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27/09/2009

Sarajevo deux époques

 

 

 Sarajevo deux époques, souvenirs, anecdotes

 

 

Sarajevo, cette ville au nom évocateur, qui tient une place particulière   dans l'histoire de l'Europe, j'ai eu l'opportunité de la connaître à deux époques relativement rapprochées mais très différentes. La première fois, quatre mois durant le siège en 1994 en pleine guerre de Bosnie, et la seconde en  effectuant un bref passage de deux jours en 2008 au cours d'un périple balkanique. Ces deux expériences dans des contextes opposés, me permettent de mettre en exergue tous les contrastes d'atmosphère au gré des circonstances et des événements que  cette ville magique a connus.

L'été 1994 arrive à grands pas, j'ai programmé mes vacances, j'irai faire de l'alpinisme du côté de la Vanoise. Brutalement à deux jours du départ, changement de destination, on m'informe que je pars à court terme pour Sarajevo dans le cadre des missions de guidage d'avions de combat. A  peine le temps de prendre quelques habits, prévenir ma famille et je suis en route pour une formation accélérée afin de me remettre en tête les techniques aéronautiques appropriées. Les cours théoriques et pratiques sont prodigués par de braves Américains qui n'ont jamais imaginé que sur la terre des gens pouvaient parler autre chose que leur langage qui s'apparente plus à une suite d'acronymes et d'onomatopées à peine prononcés qu'à de l'anglais ! Après une injection à haute dose d'une semaine, je prends la direction de la Bosnie, plus spécialement Sarajevo et son siège. Survol des Alpes, je distingue très nettement les montagnes que je voulais grimper à proximité du col du Mont Cenis, mais l'aventure sera différente.

 

Je suis arrivé sur l'aéroport surchargé de matériels et d'hommes. La première urgence est de trouver à se loger avec mon équipe, nous sommes 7. On déniche un petit réduit, digne des plus minuscules refuges que j'ai connus en montagne. A 7 nous nous empilons sur 6 mètres carrés, mais ça va. Il ne fait pas froid nous sommes en juillet. D'ailleurs on pourrait avoir très, très chaud, car notre réduit est adossé au dépôt de munitions de la légion étrangère, un obus mal placé et nous prenons un billet direct pour la vaporisation. Nous allons vivre dans cet espace réduit quelques semaines, mais l'activité était si intense que lorsque nous le rejoignions nous nous écroulions dans le sommeil.

 

Ma première sortie dans la ville me permet de saisir immédiatement l'atmosphère qui y règne. Cité complètement bloquée où tout le monde se cache. Les rues sont désertes, la population vit, comme des rats, terrée. Les militaires dans les blindés et engoncés dans leur gilet pare-balles sont les seuls à donner un peu d'animation à la cité. Rarement, toujours furtivement on aperçoit un civil qui presse le pas dans une rue et disparaît bien vite pour éviter d'être tué par une balle qu'elle soit perdue ou non.

 

La ville de Sarajevo occupe le fond d'une cuvette toute en longueur. Du fait de son développement, les maisons par manque de place ont colonisé les collines environnantes. Des quartiers serrés se pressent tout au long des pentes de cette multitude de buttes raides, qui rentrent carrément dans la ville basse et l'encerclent de toutes parts. En levant les yeux, la première chose qui frappe, ce sont les façades de maisons individuelles qui constellent tous les reliefs environnants. Il ne faut pas de grandes explications pour comprendre, que de toutes ces fenêtres en encorbellement, des multitudes d'yeux vous regardent voire vous surveillent. Elles sont innombrables, les unes sur les autres, tout au long de ces grandes pentes qui tombent dans la ville. Tels de gros yeux inexpressifs mais lourds de menaces dissimulées, elles peuvent à tout moment prêter assistance à l'auteur d'un assassinat, tapi à l'abri de la lumière, son arme de précision à la main. On imagine facilement tous ces guetteurs scrutant l'immobilité de la ville. Combien de snipers, qui vous prennent dans leur croisillon, se cachent derrière ces ouvertures, à dessein pleines de pénombre? Combien de fois, montant les escaliers de la fameuse patinoire la Skandéria j'ai senti ces regards sur moi. L'impression est étrange et désagréable, mais il ne sert à rien de lever les yeux, cela pourrait juste être pris pour un acte de provocation, et souvent la susceptibilité du tireur est proportionnelle à son taux d'imbibition à la slibovitch, alcool blanc de prune.

 

Au cours de différentes missions, je suis amené à remonter des rues remplies de carcasses de voitures et de trams bombardés et incendiés, on se croit dans un film de fiction, des spectacles dantesques de rouille et de fer tordu, mais non c'est la réalité. Par endroits, il faut bousculer certains obstacles avec le blindé pour passer sur ces chaussées recouvertes de gravats.

Lors de ces déplacements en véhicules, des gens nous regardent à la dérobée. Dans les jardins de nombreuses maisons particulières les voitures sont bâchées et protégées dans un recoin de terrasse, en attendant des jours meilleurs où il y aura de l'essence, des routes en état et plus d'obus qui s’abattent selon une logique parfois difficile à saisir.

 

Assister au bombardement d'une ville est une expérience étrange. De gros obus frappent de plein fouet des façades qui s'écroulent dans des nuages de fumée. Les obus lorsqu'ils vous survolent, vous réalisez avec précision le danger qu'ils représentent. S'ils font un bruit strident et aigu, cela signifie qu'ils ont une vitesse élevée et qu'ils vont aller frapper plus loin. Par contre s'ils font un bruit plus mat avec des flop flop, cela trahit une vitesse faible et un engin qui commence à tanguer sur son axe, d'où une chute dans les environs. On apprend très vite, en regardant les autres, à réagir. J'ai fait cette découverte sur une colline en présence d'un groupe de Bosniaques, alors que je faisais des repérages concernant le positionnement des différentes forces en présence. La ville était sous le bombardement régulier de canons serbes de gros calibre. Nous nous trouvions sur la trajectoire des obus, mais bien en-deçà de leur point d'impact. Nous les entendions donc nous survoler dans un sifflement strident. Soudain, un bruit beaucoup plus bas, accompagné du fameux flop flop, décrit si souvent par les poilus de la grande guerre, a provoqué une réaction de fuite immédiate de mes interlocuteurs bosniaques. Effectivement un gros obus est tombé beaucoup plus près que les précédents mais à une distance, où le danger restait faible. C'est ce qu'on appelle apprendre par l'expérience ou sur le tas.

 

Dans la ville de Sarajevo une petite communauté de Croates se trouve prise en otage entre les Serbes et les Bosniaques. Participer à un office religieux parmi ce groupe catholique est très poignant. Même là, il faut se méfier du scoop journalistique, on pourrait rapidement faire croire en juxtaposant sur une même photo un militaire français et une religieuse croate que nous sommes là pour prendre parti en leur faveur. Bien sûr que leur situation nous émeut, bien sûr que dans la mesure de nos moyens nous les pourvoyons en nourriture, mais nous le ferions de la même manière pour les autres communautés, lorsque des êtres humains sont dans la nécessité impérieuse ils méritent une égalité de traitement. Dans cette petite communauté acculée, la ferveur est très importante, jeunes et vieux montrent la même foi. Je me souviens d'une anecdote amusante malgré la situation.  Le prêtre de la légion étrangère française célèbre l'office au cours duquel il se réfère aux noces de Cana. Le légionnaire d'origine croate, lui servant d'interprète, traduit par noces de canard, d'où éclat de rire franc de toute la communauté croate. La difficulté et l'incertitude extrêmes n'enlèvent pas à l'être humain son sens de l'humour et son envie de rire. C'est rassurant. Bien que n'étant pas particulièrement pratiquant, ces offices me bouleversaient par la conviction et l'espérance qui émanaient de cette population martyrisée. Le fait d'y penser quinze ans après, je sens toujours monter en moi de l'émotion.

 

Observateur de cette situation dramatique que vit une population à trois entités et aussi un peu acteur  pour essayer d’y remédier, on ne peut qu'éprouver un réel malaise en constatant toute la frénésie de ce qu'on appelle l'information pour contenter le voyeurisme de nos populations occidentales. Il faut dire que c'est tentant, bien installé chez soi le soir à vingt heures de regarder le sacro-saint journal télévisé qui distille sa kyrielle de faits divers sordides. Montrer des obus écraser une cité qui vit ou plutôt survit dans une immense détresse, c'est l'assurance de faire exploser l'audimat. Pourquoi le spectateur qui se cache en chacun de nous est-il si friand de ce genre de spectacle? Voyeurisme par rapport à la mort, réconfort de voir qu'il y a plus malheureux que nous, oublier ses petits déboires quotidiens professionnels ou sentimentaux?

 

J'ai été au cours de mes nombreux déplacements témoin de situations curieuses, que je ne comprenais pas toujours. Sur la fameuse «snipers allée» complètement déserte, un cycliste, seul sur l'immense ruban de goudron, marche recroquevillé son vélo à la main, et semble se protéger derrière le cadre de sa bicyclette, étrange ! Face à lui les hautes façades d'immeubles, desquelles des yeux amis et d’autres hostiles le surveillent, ces derniers prêts à délivrer la mort. Cette scène est surréaliste, le temps semble suspendu. L'hésitation de l'individu, de toute évidence dans une mauvaise situation est angoissante. À chaque instant on s'attend à entendre un bruit sec se répercutant le long des murs et voir l'homme et son vélo s'abattre au sol. Ce spectacle fait véritablement mal par la tension qu'il engendre.

En bruit de fond permanent le son des détonations rappelle que la guerre est présente. On s'y adapte au point que l'absence de tir semble anormale. Se réveiller au bruit de la poudre devient une habitude, un peu à la manière du chant des oiseaux au printemps qui accompagne la reprise de conscience au sortir du sommeil. Lorsque je suis rentré en France, la première semaine j'étais réveillé tôt à cause justement de l'absence de ce bruit de fond qui m'avait accompagné durant quatre mois. L'accoutumance est telle, que le retour à la vie normale semble bizarre. Dès mon arrivée chez moi, je suis parti en montagne remonter le canyon de la Niscle dans les Pyrénées espagnoles. Ne plus avoir à porter un gilet pare-balles, ne plus faire attention aux mines, ne plus chercher le sniper embusqué, pouvoir se déplacer sans contrainte sur de grands espaces, cela procure une sensation étrange, comme si le retour à la normale nécessitait une rééducation. En quatre mois de conditions particulières, on s'adapte très fortement à la situation locale et l'on ne réalise pas à quel point cette adaptation formate les actions réflexes. De façon étrange dans ce canyon de la Niscle, qui est une œuvre de la nature titanesque et de grande beauté, je me sentais comme dans un environnement inhabituel par cette absence de dangers. Il faut se réhabituer à la normalité, et je comprends très bien qu'après des expériences extrêmes, ce qui n'a pas été mon cas, cette réadaptation soit très longue, voire impossible.

 

J'ai lu à plusieurs reprises des comptes-rendus de voyages en zones de guerre. Ces pratiques suscitent des critiques parfois acerbes, le voyeurisme étant considéré comme indécent. Cela me semble logique, et effectivement, je ne sais pas ce que j'aurais ressenti si j'étais venu simplement me promener, attiré par une curiosité malsaine. Je n'étais pas dans ce cas. Je me demande quelle différence existe entre le touriste en zone de guerre et le journaliste qui couvre l'événement? Ce dernier ne fournit-il pas un document et des photos, choc des images oblige, à des gens curieux de voir plus que de savoir, poussés par ce qu'il faut appeler l'attrait du spectaculaire morbide donc du voyeurisme ? Mon premier réflexe serait de condamner le tourisme en zone de conflit, alors pourquoi permettre les scoops souvent violents des reporters, qui sous couvert d’information visent au sensationnel si possible bien sanguinolent? Bien sûr, il me sera répondu qu'il s'agit du devoir d'information. Mais s'agit-il vraiment d'information ou d'un business lucratif à la limite de la décence ? Les journalistes, j'en ai croisé un certain nombre durant cette saison en Bosnie. Comme nous tous, ils faisaient leur métier, même si parfois « JT » oblige, contrainte de temps incompressible du 20h, les informations étaient à mon sens un peu arrangées voire beaucoup. L'obus de mortier filmé était peut-être payé et pas forcément attribué au bon camp, d'où la ire du camp en question. Il nous arrivait même de recevoir des obus après le fameux JT en guise de protestations, tout du moins c'est ce que j'ai ressenti.

 

Cependant la visite des journalistes était toujours intéressante, révélatrice du mode de fonctionnement de nos sociétés, prises sous le feu des scoops et de l'information immédiate. Cette précipitation à rapporter de l'information, conditionnée par l'urgence du produit à livrer, quelles que soient les conditions de la collecte et la crédibilité des sources, conduit très logiquement à la désinformation ou même dans certains cas à la manipulation. Je me souviens avoir vu certains impacts de balles troublants sur certains véhicules, qui me faisaient penser qu'ils avaient été demandés par les occupants du dit véhicule pour les besoins du sensationnel à médiatiser. Peut-être ai-je l'esprit mal tourné? En effet lorsque l'on me présente des traces de balles prétendument tirées par un sniper et que je vois des impacts très rapprochés, semblables à une rafale d'arme du style kalachnikov, je me pose des questions! Mais imaginons le ou la reporter qui couvre l'événement du siège de Sarajevo et qui un soir ne rapporte rien de très spectaculaire pour la ‘grand messe’ de 20heures, alors que ses concurrents des autres chaînes font un tabac. Il est fort à parier que ce journaliste va se retrouver très rapidement dans un placard à couvrir le fait divers en province. Donc dans cette surenchère de la précipitation, pour ne pas perdre son emploi, on est prêt à tout pour ne pas priver le bon peuple de France de son coup d'adrénaline en mangeant sa soupe devant son téléviseur. Il est important de lui montrer que ça pète, et mon Dieu que ce soit les uns ou les autres qui font péter ça n'a pas d'importance. Cela en a d'autant moins, qu'entre Serbes, Croates et Bosniaques la majorité des spectateurs ne fait pas la différence et puis s'en fout. L'important étant que ça pète autant que dans la série américaine sur laquelle ils vont embrayer dès le JT terminé. Je ne citerai pas les noms de chaînes dont j'ai vu, je dirais même subi les sarcasmes des représentants, qui dans l'anxiété de ne pas avoir suffisamment de matière à transférer par leur antenne satellite, me reprochaient de faire de la rétention d'information. Mais comment se prononcer sur une situation que l'on ne cerne pas complètement, mouvante à souhait, toute erreur d'interprétation pouvant avoir des répercutions graves. Tout particulièrement étaient concernés ceux qui restaient sur le terrain, les représailles n'étaient pas exclues de la part d'une faction que l'on aurait accusée à tort d'une action perpétrée par l'ennemi. Je trouvais dommage d'avoir à considérer les journalistes de mon propre pays comme un danger pour ma sécurité et essayer de les fuir autant que je pouvais. Je me souviens cependant d'un journaliste de Libération qui venait sur les zones de confrontation et qui posait peu de questions, mais cherchait à se faire sa propre idée de la situation. En le regardant, je comprenais qu'il mûrissait son article et qu'il n'était pas pressé. Ce qu'il fournirait serait certainement le fruit de sa conviction après son expérience sur le terrain et non un show médiatique à consommer le soir même.

