est donc bien préférable d’utiliser ce chemin d’accès. Dès que nous l’abordons, nous retrouvons la consistance habituelle des routes de ces coins perdus de Bolivie. Afin de minimiser ses efforts, il est impératif d’avoir l’intuition du passage le moins mauvais à prendre entre sable, tôle ondulée et cailloux. On n’y parvient pas toujours malgré les déplacements de droite et gauche permanents, et l’on se retrouve à forcer comme une bête sur les pédales, cherchant à se dégager d’un banc de sable, ou alors on se retrouve piégé à être secoué fortement sur une succession de vaguelettes, qui se révèlent une véritable entrave à la progression. Parfois il nous faut même pousser nos montures. Mais malgré tout nous avançons. Nous rejoignons le village de Colcha K. Peu avant ce hameau nous doublons un couple de Suisses à vélo, mais de plus ils traînent leurs deux enfants de trois et cinq ans, le plus petit dans une carriole et la plus grande sur un petit vélo accroché derrière celui de sa mère. Tout à fait incroyable, ils sont en train de traverser l’Amérique du sud et comptent aller jusqu’à la Terre de Feu. Le village dans lequel nous entrons est tout en longueur, épousant la forme de la gorge qui l’abrite. Cette première tape a été assez facile en comparaison de ce qui nous attend, bien que nous ayons fait quelques tours et détours en limite de salar à la recherche de la piste la plus praticable.
Il est quatorze heures et la chaleur devient pesante. Nous sommes heureux de trouver un logement. Cela nous évite de monter la tente dans la touffeur, le vent et la poussière. Ce village calme nous apparaît comme un havre de paix dans l’enfer de sécheresse et de chaleur de l’Atacama. Nous réalisons clairement que nous sommes à la veille d’un combat d’au moins une semaine pour tracer notre voie à travers ces immensités de sable de lave et de lagunes entourées de hauts volcans. Le moral est bon, Flora a un mental d’acier. C’est probablement son métier de professeur de sport et d’entraîneuse d’une équipe de handball qui permet cela. Je suis bien content de cela, car c’est un atout prépondérant lorsqu’on se lance dans un défi difficile d’être bien accompagné, par quelqu’un qui ne se pose pas de questions et qui fonce, et avec d’autant plus d’obstination que la difficulté est grande.
Nous montons sur les hauteurs du village. Les immensités du salar d’Uyuni et du Sud Lipez nous saisissent par leur beauté, leur étrangeté et aussi par leur hostilité dans cette ambiance de vent et de poussière, pays rude aux contrastes forts dans des espaces vastes difficilement évaluables. Nous ne pouvons nous empêcher de penser que ce désert sans fin nous sommes venus pour le traverser à la force des mollets. Nos certitudes sont un peu ébranlées devant ce spectacle sauvage. Mais pourquoi douter, cette première étape s’est remarquablement bien passée, alors pourquoi pas le reste ? On se pose cependant la question de la solidité de notre constance devant l’adversité à venir. Laissant là nos doutes nous retournons sur la place d’armes du village dans un petit restaurant qui nous sert un superbe poulet accompagné d’une bonne ration de riz. Rien de tel que le ventre bien plein pour arrêter de gamberger. Sur la table d’à côté, alors que nous sommes en train de savourer notre plat, plusieurs personnes arrivent avec une grande carcasse de lama et se mettent à la découper à l’aide de grands couteaux. Nos mines étonnées les font franchement rigoler et c’est avec bonne humeur qu’ils se prêtent au jeu des photos. Mais ce n’est pas particulièrement appétissant pour nous, petits Occidentaux aux habitudes policées !
2ème jour Colcha K à Avaroa 90 km
Dès six heures du matin nous quittons Colcha K, après nous être préparé notre petit déjeuner dans notre chambre. L’air est calme, le froid intense, mais l’absence d’humidité le rend presque agréable. Il est très important de partir le plus tôt possible, dès le lever du jour, d’une part à cause de la chaleur qui devient intense dès treize heures et d’autre part à cause du vent qui dans l’après-midi forcit. Ces départs matinaux dans la fraîcheur et l’air immobile constituent un vrai plaisir et l’âme du voyage à vélo s’y niche en partie. Les muscles bien reposés se mettent en action, et avancer sur une piste défoncée semble presque facile. Nous rentrons vraiment dans l’esprit du défi au Sud Lipez. De nombreux facteurs renforcent notre motivation et exacerbent notre désir de nous confronter à la piste les jours à venir. Pour ne citer que les principaux, je dirais, la curiosité face à ce spectacle unique, l’envie d’aller voir plus loin, tester nos limites, le goût de l’effort, relever le défi auquel on aspire et puis ce bien-être dans cet air immobile du matin que le soleil arrose durant quelques heures de rayons tempérés.
Ces immensités à perte de vue, sable, sel, rares touffes d’herbe en pointe nous rappellent l’ampleur du challenge. Dans le lointain, à une cinquantaine de kilomètres, un volcan, il s’agit sans doute de celui au pied duquel se trouve le poste militaire de Chiguana. Notre chemin passe par là. Éventuellement nous envisageons, selon les conditions de demander l’hospitalité en ce lieu. Nous verrons bien le moment venu. En effet, la piste est toujours pleine de surprises. On ne sait jamais si l’on va pousser ou rouler, si la moyenne sera de trois ou douze kilomètres à l’heure. Les bancs de sable apparaissent, ils peuvent disparaître rapidement ou au contraire nous obliger à de longues heures à côté de nos vélos, comme englués dans une matière collante.
La piste court le long d’un immense golfe du salar, en en suivant les contours. En effet, le salar d’Uyuni s’apparente exactement à une mer, seule différence il s’agit de sel et non d’eau. La qualité du sol n’est pas propice à nos roues. Il nous semble que si nous descendons directement sur le salar, nous devrions trouver une piste beaucoup plus favorable. Pour commencer, afin de le rejoindre il nous faut pousser sur un chemin de sable et même franchir des barbelés, sans doute un ancien enclos à lamas. Pourvu que nous ne soyons pas engagés dans une impasse et que nous devions revenir sur nos pas, après avoir dépensé beaucoup d’énergie et perdu des heures précieuses avant la chaleur, qui inexorablement monte. Nos espoirs sont exhaussés. Devant nous une zone plane, comme damée se dirige plein sud. Sur une dizaine de kilomètres nous progressons à bonne allure. Quelques kilomètres à l’ouest se trouve la piste beaucoup plus difficile sur laquelle nous voyons les volutes de poussière laissées par les rares véhicules qui circulent. Cet itinéraire se joue aussi sur des coups de chance. Pourquoi décider quelques kilomètres à droite ou à gauche ? La différence en temps et fatigue est conséquente. La trace que nous suivons se rapproche de la piste et la rejoint au point précis dont j’avais noté les coordonnées sur Google earth. Le GPS est vraiment un outil sécurisant dans ces immensités où tout se ressemble et se confond.
Le prochain village sur notre route se nomme San Juan de Rosario. Nous partons plein ouest par une piste constellée de trous et de bosses. Après une quinzaine de kilomètres nous rejoignons San Juan. D’après nos informations nous devrions y trouver du ravitaillement. Effectivement, quelques épiceries proposent divers produits. Nous choisissons la plus grande et y entrons comme dans la caverne d’Ali Baba. Qu’allons-nous acheter et en quelles quantités ? Combien de jours allons-nous mettre pour traverser jusqu’à San Pedro de Atacama ? Nous ne sommes pas en mesure d’apporter des réponses bien précises à nos différentes interrogations. Nous partons du principe que deux kilos de riz et deux kilos de pâtes devraient nous fournir une bonne base. On complète avec de nombreux petits pains ronds, quelques boîtes de thon et paquets de gâteaux. Nous n’oublions pas de nous charger chacun de sept litres d’eau. Ainsi nous voilà parés pour plonger dans la grande aventure.
Nous quittons le village, la route la plus importante n’est pas la nôtre. Une grande plaine, qui ressemble fort à un salar, se déroule devant nous en direction de l’ouest vers la frontière chilienne. Il nous faut y aller. Comme toujours les zones en limite de salar sont très sableuses et difficiles à vélo. Mais une fois sur le sel, le sol devient dur et la piste agréable. La progression se poursuit à un bon rythme. Notre moral est au beau, car pour le moment nous sommes en avance sur nos estimations. Mais n’oublions pas qu’il nous reste 300 kilomètres et de sacrés obstacles. Mais ne réfléchissons pas trop aux incertitudes futures. Contentons-nous de vivre notre route kilomètre par kilomètre et de nous attaquer aux difficultés immédiates quand elles se présentent.
Sur notre gauche en bordure sud du salar, la fameuse voie ferrée. Nous ne pouvons la voir du fait de la distance. Par contre nous discernons les immenses trains minéraliers qui traversent ces grands espaces. De baies en plaines nous venons buter sur la voie que nous traversons à proximité du poste militaire. Nous sommes satisfaits car nous avons depuis ce matin déjà effectué cinquante-six kilomètres, et il n’est que treize heures. La chaleur dans ce terrain de pierre devient intense et l’ombre est quasiment absente. Une vieille gare désaffectée et délabrée nous offre sa protection à quelques centaines de mètres du poste militaire. Que le lieu est étrange. On se croirait dans une mise en scène du livre de Dino Buzzati « le désert des Tartares ».
Nous nous installons à l’ombre de l’avant-toit et mettons en action notre réchaud à gaz afin de préparer une bonne platée de riz. Alors que notre repas mijote, des bruits de moteurs de motos nous font regarder dans la direction d’où ils proviennent. Effectivement cinq ou six motos de trial, suivies de deux véhicules 4X4 viennent vers nous. Ils s’arrêtent aussi à la gare pour y déjeuner. Des deux véhicules sort tout un attirail, table, chaises, glacières, nourriture et boisson à profusion. Ils s’installent à côté de nous à l’ombre. Il s’agit d’un groupe de motards de Saint-Étienne qui effectue un trajet en boucle de quinze jours depuis la Paz. Nous allons passer un moment agréable en leur compagnie, et surtout ils vont nous proposer quelques aliments de choix, en particulier un magnifique morceau de viande de bœuf. Flora décline l’offre, mais pour ma part je me rue et prends une large tranche que je déguste avec un immense plaisir.
Vers quatorze heures les motards se remettent en route et disparaissent rapidement dans le lointain. Le vent s’est levé et il nous est défavorable. La chaleur est forte, mais sans hésiter nous enfourchons nos vélos avec l’intention de rejoindre le poste frontière bolivien d’Avaroa distant de trente-trois kilomètres. Nous espérons seulement que la piste sera suffisamment roulante pour nous permettre d’y arriver avant la nuit. La première partie est effectivement facile, bien que le vent nous ralentisse et que parfois nous nous demandions si nous ne sommes pas en train de nous perdre dans l’un des recoins de cette immensité sans point de repère. Nous quittons le salar et sa piste aisée et tombons sur une route poussiéreuse de creux et de bosses, pleine de cailloux, avec pour nous aider un vent qui souffle en tempête et qui nous arrive en plein nez. Ces quinze kilomètres nous demandent trois heures d’efforts violents. Nous avons l’impression que jamais nous n’atteindrons notre but avant la nuit. De toute évidence le combat du Sud Lipez a bien commencé, et son hostilité légendaire nous apparaît dans toute sa réalité. Nous finissons par distinguer dans le lointain ce qui ressemble à des bâtiments. Très lentement ils grossissent et à la nuit quasiment tombée nous y sommes. Dans la tourmente de vent qui sévit nous nous imaginons difficilement monter la tente. Nous demandons l’hospitalité au douanier qui tient son poste. Il nous répond d’attendre. Une demi-heure plus tard il ferme la douane pour ce jour et il nous propose la salle d’attente comme chambre à coucher. Nous n’en demandons pas plus, et nous installons à même le sol, trop contents d’être à l’abri. Nos couchages installés nous mettons en œuvre notre réchaud. Nous sommes de vrais nababs !
3ème jour Avaroa à la Laguna Hedondia 60 km
Réveil cinq heures, il fait nuit. Nous préparons notre petit déjeuner dans notre poste de douane. Vers les six heures nous sommes prêts, cependant il nous faudrait plus d’eau pour la journée à venir. Nous demandons au douanier qui dort dans son bureau à côté. Comme hier il nous apporte un seau, ce qui nous permet de compléter notre stock d’eau. Nous sortons, et comme tous les matins l’air est immobile. Devant nous l’immensité minérale au-dessus de laquelle d’immenses volcans nous regardent de leurs six mille mètres. Tout est à une autre échelle qu’en Europe.
Nous partons par une large piste utilisée par les camions qui ravitaillent certaines parties de la Bolivie à partir du Chili. Cette route qui porte le numéro 701 nous allons la suivre sur un peu moins de quarante kilomètres. Alors nous la quitterons pour les pistes sableuses. Il est tôt, très peu de circulation, nous apprécions, car chaque fois qu’un véhicule nous dépasse ou nous croise nous sommes pris dans un nuage de poussière qui met un certain temps à retomber. Depuis notre départ entre poussière et absence d’humidité nos cloisons nasales sont irritées et ce n’est pas très agréable. Notre route monte de six cents mètres et nous conduit à 4300 mètres. En prenant de la hauteur le panorama s’élargit. De nombreux volcans apparaissent. A nos pieds s’étale l’immense vallée salée que nous avons traversée hier. Je suis toujours surpris de réaliser qu’avec un vélo on est en mesure d’abattre de grandes distances. En effet, cette vallée que je regarde vers le bas disparaît à l’horizon vers l’est, entourée d’un foisonnement de cônes volcaniques. Nous sommes dominés par le volcan Ollagüe, du haut de ses 5869 mètres. Son cône est égueulé dans notre direction. Nous pouvons y voir toute une palette de couleurs, du blanc au rouge sombre, ce qui correspond aux différents minéraux qui ont été éjectés au cours des irruptions.
Vers les huit heures le trafic se fait un peu plus intense, camions, quelques cars et les véhicules 4X4 des touristes qui traversent eux aussi le Sud Lipez nous en gratifient de quelques nuages de poussière. La traversée classique en véhicule s’effectue en deux jours. Pour notre part il nous faudra au moins dix jours. Le voyage pour les uns en voiture et les autres à vélo ne sera pas le même. Ayant déjà parcouru cet itinéraire en voiture je peux juger des différences. En véhicule derrière la vitre on a plus l’impression d’assister à un documentaire assis devant son écran de télévision. À vélo, d’une part la lenteur introduit un facteur qui permet la contemplation, d’autre part l’absence d’habitacle qui vous protège vous amène tout naturellement à vous sentir partie intégrante de cette nature sauvage qui vous entoure. Ce contact long et étroit, une réelle intimité avec la planète, est une sensation forte qui est créée par le fait que vous vous mettez à la merci des éléments qui parfois ne sont pas très cléments. L’engagement et le risque donnent de la profondeur à l’aventure. Le petit doute que l’on a toujours concernant un échec possible est un moteur fort de motivation pour lutter contre les multiples difficultés qui se présentent. Sur un vélo on se ressent beaucoup plus comme acteur que dans un véhicule. Le corps, les muscles qui fonctionnent et qui durant des heures sans se rebiffer vont emmènent sur les pires routes, cela vous apporte la certitude que vous êtes vivant. Le vélo est un immense amplificateur de sensations au cours d’un voyage.
Tout à mes réflexions nous continuons à monter jusqu’à un col. Une courte descente et ne pas louper le démarrage de la piste qui à droite nous conduira au cœur du Sud Lipez. Voilà l’embranchement, pas de doute grâce au GPS, devant nous une plaine fermée quelques kilomètres au sud par un col. Notre itinéraire passe par là. Bien qu’elle commence à descendre cette piste ne nous permet pas de rester sur le vélo et nous poussons. Nous allons le faire sur trois kilomètres, tout d’abord dans du sable en descendant, puis dans de gros cailloux en montée pour rejoindre le haut du col qui est à 4300 mètres. Ces premiers kilomètres donnent le ton de ce qui nous attend sur les 250 suivants. Ne nous laissons pas envahir par le doute et le pessimisme. Raccrochons-nous à l’instant présent. Ce que nous voulons c’est arriver ce soir à l’hôtel de la laguna Hedondia. Il nous reste donc 21 kilomètres à parcourir. Il est quatorze heures et la faim nous tenaille. À l’abri d’un muret de pierres adossé à une paroi nous nous protégeons du vent et mettons en route notre réchaud. Nous sommes bien organisés, nous sentons que nous sommes en mesure de résister aux intempéries. Cela est rassurant et renforce notre motivation. Après une halte qui nous a fait du bien nous reprenons notre chemin vers notre but de la journée. Nous dépassons un premier petit salar, puis nous rejoignons la laguna Canapa. Elle est de belles dimensions et de nombreux flamants roses en ponctuent la surface. Nous longeons cette étendue salée, pris sous le charme du spectacle et secoués par les bourrasques de vent qui avec l’après-midi se renforcent. Par la suite il nous fait pousser nos vélos jusqu’au sommet de la prochaine bosse. De là une dizaine de kilomètres au sud nous distinguons la laguna Hedondia. Elle est d’une autre ampleur. Sur le bord est nous sommes trop loin pour distinguer l’hôtel. La piste se déroule devant nous. En réalité une multitude de traces, il nous faut choisir laquelle sera la moins mauvaise. Le choix se fait à l’intuition en fonction de la grosseur des cailloux, la couleur, l’aspect plus ou moins sableux. Essayer de lire à travers ces différents éléments la praticabilité de la piste n’est pas chose aisée, mais il faut choisir et rapidement car tous les cent mètres, voire moins, tout est en permanence à recommencer. On a vraiment l’impression que l’on grignote l’itinéraire mètre après mètre. La lagune grossit, nous en rejoignons le bord. Une piste blanche la contourne au plus près. Cela est très bon signe, car nous allons rouler sur un sel dur et notre moyenne va bondir. Nous discernons maintenant le bâtiment de l’hôtel. Nous le rejoignons facilement malgré le vent terrible qui souffle en bourrasques. Qu’il fait bon se mettre à l’abri. Nous sommes presque seuls. Un groupe de trois femmes a aussi décidé d’y passer la nuit. De la baie vitrée de la salle de restaurant nous assistons à la venue de la nuit dans ce décor féerique aux teintes incroyables, se côtoient le vert d’une zone du lac, le bleu d’une autre, le blanc du sel, le rouge de la roche, le rose des flamants. Le tout évolue en permanence en fonction de la position du soleil qui change rapidement à cette heure crépusculaire.
La nuit n’est pas très bonne, d’une part du fait de l’altitude 4150 mètres et d’autre part à cause de l’odeur forte provenant des WC chimiques et qui se répand dans la chambre. Ces effluves disparaitront en cours de nuit lorsque la température véritablement polaire aura tout congelé !
4ème Jour Laguna Hedondia à l’hôtel del Desierto 31 km
Comme chaque matin l’air est totalement calme et la clarté du soleil sur ce monde minéral est d’une beauté qui nous étonne chaque fois autant. Bien que le froid soit vif, l’absence d’humidité le rend très supportable. Ces départs matinaux sont un enchantement. Le vélo est vraiment un mode de voyage idéal pour se sentir partie intégrante de ces régions que nous traversons. Autant le pare-brise d’un véhicule constitue une vraie barrière entre vous et la nature, le vélo lui s’efface et vous laisse en contact direct avec la sauvagerie du lieu, toutes vos sens aux aguets.