 

Vie en zone de danger, comme il est étrange en tant que militaire de vivre dans des endroits où l'on se sent menacé sans être confronté à la guerre telle que nous l'avons tous gravée en nous par la narration des grands massacres entre Occidentaux. En effet, les deux conflagrations mondiales ont conditionné notre vision d'un conflit. Nous imaginons tout d'abord une hécatombe de militaires, comme par exemple sur les plages de Normandie ou dans les tranchées de Verdun ou de la Somme. Cela ne veut pas dire que les civils ont été épargnés dans ces périodes troublées. Là à Sarajevo pour les soldats internationaux, il s'agit plutôt de vie sous menaces multiples, mais non de danger de mort immédiate comme à Omaha Beach. En effet, durant mon séjour pas un seul soldat des forces internationales ne sera tué, tant mieux. Pour se préserver sur les itinéraires que nous empruntons à pied, des levées de terre ont été faites, ce qui permet un abri relatif contre les snipers. Mais par endroits, il y a des interruptions, par exemple aux carrefours, et là, on reste à découvert. C'est le cas en particulier pour accéder à la machine à laver, un petit passage devant le croisillon d'un fusil à lunette, mais on va quand même nettoyer son linge. C'est aussi le cas pour se rendre à une citerne où nous allons puiser de l'eau pour nettoyer les WC, égalité de traitement, quelque soit le grade chacun va chercher son seau pour les toilettes.

Cette ambiance sous contrainte, on s'y habitue tellement que parfois cela en devient dangereux. Je me souviens de ce militaire monté en haut de la protection de terre et qui fumait tranquillement sa cigarette sous le regard de snipers. Il m'a de toute évidence pris pour un mauvais coucheur, lorsque je lui ai donné sèchement l'ordre de redescendre fumer à l'abri.

Je pourrais relater d'autres anecdotes de ce genre qui me viennent à l'esprit, cependant ne vous y trompez pas cela n'enlève rien à l'extrême compétence et au dévouement sans faille des militaires français. Dans le cadre de ces coalitions aux ordres de l'ONU, on se trouve comme pris dans une énorme machine administrative à la réaction molle, alors que des populations vivent des situations dramatiques. Srebrenica et son massacre en sont la preuve manifeste. Assez vite, en ce qui me concerne je me suis fait une idée du niveau de danger auquel j'étais confronté. Bien sûr cela est statistique en fonction des événements que l'on constate. Comme je l'ai dit, malgré les tirs de tous calibres permanents, en tant que soldats de la force internationale, à la période où je me trouvais à Sarajevo, nous étions peu visés. À d'autres périodes ce n'était plus le cas, mais durant les quatre mois où j'ai été présent, nous n'avons eu à déplorer qu'un seul blessé. Par contre parmi les trois entités, bosniaques, croates et serbes les morts se comptaient par centaines, combattants et civils confondus. On prend rapidement conscience, que sur un même lieu, nous ne sommes pas tous soumis aux mêmes conditions et aux mêmes dangers. Parfois je pensais à Chamonix en été et à sa ronde permanente d'hélicoptères lancés dans des sauvetages souvent périlleux pour aider de nombreux alpinistes, ou malheureusement récupérer les corps de ceux qui y laissent leur vie. Durant les deux mois d'une saison à la «Mecque de l'alpinisme» la liste des blessés et de ceux qui ne reviendront pas est longue. Je ne pouvais m'empêcher de penser que statistiquement durant cet été 1994, le grimpeur dans les Alpes était plus en danger que le militaire plongé dans le siège de Sarajevo. Cette comparaison me troublait beaucoup. Comment l'assouvissement d'une passion peut-elle se révéler plus dangereuse que la participation à ce qu'on appelle une guerre, même s'il s'agit de mission d'interposition?

 

Les sorties nocturnes dans la ville pour faire des essais de transmissions avec les avions, alors que les rues ont été rendues aux factions est une expérience pour le moins impressionnante. De nuit comme de jour le travail se fait généralement à partir d'un blindé. Espace carcéral auquel on s'habitue. On a parfois l'impression d'être en immersion dans un milieu glauque, entouré de bruits de tirs, à serpenter parmi des carcasses détruites, parfois des balles de petit calibre claquent sur le blindage. Ne rêve-t-on pas? Sommes-nous dans un film d'anticipation au centre d'une ville soumise à la plus abominable des insurrections? Non, il s'agit bien de la réalité. Dans cette ambiance tendue, la voix nasillarde d'un pilote américain, anglais ou français se fait entendre dans les écouteurs et la procédure de guidage commence. Être le maillon d'une énorme machine de guerre ou de paix, selon le point de vue, raccroche à une réalité palpable et par certains côtés est rassurante, surtout lorsqu'on pense être dans le camp des gentils. De toute évidence être le soldat d'un pays démocratique évite les états d'âme. Notre Président, à cette époque s'appelait François Mitterrand, même lorsque l'on n'a pas voté pour lui, l'image d'humanisme qui lui est attachée rassure le soldat engagé sur sa décision.

 

La vie dans une ville assiégée et affamée par encerclement laisse des souvenirs profonds. Circuler dans un quartier sous bombardement est une situation étrange. Le souffle puissant des déflagrations qui remonte les rues dans un râle rauque est impressionnant. Cela produit un bruit presque épais à la manière d'un gémissement profond et lugubre, canalisé par de hautes façades qui le compriment en lui donnant longueur et gravité. Il se propage accompagné d'une multitude d'échos tout aussi graves qui entretiennent le son. On sait qu'un obus est tombé à proximité, mais on ne voit rien entre les bâtiments, seul ce souffle renseigne sur la proximité de l'explosion. On est d'autant plus surpris, que le sifflement de la munition en vol a été atténué par le bruit du moteur de notre véhicule. Un jour où les tirs étaient particulièrement nourris, j'ai assisté à ce spectacle incompréhensible de civils qui n'avaient pas l'air de paniquer, comme s'il y avait un accord tacite sur le lieu précis du bombardement. Ils restaient sur le pas de leur porte, alors que le bombardement était tout proche. Je n'ai jamais eu d'explications. J'ai vu avec surprise le fameux marché de Sarajevo qui se tenait, même misérablement, alors qu'autour des munitions de gros calibres tombaient.

 

Au cours de nos missions il nous arrivait de dialoguer avec des avions alors que nous étions en pleine ville. Un après-midi, alors que nous stationnons sur la petite place de la patinoire, nous allons commencer une séance d'entraînement aux procédures de guidage avec des pilotes. Le lieu où nous nous trouvons est sous le feu permanent des belligérants qui se battent entre eux. Les armes qu'ils utilisent, principalement de petit calibre, ne représentent pas un réel danger pour nous, dans la mesure où nous restons dans notre véhicule blindé. Avant que la séance d'entraînement commence, je donne mes consignes à l'équipage du véhicule. Je leur précise qu'il s'agit d'un entraînement donc en aucun cas nous ne devons prendre de risque inutile. C'est à dire que tout problème technique de transmission qui nécessiterait une intervention extérieure au blindé ne doit pas être pris en compte, sécurité du personnel est prioritaire. Le contact est établi avec un A10 américain. Au début tout se passe bien, puis le contact radio se détériore. J'ai de plus en plus de mal à communiquer avec l'avion. Tout absorbé à mon travail à essayer d'interpréter les paroles de l'aviateur hachées et baignées dans une importante friture, je ne prête plus attention à mon environnement immédiat. Alors subitement la liaison redevient parfaite et la compréhension mutuelle facile. L'avion ayant fini son passage le calme revient dans l'habitacle de notre blindé. Alors discutant avec l'adjudant des transmissions qui m'assiste, je réalise qu'il était sorti sur le toit changer une antenne pour rétablir la communication, alors que partout autour nous entendions les bruit secs des balles qui frappaient les façades et parfois le métal de notre véhicule. Sans chercher à comprendre, régissant à son seul réflexe de technicien, l'adjudant était monté sur le toit pour changer un embout d'antenne restant exposé de longues secondes aux balles qui fusaient dans tous les sens. Il considérait qu'il avait simplement rempli sa mission. Cependant pour le principe, alors qu’il avait fait preuve d’un véritable courage, je lui ai reproché d'être sorti alors que j'avais demandé de limiter les risques. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser que si la situation se dégradait et si l’on passait à une phase plus offensive, j'étais entouré de vrais combattants qui iraient jusqu'au bout sans se poser de question.

Les périodes de vie en ville alternaient avec les périodes de vie en montagne, sur le fameux mont de Bijelasnica. Lorsqu'on est montagnard, que l'on soit en temps de paix ou de guerre l'attrait de l'ambiance de la montagne reste très fort. Nous logions dans un chalet de bois dans lequel des photos de montagnes prestigieuses étaient accrochées aux murs, en particulier les Tre Cime di Lavaredo et l'Everest. J'ai même trouvé un topo d'escalade écrit en yougoslave.

Décor immense autour de ce point haut qui était le départ de la descente de ski des JO de Sarajevo. Quelques soldats français habitent ce lieu. En fonction des missions le nombre varie de cinq à une petite trentaine. Nous y sommes venus pour la première fois au mois d'août, après que les belligérants l'aient quitté suite à des accords internationaux. À notre arrivée nous découvrons un site dévasté, dans un état de grande saleté. Les derniers occupants ayant déféqué au beau milieu des pièces et saccagé le mobilier.

Nous prenons donc régulièrement nos quartiers dans ces montagnes et remettons de l'ordre dans ce magnifique refuge. Ma mission principale était la détection de tous les matériels militaires dans les plaines environnantes pour les signaler à l'aviation. En conséquence j'ai passé beaucoup de temps assis tout en haut d'une cime à scruter. Il ne m'était jamais arrivé de rester au sommet d'une montagne une semaine complète.  Expérience étonnante et enrichissante, je ne trouvais pas le temps long. Pouvoir assister au cours des jours qui s'écoulent à l'évolution météorologique autour d'un sommet, quel plaisir! Bien entendu, j'y ai connu tous les temps: beau, chaud, soleil, couvert, venteux, pluvieux, froid et même la neige.

 

Le site était d'une grande beauté et très sauvage, bien qu'il s'agisse du sommet d'une station de ski. Le dénivelé était important par rapport à la plaine que nous dominions. De ce point, vers le nord, la vue donnait sur les Monts Igman et ensuite embrassait la cuvette de Sarajevo. Certains jours où la brume remplissait les terres basses, de Sarajevo ne surnageaient au-dessus du brouillard que les tours de retransmission détruites, qui comme des statues fracassées, portaient témoignage de la folie des hommes, qui plus bas s'affamaient et s'entretuaient. Il m'arrivait souvent de venir m'isoler seul assis au sommet.  Tous les matins au lever du jour j'étais un spectateur  assidu de ce moment magique, que tout alpiniste apprécie plus que tout. Pour le montagnard, généralement assister à l'apparition du soleil d'un sommet signifie que l'entreprise de la journée a été un succès puisqu'on est arrivé au but que l'on s'était fixé, donc tout à loisir, l'esprit libre on peut se livrer à ce fantastique spectacle de la nature. Bien évidemment ma situation et les raisons de ma présence étaient bien différentes de la motivation habituelle du grimpeur partant à l'assaut d'une face.

Un matin, à cinq heures, alors que la nuit ne va pas tarder à céder la place à la lumière, assis seul, tous les sens en éveil je m'imprègne de ce spectacle dans ce contexte particulier du siège. Sous Bijelasnica une mer de nuages s'étale, de laquelle sortent quelques points hauts des collines enserrant Sarajevo. La distance à la ville amortit le bruit du canon qui est quasi permanent, et le transforme en une rumeur lointaine, sourde et diffuse. Y a-t-il vraiment la guerre? Ce moment de joie intense que tout alpiniste gardera pour toujours dans son cœur va se produire. À l'est, la clarté se fait de plus en plus nette et les nuages prennent des teintes irisées qui s'étalent du rouge vif au marron sombre presque noir, dans un dégradé continu d'est en ouest. Alors, le soleil perce la couche et apparaît déformé du fait de la distorsion de la lumière traversant l'atmosphère. À cet instant, j'aperçois dans la direction de l'astre du jour deux «bateaux» chevauchant à vive allure cette mer de nuages calme. Enfin, je distingue leurs silhouettes surmontées de leurs doubles dérives caractéristiques. Il s'agit de deux F14 de l'US Navy qui convergent vers ma position, point caractéristique connu de tous les aviateurs de la coalition. Arrivés au pied de la montagne, ils l'escaladent en patrouille serrée au plus près du relief. J'ai tout loisir de les regarder monter vers ma position. L'un des avions me survole de quelques mètres, tandis que le second passe en dessous dans le petit col qui est à ma droite en contrebas. Je peux voir très distinctement les casques de l'équipage de l'aéronef lancé à vive allure. Heureusement que je me suis levé, dire que j'aurais pu rater un tel spectacle, qui restera gravé en moi à jamais. Je ne peux m'empêcher de penser à ma chère maman à laquelle j'ai dit, que j'étais en Italie. Si elle pouvait imaginer «l'enfer» qui est le mien. Je sais que ce genre de réflexion peut choquer, mais c’était bien mon état d’âme à ce moment, confronté à un double spectacle de beauté de la nature au lever du jour et de merveille  technologique, le tout dans un environnement de guerre.

Les journées étaient bien remplies, entre le travail technique, les visites d'autorités alliées ou serbes, de journalistes et même de troupes tentant des actions tout du moins d'intimidation. Dans ce contexte, pris entre les positions des Serbes et des Bosniaques, ce que nous craignions le plus c'était de nous faire attaquer par une faction, qui essaierait d'en rejeter la faute sur leurs ennemis afin que nous les attaquions à notre tour en guise de représailles. Du fait de cette insécurité, lorsque nous restions peu nombreux, nous prenions des précautions particulières, car nous ne pouvions rester éveillés toute la nuit. Nous déployions autour de notre refuge, des systèmes d'alarme constitués de fils fins reliés à des mines éclairantes.

Un soir alors que nous sommes seulement cinq au sommet de cette montagne, réunis pour dîner, une explosion nous indique qu'une mine a été déclenchée. Branle-bas, nous montons rapidement sur le toit, prêts à répliquer en cas d'attaque. Que constatons-nous? Un gros lièvre qui détale et qui de toute évidence était le responsable du déclenchement de notre alarme. Il est étrange de se retrouver couché à plat ventre sur le toit d'un refuge en montagne un pistolet mitrailleur à la main. L'adrénaline dans ces cas est la même que celle qui inonde lors d'un passage difficile d'escalade, tout l'esprit tendu vers l'action. De plus le groupe réagit comme un seul homme, chacun se positionnant au meilleur endroit prêt à faire front. L'esprit d'équipe dans ces situations lorsqu'il est bien rôdé est un atout indéniable. Je ne dirais pas presque déçus, nous retournons terminer notre dîner.