Nous commençons notre journée facilement, le sol est solide et nous longeons la laguna Hedondia. Ensuite une côte nous conduit par un col à la lagune suivante, nommée Honda. Ces premiers kilomètres sont agréables, le Sud Lipez aurait-il usurpé sa terrible réputation ? Ne vendons pas la peau de l’ours prématurément ! Effectivement, la suite va nous prouver que non, la réputation du Sud Lipez n’est pas usurpée. En effet, l’état de la piste se dégrade, sable et lave pulvérulente l’envahissent, et seront nos compagnons au cours des huit heures qui viennent. Nous ne pourrons pas enfourcher nos montures, et nous nous engageons dans une longue séance de poussage de huit heures.
Tout d’abord une longue et large plaine à peu près plate nous donne le ton de la journée. Une fois que nous l’avons traversée en poussant, nous marquons une pause vers treize heures à l’abri d’un rocher pour nous restaurer. Puis nous reprenons notre progression en direction d’une gorge. Nous espérons que le changement de topographie va entraîner une modification de la structure du sol. Il n’en est rien. Le seul changement provient que du plat nous passons à une pente raide, demandant d’autant plus d’efforts. Par endroits de grosses pierres nécessitent des détours sur cette piste défoncée et instable.
Un motard nous rattrape. Nous discutons un bon moment. Il se dénomme Julien, est français. Il voyage depuis deux ans et demi avec sa Yamaha. Il a déjà traversé plusieurs continents, l’Europe, l’Asie, l’Australie et l’Afrique. Ces rencontres improbables au milieu de nulle part sont toujours des moments privilégiés de communication On apprend toujours auprès d’êtres passionnés qui sont hors norme. Mais le temps court et il nous faut repartir et nous laissons Julien, qui termine son pique-nique. Lorsqu’il a terminé il nous double rapidement et nous dit au passage : « vous avez une drôle de manière de faire du vélo, d’habitude on est dessus ! »
Nous continuons à monter, le vent devient très violent, la piste disparaît quasiment dans des champs de lave. Nous sommes le long d’un long plan incliné dont on ne voit pas la fin. Mon GPS indique 4700 mètres et ça monte toujours. Cela fait déjà au moins cinq heures que nous poussons dans ce terrain inconsistant. Parfois nous devons soulever la roue avant qui s’enfonce profondément et qui se met en travers. On pourrait se décourager, mais voilà nous n’avons pas d’alternative. En effet, il n’est pas concevable de s’arrêter à un endroit aussi hostile, alors on pousse, on pousse à deux à l’heure mais on avance. Cependant engagés dans une telle entreprise, l’esprit tendu vers la réalisation de notre traversée, nous mobilisons toutes nos ressources physiques et mentales pour persévérer. Dans ces conditions je comprends bien Saint-Exupéry lorsqu’il dit que seule la démarche compte et non le but.
Un véhicule 4X4 s’arrête à notre hauteur. Nous lui demandons des indications pour rejoindre l’hôtel del Desierto. Le chauffeur nous les donne et nous dit qu’il viendra voir où nous en serons à la tombée de la nuit. Dans une situation difficile, il est toujours réconfortant de savoir que l’on peut compter sur une aide. Nous repartons. Flora caracole en avant, ouvrant la voie tel un bulldozer. La côte prend fin, devant nous une longue descente s’amorce. Nous pensons que notre calvaire va prendre fin. Il n’en est rien, impossible de monter sur nos vélos, nos roues restent enfoncées dans un sable profond et inconsistant, mélangé à une poussière à la consistance et couleur du talc. Il nous faut donc continuer, alors que la descente est raide, à marcher arcboutés sur nos guidons à traîner nos lourds équipages sur plusieurs kilomètres. Cette étape semble ne jamais finir, alors que le jour décline. Enfin une indication, l’hôtel n’est plus très loin. À ce moment le 4x4 revient et nous demande si nous avons besoin d’aide. Nous lui répondons que non, mais le remercions. Encore deux petits kilomètres et nous serons arrivés. De plus comme par miracle la piste devient dure et c’est en pédalant que nous terminons cette étape qui se révélera la plus difficile de notre traversée. En effet, en douze heures d’efforts soutenus nous avons parcouru uniquement trente et un kilomètres. Je n’ose calculer la moyenne.
L’hôtel est un véritable havre de paix après cette journée en plein air. Au cours du repas nous entendrons de la part de personnes qui nous ont dépassés en véhicule une remarque du style : « il faut être un peu inconscient pour venir à vélo dans des coins pareils ». Je ne pense pas qu’ils aient raison. S’ils pouvaient imaginer ce que cela procure comme sensations de lutter contre l’adversité. D’autant que jamais nous nous sommes sentis dépassés et que s’il l’avait fallu nous aurions été en mesure de bivouaquer. En effet, notre tente nous la montons en une ou deux minutes maximum et lorsque nous sommes à l’intérieur nous y sommes très bien. La perception que l’on a des éléments n’est pas du tout la même lorsqu’on descend de son véhicule chauffé et lorsqu’on y est exposé depuis déjà de longues semaines. Dans ce second cas, le corps s’est aguerri et endurci. On a l’impression de retrouver les qualités de résistance et d’adaptation de nos ancêtres, qui vivaient dans des conditions beaucoup plus rudes que les nôtres. Cela procure un immense bonheur pour le corps et l’esprit. Le vélo au long court de par la durée de l’effort est un sport unique. Une grande ascension difficile s’étire sur quelques jours voire un peu plus pour certains sommets de l’Himalaya, alors que le vélo vous permet de vous engager dans des coins reculés de la planète et d’affronter les éléments durant un périple de plusieurs mois. Ce qui doit s’apparenter le plus au vélo en termes de préparation à la durée, ce sont les grandes traversées en voilier. Mais je ne m’aventurerais pas trop sur le sujet, car la voile est un domaine que j’ignore, bien que des navigateurs m’aient déjà fait l’immense plaisir de m’emmener sur l’Atlantique par gros temps.
5ème Jour hôtel del Desierto à Arbol de Piedra 31 km
Nous démarrons ce matin d’un point surélevé et nous voyons à nos pieds la grande vallée qui constitue la première partie de notre étape du jour. La couleur nous inquiète, en effet elle révèle la présence de résidus de lave, ce qui constitue un terrible ennemi pour le cycliste. Les premiers kilomètres nous surprennent par leur facilité. Mais cela ne dure pas. Nous retombons sur les sols que nous avons eus hier. Durant une dizaine de kilomètres et trois longues heures nous allons pousser une fois de plus nos vélos. Dans ces moments, alors que l’on n’a aucune idée de ce que nous réserve la suite, on essaie de ne pas penser qu’il nous reste encore deux cents kilomètres à parcourir entre grands volcans et larges lagunes.
Nous arrivons là où la multitude de traces converge en une piste unique, qui semble beaucoup plus consistante que le champ de lave que nous venons de traverser. Effectivement, enfin nous remontons sur nos vélos et reprenons des vitesses de l’ordre de huit à l’heure, ce que nous trouvons très bien. Nous sommes dans un cadre gigantesque. Tout autour de nous, aux limites lointaines de la plaine de lave, de grands volcans se découpent sur le ciel. Être au beau milieu de ce désert, alors que nous sommes venus par nos propres moyens physiques, nous semble presque irréel. Le voyage extrême à vélo ou considéré comme tel, fait naître des sensations et des sentiments, qui font oublier les difficultés et les incertitudes. Plus que jamais nous ressentons que sans adversité il n’y a pas de réel accomplissement. La difficulté est l’un des ingrédients indispensables pour une bonne alchimie du voyage.
Nous arrivons à Arbol de Piedra, gros rocher qui monte en s’évasant, sculpture naturelle, façonnée par le vent, universellement connue. Elle représente l’une des stars de cette traversée du sud Lipez. Le nombre de photographies qu’elle a généré doit être gigantesque. Il n’est pas tard, vers les quatorze heures, nous installons notre tente à l’abri d’une petite falaise, afin que le vent ne nous secoue pas trop. Il ne nous reste plus qu’à attendre tranquillement la venue de la nuit en regardant défiler les 4X4 qui s’arrêtent à proximité et dont les passagers s’empressent de fixer sur la pellicule la multiplicité des roches aux formes étranges qui fleurissent tout autour. Nous discutons avec quelques personnes étonnées de voir des vélos ici. Nous, nous sommes étonnés par le nombre de personnes parlant français. On en profite pour demander un peu d’eau que l’on nous donne de bon cœur. Par moments j’ai l’impression de ressembler à un singe quémandant quelques cacahuètes. Je plaiderais ma cause en disant que les conditions particulières justifient le comportement.
Au soir, tous les véhicules ont déserté le lieu, et nous nous retrouvons seuls dans ce gigantesque décor d’altitude balayé par un vent furieux. La nuit s’installe et les étoiles envahissent la voûte céleste. La tente est large et confortable, ce qui est promesse de nuit douillette. Dans un cadre aussi fantastique le vent, le froid et la fatigue sont malheureusement des freins insurmontables à la contemplation des astres dans ce ciel d’une pureté absolue. Alors que pouvoir observer le ciel dans ces conditions exceptionnelles de pureté de l’air sans aucune pollution lumineuse constitue un privilège rare, nous restons affalés dans nos sacs de couchage, trop contents de rester bien au chaud sans bouger.