 

A deux mille mètres d'altitude, en l'absence de toute lumière parasite, la nuit est magnifique. En Bosnie à l'été 1994, des lumières parasites il n'y en avait pas, le pays n'étant plus approvisionné en électricité. Au mois d'août à l'époque des grands passages d'étoiles filantes, j'ai assisté de mon promontoire à de véritables feux d'artifices. Ce qui était aussi très curieux à regarder, c'était la ligne de démarcation ou ligne de front entre les belligérants. Autant la journée, elle n'était pas matérialisée à travers les forêts qui s'étalaient à nos pieds, la nuit par contre, les lampes de poche et les petits feux ponctuaient très nettement cette ligne qui séparait des hommes en guerre. Un soir j'étais en train de la regarder serpenter au gré des mouvements de terrain. Un avion m'a contacté pour venir étudier la zone. Dès que le bruit de son réacteur, très ténu à peine perceptible du fait de sa hauteur, s'est fait entendre, la ligne de front s'est presque instantanément éteinte. Dans cette quiétude de l'été, il ne fallait pas se fier aux apparences. Les hommes restaient très vigilants et se guettaient, prêts à donner la mort à l'imprudent qui se serait laissé prendre par la douceur de l'été.

 

Parfois nous étions confrontés à des situations difficiles. Un exemple, à quelques centaines de mètres de notre refuge, se trouvait le cadavre d'un combattant bosniaque en zone serbe. Des tractations par radio sont engagées afin que ses camarades puissent le récupérer. Les Serbes ne s'y opposent pas dans la mesure où, on leur rend la dépouille de l'un des leurs en échange. La réponse du camp adverse est simple: nous ne détenons pas de cadavre serbe, par contre nous avons des prisonniers, nous allons en tuer un, et vous donner son cadavre en échange. La négociation s'est égarée et a traîné quelques jours. Au mois d'août la chaleur aidant, le corps du combattant s'est rapidement métamorphosé et ce sont les soldats français qui sont allés le ramasser afin que les siens puissent lui donner une sépulture décente.

 

Il m'est arrivé d'avoir à participer à des reconnaissances le long de lignes de crêtes, afin de nous assurer que les différentes factions de combattants respectaient bien le retrait auquel elles s'étaient engagées. Hors le contexte très particulier de cette guerre balkanique, le déplacement en lui-même consistait en une magnifique balade sur une crête aérienne, offrant de toutes parts une vue magnifique sur un pays sauvage, très peu habité. Le problème des mines nous préoccupait cependant, et nous faisions attention. Sur ce sol de rocher dénudé, le risque de marcher sur l'une d'elles était faible. Par contre déclencher un système de piège en tirant du pied sur un fil me semblait possible.

 

Un jour où l'activité aérienne était interrompue pour cause de météo très mauvaise, je suis parti me balader dans le brouillard en pleine montagne avec l'un de mes camarades. Outre le danger inhérent à la montagne par mauvais temps, nous ressentions des impressions fortes à l'idée du contexte général de la région à ce moment. Devant nous, une masse sombre apparaît, nous marquons l'arrêt puis nous approchons. Il s'agit d'une stèle à la mémoire de randonneurs morts de froid après s'être égarés dans le mauvais temps. Cet accident remontait à plusieurs années avant le début de la guerre.

 

Depuis mon observatoire, j'ai aussi assisté à la destruction totale de la station de ski olympique par les Serbes. En effet, lorsqu'ils se sont retirés de cette zone, afin d'être sûrs que les Bosniaques n'utiliseraient pas les installations, ils ont tout dynamité. Par un bel après-midi, j'ai vu les pylônes des remontées mécaniques plier sous les charges d'explosif. Le feu d'artifice a duré un certain temps, avec en bouquet le dynamitage avec une très forte charge de bunkers qui se trouvaient à quelques mille cinq cents mètres  de ma position. Des blocs énormes ont été projetés et un immense panache de fumée s'est élevé tel un geyser. L'onde de choc forte a sérieusement secoué notre bâtiment. Ce soir là, tout autour dans un ciel clair il n'y avait que désolation et incendies. En contrebas un très bel ensemble hôtelier finissait de se consumer dans la nuit qui s'installait.

 

 

Bien que souvent isolé sur mon piton, je savais que très vite l'actualité pouvait me propulser au premier plan, au travers d'une déclaration à des reporters français mais aussi serbes. Il m'est arrivé à ce titre une expérience très intéressante et pleine d'enseignements. Ce jour là, nous étions assez nombreux au sommet de la montagne, mon équipe, six en comptant le spécialiste du renseignement, un petit détachement de la Légion pour assurer notre sécurité et un détachement de parachutistes qui effectuait une mission spécifique. En tout, nous étions une bonne  vingtaine. Un nuage de poussière tout en bas de notre montagne attire mon attention. Un véhicule monte. Lorsque j'arrive à le discerner clairement, je constate qu'il s'agit d'une voiture civile non blindée et non tout terrain, donc ce ne sont pas les journalistes habituels, reconnaissables à leur 4x4 aux vitres blindées. Immédiatement j'interroge le spécialiste du renseignement, qui me dit reconnaître ce véhicule. Il s'agit d'une équipe de télévision serbe venant de Belgrade. Qu'est-ce que cela signifie ? Le chemin est long pour arriver jusqu'à nous le long de ce chemin très caillouteux. Nous avons tout le temps de nous perdre en interrogations. Enfin la voilà cette voiture qui débouche sur l'esplanade devant notre bâtiment. Il s'agit d'une petite auto à la silhouette carrée, bien dans la tradition des véhicules des pays de l'est. En sortent deux journalistes, une femme et un homme à l'aspect assez miteux. Ils ne sont pas armés, donc pas considérés comme hostiles. Leur hostilité résidant cependant dans leur caméra. En effet, ne faisant pas confiance aux journalistes français, il est encore moins question de faire confiance à une équipe serbe, qui vient probablement sur instruction. Je demande à chacun de ne pas communiquer avec les nouveaux arrivants. Ayant enlevé mes différents attributs de grade, de nom et surtout d'appartenance à l'armée de l'air, je les laisse s'approcher. Une fois au contact, j'engage la conversation, et je ne juge pas utile de les empêcher de filmer, dans la mesure où nous ne leur parlons pas, afin d'éviter toute tentative de manipulation. Rapidement ils ne semblent plus motivés pour nous filmer, je pense les avoir découragés. Alors le spécialiste du renseignement attire mon attention sur le nouveau nuage de poussière qui vient à notre rencontre. Très vite les véhicules sont identifiés. Il s'agit de l'un des généraux de l'armée serbe de Bosnie accompagné de certains de ses adjoints. Les véhicules s'arrêtent à proximité de celui des journalistes. Le général et l'un de ses subordonnés descendent du premier ainsi que quelques officiers du second. Les journalistes se sont mis en position pour filmer. Je n'ai aucun mandat pour recevoir qui que ce soit de l'un des camps belligérants. Je me tiens donc en retrait, montrant très clairement que je n'ai pas l'intention d'accueillir cette délégation même si à sa tête se trouve un général. Ce dernier juge vite la situation et entreprend de faire le tour de la position. N'étant pas menaçant, ses adjoints non plus, je ne juge pas utile de leur en interdire l'accès. Cependant je les fais suivre par un légionnaire d'origine yougoslave, lui demandant de se tenir à la distance nécessaire et suffisante pour écouter ce qui se dit. La conversation entre ces officiers serbes est édifiante. En gros le général dit : les Français sont là mais n'en n'ont rien à foutre. Ensuite il revient se camper au milieu du terre-plein et attend que l'un d'entre nous vienne à son contact. J'interdis à quiconque de bouger. Alors le journaliste serbe s'approche et me dit que le général désirerait me parler. Ayant pris précédemment les précautions nécessaires afin que les caractéristiques de mon uniforme ne puissent être utilisées à des fins de propagande proserbe, je m'approche. Le général me tend la main, j'en fais de même. Et commence un grand serrage de mains à la mode communiste sous l'œil de la caméra. Je n'apprécie pas et me mets à tourner, pour perturber la prise de vue. Mon interlocuteur me pose un certain nombre de questions que j'élude et il me fait constater que je suis particulièrement prudent. A l'une d'entre elles je réponds que les montagnes de son pays sont très jolies et que j'apprécie d'avoir à m'y trouver. Il regarde les siens un peu interloqué et sourit. Je ne me sens pas particulièrement à l'aise, d'autant plus que le journaliste essaie de me coller le micro sous le nez. Je parle donc le moins distinctement possible tout en tournant, et la langue anglaise se prête bien à la non-articulation. Nous sommes donc tous à tourner sur ce terre-plein au sommet d'une montagne. Même si cela n'a pas duré très longtemps, j'ai eu l'impression d'une éternité. En effet, mes interlocuteurs sont aguerris beaucoup plus que je ne le suis à l'art de la manipulation et de la désinformation, donc je me sens dans cet entretien en position de vulnérabilité. Le général voyant toute l'hostilité passive que je manifeste à son encontre n'insiste pas trop. Il me dit au-revoir et repart avec ses adjoints. La voiture des journalistes les suit dans la foulée. Je ne pense pas qu'ils puissent exploiter les images qu'ils viennent de faire. Cette visite me semble étrange et surréaliste.

 

Nous sommes vraiment dans une situation bizarre au milieu de belligérants qui peuvent investir notre position dans la mesure où ils ne sont pas hostiles, mais auxquels nous nous opposerons s'ils sont armés. Alors que je me perds depuis une heure en conjectures sur la signification réelle de cette visite, l'un des parachutistes attire mon attention sur un groupe d'hommes à pied qui monte la pente raide qui conduit à notre position. Nous identifions tout de suite un groupe de combat d'une dizaine de soldats serbes, cette fois armés. Immédiatement je réunis les légionnaires et les parachutistes et les fais se positionner face à la menace. Les intrus constatent que nous réagissons mais continuent leur progression. À ma droite les légionnaires à ma gauche les parachutistes, échelonnés le long de la crête. Les armes sont clairement mises en position de tir. Ils montent toujours. Par contre ils ne lèvent pas leurs armes. J'y suis particulièrement attentif, car s'ils ont ordre d'attaquer il est fort probable que la première balle sera pour moi. La tension monte très clairement. Le lieutenant commandant le détachement de parachutistes positionné à quelques mètres de moi, tenant son pistolet mitrailleur prêt, m'interroge d'un regard insistant et n'attend qu'un signe de ma part pour tirer dans le tas. Pas de panique, mais ça ne va pas tarder à urger! Ils continuent de monter. Même s'ils ne sont pas directement menaçants, il n'est pas question de les laisser arriver avec leurs armes. Ils ne sont plus qu'à deux cents mètres. Les deux chefs de détachements légion et parachutiste guettent la moindre de mes réactions. J'ai clairement conscience de la décision rapide et lourde de conséquences, que je peux être amené à prendre à la moindre évolution de la situation. Les Serbes sentent que cela ne va pas tarder à dégénérer. Nous avons l'avantage de la hauteur, ce qui psychologiquement est confortable. Alors je vois le chef de groupe de combat serbe poser son arme, tous ses hommes en font de même, mais ils continuent de monter. Pour moi, cela est différent par rapport à mes directives. Je demande aux militaires français tout en restant extrêmement vigilants de ne plus les viser directement. Les Serbes arrivent à notre contact. Ils nous demandent de l'eau. Nous leur en offrons. Nous échangeons quelques paroles en restant les uns et les autres sur nos gardes, faisant attention à tout geste mal interprété, car après ces minutes de grosse tension, il faut revenir au calme psychologique. Puis ils repartent par où ils étaient arrivés. Au passage ils récupèrent leurs armes et disparaissent au bas de la montagne. De toute évidence, leur général les a envoyés pour nous tester. Je ne sais pas à quelle réaction il s'attendait. Par contre, je sais qu'il aurait suffi d'un détail, un petit incident, par exemple un soldat serbe qui trébuche en levant malencontreusement son arme de façon menaçante, et que j'interprète comme un déclenchement d'offensive pour que je fasse tirer sur le groupe.

 

À la fin de ma mission de quatre mois, la passation de consignes à mon successeur m'a une fois de plus amené à vivre une situation chargée en adrénaline. En effet, alors que je le conduisais sur les différents sites environnant Sarajevo à partir desquels nous guidions les avions, il se montra très curieux concernant l'un d'eux. Il s'agissait d'un point haut sur l'une des collines dominant la ville. Sur le mouvement de terrain en face de nous se trouvait une ligne de canons serbes. Afin de les faire désigner aux avions de combat, nous prenions comme point de repère initial une usine dans la vallée sous nos pieds. Cette usine nous ne la voyions pas du fait d'une rupture de pente. Cependant, je savais précisément où elle se situait et j'en connaissais les caractéristiques, car l'aéronavale française m'avait fait parvenir des photos de qualité. Mais mon camarade ne voulant se satisfaire des photos, il me demanda donc que nous allions voir de nos propres yeux cette fameuse usine. Pour ce faire, il fallait passer une petite ligne de crête à partir de laquelle la vue était plongeante sur le fond de la vallée. Je lui dis que cette manœuvre je ne l'avais jamais faite, elle était inutile et de plus fort dangereuse, car considérée à coup sûr comme une provocation par les Serbes. Nous nous dirigeons à pied vers ce lieu, alors que je m'efforce de le convaincre de la stupidité de ce que nous sommes en train d'accomplir. Au moment de passer cette fameuse ligne de crête, un sifflement strident et violent se fait entendre. L'air autour de nous est comme déchiré par une vibration puissante. Nous réalisons immédiatement que nous avons été la cible d'un tir direct. L'obus à pleine vitesse a dû passer dans un rayon d'une dizaine de mètres, mais heureusement un peu au-dessus. Du fait de notre position dominante il a franchi la colline et s'est écrasé loin derrière. Là j'ai dit à mon camarade que je refuse de continuer et je fais demi-tour, il me suit. Un deuxième obus s’abat à une centaine de mètres dans le jardin potager d'une villa en contrebas. Nous nous mettons à courir vers notre véhicule blindé. Une fois que nous sommes à l'intérieur, un troisième obus éclate à proximité et nous recevons quelques pierres projetées par le souffle de la déflagration. De toute évidence les Serbes nous ont fait passer un message, quant aux limites à ne pas dépasser. Je l'ai bien senti depuis quelques mois que je travaille dans ce secteur, qu'il y a un code de comportement non écrit mais bien établi entre eux et nous. S'ils avaient voulu nous tuer je pense que le premier coup aurait été le bon. Cependant plus j'y pense et plus je me dis que ce premier obus est passé très, très près. La moindre erreur de tir de leur part et nous le recevions directement et nous étions transformés en poussière.