6ème Jour Arbol de Piedra à la laguna Colorada 18 km
La nuit a été très froide mais dans nos duvets nous avons bien résisté. Au matin cependant la partie inférieure de mon matelas est couverte d’une couche de glace. Nous attendons bien sagement que les premiers rayons du soleil atteignent le tissu de la tente pour mettre le nez dehors. Effectivement, dès que la chaleur arrive la température monte à une vitesse incroyable. Alors nous sortons et préparons notre petit déjeuner dans un décor grandiose. La ronde des 4X4 reprend. Tout naturellement les gens voyant que nous sommes à vélo et que nous avons dormi sur place viennent nous parler. Je suis encore une fois surpris de voir le pourcentage de Français. Les chauffeurs boliviens nous rassurent sur l’état de la piste. Nous partons donc confiants. Mais rapidement nous constatons que les critères pour un véhicule tout terrain ne sont pas les mêmes que ceux pour un vélo ! La piste est horrible, ça ne roule pratiquement pas. Heureusement notre étape de la journée est courte. Nous roulons tellement peu, que nous nous écartons de la piste à la recherche d’un terrain stable. Mais nous ne le trouvons pas, c’est même pire ! La piste a cette couleur grise, qui nous indique que nous n’avons d’autre alternative que de pousser le vélo. On ne sait jamais si cela va durer cinq cents mètres ou dix kilomètres. On m’a toujours dit que le Sud Lipez nécessitait une grande qualité, la patience. On ne peut pas dire que je suis patient, loin de là. Mais je me suis bien imprégné du conseil. Je me dis que ma journée est consacrée exclusivement à atteindre le but fixé, et que j’arrive à treize heures ou dix-huit heures cela n’a pas d’importance. L’esprit du lieu me pénètre, la distance le temps et la fatigue disparaissent de mon esprit. Plus de stress, je pousse en contemplant le décor gigantesque et d’une incroyable beauté qui nous entoure en ne cherchant pas à regarder en permanence ma montre. Les yeux ne cherchent plus le compteur kilométrique à guetter avec impatience les centaines de mètres qui défilent, voire seulement les dizaines. Pour ma part je ne peux plus avoir les yeux rivés sur le compteur, car je me le suis fait voler il y a une dizaine de jours à la frontière bolivo-chilienne à Tombo Quemado. Mais j’aurais pu le remplacer par le GPS, qui a aussi cette fonction. Eh bien non ! Il est bien sur mon guidon, mais il reste éteint. Ça fait un bien fou, mais c’est un peu hypocrite car j’ai un topo qui donne précisément les distances. J’ai lu un livre d’un accompagnateur montagne, qui a fait une traversée en solitaire des Pyrénées, en fin d’automne, en passant par nombre de sommets. Il a décidé de ne prendre aucun appareil de mesure, boussole, altimètre, podomètre, montre. Le soleil et sa carte étaient ces seuls éléments de repères. J’aimerais bien être capable de l’imiter. Effectivement, je me sers du GPS pour me diriger vers un point lorsque j’ai un doute, mais suivre une trace je trouve que cela nuit à l’esprit du voyage. J’ai un ami lorsqu’il fait des balades en montagne, il ne regarde pas le spectacle de la nature, mais reste les yeux rivés sur son écran pour coller au plus près du parcours. Je trouve cela aberrant, mais ce n’est que mon sentiment, et chacun fait bien comme il veut. Cependant, au cours de mes voyages à pied ou à vélo, souvent j’ai fait de très belles découvertes alors que je m’étais perdu. Donc il est important de pouvoir se perdre. Mais je reconnais que dans l’Atacama, ça fait peur de ne plus savoir où l’on se situe !
La laguna Colorada apparaît, elle semble loin, d’autant plus loin que nous poussons en descente pour la rejoindre. Mais nous en prenons l’habitude, et nous nous étonnons même de parcourir de telles distances à pied doucement mais inéluctablement. Il faut dire que Flora garde une constance d’humeur et une forme physique indestructible, il n’y a plus qu’à essayer de l’imiter ! La piste perd sa teinte grise et devient meilleure. Une fois sur le bord nous arrivons rapidement au point de contrôle à l’entrée du parc. Nous payons la taxe et partons à la recherche d’un logement. Nous le trouvons facilement. Il n’est pas tard, 11h30. Nous en profitons pour faire un peu de lessive, comptant sur le soleil de l’après-midi pour sécher nos affaires. Nous voyons arriver deux cyclistes qui traversent dans le même sens que nous. Le premier Ron est américain, le second Daniel, allemand. Ils sont lancés dans la descente de l’Amérique du sud, et roulent ensemble depuis Cusco.
Nos provisions diminuent lentement, car nous avons jusqu’à présent trouvé le gîte et le couvert assez fréquemment. Après avoir englouti notre gamelle de riz, nous partons admirer la lagune Colorada à partir du point haut situé au nord. La vue est époustouflante sur un monde étrange, où les couleurs de l’eau sont surprenantes, le rouge domine rehaussé par des touches de vert. Le nombre de flamants roses est important, ils se regroupent en colonies nombreuses. À l’arrière-plan un immense volcan à la forme pyramidale parfaite domine cette vaste lagune. Nous avons du mal à quitter ce spectacle grandiose, malgré le vent qui souffle en rafales rageuses.
7ème Jour laguna Colorada à Sol de Manana 37 km
Comme tous les matins avec Flora dès le lever du jour nous sommes sur nos montures. Nos deux camarades Ron et Daniel, désirant comme nous aller bivouaquer à proximité des geysers ont décidé de partir plus tard. Les seize premiers kilomètres le long de la lagune sont particulièrement mauvais. Cailloux et sable sont présents en permanence et il nous faut jongler d’un côté à l’autre de la route pour espérer rester sur nos vélos. Nous n’y arrivons pas toujours et il nous faut encre pousser. Un pick-up s’arrête et nous propose de nous prendre. Je suis sur le point de céder, Flora s’y refuse. Voilà comment grâce à elle je traverserai le Sud Lipez sans aucune aide extérieure, un grand merci à Flora ! J’ai failli craquer car j’ai eu peur de la longueur de l’étape de 37 kilomètres, alors que les jours derniers nous avons effectué des étapes de l’ordre de la vingtaine de kilomètres seulement.
Enfin nous arrivons au bout de la lagune et la route d’après nos informations s’améliore. Effectivement le sable et les cailloux disparaissent. Va-t-on pouvoir rouler ? Nous commençons par manger, puis nous remettons en route. Le revêtement est incontestablement meilleur, mais la pente est terrible. Nous voilà donc repartis dans une longue séance de marche dans une côte qui va nous conduire pratiquement à 5000 mètres d’altitude. En trois heures à côté de nos vélos nous progressons de 12 kilomètres et montons de 700 mètres. Quelques 4X4 et camions nous doublent. Ces derniers comme souvent en Amérique du sud contrairement aux bus sont toujours prudents lorsqu’ils nous dépassent et nous gratifient de grands bonjours par signes de la main ou par coups de klaxon.
Nous arrivons à l’altitude de 4700 mètres et manifestement nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous marquons l’arrêt en un endroit où le point de vue sur tout ce que nous venons de parcourir depuis ce matin, nous démontre que bien que nous ayons passé pas mal de temps à pousser, nous avons fait un sacré bout de chemin, presque trente kilomètres. Après avoir grignoté quelques petits gâteaux nous repartons en roulant. Après un « super-poussage » c’est très bon pour le moral. Nous arpentons un vaste plateau, au bout duquel nous savons qu’il va falloir monter jusque vers 5000 mètres. Ron nous rattrape. Il a un bon coup de pédales. Avec Flora ils me laissent vite en arrière. Je les vois s’engager dans la dernière côte, Flora pousse, Ron non. Il faut dire que Flora a un petit plateau d’au moins trente dents, alors que Ron comme moi en possède un de 22 dents, ce qui permet de monter aux arbres. Le vent commence à souffler avec force et il nous est contraire. Je suis un peu perdu, je vois mes deux compagnons partir dans une côte raide. Je fais un point GPS, je suis à plus de 4900 mètres. Ils sont en train de passer les 5000 mètres. Un 4X4 s’arrête à leur hauteur et leur indique le chemin de Sol de Manana. Je commence à sentir sérieusement la fatigue. Flora redescend à pied et vient me pousser pour passer le dernier petit raidillon qui conduit à un carrefour, d’où démarre la piste pour notre but du soir. En trois kilomètres en légère descente nous rejoignons cette cuvette extraordinaire, au milieu de laquelle des quantités de fumerolles se dégagent.
Il nous faut nous préparer au bivouac à 4850 mètres, dans ce site que l’on nous a dit glacial. Pour le moment le froid n’est pas très violent, il y a encore du soleil. Mais quand il va disparaître il faut s’attendre à une chute brutale et de grande amplitude de la température. Des points de bivouac nous n’en voyons pas vraiment. Il y a une ruine, avec Flora nous installons notre tente à proximité de l’un de ses murs, bien qu’il n’abrite pas vraiment du vent. En effet, ce dernier est si violent qu’il crée sur l’obstacle des turbulences rageuses, qui nous secouent sérieusement. La tente est vite montée et dès que nous sommes à l’intérieur c’est le calme. Je suis vraiment content de mon choix, j’avais hésité entre plusieurs modèles.
Daniel nous a rejoints. Nos deux amis cherchent un emplacement pour monter chacun sa tente. Ce n’est pas facile. Nous les aidons à construire un mur protecteur. Après ces trente-sept kilomètres difficiles effectués en 8 ou 9 heures, porter des gros cailloux à cette altitude dans les rafales de vent est assez éprouvant. Nous réussissons à ériger un joli ouvrage qui les protégera. Nous allons voir les geysers. Un dernier 4X4 se prépare à partir. J’en profite pour demander des renseignements pour la suite au chauffeur. Comme toujours c’est très gentiment qu’il me renseigne. Puis nous regagnons chacun nos tentes, car les conditions de température deviennent sévères. On va même allumer notre réchaud à l’intérieur en mettant une couverture de survie en protection.
8ème Jour Sol de Manana à la Laguna Chalviri 21 km
La nuit n’est pas très bonne, non qu’il fasse froid, mais le manque d’air m’handicape. J’essaie de lire un peu, mais nous passons Flora et moi une partie de la nuit à discuter. Je ne me souviens pas quels étaient les sujets, mais cela nous a aidé à passer le temps. Mais rien que de se trouver dans ce coin extraordinaire, malgré les difficultés à respirer j’éprouve un immense plaisir. Nous finissons par sombrer dans le sommeil bien après minuit.
Comme tous les matins l’air est immobile, les jets des geysers ne sont pas perturbés par le vent et montent très haut en grands panaches blancs qui se découpent sur le ciel bleu profond. Se réveiller avec le bruissement des gaz et émerger de la tente devant ce spectacle est tout simplement merveilleux. Dire que j’étais venu en ce lieu en véhicule il y a quatre ans. Je n’en garde pas cette impression féerique, qui me subjugue aujourd’hui. J’invite tout le monde à sauter sur un vélo et venir bivouaquer ici et vivre cette aventure du Sud Lipez !
Dès que le soleil nous touche nous sortons et étalons nos affaires de bivouac et préparons notre petit déjeuner. Nos camarades ont moins de chance que nous, ils sont toujours à l’ombre et la différence de température est conséquente. Nous ne nous lassons pas de regarder ces grands jets qui pointent dans le ciel. Ce matin nous ne nous pressons pas, l’étape sera courte et en descente, et effectivement les différents chauffeurs boliviens nous l’ont annoncée « todo abajo ». Mais on se méfie quand même, même si d’après leurs dires ce sera très court. On table tout de même sur quatre heures. En partant vers huit heures on compte arriver à midi.
Il nous faut rejoindre la piste principale qui passe quelques kilomètres plus bas. Les indications de la veille sont claires et rapidement nous sommes dans la descente qui doit nous conduire à la laguna Chalviri. Effectivement, nous la distinguons nettement quelques centaines de mètres plus bas. La piste n’est pas très bonne mais nous pouvons rester sur le vélo, donc tout va bien. Encore et comme toujours le spectacle est magnifique. On ne se lasse pas de pédaler dans ce décor d’exception. Nous rejoignons le bord de la lagune et après quelques kilomètres les bâtiments des refuges font leur apparition au détour d’un mouvement de terrain. Nous trouvons de quoi nous loger et on nous propose aussi les repas. Nous n’en demandions pas tant, mais nous nous empressons d’accepter.
Nous déchargeons rapidement nos vélos et mettons nos sacoches dans notre chambre et partons nous baigner en plein air dans une eau merveilleusement chaude provenant de l’activité volcanique. Cela procure un bien-être prodigieux ! Cette séance de thalasso nous a ouvert l’appétit, nous rentrons et nous installons devant une belle assiette bien préparée. Le Sud Lipez c’est presque le paradis !
Ron et Daniel arrivent. Ron décide de ne pas s’arrêter, il compte rejoindre le refuge de la laguna Blanca. Cela fait encore beaucoup de kilomètres, une quarantaine et la chaleur commence à être forte. Daniel plus sagement reste avec nous. Nous passons l’après-midi à contempler cette magnifique lagune. Le temps est couvert, la pluie semble menacer. L’eau prend des teintes sombres sous les nuages noirs. Au cours de notre traversée nous aurons passé beaucoup de temps au bord des lagunes. Les étapes que nous avons effectuées nous ont permis bien souvent d’assister à la venue de la nuit sur ces surfaces liquides, et nous n’avons pas vu le temps s’écouler pris sous le charme de cette nature magnifique. J’imagine que les personnes qui traversent en 4X4 se disent que mettre dix jours pour faire ce trajet que l’on parcourt en 48 heures en véhicule, doit rapidement engendrer de l’ennui voire de l’impatience. Eh bien non ! L’esprit du lieu nous a pénétrés et la lenteur a été source de bonheur. Ne pas se soumettre aux rythmes effrénés, qui nous Occidentaux nous réduisent en esclavage, toujours à la recherche de la rentabilité maximale, vite voir beaucoup de choses en peu de temps, eh bien casser ce cycle infernal du chronomètre donne accès à un autre mode de vie, qui procure beaucoup de jouissance et qui permet de vraiment s’imprégner de lieux aussi fantastiques que ceux que nous traversons. La planète reprend ses dimensions pour la plus grande joie de ceux qui ont décidé d’aller lentement.
Nous sentons que l’expérience du Sud Lipez à vélo touche à sa fin. Demain nous effectuerons l’avant-dernière étape. L’ultime, ne comportant plus que 10 kilomètres de piste, ne sera que le point final de cette aventure. Presque à regret nous voyons arriver le terme de cette fantastique chevauchée, et nous n’éprouvons pratiquement aucune fatigue et la lassitude ne la piste ne s’est pas non plus installée. Cela fait déjà une vingtaine de jours que nous sommes partis d’Arica à la frontière nord du Pérou au bord de l’océan Pacifique et le plaisir de pédaler est toujours plus fort. Comme dit mon ami Jean, nous sommes en pleine vélo thérapie et les effets sont extraordinaires sur le corps et l’esprit. En me faisant ces réflexions je regarde la nuit venir sur ces immenses montagnes, qui prennent des teintes sombres évoluant vers le noir, quant à la surface de la lagune elle prend une couleur argentée ou peut-être plomb fondu.
9ème Jour Laguna Chalviri au refuge de la laguna Blanca 46 km
Comme presque tous les matins, départ six heures, c’est une bonne habitude que nous garderons jusqu’à Santiago. Effectivement, rouler dès le lever du jour permet d’effectuer des étapes dans de bonnes conditions de chaleur et d’arriver tôt, généralement en tout début d’après-midi. Entre six et neuf heures du matin, ce sont les meilleures heures pour rouler, et cela pas uniquement dans le Sud Lipez. Ici ce moment est privilégié car pas un souffle d’air ne perturbe la quiétude matinale.
Première partie de notre étape, le désert de Dali, étendue d’une vingtaine de kilomètres qui se termine par une belle côte qui culmine à 4726 mètres. Nous avons une bonne surprise, la piste sans être excellente est tout à fait « roulable » et nous n’avons pas à chercher désespérément et en permanence l’endroit de la chaussée où nous aurons une chance de rester sur le vélo. Le spectacle est une fois de plus grandiose. Des roches aux teintes étonnantes nous accompagnent tout au long de ce désert. Il porte ce nom, en référence au grand peintre, dont certains tableaux rappellent le spectacle qui se déroule sous nos yeux dans ce monde minéral. La montée est effectivement sévère. Une fois au sommet, nous basculons en direction d’une autre lagune, plus formée de sel que d’eau. Nous sommes surpris à chaque détour ou mouvement de terrain par les couleurs qui se superposent, un sable rouge foncé qui tranche sur le blanc du sel, le tout se fondant dans le vert pâle de l’arrière-plan. Le Sud Lipez aura décidé de nous émerveiller jusqu’à son dernier kilomètre. Après cette lagune au nom oublié, le volcan Licancabur, du haut de ses 5916 mètres, s’impose sur un décor magnifique. À son pied deux magnifiques lagunes s’étirent, le Blanca et la Verde. Cette dernière ne se découvre pas immédiatement.
Nous longeons dans un premier temps la Blanca en direction du Licancabur. Le vent se met sérieusement de la partie. À l’abri d’une ruine en bon état nous faisons une halte pour midi. Bien protégés du vent nous mettons en action notre réchaud. Cette heure d’arrêt après trente kilomètres est très appréciée. Nous repartons face à un vent violent en direction de la laguna Verde, que l’on ne voit pas encore. Au détour d’un mouvement de terrain, elle nous saute littéralement à la figure ! Véritable bijou à la couleur vert émeraude, tapi au pied même de cet immense volcan à la forme géométrique parfaite. Malgré les très fortes rafales de vent nous restons au moins une demi-heure devant cette extraordinaire beauté de la nature. Nous sommes seuls. Nous essayons d’imaginer la voie d’ascension de ce cône qui nous domine. Puis nous enfourchons nos vélos et nous dirigeons vers la rive ouest de la laguna Blanca qui nous conduira onze kilomètres plus loin au terme de notre étape du jour, au refuge situé sur sa rive sud. Minuscules dans le lointain on discerne quelques bâtiments. Le vent cette fois va nous accompagner et c’est un plaisir immense de longer ce plan d’eau salée poussés puissamment par Éole. On pourrait penser que nous avons des vélos électriques. C’est presque sans difficulté que nous avons effectué les 46 kilomètres de l’étape du jour. Le Sud Lipez c’est la surprise permanente. Un jour on parcourt difficilement trente kilomètres voire moins, et le suivant on pourrait faire le double. Au refuge nous retrouvons Daniel. Nous ne sommes pas très nombreux, un groupe de Français en partance pour la traversée en véhicule en direction d’Uyuni y séjourne.
10ème Jour laguna Blanca à San Pedro de Atacama 53 km
Je suis toujours étonné de la différence de sensation quant au poids du vélo avec ses bagages lorsqu’on le pousse ou lorsqu’on pédale. En effet le matin avant de se mettre à pédaler il faut sortir le vélo de l’endroit où on l’a rangé pour la nuit. Bien évidemment ces manipulations se font en poussant le vélo. À ces moments on le trouve effroyablement lourd et l’on se dit que jamais on va arriver à pédaler. Et puis le miracle s’accomplit, une fois les premiers mètres parcourus, les pédales tournent presque toutes seules.