Ce sont là des expériences uniques, qui lorsque vous les avez vécues, vous marquent pour votre vie. Face à des décisions lourdes de conséquences que l'on peut être amené à prendre, je constate que je ne me pose plus de questions annexes. Toute la réflexion, que chaque militaire a dû avoir en amont concernant le métier des armes, permet de réagir sans état d'âme mais en gardant en tête les principes de démocratie et d'importance de la vie humaine.

 

Voilà ce que j'ai vécu dans cette ville et ses environs durant quatre mois de l'année 1994. C'est avec beaucoup d'intérêt et une curiosité exacerbée que j'y reviens en mai 2008, au cours d'un périple à travers les Balkans.

 

Mon arrivée se fait par une route à forte circulation, alors que je connaissais ce pays au travers d'un trafic inexistant hormis les véhicules militaires de la coalition de l'ONU.

Donc tout surpris je rentre dans une ville qui n'a plus rien à voir avec celle où j'avais vécu. Très rapidement j'arrive au carrefour où durant quatre mois j'avais connu cette carcasse de tramway tordue et rouillée. Je suis impressionné par l'activité de la ville. Les façades des immeubles gardent les traces de la guerre. Comme il est étrange de voir cette foule dans ces rues dont je garde le souvenir d'un lieu désert, où seules les déflagrations perturbaient le silence pesant. Ce qui me frappe tout de suite une fois de plus, c'est cette foule de constructions escaladant les collines, mélange de maisons de quartiers, de mosquées et de cimetières. Ces derniers ne sont pas cachés par de grands murs afin de les soustraire à la vue. Bien au contraire ces véritables forêts de stèles blanches éclatantes, surgissent un peu partout au gré des reliefs qui enserrent la ville, par groupes plus ou moins importants. Au cours de mon séjour précédent, cette cité, je ne l'avais pas perçue de cette façon, sans doute accaparé à guider des avions à partir de mon blindé.

 

Après renseignement je vais loger chez l'habitant à mi-chemin du sommet d'une colline, où je me rendais fréquemment pour accomplir ma mission. Lorsque je parle au propriétaire de cet endroit que j'avais fréquenté pendant le siège, je le sens un peu gêné. Il me dira au fil de la conversation qu'à cette époque il était réfugié en Suisse. Il n'a pas à se sentir gêné. En effet, qu'aurait-il bien pu apporter en restant ici durant cette période de terreur ? Le quartier est superbe, constitué de petites rues en pente, délimitées par des maisons très balkaniques, un étage maximum, bien propres, badigeonnées à la chaux. De temps à autre une mosquée aux dimensions réduites, avec un minaret noir en bois dépasse au-dessus des toits. Que ce quartier est esthétique ! Sur une fenêtre deux chats sont langoureusement étalés, l'un d'eux est d'une blancheur immaculée et l'absence de contraste sur le mur blanc est étonnante. Sans délimitation aucune on passe de la rue à l'un des multiples cimetières. Les stèles funéraires relèvent plus de monuments historiques que des froides demeures de défunts que l'on rencontre chez nous. En s'y promenant on ressent tout le poids de l'histoire récente et dramatique, mais aussi et surtout de l'histoire ancienne et multiple, chrétienne et principalement ottomane. Le syncrétisme est palpable dans ce mélange de cultures. Ce qui est étonnant c'est qu'une guerre ait pu éclater. Pourquoi des peuples qui ont de tels points de convergence peuvent arriver à se battre. Des origines différentes qui subsistent malgré le temps et qui resurgissent sous le poids des évolutions géostratégiques, sous la pression de systèmes idéologiques du passé. Des chefs à l'esprit obtus, exacerbent les peurs par rapport à l'autre et tout éclate ? Cette différence culturelle entre orthodoxes, catholiques et musulmans, je l'ai connue en Albanie. Mais les situations ne peuvent se comparer. Dans ce petit pays, quelles que soient les origines religieuses, le voisin n'est pas ressenti comme une menace, même si on s'en moque parfois. Sans doute est-ce là tout le côté néfaste d'un politicien, qui de par son formatage idéologique, entretient des barrières entre les différents groupes, alors que son prédécesseur avait maintenu l'union, certes d'une main de fer. Sans doute est-ce facile de dire ce que je dis, la réalité de la relation humaine étant complexe. Peut-être les groupes d'origine différente ne sont pas vraiment solubles entre eux? Adieu les belles illusions de citoyen du monde, image idyllique que nos démocraties colportent de façon un peu hypocrite. Dans notre pays, la France la fraction ethnique est une réalité qui semble devenir de plus en plus visible. On comprend d'autant mieux, alors que nous sommes un pays encore prospère qui se veut démocratique, pays des droits de l'homme, que dans un pays pauvre régi par des règles sorties du communisme stalinien, les explosions entre groupes soient inévitables. Ces clivages qui montent les hommes les uns contre les autres, n'empêchent pas qu'individuellement ces mêmes hommes soient accueillants et très sensibles, c'est tout le paradoxe de la race humaine.

 

En tout cas je ne suis pas très optimiste pour le devenir de la Bosnie et de Sarajevo en particulier. Ce que j'y ai vu en 2008 n'est pas très rassurant. J'ai ressenti que si en apparence les frontières n'existaient plus, les différents groupes les situaient toujours avec précision. Si nous, Occidentaux, nous pouvons passer dans les différentes zones de Bosnie, les autochtones semblent beaucoup plus cantonnés par secteur. Par exemple il n'est pas possible de faire le tour de l'aéroport de Sarajevo en bus. De façon inexplicable à première vue, il s'arrête à un endroit et ne va pas plus loin. Cela semble correspondre aux limites de la zone de front que j'ai connue il y a plus de vingt ans.

 

Ayant donc utilisé le bus jusqu'à son terminus je continue mon tour à pied et je tombe sur le fameux tunnel, dont à l'époque nous ne savions pas s'il s'agissait d'un mythe ou d'une réalité. Que d'émotion cela me procure d'y pénétrer. Ce tunnel permettait aux Bosniaques de rejoindre la ville de Sarajevo en passant sous l'aéroport, car tous les accès terrestres étaient tenus par les Serbes, ou maintenus sous leur menace. De son point d'entrée sous terre je distingue très nettement le bâtiment de l'aéroport dans lequel j'avais été logé au cours de mon dernier mois de présence. Me revient à l'esprit mon installation dans la pièce qui m'avait été attribuée avec mon équipe. La fenêtre détruite ne protégeait pas la pièce des intempéries, mais surtout des tirs éventuels de snipers bien identifiés à proximité. Donc très humblement nous avions mis des sacs de sable dans le trou béant de la fenêtre, laissant un petit espace latéral afin que la lumière entre. Aucun sniper ne nous a jamais tiré dessus. Par contre je n'ai jamais cherché à les narguer. S'il avait été question de les détruire, alors il y aurait eu le choix entre un tir de blindé ou un passage d'avion, mais ce n'était pas à l'ordre du jour. Cependant mon successeur, sans doute plus joueur, s'est amusé à attirer l'attention d'un sniper. De ce fait de temps à autre, il se rappelait à son bon souvenir en lui tirant une balle dans la pièce, rien que pour le «fun». Je suis content de ne pas avoir goûté ce genre de plaisir!

 

En regardant les vastes espaces dégagés de cet aérodrome, me reviennent en mémoire les soirées, où alors incorporé dans un régiment de légion je prenais des tours d'officier de service, dont la mission principale la nuit était de suivre la fameuse mission dite de « crossing ». Il s'agissait de gérer le flux de Bosniaques qui traversait en surface la zone de l'aéroport contrôlée par la force internationale. Tous ne pouvant pas emprunter le tunnel, le passage à l'air libre se faisait sous les yeux des Serbes qui avaient une vue directe sur la scène, car ils tenaient les deux extrémités de la piste. Or en vertu d'un accord international, la force militaire de l'ONU avait la responsabilité d'interdire aux Bosniaques de traverser en ce lieu. Il en résultait une situation ubuesque. Les Serbes nous menaçaient de tirer dans le tas si nous n'empêchions pas les Bosniaques de passer. Avec des véhicules blindés coordonnés de la tour de contrôle à l'aide d'intensificateurs de lumière infrarouge nous surveillions les passages. Avec nos blindés nous interceptions les personnes en train de traverser et les ramenions à leur point de départ. Dans une même nuit il n'était pas rare de ramener plusieurs fois la même personne. Et la population essayant de traverser était très diverse, ça allait de la jeune fille en mini-jupe au paysan qui traversait avec sa vache. Bien évidemment cette dernière il n'était pas question de la faire monter dans le blindé, on l'accrochait donc à l'extérieur. Tout ce ballet était observé par les Serbes qui parfois nous appelaient au téléphone pour nous dire d'être plus efficaces, en nous menaçant d'ouvrir le feu au canon si nous n'obtempérions pas. Me trouver là en bordure du terrain d'aviation avec tous ces souvenirs qui me reviennent à l'esprit est très émouvant.

Prendre les transports en commun le long de «sniper allée» que cela me semble étonnant. Cette avenue est longue, je n'en avais plus un tel souvenir. Une ville déserte se traverse effectivement plus facilement qu'une ville noyée dans un trafic important. Des grappes humaines dans ces bus, cela prouve que la vie a repris malgré les problèmes qui subsistent. La visite du musée national, qui délimitait quasiment la ligne de front est aussi un moment unique. L'un de ses conservateurs qui y est demeuré tout au long de la guerre, vous montre la position de la ligne de front, qui passait pratiquement dans le petit bout de pelouse attenant au bâtiment.

 

Je pénètre dans l'enceinte de l'université. Une partie des bâtiments est abandonnée, étant trop endommagée et les réparations tardent. Ce qui est frappant, ce sont ces murs criblés de balles. Ces scènes je les ai aussi beaucoup vues en Croatie, autre pays dévasté par cette guerre de désagrégation de la Yougoslavie. Mais lorsque l'on regarde les façades de nombre de nos cathédrales on y voit les mêmes traces, souvenirs des conflits passés. Une fois dans les bâtiments occupés, un cerbère femme à l'allure peu sympathique me demande ce que je fais en ce lieu. Je lui réponds que je cherche la bibliothèque, qu'elle m'indique. Cela me permet de continuer à me promener pour m'imprégner de l'ambiance de cette université. Beaucoup d'étudiants y circulent l'air empressé, mais il m'est difficile de me faire une idée de l'activité réelle qui y est menée. Nombreux sont ceux qui parlent au moins un peu l'anglais, me semble-t-il.

 

Cette ville de Sarajevo la nuit est magnifique. Y manger dans un petit restaurant du centre, attablé sur la terrasse en pleine rue piétonne, au milieu d'une foule dense qui déambule, permet de bien prendre le pouls de la population. Beaucoup de jeunes, moins cependant que dans la ville de Prisren, capitale historique du Kosovo, que j'ai traversée la semaine précédente. Un pourcentage non négligeable de jeunes femmes sont voilées. Mais contrairement à ce que l'on voit généralement, ces voilages sont multicolores de tissu de belle qualité et moulants sur tout le corps. Ce que je pensais être le but du voilage, cacher les formes féminines, a  ici l'effet inverse et révèle toute la grâce et l'esthétique de la passante. Que faut-il y comprendre?

 

Le soir après ce bain de foule agréable, dans cette zone bien éclairée, que j'avais connue lugubre et déserte durant de longues nuits, je remonte à ma chambre. Il fait bon. La ville vue de haut est une véritable splendeur. Les collines environnantes enserrent de leurs lumières plongeantes cette cité qui s'étire en longueur. Une multitude de mosquées pointent leurs minarets couronnés d'ampoules. Je longe un grand cimetière aux stèles centenaires, elles débordent de l'autre côté de la rue qui le délimite, en colonisant quelques plates-bandes. On dirait qu’elles ont décidé d’aller se promener en prenant quelque liberté. Toutes ces pierres blanches érigées de facture ottomane, aux formes arrondies et pleines d'harmonie, reflètent la lumière environnante. Il règne en ce lieu une grande quiétude et cette atmosphère prend aux tripes. De telles rencontres faites au hasard vous tombent dessus par surprise et brutalement déclenchent une émotion très forte. Dans ces instants, l'émoi qui monte et vous envahit, procure une forme de béatitude que l'on aimerait garder en soi longtemps. Il me faut m'engager ensuite dans une petite rue en pente raide, pleine de pénombre. Au détour d'un mur, une mosquée au minaret de bois noir luit faiblement, tel un fanal sombre. Cette ville de nuit m'a bouleversé.

 

Ces deux passages séparés par 15 ans dans Sarajevo m'ont inspiré les quelques pages précédentes. Cette ville dans laquelle des événements capitaux pour l'Europe se sont déroulés au cours de toutes les époques de notre histoire, en particulier l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand héritier du trône d'Autriche par un jeune Serbe le 28 juin 1914, lieu permanent d'affrontement de civilisations et de religions, revêt à mes yeux une grande importance. Elle représente la ville balkanique dans toute sa splendeur et sa complexité historique. Avoir assisté, et participé à mon niveau, à l'un de ses épisodes historiques, l'un sans doute des plus dramatiques, me laisse une impression forte et des images indélébiles. La simple évocation de ce nom, Sarajevo, réveille en moi le souvenir d'une période passée, vécue avec intensité. Cette saison en Bosnie est probablement à l'origine de cette passion balkanique que j'éprouve fortement et que j'ai cultivée à travers d'autres pays, en particulier l'Albanie. D'ailleurs le jour où je changerai de véhicule, nécessairement j'aurai droit à une plaque avec nouvelle immatriculation qui laisse le choix du département. Et si j'en ai la possibilité à la place du 69 dans le coin inférieur droit j'aimerais mettre un aigle albanais, symbole balkanique par excellence, qui transcende les frontières de plusieurs pays. 

14/07/2009

Reims quatre saisons

 

 

                Campagne autour de Reims au fil des saisons

 

 

 

J'ai habité durant quatre ans dans un petit village au nord du département de la Marne, tout près d'une magnifique rivière l'Aisne. Cette dernière me laisse un souvenir fort. Je me souviens avec précision des promenades que nous effectuions le long de ses berges, lorsqu'elle était en crue. A ces moments, elle s'enflait à la manière d'un véritable fleuve large, rapide, de couleur sombre, qui dévalait en émettant une forme de sifflement, plus exactement de feulement. L'eau était si rapide qu'elle bruissait. Cette anecdote comme entrée en matière pour montrer que ces régions que l'on considère, souvent et à tort, sans caractéristiques particulières sont quand on sait les regarder, de véritables joyaux, qui peuvent faire passer des émotions au même titre que les grandes montagnes ou les mers.

 

 

 

Mon village se situait à 13 kilomètres de mon lieu de travail, au nord de Reims. Très souvent je m'y rendais et revenais à pied ou en vélo tout terrain. Ce qui m'a permis d’observer la succession des saisons au jour le jour, souvent aux moments les plus chargés d'émotion, le lever et le coucher du soleil. Cette région possède un passé historique riche, en particulier du fait des deux guerres mondiales, qui ont amené à deux reprises la destruction totale de mon village. Tout d'abord au cours de la première guerre mondiale, les Allemands l'ont occupé quatre longues années, de septembre 1914 après la contre-offensive de la Marne qui les a repoussés de Reims, jusqu'en octobre 1918 lors l'offensive américaine. Au cours de cette longue période, les Français qui tenaient Reims les ont bombardés en permanence, réduisant à néant toutes les maisons du hameau. Puis, durant la deuxième guerre mondiale, d'importants combats se sont déroulés en ce lieu et à nouveau le village a été détruit. On oublie facilement qu'en 1940 l'armée française s'est battue, bien qu'elle ait été submergée. La meilleure preuve, malheureusement de cette résistance, c'est le nombre de militaires français tués au cours de cette courte campagne de France.  Ils sont 100 000 à avoir donné leur vie au cours de cette déferlante allemande qui a duré deux mois.

 

 

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Tous les jours lorsqu'à pied ou à vélo je parcourais cette zone tellement marquée par l'histoire violente de nos deux pays l'Allemagne et la France, outre la joie de l'effort physique dans une nature toujours changeante, je ressentais de l'émotion en me remémorant ce que nos grands-pères et nos pères ont vécu sur cette terre de contraste. Ce préambule historique est indispensable, afin de vous livrer mes sensations et réflexions lors de mes traversées biquotidiennes de ces terres pour lesquelles je garde un amour profond.

 

Le fait d'avoir un métier qui vous amène à des déménagements fréquents, comporte un certain nombre d'inconvénients, mais cela permet de découvrir en permanence des régions que l'on ne connaissait pas, et même que l'on ne voulait pas connaître, ne leur trouvant aucun attrait. Et puis lorsqu’on s'y trouve, il faut s'adapter. Si l'on sait regarder la nature, l'adaptation se fait toujours beaucoup plus facilement. Et c'est ainsi que j'ai appris à découvrir au jour le jour cette belle région plate et en apparence sans caractéristique du nord du département de la Marne.

 

 

 

Je vais vous faire part de mon vécu au cours des saisons dans ces grands champs qui s'étendent au nord de Reims. Ces périodes pendant lesquelles je me retrouvais seul deux fois par jour à courir ou pédaler à travers la campagne m'ont enrichi sur bien des plans. Tout d'abord j'ai pris l'habitude de partir par tous les temps et de trouver du plaisir par toutes les conditions. Rapidement le pli est pris et l'on découvre en passant le pas de la porte le vent, le froid, la chaleur, le brouillard, le givre ou la neige, et chacun de ces éléments est différent à chaque fois. Savez-vous que les Esquimaux ont une vingtaine de mots différents pour décrire les divers états de la neige? Eh bien pour chacun des éléments constitutifs de la météorologie il serait possible de trouver de multiples adjectifs descriptifs en fonction des conditions. Une fois passé le pas de la porte et la première surprise des conditions du jour assimilée, le contact avec la nature s'établit, les muscles s'échauffent et le rythme s'installe. Le regard porte loin dans ces régions plates, et rapidement, aux aguets les sens en éveil, j’embrasse de vastes zones aux détails toujours changeants. Mais souvent lorsque le départ se fait de nuit ou par brouillard, les yeux ne pénètrent pas ces zones opaques, cependant l'esprit, lui, imagine ce qui s'étend devant. Ce voyage en aller-retour effectué chaque jour s'apparente à un rite initiatique me permettant le matin de me préparer en souplesse à la vie de fou de la journée qui m'attend dans une société qui a tendance à broyer les individus et le soir de me libérer d'une bonne partie du stress accumulé.

 

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Le printemps, la température commence à remonter après les rigueurs de la froide saison. La terre sèche, et cela est très perceptible dans cette région sur laquelle, j'ai tant lu de livres, décrivant la boue, grand fléau, qui engluait, et parfois tuait le poilu. La nature s'éveille et les herbes font craqueler de toutes parts ces immensités de terre nue. Dans cette zone plate, ces nouvelles pousses attirent tout particulièrement l'attention, elles participent au changement de la couleur du sol. Dès que ces végétaux, s'étant imbibés des premiers rayons de soleil printaniers, atteignent quelque hauteur la faune en prend possession. Les alouettes les colonisent. On peut les entendre chanter, mais il est difficile de les voir voler au-dessus des champs. De temps en temps de façon furtive il est possible de les apercevoir décoller ou plonger se cacher au ras du sol. Tout comme les animaux, les tracteurs aussi reprennent possession des lieux. La particularité de ces grands champs, qui furent aussi de vastes champs de bataille, tient dans le nombre très important d'obus qu'ils recèlent. Durant les quatre années, où ces étendues se trouvaient entre les lignes de tranchées, les Allemands et les Français les ont copieusement bombardées au gré des attaques et des contre-attaques auxquelles les deux belligérants se sont livrés. J'aurai l'occasion d'y revenir car c'est souvent plus tard dans l'année, lors des travaux en profondeur dans la terre que ces fruits de mort sont récoltés. Et puis au printemps, comme à l'automne, mes randonnées matinales et vespérales étaient synchronisées avec ces périodes de la journée, particulièrement belles, que sont le lever du soleil et son coucher. En effet, comme le commun des mortels, en temps normal, mon travail commençait vers les sept heures trente le matin et le soir se terminait généralement autour des 18 ou 19 heures. Donc tout naturellement mes randonnées quotidiennes me laissaient au printemps tout loisir d'observer l'aube et coucher du soleil. Cette saison outre l'éveil de la nature, a gravé en moi un souvenir profond, d’une part de ces départs au moment où la nuit va finir et de ces arrivées, une heure plus tard, en pleine lumière du jour, et d’autre part des retours, après une journée de travail,  me permettant de suivre avec attention l'installation de la nuit. Ce miracle chaque jour renouvelé du rougeoiement de l'astre du jour qui se lève et se couche. J'étais un spectateur particulièrement privilégié, toujours seul, je pouvais avoir l'illusion qu'il se livrait à ces démonstrations de beauté pour mon seul plaisir.

 

Le printemps, c'est aussi la période des giboulées, ces précipitations très caractéristiques et rageuses. Sur la plaine on en distingue les trains plus ou moins importants qui défilent, arrivant droit sur vous ou vous évitant. Lorsqu'elles vous frappent, elles vous font l'effet d'une douche froide et vous forcent à courber l'échine. Que la nature dans ces moments est belle à travers ses contrastes d'ombre et de lumière.

 

 

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L'été les blés mûrs ondulent à l'infini au gré de leur tête dorée sur cette terre blanche dure comme de la pierre. Effectivement ce sol, qui sait être boue très collante en hiver, se transforme en une matière très compacte en absence de pluie. Alors sur ce terrain ferme, les déplacements à vélo dans les herbes des chemins plats deviennent un véritable plaisir. Le mouvement parmi de grandes tiges à hauteur de guidon donne plus l'impression de flotter et glisser à la manière d'un bateau qui fend de son étrave un flot de graminées. Ces herbes, dans lesquelles on baigne littéralement frôlent et chatouillent les jambes, mais l'absence de pierres et d’aspérités sur ces grandes étendues dégagées laisse tout au plaisir de la progression dans cette substance végétale, qui n'est pas généralement le lieu de prédilection du deux roues. Cependant, la vigilance reste de rigueur, car il est inhabituel de ne pas voir le sol lorsque l'on roule. Il arrive parfois que quelques ornières, traitreusement cachées, vous déstabilisent, mais étant toujours orientées dans le sens de la progression le réflexe est vite pris pour les négocier sans difficulté.

 

 

 

Le canal de la Marne, traçant sa ligne droite à travers les cultures, offre aussi tout au long de cette saison de belles émotions à vélo. Le longer en suivant le chemin de halage, au petit matin ou en fin d'après-midi les jours de grosse chaleur, procure une multitude de surprises enthousiasmantes. En effet, la bicyclette de par son mouvement sans vibration sur le sol, permet souvent de voir les poissons avant qu'ils ne vous détectent et ne s'enfuient en laissant un gros remous à la surface. Alors brochets, carpes et autres habitants de ces eaux calmes se laissent entrevoir, de façon très distincte, avant de se dérober au regard curieux  en plongeant vers des fonds obscurs. Pouvoir mettre un nom sur le fuyard laissant son gros rond sur le miroir du canal me plaisait énormément.

 

 

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L'été c'est aussi bien sûr l'époque des orages, et sur ces terres surchauffées, ils peuvent être terribles. Au cours de mes traversées en fin d'après-midi par temps menaçant, il m'arrivait de ressentir un engagement comme lors d'une ascension sur une montagne. On réalise dans ces moments notre petitesse. Avancer entre des trains de nuages déversant au hasard des éclairs que l'on voit frapper le sol procure des sensations puissantes. On a beau se dire que statistiquement, la probabilité d'en recevoir un est faible, on a tendance à accélérer le rythme pour rejoindre au plus vite le village dont on voit les toits flotter au loin au-dessus des épis de blé, recouvrant cette terre qui s'étire à l'infini. La grandeur et la brutalité de la nature apparaît dans toute son ampleur, et dans ces instants nul besoin de se trouver en pleine mer ou dans la face nord des Drus pour se sentir vivre. J'ai découvert ce paradoxe, qu'il était possible dans des contrées que l'on pense débonnaires de ressentir un engagement face aux caprices de la nature similaire à celui rencontré en montagne. La même sensation de danger vous étreint, tous sens en éveil. Les éclairs claquent dans les champs, très distinctement les traits de foudre atteignent le sol. Dans ces moments, le regard est fixé dans le lointain vers le hameau, qui devient le point de focalisation unique vers lequel on espère trouver la sécurité. Me restent très précisément gravés en mémoires les contrastes entre nuages noirs, blés éclatants et éclairs rajoutant un trait de lumière par-ci par-là au hasard du tableau, dans ce vaste horizon.

 

 

 

L'été c'est aussi les immenses champs de fraises sur les collines au second plan et la foule des ramasseurs à genoux remplissant leurs cageots. Une année nous avions hébergé une Mexicaine d'une famille très aisée. Elle s'imaginait qu'en France, qu'elle considérait, à tort sans doute, comme un pays très riche, le moindre travail devait rapporter un joli pactole. Elle était donc intéressée par le ramassage des fraises. Par des amis nous la faisons embaucher. Après une demi-journée de cueillette elle est revenue éreintée, les genoux griffés et très dépitée de n'avoir récolté à l'époque que quelques francs. Les paysans du coin ont rigolé pendant longtemps des mésaventures de notre belle Mexicaine. En effet, à la voir grande blonde aux yeux clairs on ne se doutait pas de sa nationalité. Elle descendait d'émigrants des pays nordiques.

 

 

 

L'été c'est encore la ronde des énormes moissonneuses batteuses qui se déplacent dans de grands nuages de poussière, remplissant de pleines bennes de grains, sous l'œil interrogateur des cultivateurs qui jugent de la qualité et de la quantité.

 

 

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Avec l'automne arrivent les premiers rafraîchissements de l'air qui rendent toute sa limpidité à l'atmosphère. Puis viennent les premiers froids qui donnent naissance aux brouillards. J'utilise à dessein le pluriel, car comme les neiges des Esquimaux, ils sont multiples. Je les classerai en deux grandes catégories, ceux de faible hauteur qui permettent de voir par dessus, vous laissant la tête en quelque sorte hors des nuages, et puis ceux dans lesquels l'immersion est totalement, et qui limitent plus ou moins en fonction de leur opacité la vision horizontale et verticale. Cette saison par excellence, c'est celle des illusions, des perceptions de distances erronées, par le jeu de ces brumes aux formes et aux densités très variées. Par exemple le brouillard peut ne constituer qu'une mince couche au sol de quelques centimètres. Au petit matin en courant sur cette fine pellicule dense il m'arrivait de perdre le sens de la dimension des objets et des êtres. L'un de mes repaires au cours de mes courses matinales était la colline de Brimont, gros tertre boisé légèrement au sud ouest de mon axe de progression. Un matin froid de fin d'automne au-dessus de cette couche de brume qui masquait le sol, je vis la colline émerger, mais rapidement du fait de la perspective se modifiant au cours de mon déplacement, je constatai une anomalie. Effectivement, elle était de taille. Ce que je prenais pour la colline de Brimont, située à six ou huit kilomètres, était en fait un tout petit mouvement de terrain dans un champ et se situait à quelques dizaines de mètres seulement. Une autre fois je regardais une drôle de motte de terre à proximité qui émergeait de ce fin brouillard. Mais aurais-je la berlue! La motte de terre se mit à bouger et sa forme se modifia. Il lui apparut de grandes oreilles et elle détala au pas de course. Il s'agissait d'un lièvre couché à même la terre dont j'avais pris l'arrondi du dos pour un mouvement de terrain. Si je n'avais pas vécu de telles expériences je ne pourrais admettre que selon les conditions on puisse avoir de telles illusions.

 

Ces périodes pleines de sensations étranges, où la nature se jouait de mes sens, étaient les plus propices au travail de l'imagination. Tout naturellement cela me ramenait à la première guerre mondiale, où à cet endroit même Français et Allemands s'étaient âprement affrontés durant quatre ans pour la possession de cette terre. J'imaginais au ras du sol quelques poilus rampant à couvert du brouillard pour s'approcher de la tranchée ennemie afin d'y semer la mort. Dans leur déplacement lent, peut-être ce qu'ils confondaient avec des mouvements de terrain ce n'était pas des lièvres qui avaient déserté ces lieux de bruit et de fracas, mais les corps de camardes ou d'ennemis gisant. Et tout ce monde imaginaire, que je voyais vivre, était rendu d'autant plus réel par les fragments de matériels qui à cette époque de l'année ressortaient du fait des labours et de la récolte des betteraves. Généralement il s'agissait d'obus que les paysans déposaient en bordure de champ à la manière de petits tas de bûches. Je me souviens que de mon jardin à l'orée d'un petit bosquet d'acacias, je distinguais, ce que je croyais être un petit stock de billots de belle dimension, quelques mètres de large et un de hauteur. Puis un jour passant par là à vélo, j'eus la surprise de constater qu'il s'agissait d'un amas de munitions de gros calibre. Pour se faire une idée du nombre d'obus enfouis dans ces coins de France, il suffit d'avoir en mémoire que les deux belligérants les ont copieusement arrosés durant toute la guerre et que l'on considère qu'un obus sur trois n'explosait pas, mais s'enfonçait très profondément dans cette terre en permanence retournée.  Il m'est arrivé aussi de voir autre chose que des obus, des restes de baïonnettes, de pipes, de morceaux de casques troués d'une balle. A ces moments la guerre de 14 me semblait très présente, j'avais l'impression d'y baigner, qu'elle m'imprégnait. Avec beaucoup d'émotion et de gravité je continuais ma course dans ces espaces aux dimensions aléatoires où les époques se télescopaient. Rarement lieu, de l'Himalaya à Persépolis en passant par l'Atlas marocain ou bien une tempête de nuit en mer à bord d'un petit voilier ne m'a laissé un souvenir d'une telle intensité.