Ce matin nous sommes bien conscients que l’aventure du Sud Lipez va prendre fin. Au lever du jour sans empressement nous partons. Nous roulons lentement en cherchant à nous imprégner toujours plus de ce décor minéral, dont on ne se lasse pas. Les cyclistes qui ont effectué un tour du monde, disent presque tous que le temps fort de leur périple consistait justement dans cette traversée que nous sommes en train de terminer. Nous ne voulons pas terminer. Nous pensions que ces derniers kilomètres de piste nous les ferions comme une délivrance, heureux de quitter un enfer. Eh bien non ! Notre enfer nous aimerions qu’il dure encore et c’est à regret que nous voyons arriver le poste frontière, qui marque la fin de l’aventure. Les douaniers boliviens sont particulièrement sympathiques. Ils ne nous font pas payer les 15 ou 20 bolivianos que nous avions conservés dans ce but. Ils se proposent même de nous prendre en photo tous les trois, car aujourd’hui encore nous roulons avec Daniel. Après avoir crié à leur intention, ce qui les fait rire, « Viva Bolivia » nous pénétrons au Chili. La piste se prolonge encore sur quelques kilomètres, au long desquels de nombreuses vigognes pas farouches du tout viennent nous donner un ultime salut du Sud Lipez. Un carrefour, le goudron est là. Nous sommes un peu tristes, un dernier regard en arrière sur ces dix jours qui nous laisseront des souvenirs merveilleux toute notre vie, et nous nous lançons dans une gigantesque descente vers San Pedro de Atacama en faisant attention de ne pas nous laisser entraîner au-dessus de 80 kilomètres/heure, car les patins de frein risqueraient de chauffer plus que de raison.
Ce que nous ne savons pas encore c’est que dans deux jours, notre prochaine étape, de San Pedro de Atacama à Salta en Argentine par le Paso Sico sur 500 kilomètres, va nous réserver une aventure au moins aussi intense et plus sauvage que celle que nous venons de vivre. Mais c’est une autre histoire !
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04/03/2013
Deux mois à vélo autour du Mékong dernière partie: retour en Thaïlande direction Bangkok
Cette dernière partie se déroule sur 750 kilomètres. On peut en visualiser le tracé au stylo ci-dessus.
4 mars Paksé à Phibun Mangsahan 95 km
Aujourd'hui nous allons quitter le Laos pour retrouver la Thaïlande. Nous comptions partir très tôt. Mais le temps de dire au revoir à nos amis néo-zélandais et il est déjà plus de 7h30. Et puis, je ne résiste pas à l'envie teintée de forte curiosité, d'aller faire un détour par le marché pour voir l'arrivage de poissons du matin.
A 8h30 nous passons le pont sur le Mékong en direction de la frontière distante de 40 kilomètres. Le pont en mesure 1,4. En le traversant, on prend bien conscience de la puissance de ce fleuve.
La frontière est vite franchie, car elle est déserte et les douaniers des deux côtés sont coopératifs et aimables. La route jusqu'à la petite ville de Phibun est parcourue facilement, bien que le vent ne soit pas favorable. En arrivant, nous déjeunons à même le trottoir. C'est délicieux, nous retrouvons le plaisir que nous avions il y a un mois dans ce pays. Enfin, je trouve des rayons pour mon vélo. Il était temps car je n'avais plus de rechange.
Le soir nous partons sur le marché de nuit. L'ambiance est adorable, une multitude de marchands proposent des mets plus tentants les uns que les autres. Nous optons pour une espèce de fondue, à base de viandes et de calamar, accompagnés de crudités. Expérience étonnante, mais à l'avenir nous resterons plus classiques, avec un bon poulet grillé, comme ils le font si bien. Et dire que cette petite ville ne figure même pas dans notre guide. Oui de toute évidence, seul le vélo permet ces arrêts un peu au hasard des contraintes horaires, dans des coins ignorés qui se révélent de vraies petites perles, bien loin des circuits fortement conseillés.
5 mars Phibun Mangsahan à Sisaket 105 km
Nous effectuons cette étape sur grande route à quatre voies, un espace est aménagé permettant la circulation des vélos sans danger. Il n'y a pratiquement plus de côtes, la moyenne se situe au-dessus de 20km/h. Cependant l'intérêt du paysage qui nous entoure n'est pas énorme. Sur cent kilomètres, je ne me suis pas arrêté une seule fois pour faire des photos.
Nous allons étudier la carte pour voir dans quelle mesure on peut rejoindre Bangkok par des routes plus intéressantes à vélo. En effet, il nous reste encore 6 ou 7 jours à pédaler. Nous voulons être à Bangkok le 12 mars au plus tard, afin de pouvoir visiter cette gigantesque ville tranquillement.
Nous sommes allés manger au marché de nuit. Dans ces endroits en Thaïlande, il y règne une atmosphère industrieuse et cependant paisible, un grand nombre d'échoppes proposent une multitude de plats, souvent délicieux à une foule non pressée. Il y a les clients qui repartent chez eux avec leurs aliments en sachets plastiques, et il y a ceux qui consomment sur place sur les tables prévues à cet effet. J'apprécie beaucoup ces arrêts dans ces villes, loin du tourisme. En effet, elles ne figurent pas sur les guides, donc les flux occidentaux prennent d'autres directions. Voyager un peu différement implique ne ne pas se fier aux guides et de partir au petit bonheur la chance. On tombe presque toujours dans des coins, où la relation entre autochtones et touristes est agréable voire plus, de grande qualité. Avis aux amateurs, déchirez vos guides!
6 mars Sisaket à Surin 107 km
L'étape de ce matin, la route pure et dure! Grande artère à quatre voies, des camions du trafic et du bruit. Mais la bande de droite, non la bande de gauche (on circule comme les Anglais ici) nous permet de rouler en sécurité.
Platitude avec un petit vent dans le dos, nous avançons entre 25 et 30 km/h, c'est bien agréable malgré l'ambiance grosse circulation. Départ 7h arrivée midi et sans forcer. Il faisait 20 degrés ce matin, nous avions presque froid, 40 degrés à l'arrivée on ne s'en rendait pas compte. Sans le thermomètre on y aurait pas cru.
Tous les jours, où les étapes dépassent les 100 kilomètres, je guette avec un immense plaisir le moment où mon compteur journalier bascule de 99,99 à 100! On s'occupe comme on peut!
J'ai attrapé un début de je ne sais pas quoi, sans doute à cause de la climatisation dans les chambres. Depuis ce matin 3 heures je me suis mis sous antibiotiques pour juguler ce mal de gorge et ce qui va avec.
Nous avons fait une pause café avec petits gâteaux, les serveuses thaïlandaises sont toujours très serviables et souriantes, donc adorables. Si je n'étais pas un jeune marié je n'attendrais peut-être pas d'avoir faim ou soif pour m'arrêter, just joking!
A la sortie du café j'ai rencontré une belle araignée, je vous en fais profiter:
Tout le long de la route, il y a des mares et les Thaïlandais y pêchent des poissons chats. Pendant que nous déjeunons à midi à l'entrée de Surin, je vois un poisson d'une trentaine de centimètres qui saute sur le bord. Je laisse tomber ma fourchette, mon riz et mon poulet et je me précipite. Le temps que j'arrive le poisson chat a effectué des bonds sur les trois mètres qui séparent les deux mares et je le vois s'enfuir dans une eau bien boueuse.
A Surin, hôtel en centre ville. Je viens de trouver des rayons juste à la longueur. Je pense que le problème de casse est définitivement règlé. il nous reste entre quatre et cinq cents kilomètres à parcourir. Nous en sommes à plus de 3600. Les 4000 seront donc atteints si nous n'avons pas de difficultés particulières.
Arrivée prévue à Bangkok le 10 ou le 11 au soir. Nous venons de trouver un itinéraire qui dès demain devrait nous permettre de ne plus rester sur cette véritable autoroute.
Danielle n'en reviendra pas, j'ai cassé mes lunettes et on me les a très bien réparées.
Nous sommes dans les starting-blocks en attente de la tombée de la nuit pour nous précipiter justement au marché de nuit. Ce soir pas de Beerléo, les antibiotiques et l'alcool pas terrible!
7 mars Surin à Nang Rong 100km
Hier soir, comme les jours précédents le marché de nuit était très agréable, et nous avons mangé un excellent poulet accompagné d'un riz très bien préparé avec de nombreux ingrédients.
Nous nous sommes aussi laissés faire par un gros pot dans lequel cohabitaient produit laitier, glace et fruits, un délice et bien bourratif. Et en finale Christian a mangé de l'ananas et pour ma part une sorte de melon rouge, pas très sucré mais frais.
La nuit a été très bruyante, nous avons assez mal dormi.
Notre hôtel présente un aspect un peu "déglingue" mais les chambres à l'aspect plus que désuet étaient propres.
Départ tardif à 7h10. Après 20 kilomètres de grande route, nous en avons emprunté une de moindre importance au trafic faible sur 45 km, puis nous avons retrouvé un grand axe sur lequel les camions étaient très nombreux.
Nous sommes en finale, et nous allons à Bangkok à vélo peut-être aussi un peu pour meubler le temps, notre avion décolle le 17. Nous prévoyons encore trois étapes dont une grosse demain, 130 kilomètres.
8 mars Nang Rong à Wattahana Nakhon 141 km
Aujourd'hui départ à 6h20, longue étape sur route plate. Le plaisir de pédaler est toujours très présent. Cependant l'intérêt du spectacle le long de la route n'est pas énorme. En cette période sèche, où nous n'avons pratiquement pas subi de pluie, la végétation est desséchée et ne présente pas de couleurs très vives. De temps à autre une rizière apporte une touche plus marquée.
Guest house sympathique un peu en dehors de la ville. Ce soir nous n'irons pas au marché de nuit, mais dînerons dans notre gîte.