 

 

 

Enfin l'hiver, la saison de loin la plus austère, déversait à son tour son lot de sensations. Aux longues périodes de mauvais temps succédaient de puissants anticyclones accompagnés d'un brouillard épais, qui effaçait toute distance. Cependant à la couleur légèrement gris bleu du ciel on sentait que le soleil n'était pas loin. Mais cela pour beaucoup était un facteur aggravant, car si près et pourtant incessible restait l'astre du jour. La faible durée des journées souvent ne permettait pas la disparition des brumes. L'hostilité de la saison se caractérisait aussi pour moi, par le fait de faire mes trajets quotidiens entièrement de nuit. Certains jours la boue était tellement épaisse et collante que la pratique du vélo était impossible en dehors des routes, quant à la course à pied, elle se transformait en une véritable épreuve, avec des kilos de terre accrochés sous les semelles. Elle collait un peu à la manière des grosses boules de neige mouillées que l'on roule et qui deviennent démesurées, et surtout d'un poids qui bloque toute possibilité de les déplacer. Très rapidement, de cette boue compacte j'en étais complètement couvert, et il m'arrivait pour y remédier de porter un k-way complet, ce qui permettait plus ou moins à la terre de glisser et de ne pas trop m'alourdir. Cependant malgré les apparences ces immersions dans la nuit brouillardeuse et dans la boue me procuraient un vif plaisir. Cela le laissait aussi imaginer les conditions endurées en ces lieux durant les longues années de guerre. Dans cette bande d'une dizaine de kilomètres que je traversais tous les jours, l’image des soldats cloués au sol ou errant dans cette zone entre les tranchées était très présente à mon esprit. Des hommes avaient passé de longs hivers dans ces conditions terribles, en danger de mort permanent, et pour eux il n'y avait pas de douche deux fois par jour. Souvent je me demande comment ils pouvaient tenir. J'ai lu un livre très intéressant qui s'intitule «Pourquoi ont-ils tenu?». Les raisons en sont multiples et il n'y avait pas que la peur d'être fusillé en cas de désertion ou le patriotisme. Les causes en sont plus subtiles mais la relation entre les hommes et surtout la camaraderie ont joué un grand rôle.

 

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De nuit sans visibilité il ne m'était pas toujours facile de garder le bon cap en direction de la ville. La principale difficulté provenait du fait qu'à cette saison les chemins et les champs cultivés se confondent. La boue qu'elle se trouve dans les uns ou les  autres, ça reste de la boue. Sans visibilité, sous un ciel bas de nuit, lancé à l'aventure à travers cette terre uniforme collante et sombre comme du charbon, ayant perdu toute trace de chemin, l'orientation devenait parfois difficile. Alors je m'arrêtais, écoutais et regardais vers l'ouest en direction de la route menant à Reims. À travers le bruit étouffé par le brouillard ou grâce au léger halo de lumièree des phares des véhicules, que parfois je distinguais dans le lointain, je réussissais à rester sur mon axe. Il m'est cependant arrivé, rarement, de me retrouver à proximité de la ville avec une forte dérive, que je compensais en suivant les clôtures de la base aérienne. Que cette situation était étrange mais comme j'en tirais du plaisir.

 

 

 

J'ai pu constater au cours de cette saison que les nuits vraiment noires sont très peu nombreuses. J'appelle nuits vraiment noires, celles au cours desquelles, lorsqu'après un long moment d'accoutumance des yeux à l'obscurité, on ne discerne pas le contour du moindre objet à plus d'un mètre. Généralement de nuit, une  lumière ténue permet lorsqu'on est vigilant de distinguer très légèrement ce qui se trouve dans un périmètre de quelques mètres. Par nuit vraiment noire, conjonction de mauvais temps, d'absence totale de lune et d'éloignement de toute agglomération, on ne voit vraiment plus rien. Ces conditions de noir total n'étaient réunies que quelques nuits par an. Tel un aveugle j’avançais  au jugé, toujours très tendu à l'idée de butter sur un obstacle. Le long de mon parcours, il arrivait que des cultivateurs laissent des engins agricoles, par exemple des herses. A l'idée de les percuter je redoublais de vigilance et suivant les endroits, je ralentissais mon allure, je retenais mes pas en petites foulées précautionneuses dans l'attente de percuter un obstacle métallique. Dans ces conditions, l'instinct plus que la  vision permettait de matérialiser l'environnement. J'avais un peu l'impression de retrouver les perceptions sensorielles plus développées chez nos ancêtres que chez nous, hommes modernes. Dans ces instants je faisais partie intégrante de cette nature hostile, opaque, froide et mouillée. Ces expériences m’ont appris que de conditions adverses naissent les plus belles et grandes émotions.

 

 

 

 

 

Lorsque j'arrivais sur mon lieu de travail ou chez moi, je ressemblais à une statue de terre. Nombreux étaient ceux qui me prenaient pour un fou. Mais s'ils avaient pu imaginer le plaisir qui naît de la confrontation avec la nature lorsqu'elle se montre un tant soit peu hostile!

 

 

 

L'hiver c'était aussi ces périodes de gel par temps de brouillard, ou tout obstacle se couvrait d'une magnifique parure de givre. On se serait cru dans un conte fabuleux, et je recherchais les elfes et les Nibelungen. Sur ces terres glacées, comme des ombres gracieuses et furtives, les chevreuils s’élançaient et disparaissaient dans les nuées. Comme j'ai aimé ces balades presque irréelles par des températures très basses, parmi ces fantômes de végétation éclatants de givre surgissant de la grisaille et y replongeant aussitôt, au rythme du coureur. Ces conditions rigoureuses n'enlevaient rien au confort et au bien-être que prodigue la chaleur des muscles en action. Là encore je ressentais que mon corps était bien adapté à l'hiver et à ses rigueurs, ce qui faisait naître une vive sensation de plaisir.

 

 

 

Ce pays aux contrastes accentués, cette terre chargée d'histoire, sachant au gré de l'année prendre des visages très différents, des plus chaleureux aux plus rébarbatifs, je l'ai beaucoup aimée. Ses habitants aussi étaient toujours accueillants. Cette région, je l'ai quittée depuis un peu plus de vingt ans, j’en ai connu beaucoup d'autres très belles en France et à l'étranger, mais je garderai toujours très vivante en moi cette émotion que faisaient naître en moi ces vastes zones plates.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                       

04/03/2009

mes lectures

 

 

La lecture est une activité passionnante, pour ceux qui lisent cela va de soit, elle procure souvent de grandes émotions. Cependant se souvenir avec précision de ses lectures c'est une autre paire de manches. Le but de cette note a pour vocation, de prendre quelques minutes pour fixer par écrit mes impressions sur mes lectures.

 

134) La rage de survivre Trudi Birger  Denoël 1998

Livre relatant l'expérience d'une jeune juive plongée dans l'horreur de la guerre et des camps de concentration. Sa volonté de survivre pour sa vie et celle de sa mère est absolument prodigieuse. Son refus de se soumettre à l'abandon et au désespoir alors que souvent tout semble fini, elle prend des initiatives qui à chaque fois lui permettent de rester en vie et prête à affronter la situation suivante, qui semble aussi sans espoir. Extraordinaire leçon de vie. 

1) Pèlerin d'Orient de François-Xavier de Villemagne

Très beau récit d'un homme dans la trentaine, qui laisse tomber son boulot pour 8 mois et qui part à pied à Jérusalem de Paris. Il traverse dix pays, Allemagne, Autriche, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Turquie, Syrie, Liban, Jordanie et Israël. Très belle aventure, marche presque forcée qu'il mène à vive allure, parfois des étapes supérieures à soixante kilomètres; tout au long il dévoile ses états d'âme sur la signification de ce qu'il fait. Sans faux semblants il dévoile toute sa fierté de tenir le coup, tout en montrant parfois le côté ridicule. Il décrit la vie des populations des différents pays traversés, et cela donne une bonne photographie de l'évolution en cours ou parfois de l'immobilisme de certaines contrées. Dans les moments difficiles, et ce genre d'aventure en comporte de nombreux, pour ne pas dire qu'il s'agit de 7 mois de souffrance, on sent que sa foi le porte et lui permet de ne pas douter du succès. Très intéressant et bien écrit.

 

 

 

2) Un chemin de promesses Édouard et Mathilde Cortès

6000 km à pied et sans argent de Paris à Jérusalem. Livre époustouflant par l'aventure vécue par ce couple, en guise de voyage de noces, certes long 7 mois. Sans gros entraînement et sans savoir si la survie est possible sans argent, ils partent. Ils vivront des moments difficiles, tout particulièrement en Italie du nord. Ils vont traverser 14 pays sans compter la France, Suisse, Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie, Monténégro, Kosovo, Macédoine, Bulgarie, Turquie, Syrie, Liban,Jordanie et Israël. Beaucoup de belles citations empruntées à différents auteurs. Cet exploit ils ont pu le mener à son terme grâce en partie à leur foi. Sur ce plan il y a des similitudes avec l'ouvrage précédent.

 

3) Figures de Proue Claude Allègre

Il aborde le destin hors du commun de cinq hommes qui ont très fortement marqué la deuxième partie du xxème siècle. Nehru, De Gaulle, Deng Xiaoping, Gourbatchev et Mendela. Ouvrage très clair, vulgarisation de très bon niveau. Ces cinq récits sont passionnants et se lisent avec avidité. Seul, peut-être les longues explications sur les arcanes du régime soviétique sont un peu rébarbatives et pas toujours faciles à suivre. Excellent livre comme souvent de la part de cet auteur.

 

4) La plupart ne reviendront pas de Eugénio Corti

Très beau livre sur la retraite d'une armée italienne sur le front russe durant l'hiver 1942-1943. On se croirait dans une description de la retraite de Russie de l'armée napoléonienne. Les Allemands qui étaient des alliés des Italiens, sont décrits comme des êtres sans aucune humanité et de véritables bêtes de guerre, montrant un vrai mépris envers les Italiens. Témoignage saisissant, faisant ressortir toute la sensibilité de l'auteur et de l'Italien en général. Ce qui n'empêche pas que le soldat italien soit très courageux lorsque les circonstances le demandent. Écriture splendide que l'on retrouve chez d'autres auteurs  italiens, la guerre dans toutes ses horreurs décrite à travers un regard humain.

 

 

5) Il était une fois l'URSS Dominique Lapierre (POCKET)

Voyage en auto en Union Soviétique en 1957 effectué par l'auteur et un collègue journaliste, accompagnés de leurs épouses. Par un concours de circonstances assez incroyable, ils ont obtenu l'autorisation de pénétrer en URSS, directement par Khrouchtchev. Voyage plein de surprises et très intelligemment mené quant aux différentes rencontres au pays des soviets. Un moment de plaisir malheureusement trop vite consommé.

 

6) Le livre de ma mémoire Danielle Mitterrand Folio

Livre de 400 pages qui se lit bien. La vie de sa famille au début du XX ème siècle est intéressante, sa position de témoin privilégié auprès de François Mitterrand donne un éclairage particulier au personnage. Cependant ses analyses politiques sont souvent limitées  mais permettent de mieux la cerner. En particulier son entretien avec Castro est étonnant, les réponses de ce dernier à ses questions sont surprenantes. On voit une militante très convaincue depuis plus d'un demi-siècle, mais qui ne bouge pas beaucoup dans sa manière de voir, sans doute idéaliste et  faussement naïve. Globalement se lit avec intérêt et donne un témoignage sur des périodes importantes du xx siècle.

 

7) Bouilleurs de Cru   Hippolyte Gancel et Jacques Le Gall Editions Ouest-France

Livre qui relate la traque par le fisc des bouilleurs de cru. Les agents du fisc dénommés rats de cave sont à la recherche de la moindre goutte produite illégalement, et les sanctions sont parfois disproportionnées aux quantités trouvées. Les uns et les autres rivalisent d'ingéniosité et de fourberie dans cette lutte sans merci. Les faits relatés se déroulent entre les deux guerres, et souvent les bouilleurs de cru sont des anciens combattants de la guerre de 14-18 et ils n'ont plus peur de grand chose pour s'opposer aux contrôles. A travers une multitude d'anecdotes, parfois drôles parfois dramatiques, où la tension est toujours présente, on suit le conflit entre ces deux corporations. Témoignage très intéressant de la vie dans nos campagnes au début du xxème siècle.

 

8) Ripoux à Zhengzhou  Zhang Yu   Picquier Poche

Les tribulations de deux polciers dans une grande ville chinoise à notre époque, sans doute une bonne vision de ce que devient la société chinoise où communisme et capitalisme débridé cohabitent sans déranger personne , sauf parfois les honnêtes gens car la corruption et la magouille sévissent dur. Traduit du chinois, bien sûr, ce texte se déroule sur un rythme alerte au gré de situations et de personnages étonnants. Les quelques 400 pages sont avalées rapidement et la lecture en est très agréable.

 

9) Le procès des étoiles Florence Trystram     Petite bibliothèque Payot

Aventures incroyables vécues par un groupe de scienifiques français envoyés  au Pérou en 1735 par l'Académie des sciences afin de mesurer un arc du méridien terrestre. Cette expédition va s'éterniser et ils resteront de nombreuses années en Amérique du Sud, d'ailleurs tous ne reviendront pas. Entre expériences et mesures conduites dans des conditions extrêmes dans les Andes en altitude et des relations humaines conflictuelles empreintes de bassesses et coups tordus, le tout dans un pays où les Français sont regardés comme des concurrents dangereux par les Espagnols, ce récit conduit à toute allure dans un style alerte nous fait vibrer à chacune de ses phrases tout au long de ses 330 pages. Il m'a laissé une forte impression sur des domaines peu connus de la science telle qu'elle se pratiquait il y a plus de deux cents ans.

 

10) Affaires urgentes     Lawrence durrell        Pavillon Poche Robert Laffont

L'auteur nommé attaché de presse à l'ambassade britannique à Belgrade au début de la guerre froide, nous brosse un tableau hilarant de la vie au sein des ambassades. Il décrit de façon savoureuse les relations entre les membres de cette institution. Les anecdotes narrées sont incroyables, qu'il s'agisse du concours de beauté de chiens, de la descente en radeau au cours d'une réception ainsi que de nombreuses autres. La réalité dépasse la fiction.  Un peu plus de 300 pages de bonheur, avec lesquelles on est assuré d'avoir sa dose de rire indispensable à la santé.

 

11) De Gaulle et Churchill  François Kersaudy    tempus

Livre consacré aux relations très complexes entre de Gaulle et Churchill. Ces deux géants du xxème siècle sont amenés à s'opposer pour ce que chacun considère l'intérêt supérieur de leur pays réciproque dans le cadre de la conduite de la guerre. De Gaulle totalement intransigeant  dès qu'il s'agit de la France, face à un Churchill, poutrant très francophile, pris par ses propres problèmes.  Les paroles suivantes en disent long sur la complexité de leurs relations:

Churchill "De Gaulle, un grand homme! Il est arrogant, il est égoïste, il se considère comme le centre de l'univers... il est... vous avez raison, c'est un grand homme!...

De Gaulle "Pauvre Churchill! Il nous trahit, et il nous en veut d'avoir à nous trahir...

Livre de 450 pages qui se lit d'un seul souffle, vaut tous les romans d'aventure et cependant tout est vrai. Un des meilleurs livres que j'ai lus.

 

12) Le commandant d'Auschwitz parle   Rudolph Hoess    la découverte/poche

Les camps de concentration et leur fonctionnement, une multitude de livres en parlent souvent avec précision. Ils sont écrits la plupart du temps par des chercheurs ou des rescapés. Le bourreau y apparait forcément comme un être sans humanité. Mais lorque le livre est écrit justement par un acteur et pas des moindres, le commandant du camp d'Auschwitz, même si ce texte est en  partie écrit pour essayer de se justifier ou d'atténuer sa responsabilité personnelle dans l'extermination des Juifs et d'autres groupes humains, il est  d'abord écrit par un homme. C'est là que se cache l'horreur, un être humain qui ressent des sentiments, qui évalue bien le degré des horreurs qu'il commet ou fait commettre mais qui en pleine conscience s'applique dans son travail.  On prend conscience que non seulement des monstres peuvent commettre des monstruosités mais des êtres humains qui ont une famille et qui aiment leurs enfants. On s'interroge sur la capacité d'un régime à endoctriner l'individu, cela fait réfléchir aux dangers qui guettent toute démocratie qui se croit bien installée dans ses convictions humanistes. Le dérapage est-il impossible? Robert Merle  écrit au sujet de cet ouvrage "Un livre d'une valeur exceptionnelle dans l'histoire de notre temps" ou bien le Déporté rapporte "Ce document exceptionnel est le miroir où se reflète fidèlement le mécanisme de la plus épouvantable machine à tuer que l'humanité ait jamais conçue". Livre qui marque profondément et qui me conduit à lire l'ouvrage suivant: Un si fragile vernis d'humanité  Banalité du mal, banalité du bien.

 

 

13) Vous voulez rire Monsieur Feynman!   Richard P. Feynman    Odile Jacob

Scientifique de tout premier plan, qui a travaillé dans de nombreux domaines de la physique, toujours au tout premier plan. Etre de génie, excentrique curieux de tout , il raconte de façon sublime ses expériences de vie professionnelles ou autres, et ses domaines de prédilection sont multiples. Ce qu'il fait, il le fait à fond. Livre magnifique en dehors des normes, une fois qu'on l'a terminé on est tellement époustouflé que des êtres comme Feynman existent, qu'on a envie de le relire pour être certain que l'on a pas rêvé. Magnifique et plein d'optimisme, il y a quand même des vrais génies sur notre planète, même s'ils le savent ils ne se prennent pas forcément au sérieux. Les 358 pages se lisent trop vite!!!

 

14) Pélerins d'Occident à pied jussqu'à Rome  François-Xavier de Villemagne      Transboréal

Après la lecture de Pélerin d'Orient, la lecture de ce livre s'imposait. En effet l'auteur sept ans après son premier voyage nous invite à nouveau à un voyage à pied de plusieurs mois, au cours duquel il nous livre ses pensées en cheminant. Encore une fois il s'agit d'un bel exploit physique, où au jour le jour il fait des rencontres sans les avoir prévues. Il nous décrit cette Italie qui va le retenir sur la plus grande partie de son chemin, car il ne va pas directement à Rome de Paris. Non il fait un détour de 2000 kilomètres par la Botte. Sa traversée de la France et surtout de la Suisse ne laisse cependant pas indifférent. Joli livre, pourtant moins exotique que le précédent, ce qui est normal car il ne passe que par trois pays au lieu de dix. Mérite la lecture, de nombreuses formules et pensées m'ont fait vibrer, et puis ces grands trajets à pied à notre époque de week-ends lointains et de tours du monde en quelques jours réconcilient avec l'idée de départ.

 

15) Voyage au bout de la nuit    Céline

Livre qui n'a pas besoin de présentation. A plusieurs reprises déjà j'avais essayé de le lire, mais sans doute le moment n'était pas venu, à moins qu'il  faille être dans les bonnes dispositions pour s'attaquer à ce livre. Je comprends pourquoi on a tant écrit sur cet ouvrage. Je dois reconnaître que cette lecture apporte beaucoup même si les idées développées sont extrêment sombres et sans espoir pour l'homme. Mais c'est peut-être cela et que cela la réalité de l'être humain? J'espère que non, comme quoi Céline a l'immense mérite de pousser à la réflexion.

 

16) Mémoires d'un Yakuza   Saga Junichi        Picquier poche

Ce livre fait rentrer dans le monde des gangsters japonais. Il a été écrit par un médecin qui a recueilli les révélations, un peu à la manière d'un leg testamentaire, d'un vieil homme qui avait été un grand chef de gang. On suit le recrutement l'initiation puis l'ascension  avec ses revers, prison par exemple, d'un Yakuza dans le monde du banditisme japonais. Bien écrit, précis décrit une multitude de situations que traverse l'homme au cours de sa vie; très intéressant  cet ouvrage dresse un tableau clair d'un monde que l'on est curieux de connaître.

 

17) Un député ça compte énormément!    Jen-François Copé       Albin Michel

L'auteur dans ce livre explique les mécanismes du fonctionnement de l'assemblée nationale. Sans concession il en révèle les points forts et les points faibles. Il insiste tout particulièremnt sur certaines dérives actuelles, qui nuisent fortement à la crédibilité et à l'efficacité. Il dresse le tableau de ce que devra être le parlement avec la nouvelle réforme approuvée récemment.  Il disséque les rouages   des relations de travail parlement exécutif, et les comportements entre groupes de l'opposition et de la majorité. Très instructif, clair et sans langue de bois, pour compléter faut-il sans doute avoir le pont de vue d'un député de l'opposition. Le président du groupe socialiste devrait se livrer au même exercice, ce serait intéressant.

 

18) Les archives du Président Mitterrand intime    Françoise Carle       éditions du Rocher

Livre très intéressant écrit par une proche de François Mitterrand. Elle nous permet de découvrir le fonctionnement de l'Elysée à travers le travail des conseillers et des différentes affaires traitées. Elle a comme mission de préparer les archives de l'époque Mitterrand . De par ce travail, vues croisées sur une multitude d'activités et de personnages durant plus d'une décennie à travers la planète. D'autre part, étant une intime du Président et de sa famille, elle nous parle de ses vacances à Latché. Original, elle y vient en voiture et dort généralement dedans au grand dam du Président. Elle y venait d'ailleurs avant qu'il soit Président, et y est invitée permanente. Que l'on aime ou pas le personnage de Mitterrand livre très intéressant dont il n'y a pas à douter de l'honnêteté de l'auteur, qui écrit très bien. J'ai beaucoup aimé ses descriptions en particulier des paysages, une fan de montagne  et ses moments privilégiés avec François Mitterrand.

 

19) Aventures en Loire   Bernard Ollivier    éditions Phébus

Bernard Ollivier est très connu pour son magnifique bouquin en trois volumes sur la route de la soie qui s'intitule La longue marche. Dans le livre sur la Loire, il relate son aventure d'un mois à l'été 2008 à pied et en canoë le long de ce fleuve. Il décrit le fleuve et les habitants de ses berges à la rencontre desquels il va. Les contacts humains chaleureux sont l'un des moteurs essentiels de l'aventure selon lui. En particulier la rencontre d'amoureux du fleuve qui lui font découvrir ce milieu est passionnante. Il fait la comparaison du déplacement entre la marche et la canoë, qu'il découvre pour la première fois alors que la marche il l'a expérimentée sur des milliers de kilomètres à travers la planète. D'autre part, comme dans son livre sur la route de la soie, il exprime toute son interrogation devant l'âge qui vient, à l'époque il avait 60 ans, alors qu'en 2008 il en avait 70. Il exprime sa philosophie du voyage à travers une phrase chargée de sens: le voyage est dans la manière et non dans la destination. De toute évidence l'aventure physique et humaine on peut la trouver en France. A lire impérativement quand on se pose des questions sur le voyage et les destinations exotiques qui croit-on sont seules à apporter le grand frisson de l'émotion.

 

20) Un Général suisse contre Hitler   Jon  Kimche         Fayard  1962

Livre particulièrement passionnant, en effet il montre toute la démarche suisse face aux Allemands pendant la deuxième guerre mondiale. On y apprend que l'armée suisse n'a de général que lorsque des guerres éclatent près des frontières. Ce général Henri Guisan a su mener une action prémonitoire pour son pays face à Hitler. Il ne pouvait compter sur son gouvernement et il devait compter contre une partie du pays qui voulait une neutralité stricte voire une position de complaisance avec l'Allemagne. Il fallait compter aussi avec les Suisses qui étaient pronazis.  Il a su mener une politique de fermeté tout en sachant bluffer quand il le fallait et abattre ses cartes en force à d'autres moments. Il a su par une action déterminée empêcher  sinon l'alliance  de la Suisse au moins son invasion par Hitler. On découvre  un de Gaulle suisse. A lire impérativement.

 

21) Les temps sauvages   Joseph Kessel     Gallimard

Comme toujours avec Kessel il s'agit de situations exceptionnelles avec des personnages sortis d'un roman fantastique et pourtant c'est la réalité. Il décrit sa mission militaire au fond de la Russie en 1919 à Vladivostok. Impressionnant, des descriptions de situations à couper le souffle et des sentiments bouleversants.

 

22) Journal d'un préfet pendant l'occupation  Pierre Trouillé    l'Air du Temps collection dirigée par Pierre Lazareff

Livre qui relate au jour le jour le travail d'un préfet de Vichy pendant l'occupation. Il s'agit de l'auteur. Il décrit très clairement son action au quotidien entre le gouvernement de Vichy, les Allemands (gestapo, Wehrmacht, SS) et la résistance. Il montre clairement qu'à tous les niveaux hiérarchiques du gouvernement de Vichy il y a des hommes en place qui font tout leur possible pour lutter contre l'envahisseur. Très beau témoignage sur ce qui s'est passé dans la région de Tulle au cours de la dernière année de guerre. Indispensable pour affiner son jugement sur ce que fut le gouvernement de Vichy et surtout sur l'action menée par certains de ses membres.

 

23) 37 ans avec la pègre  Commissaire Guillaume    Editions des Equateurs 2007 première publication 1938

Un commissaire de police raconte les mémoires de sa vie professionnelle en gros entre les deux guerres. Il fut entre autre durant 7 années dans les années trente le chef de la fameuse "Brigade spéciale" du 36 quai de Orfèvres. Il fut un modèle pour Georges Simenon. Il décrit toutes les catégories de délinquants et délinquantes auxquels il est confronté. Tout y passe, les escrocs, maîtres chanteurs, cambrioleurs, les criminels, les indicateurs, les délinquants mineurs, les condamnés à mort.... Il fait de beaux portraits de toutes ces populations qui enfreignent les lois, et il explique sa façon de procéder pour les interpeler. On a une bonne idée des mœurs de l'époque à travers ces multiples affaires.

 

24) Feux du ciel  Pierre Clostermann        J'ai lu

Ouvrage remarquable écrit par un grand spécialiste des avions, comme pilote et ingénieur de haut niveau. Il retrace à travers ce récit, les évolutions des avions des différents belligérants de la deuxième guerre mondiale. Remarquable, n'a rien à voir avec son célèbre ouvrage "le grand cirque" où il raconte sa bataille d'Angleterre. A lire on y apprend beaucoup de choses. Un passage complètement surréaliste concerne les kamikazes, en particulier lorsqu'ils assistent, au cours de l'une de leur cérémonies rituelles avant de partir se sacrifier en coulant des bateaux US, à l'explosion de la bombe nucléaire de Nagasaki, le 9 août. Eh bien cela ne les perturbe pas autre mesure de voir ce spectacle de l'autre côté de la baie, et ils continuent leurs préparatifs et ils partent pour la dernière attaque de la seconde guerre mondiale. Franchement stupéfiant!!!

 

25) Des fleurs en enfer  Luc Adrian     Presse de la Renaissance

Ce livre raconte l'action d'une fraternité franciscaine dans le Bronx.  Très beau témoignage, manifestement la foi permet de déplacer des montagnes.

 

26) Portraits pour la galerie    Philippe Bouvard       Albin Michel

En quelques lignes ou quelques pages, Philippe Bouvard croque de l'ordre de 140 personnes connues, qu'il a rencontrées voire côtoyées lors de sa longue carrière. Dans un style truculent, il brosse à grands traits des tableaux de personnages, qu'il connait bien. Il livre des petits secrets hilarants, comme par exemple Valery Giscard d'Estaing, qui après avoir invité quelqu'un, le regardait partir du coin de son rideau. S'il affichait une belle voiture alors un contrôle fiscal pouvait survenir, l'auteur en ayant fait l'expérience. Entre autre anecdote, il narre comment Jacques Mesrine s'était intéressé à lui, et l'avait mis en tête de liste de ses futures victimes. Livre à ouvrir à n'importe quelle page  au hasard, et on est sûr de trouver une bonne surprise intéressante et souvent marrante. Médicament très efficace pour les petits coups de blues passagers, à utiliser et réutiliser un peu chaque jour.

 

27) L'enquête Petiot    Commissaire Massu   Librairie Arthéme Fayard 1959

Le commissaire Massu était le chef de la Brigade criminelles du quai des Orfèvres. Il a été chargé de l'affaire Petiot. Il raconte tout le déroulement de l'enquête telle qu'il l'a menée, de la découverte du lieu des crimes par le hasard d'un incendie de chaudière jusqu'à la condamnation du docteur Petiot. Au fur et à mesure de l'avancée de l'enquête il va de surprise en surprise. Bien que nous ayons tous une idée sur les agissements de ce médecin, le déroulement au jour le jour de cette enquête hors norme dans le contexte de la France occupée par les Allemands, dépasse tous es scénarios de polars, et on en frémit en sachant qu'il s'agit d'une histoire vraie.