9 mars Wattahana Nakhon à Phanom Sarakham 124 km
La soirée d'hier soir a été adorable dans le jardin de notre maison d'hotes. Nous avons dîné en plein air au milieu d'une multitude de fleurs. Un nabab avait l'air bien heureux dans cette verdure. Jugez-en par vous-même!
Lever cinq heures trente, petit déjeuner à base de pain de mie et de confiture, très bon. Départ relativement tardif, 6h45. Un très beau lever de soleil juste dans l'axe de la route devant nous. Mais au fait, il y a quelque chose qui cloche, nous devons continuer notre cap plein ouest comme les jours précédents, alors pourquoi ce soleil devant nous? Une seule explication à cette anomalie: nous sommes sur la bonne route, la 33, mais dans le mauvais sens. Bon, la perte de temps est moindre car nous n'avons fait que quatre kilomètres dans la mauvaise direction. C'est dommage de devoir faire demi-tour, car le vent nous poussait.
Je ressens bien la fatigue ce matin. La moyenne est en chute libre. Le trafic s'intensifie, Bangkok est à moins de 200 kilomètres. J'ai lu que 90% du parc automobile thaïlandais se trouvait précisément dans cette zone que nous abordons.
Petite moyenne le long d'immenses lignes droites, nous sommes doublés en permanence par des flots de camions vrombissant. Parfois, je me demande pourquoi venir dans des coins comme celui-là à vélo. Des montagnes de cannes à sucre sont transportées principalement par des semi-remorques.De ces énormes chargements, il se dégage une odeur, un mélange de gaz d'échappement et de fermentation de sucre.
Nous faisons un arrêt pour acheter un melon, que nous dégustons sur place. On nous offre en sus plusieurs grosses tranches de différents fruits, un régal bien réconfortant.
Vers midi, halte dans un restaurant de bord de route. Le trafic bat son plein. Malgré le vacarme que nous subissons en mangeant, nous passons un agréable moment. En effet, la patronne est très aimable et lance de temps en temps quelques mots de français accompagnés d'éclats de rire.
Après m'être alimenté, la forme revient et nous ferons 40 kilomètres de plus. Une courte perte de temps, due à un bruit inquiétant sur la roue arrière de Christian. Nous ne sommes pas sûrs d'en avoir identifié la cause. Tout au long de la route d'immenses travaux sont en cours. Ces pays d'Asie sont en évolution rapide.
Arrivée vers 17 heures, il y a longtemps que cela ne nous était pas arrivé. Nous trouvons avec quelques difficultés un point de chute pour la nuit. Mais si nous avons cherché, nous avons été récompensés, nos chambres sont superbes. Nous devons aller manger un peu plus haut sur une aire d'autoroute. En effet, nous avons fait une trentaine de kilomètres sur autoroute, et demain nous remettons cela. On sent la présence de l'immense ville que nous allons aborder demain, jour de notre dernière étape. Nous avons juste passé les 4000 kilomètres, mon compteur en indique 4004.
10 mars PhanomSarakham à Bangkok 72 km
Aujourd'hui, lever matinal, car nous espérons rejoindre notre hôtel d'arrivée à Bangkok, le 11 janvier. La route que nous comptons prendre est à peine marquée sur notre carte. Nous doutons de pouvoir la trouver dans cette énorme mégalopole que nous abordons.
Les quarante premiers kilomètres sont parcourus en empruntant une autoroute. Nous sommes dimanche, la circulation est moins intense que la semaine. Cependant, par moments nous subissons de véritables "bouffées" de camions. Nous avons le vent dans le dos et nous filons à vive allure. Les quarante kilomètres sont effectués en 1H30.
Le moment que nous pensons délicat de notre itinéraire arrive. Mais contre toute attente, les indices de la carte, coïncident exactement avec le terrain et notre route s'avère belle et en 32 kilomètres elle nous dépose devant notre hôtel. Nous avons eu une petite averse à 30 kilomètres avant l'arrivée. Ce sera la seule tout au long des 4000 kilomètres. Nous nous abrîtons chez un particulier. L'intensité de l'averse faiblit, nous repartons. 15 kilomètres plus loin, il ne subsiste que quelques traces d'humidité au sol. En effet, la température très forte, bien au-dessus des 40 degrés fait rapidement disparaître les flaques laissées par l'ondée.
10h30, nous sommes arrivés, le périple prend fin. Une photo sur laquelle Christian et moi posons, symbolise cet instant mettant un point final à 4077 kilomètres d'errance entre la Thaïlande et le Laos.
11 mars
Voilà, la fin du voyage à deux roues est bien arrivée. Ce matin nous avons mis nos vélos en carton, avec beaucoup de difficultés. Nos emballages n'étaient pas vraiment conçus à cet effet.
Un périple de ce type, il faut laisser le temps passer, afin que les impressions et souvenirs décantent. A chaud on est tout simplement étonné de se lever et de se dire que ce matin on ne montera pas sur le vélo pour effectuer les 100 kilomètres journaliers.
Pour ma part je suis impatient de rentrer. Cependant, la semaine qui nous reste à passer à Bangkok je vais la mettre à profit pour découvrir un peu plus la Thaïlande, ce pays que j'ai beaucoup aimé, dans ses coins boudés du tourisme.
Pour terminer, un immense merci à tous ceux qui nous ont suivis et encouragés, car de temps en temps on se pose des questions et on culpabilise en laissant sa famille. D'ailleurs l'une des tantes de Danielle m'avait dit un jour: vous savez comment cela s'appelle ce que vous faites, de l'abandon de famille! Elle n'avait pas totalement tort. Et donc un tout dernier mot, un grand merci à Danielle qui me supporte et qui ne s'en va pas malgré mes pulsions d'errance. Je te chanterais bien Nougaro "tu verras tu verras", mais tiendrais-je ma promesse?
Peut-être à une prochaine aventure d'une manière ou d'une autre
16:18 Publié dans voyage à vélo | Lien permanent | Commentaires (6)
24/02/2013
Deux mois autour du Mékong à vélo quatrième partie: Vientiane Paksé par les plateaux du centre
20 février Vientiane à Thaoy Noy 116 km
Ce matin petit-déjeuner à 7 heures pour un départ prévu une demi-heure plus tard. Mais c'est compter sans les rencontres de dernière minute. Tout d'abord, un jeune Irlandais, qui voyant nos vélos chargés vient nous parler. Il a traversé les Amériques de l'Alaska à la Terre de Feu à vélo en 15 mois. Bien évidemment, cela ouvre le champ des discussions! Ensuite, nous tombons sur un Français, déjà vu la veille, qui vit en Thaïande. J'en profite pour lui demander son avis, carte à l'appui, sur les différentes options que nous envisageons dans la dernière étape de notre voyage, lorsque nous retournerons en Thaïlande. Mon choix serait plutôt de longer la frontière cambodgienne en se rapprochant de Bangkok. Christian serait plutôt tenté par une descente en train vers le sud pour aller au bord de la mer. Ma priorité étant de rouler, je privilégie toujours l'option qui nous permettra le plus grand nombre de jours à vélo. D'autre part, le trajet qui a ma faveur sera très certainement beaucoup plus tranquille que les plages du sud. Nous disposons encore d'une douzaine de jours pour trouver un terrain d'entente. Il y a aussi un aléas, la manière dont mon vélo va tenir!
Donc, notre départ se fera péniblement à huit heures passées. Il nous faudra affronter les chaleurs du début d'après-midi. Les premiers kilomètres sont effectués le long de la grande esplanade dominant le Mékong. A cette heure, somme toute matinale, nous sommes presque seuls.
Une fois arrivés à la limite sud de la ville, nous prenons une route secondaire qui nous permettra de rester au plus près du fleuve. Dans un premier temps, nous passons sous le pont qui communique avec la Thaïlande en enjambant le Mékong. Nous sommes passés sous ce même pont mais sur l'autre rive, il y a tout juste un mois, alors que nous roulions vers le nord de la Thaïlande. Un peu plus loin nous voyons distinctement la petite ville de Nong Khai, où nous avions séjourné deux jours.
Un voyage de deux mois, parfois cela paraît long, et à d'autres moments cela sembe très court. Je n'ai pas le sentiment qu'il y a déjà un mois, nous remontions la rive opposée du Mékong, et que nous avons parcouru presque deux mille kilomètres depuis. En effet, aujourd'hui nous allons dépasser les 2500 kilomètres.
Notre route, après le fameux pont "friendship bridge", pont de l'amitié en français, se transforme en piste. Tout d'abord elle est pleine de trous, ce qui rend la progression lente, pénible et dangereuse pour nos vélos chargés. Plus loin, elle se révèle plus plate, mais plus poussièreuse. L'expérience de la piste se déroulera durant quarante kilomètres. Nous retrouverons alors le goudron. Je m'y trouvais bien sur cette piste, bien qu'enveloppé de pousssière. Dans ces cas j'ai vraiment l'impression d'être parti loin. Et puis la poussière, certes elle n'est pas très agréable à respirer, mais la fumée noire des camions sur les axes goudronnés ce n'est pas vraiment mieux! Car, bien que plusieurs personnes nous aient dit que le trafic n'était pas très important au Laos, il est loin d'être négligeable.
Vers 13h30, une halte dans un petit restaurant de bord de route est la bien-venue. Nous y mangeons une belle assiette de soupe aux pâtes, accompagnée de crudités, comme bien souvent au Laos. Nous repartons pour 45 kilomètres sous une chaleur importante. Je décide de remplacer mon casque par le chapeau que je me suis acheté il y a deux semaines. Où est la sécurité optimale: garder le casque pour éviter les chocs en cas de chute, ou mettre le chapeau pour éviter les coups de chaud à la tête?
Vers les 16 heures après quelques recherches nous optons pour un logement dans la petite bourgade de Thaoy Noy. Les prix ne sont pas aussi bas qu'annoncés au Laos, bien qu'ils restent très abordables. Ces deniers temps, ils ont une fâcheuse tendance à augmenter rapidement d'une année sur l'autre. Par exemple la guest house dans laquelle nous avons dormi deux nuits à Vientiane, le prix annoncé dans notre guide 2013, qui en réalité datait de trois ans, car seule la couverture avec en gros 2013 avait était mise à jour, eh bien ce prix a été multiplié par trois. On nous a expliqué que ces pays asiatiques étaient en train de changer leur politique touristique. Ils ne seraient plus intéressés par le flux d'Occidents fauchés à la recherche de vacances pas chères. Ils se tourneraient plutôt vers une clientèle haut de gamme qui ne regarde pas à la dépense. Ainsi, nous avons constaté que les hôtels de bon standing se mettent à pulluler, et que la clientèle chinoise, équipée de grosses voitures, y est abondante. Je crois qu'en Europe nous ne sommes qu'au début de nos soucis économiques devant la montée en puissance de l'Asie avec ses milliards d'habitants, qui sont particulièrement durs à la tâche et de plus peu revendicatifs.
21 février Thaoy Noy à Paksan 67 km
Ce matin départ à 7h10, il commence à faire beau dès le matin. Finies les brumes matinales, nous pouvons assister au lever du soleil, ce que nous ne pouvions faire au cours des deux semaines précédentes. L'étape de la journée ne sera pas très longue, 67 kilomètres, que nous parcourons en moins de trois heures, à la moyenne de 24km/h. Notre étape prend fin vers les 10 heures, mais c'est agréable de pouvoir prendre son temps. J'en profite pour faire une grosse lessive, enfin grosse toute relative!
Nous somme dans une guest house très sympathique. Le propriétaire parle bien le français et sa femme l'anglais. Cette dernière nous offre des fruits à section en étoile de son arbre, caroube, je crois. Ce fruit nous l'utilisons en France pour la décoration de certaines présentations. Mais c'est la première fois que je mords à pleine dent dans ce type de fruit après l'avoir cueilli sur l'arbre. S'il est bien mûr, il dégouline d'un jus abondant un peu assidulé. Un couple de cyclistes allemands arrive un peu après nous. Au Laos ils ont suivi le même itinéraire que nous. Les deux jours qui viennent nous devrions encore faire route commune, puis ils partiront à l'est sur le Vietnam, alors que nous resterons au Laos en mettant la cap au sud.
22 février Paksan Viang Kham 91 km
Départ matinal, vers les 7h, après avoir concocté notre un petit-déjeuner à base de café froid, de lait concentré et de gâteaux pas très bons. Contrairement à la Thaïlande nous commençons à trouver la nourriture peu variée et pas toujours très appétissante. A part quelques exceptions nous n'avons jamais mangé un bon poulet rôti comme en Thaïlande.
Question nourriture à plusieurs reprises des cyclistes rencontrés nous ont fait des remarques à ce sujet en comparant avec les différents pays des environs par lesquels ils sont passés.
Le ciel est couvert, ce qui est agréable pour rouler. Cependant, un vent irrégulier se lève. Jusqu'à présent nous n'avions pas connu ce phénomène météorologique.Serait-il lié à l'approche des premières pluies de mousson, qui d'ici un mois au plus tard vont sévir?
Tout surpris, nous voyons arriver Stéphane, qui nous rattrape. Il nous dit un grand bonjour. Je suis tout content de le voir. Il a bien trouvé le petit mot que je lui avais laissé. Manifestement la brouille n'est pas d'actualité!
Tout en roulant, un petit clic métallique m'inquiète. Je m'arrête, le constat est sans appel, encore un rayon cassé. J'essaye de rejoindre au plus vite Stéphane et Christian qui me précèdent de cinq cents mètres. Je vais mettre plusieurs kilomètres, et enfin ils m'entendent les appeler. Ma roue n'est presque pas voilée. Nous atteignons le prochain village et nous effectuons la réparation. J'utilise le rayon, un peu plus court que les miens, celui que Stéphane m'avait donné il y a dix jours. Ca a l'air d'aller. Il ne m'en reste plus qu'un dernier. Notre itinéraire prévu dans quelques jours à travers pistes, il n'est plus question d'y penser. Nous allons rester sagement sur route goudronnée avec l'espoir d'atteindre Paksé dans quelques 600 kilomètres, sans nouvelle casse.
Après le réparation Stéphane nous dit au revoir, cette fois définitivement. En effet, il compte encore parcourir plus de 120 kilomètres aujourd'hui, ce qui lui fera une étape de quelques 200km! Le 3 mars il compte être à Bangkok, ce qui fait des étapes bien supérieures à cent kilomètres chaque jour.
A l'étape, dans un village sans relief de croisement de routes, dans un vent fou, qui soulève des nuages de poussière nous trouvons après bien des recherches, un logement convenable. Nous y retrouvons notre couple d'Allemands. Nous déjeunons d'un excellent poulet bien grillé badijonné avec une sauce au citron. Le restaurant est une cour des miracles, qui vibre au passage des camions et des cars, et où chats, chiens, poules et coqs viennent quémander quelques restes, et même vont directement dans les poubelles se servir sous le comptoir! Mais tout se passe dans le calme et l'impassibilité asiatique.
23 février Viang Kham à Nahim 44 km
Ce matin nous allons quitter pour quelques centaines de kilomètres la grande route du bord du Mékong. Cependant le trafic restera relativement important, car la frontière du Vietnam est à une centaine de kilomètres et le transport routier y est assez important. Mais les gros camions ne sont pas les plus dangereux, car ils sont très respectueux des cyclistes. Notre guide (livre) parle d'un trafic de chiens entre la Thaïlande et le Vietnam, ces animaux étant consommés dans ce pays. Certains poids lourds en transporteraient jusqu'à un millier. Ce commerce serait très lucratif.Nous n'avon pas entendu aboyer.
Nous nous attendions à de très longues montées. Il n'en est rien. Peut-être 500 mètres de dénivelé, mais nous les remarquons tout juste. Il faut dire que cela fait 45 jours que nous roulons et les muscles sont bien entraînés.
Les paysages deviennent plus jolis que ceux de ces derniers jours. Les formations karstiques font leur apparition. Il est étonnant de voir ces grandes falaises calcaires de couleur noire. Par moments, on pourrait se croire dans certains cirques de roches métamorphiques du Massif Central, alors que nous sommes en pleine zone calcaire, étrange!
Vers 10 heures nous atteignons notre but de la journée. Nous trouvons un logement de très bonne qualité. A 12h30 nous prenons le bus pour aller visiter la grotte de Tham Konglor située à 45 kilomètres. Un trajet en bus de temps à autre n'est pas désagréable! Nous remontons une immense vallée toute plate à la terre aride, entourée de belles falaises noires.
La visite de la grotte s'effectue en pirogue à moteur. En fait, il s'agit d'une rivière sousterraine qui traverse une montagne sur 7,500 km. Le trajet aller-retour s'effectue en deux heures. Par endroits, il n'y a pas beaucoup d'eau et la pirogue émet des gémissements sinistres en raclant le fond! A une étroiture de la rivière, notre équipage, deux adolescents, nous fait descendre Christian et moi, pour faire franchir à l'embarcation une petite cascade. Manifetsement ils s'y prennent assez mal et la pirogue se remplit. On vient à la rouscousse pour les aider à sortir le bateau des rapides, car il s'alourdit dangeureusement. Il s'ensuit une bonne séance d'écopage.
Cette visite est intéressante et nous ne regrettons pas d'y être venus. Nous sommes aussi contents de nous être logés à 45 km, car le lieu est envahi d'une masse de touristes occidentaux qui cherchent le gîte et le couvert. Je suis toujours étonné de voir ces points de focalisation d'Occidentaux, alors qu'en dehors de ces endroits précis, nous n'en voyons quasiment aucun. D'autre part, il ne s'agit pas de retraités qui cherchent à occuper leur temps définitivement libre, mais de jeunes hommes et femmes entre 20 et 35 ans, qui se baladent des mois durant. Le problème de l'emploi en Occident n'a pas l'air de les préoccuper, ou alors c'est parce qu'ils n'en trouvent pas qu'ils partent se promener? Cela reste un mystère pour moi.
24 février Nahim à Lak Sao 59 km
Ce matin nous disons au revoir à Stefie et Marcus, le couple d'Allemands avec lequel nous faisons route depuis trois jours. Aujourd'hui nous attaquons par une côte de 8 kilomètres d'entrée. L'envie de pédaler n'est pas très forte. Je suis à l'écoute de tout bruit, qui pourrait se produire sur mon vélo, avec la peur d'un nouveau rayon cassé. Ne nous laissons pas submerger par le stress!
La route, ce matin, est magnifique, elle suit une vallée encaissée entre de belles montagnes, qui viennent s'immerger dans une forêt aux très hauts arbres. Le vent est bien souvent défavorable, mais l'étape est assez courte. Vers 9 heures nous faisons une longue halte dans une petite échoppe en bord de route. Nous y buvons un café chaud et mangeons quels gâteaux. Nous avons du mal à repartir tellement l'ambiance est paisible. Nous sommes dimanche et la circulation est faible. Cela nous change de la majorité des routes que nous avons parcourues depuis notre arrivée dans le pays.
Un serpent mort en bordure de route. J'en fais quelques photos et le prends par la queue. Les véhicules, qui passent freinent et les conducteurs sont intrigués. Avis aux amateurs: qui peut donner le nom de ce serpent?
k
06:48 Publié dans voyage à vélo | Lien permanent | Commentaires (8)