 

 

28) Chasseurs d'espions Colonel Oreste Pinto J'ai lu

Livre passionnant qui se lit comme un polar, mais tout y est vrai. L'auteur était chargé pendant la deuxième guerre mondiale de démasquer les espions travaillant pour l'Allemagne. Il explique ses méthodes d'investigation à travers de nombreux cas qu'il a vécus. Il décortique les ficelles de son métier. Il en montre les aspects techniques et humains. Chaque espion a sa propre personnalité et les chemins pour le démasquer peuvent différer. Il est important de préciser que la torture physique n'est jamais utilisée et que l'auteur à l'instar des services britanniques, par lesquels il a été formé, met un point d'honneur à ne pas tomber dans les méthodes inhumaines des nazis. Mais la sanction pour l'espion démaqué est généralement la mort. J'ai tellement été intéressé que je l'ai quasiment lu deux fois.

 

 

 

29) Anatomie de l'errance Bruce Chatwin Le Livre de Poche

Livre très dense à lire et relire. Il aborde en apparence une multitude de thèmes que je ne raccroche pas directement à l'errance, mais il y a un lien. Par exemple l'art, quel est le lien avec l'errance? Se déplacer pour voir et surtout d'après ce que j'ai compris la possession et là c'est antagonique avec l'errance qui s'affranchit de biens matériels. On a l'impression à travers cet ouvrage d’en lire plusieurs. Il parle entre autre de gens tout à fait exceptionnels comme Maximilien Tod (que je ne connaissais pas) ou de Malaparte (auteur qui a écrit de magnifiques livres et en particulier un ouvrage de référence Kaputt. Je le compare avec Grossman et ses carnets de guerre sur le front russe durant la deuxième guerre mondiale). Il aborde aussi la vie de Stevenson, comme jamais je n'en avais entendue parler. Tout au long des pages on apprend une foule de choses dans de multiples domaines. A lire et relire dans le désordre cela n'a pas d'importance, il faudrait pouvoir mémoriser la somme de connaissances qu'il nous livre. En tout cas cela me donne envie de lire ses autres ouvrages, comme par exemple le chant des pistes.

 

 

30) La Peur Gabriel Chevallier Editions France Loisirs

Cet écrivain est l'auteur de « Clochemerle», et ce succès paradoxalement a éclipsé cet ouvrage «la Peur». Véritable plaidoyer contre la guerre, il la décrit avec précision. Il décortique les réactions humaines face à ces situations d'apocalypse que sont les grands bombardements, les préparations aux assauts dans l'attente de sortir des tranchées sous la mitraille. Ce livre a la même puissance évocatrice qu'un livre comme «Orage d'acier» d'Ernst Jünger, qui lui par contre, fait en quelque sorte une forme d'apologie de la guerre. Paradoxalement ces deux livres se rejoignent dans la puissance de la narration de situations extrêmes, en étant à l'opposé dans la perception individuelle des auteurs. Tous deux abordent la mort collective au combat, le premier se basant sur le rejet individuel et la peur et le second insistant sur l'exaltation qui naît du combat. Deux volets, deux visions, deux approches d'un même phénomène humain, la guerre dans toute son horreur et son inhumanité. La vie humaine est en sursis au gré des obus et des balles. «La Peur» mériterait la notoriété de «Orage d'acier». Ayant lu de nombreux livres sur la première guerre mondiale, ce sont les deux qui m'ont le plus marqué, par la description des situations vécues, et des réactions engendrées chez l'homme soumis à ces conditions de mort imminente.

 

 

31) Histoire secrète de la mission Rudolf Hess Lord James Douglas-Hamilton Robert Laffont

 

Livre étonnant qui explique les raisons pour lesquelles Hess est parti contre l'avis d’Hitler essayer de négocier la paix avec les Anglais en 1941. Histoire incroyable, déclenchée par deux types d'événements, qui en se conjuguant l'ont conduit en Écosse. D'une part, l'un de ses conseillers, Albrecht Haushofer, bien introduit auprès de certains milieux anglais, de façon involontaire lui en a donné l'idée. D'autre part l'estime d’Hitler à son encontre baissant, il a voulu redorer son blason en tentant d'arrêter la guerre sur le front ouest à la veille du déclenchement de la guerre contre la Russie. De la conjugaison de ces différents événements il en est résulté son départ en Messerschmitt 110 le 10mai 1941.

L'argumentaire déployé semble très plausible. Le livre révèle le personnage étonnant de Haushofer. D'ailleurs dans le livre il est plus question de lui que de Hess. On assiste aussi à toutes les tentatives de positionnement de Himmler pour éventuellement supplanter Hitler en fonction de circonstances qui auraient pu se révéler favorables. Très intéressant, publié en 1971 et en 1972 pour la version française.

 

 

32) Le pouvoir ne se partage pas Conversations avec François Mitterrand           Edouard Balladur Fayard

 

Edouard Balladur, retrace sa relation avec François Mitterrand à l'époque où il était Premier Ministre et Mitterrand Président de la République.

Ce compte-rendu presque au jour le jour montre comment la politique française s'élaborait au cours de ces deux années de cohabitation (mars 93 mai 95). Certains pourront dire c'est facile de reprendre ce qu'aurait dit une personne morte, cependant je trouve un air de sincérité à ce récit. Il en ressort que les actions des hommes politiques, en connaissance de cause, ne sont pas toujours dans l'intérêt de la France, mais inspirés par de basses manœuvres.

La description détaillée du jeu qu'ils jouent dans leurs rapports quasi-journaliers démonte bien le mécanisme de la prise de décision au sommet de l'état durant ces deux années. Il en ressort que ce qui comptait c'était plus de garder les apparences du pouvoir que sa réalité.

On apprend beaucoup de choses sur leurs actions et le cheminement de leurs pensées face aux grands problèmes nationaux et internationaux de ces deux années.

Il met aussi en évidence toute la toxicité de sa propre majorité qui en partie roule pour Chirac et qui essaie de lui nuire pour donner des arguments à Chirac pour les présidentielles de 1995. Les hommes politiques pour nombre d'entre eux ne sortent vraiment pas grandis au travers de ce qu'il écrit.

Bien qu'il n'en parle pas, l'affaire Clearstream regardée à l'aune des chausse-trappes que Chirac lui a tendus lors de la présidentielle de 1995, laisse à penser que certains ont essayé de faire la même chose à Nicolas Sarkozy pour les dernières élections présidentielles en 2005.

Ce livre laisse un malaise, tous pourris, manipulation de l'opinion, le fric seul permet aux grands partis d'émerger, même si leurs leaders n'ont pas d'idées, bien qu'ils soient de grands stratèges pour conduire une campagne. Malheureusement une fois qu'ils détiennent le pouvoir ils ne savent plus très bien qu'en faire, en partie du fait de la démagogie employée pour arriver, qui les empêche de mener une action pour le redressement du pays.

On se demande après ce livre, si cela sert à quelque chose d'aller voter. Je pense à Anne Romanov et son sketch «On ne nous dit pas tout».

En conclusion à lire impérativement

 

 

33) Solos d'amour John Updike

A travers un peu plus d'une dizaine de récits, il raconte toutes sortes d'histoires entre les deux sexes. Cela va du fantasme concernant une rencontre qui date de l'adolescence à l'adultère à travers tous ses stratagèmes et ses mécanismes. Ce qui est intéressant dans ces récits magnifiquement écrits, c'est que l'on y découvre forcément dans la variété des situations décrites des analogies avec sa propre vie. La dernière histoire de loin la plus longue, puisqu'elle doit faire la moitié du livre qui compte 400 pages est un peu monotone. Cependant elle conserve son attrait du fait de la description de la société américaine, dans laquelle l'auteur sait si bien nous plonger. Cette deuxième partie je l'ai lue par curiosité sur cette fameuse société américaine. Mais dans la nôtre nos motivations sont-elles différentes? Écriture pleine de fraîcheur, sans tabou.

 

34) Ambassadeur en mission spéciale    Sir Samuel Hoare       Vent du Large 1948

 

Récit passionnant de l'ambassadeur de Grande Bretagne en Espagne durant la deuxième guerre mondiale. Lieu où se tramèrent et se discutèrent de nombreuses intrigues, les différents interlocuteurs alliés et de l'axe se côtoyaient dans ce pays presque neutre. En effet, il ne l'était pas tout à fait. Les penchants vers l'Allemagne étaient visibles sans ambiguïté. Un volet important des missions de cet ambassadeur était de faire en sorte que Franco ne cède pas à ses ministres pro nazi et aussi à la pression directe d’Hitler qui cherchait à entraîner l'Espagne dans le conflit. Très belle narration, très claire écrite par un acteur de premier ordre, qui œuvra pour la restauration de la démocratie au cours de ce cataclysme qui ravagea le monde durant de nombreuses années.

 

 

35) L'argent des politiques Christophe Dubois Marie-Christine Tabet Albin Michel 2009

 

Un livre de plus qui ne met pas les hommes et femmes politiques à l'honneur. Il révèle une multitude de scandales et de pratiques pour le moins pas très glorieux? Mais on en a déjà tellement vu, lu et entendu que nous ne sommes plus étonnés, sans doute blasés depuis longtemps par le comportement de ce qui paraît-il constitue l'élite du pays. Cependant, une petite note d'espoir au milieu de ce récit où l'avidité règne sans partage, quelques hommes politiques semblent mener un combat de conviction dans le désintéressement. Mais ils ne sont pas nombreux, sans doute les partis n'aiment pas les gens sur lesquels on ne peut faire pression.

 

 

36) Mot de passe «courage»   John Castle   J'ai lu

 

Histoire d'un prisonnier de guerre britannique, qui réussit l'exploit de multiples évasions et aussi de pénétrer dans un camp de concentration et de prendre la place d'un déporté pour vingt quatre heures. Livre digne d'un roman d'aventure au sein des camps de prisonniers et d'extermination nazis. Cette aventure extraordinaire, son auteur la mettra à profit, en étant l'un des témoins du procès de Nuremberg.

 

 

37) Ce que savaient les Alliés Christian Destremau Tempus 2007

 

Livre captivant qui analyse ce que les Alliés savaient de leurs ennemis et de leurs stratégies et exactions durant la deuxième guerre mondiale par les différents télégrammes secrets qu'ils étaient en mesure de décoder. En effet ils étaient en mesure de casser un certain nombre de codes secrets, allemands, japonais, français de Vichy, ainsi que d'autres pays neutres. Roosevelt était-il au courant de l'intention japonaise d'attaquer Pearl Harbour? Dans quelle mesure l'interception de messages diplomatiques japonais a permis aux Américains de se conforter dans l'emploi de la bombe atomique? Que savaient les Alliés sur les camps d'extermination et quelle a été leur action? Que savaient-ils sur le gouvernement de Vichy et la collaboration?  Quel était le résultat sur la population allemande  des bombardements massifs? Toutes ces questions et bien d'autres comme pourquoi n'ont-ils jamais essayé de tuer Hitler, sont étudiées à l'aune de documents qu'ils étaient en mesure de lire grâce aux codes secrets qu'ils réussissaient à casser. Passionnant, se lit comme un vrai roman d'espionnage et il nous aide à mieux cerner les décisions prises par les Alliés en particulier Churchill et Roosevelt durant le deuxième conflit mondial.

 

 

38) Le Lieutenant Méhariste Jean-André Henoux Editions France-Empire 1961

 

Récit très intéressant d'un méhariste qui remplit sa mission de protection des intérêts français dans le désert face à des tribus qui commencent à vouloir s'émanciper de la tutelle française. Sans aborder le problème philosophique de la colonisation, au travers des descriptions du désert, des traditions des peuples qui y vivent et de l'aventure des débuts de l'ère pétrolière dans ces contrées, ce témoignage éclaire par une petite fenêtre ce qui s'est passé dans ces régions en préambule de l'indépendance algérienne. J'ai beaucoup aimé.

 

39) Un Franciscain chez les SS Géréon Goldmann Editions de l’Emmanuel 2008

Parcours tout à fait étonnant d’un Franciscain allemand incorporé au début de la deuxième guerre mondiale dans une unité SS. Il ne reniera pas sa foi malgré toutes les pressions subies. Il fera preuve d’un courage que certains pourraient considérer comme suicidaire. C’est peut-être ce qui le sauvera. En effet son attitude attire de fait une forme de respect chez les nazis. Ils finiront cependant par le chasser et l’envoyer dans la Wehrmacht. Il participera à une multitude d’opérations entre la Pologne, la campagne de France, le front russe et la guerre en Sicile. Il va connaître des péripéties absolument incroyables sur ces différents fronts. Entre être raccompagné dans les lignes allemandes par l’armée russe alors qu’il visitait un pope, ou une messe au débotté en plein affrontement réunissant Allemands Anglais et  Américains; et là encore les Anglais le raccompagnent dans les lignes allemandes après l'office où il distribue les hosties, récupérées dans une église italienne en menaçant le curé qui s'y refusait. Ce ne sont que deux exemples parmi une multitude d’autres où sa vie n’a tenu qu’à un fil. Après ce livre si l’on ne croit pas en Dieu, on est tout du moins interrogatif sur le fait qu’une telle destinée ait pu exister.

 

Livre qui vaut tous les romans de guerre les plus délirants, mais la différence dans le cas présent il s’agit d’une expérience vécue. Outre les aventures improbables que vit l’auteur, il ressort de ce livre une étude de caractères.

 En effet dans des conditions extrêmes la réaction de chacun est particulière face au danger. Qu’il s’agisse d’unsoldat allemand, d’un jeune Polonais, d’un prêtre italien d’un moine français ainsi que d’une quantité d’autres personnages croisés, on assiste au comportement humain du plus sordide au

plus sublime et cela parfoisindépendamment du camp. Un des livres les plus étonnants que j’ai lus.

 

 

40) Ce que je n’ai pas pu dire Jean-Louis Bruguière Robert Laffont 2009

Juge antiterroriste, durant trente années il a été au centre d’une multitude d’affaires criminelles et terroristes qui ont toutes à leur époque été très médiatisées. Il en explique les dessous et le cheminement des enquêtes.

Ses investigations concernant le terrorisme international sont très intéressantes. Il démonte point par point le mécanisme de fonctionnement de cette grande entreprise de destruction de l’Occident qu’est la mouvance terroriste internationale. Ses révélations sur des affaires comme l’attentat du DC10 français sont dignes d’un grand thriller d’espionnage, où il reste le maître du jeu dans des entreprises de déstabilisation et de désinformation. Ses rapports de travail avec une multitude de pays, lui permettent de décrire de façon claire de ce que les autres nations font dans le cadre de cette guerre mondiale. En particulier, son analyse sur l’infiltration des milieux militaires pakistanais par les réseaux terroristes est inquiétante. Sa connaissance d’une multitude de groupes islamistes, de leur fonctionnement, de leurs méthodes, de leurs actions perpétrées ou contrées est absolument prodigieuse. Par moments on croulerait presque sous la profusion des détails, mais ils sont indispensables dans le cadre de son implacable démonstration.

Livre à lire impérativement pour avoir un point de situation complet et actuel sur la guerre mondiale que se livrent l’Occident et le terrorisme en particulier islamique.

 

41) Née d’amours interdites Josiane Kruger Editions Succès du Livre 2006

Sa mère était française et son père soldat allemand. Comme 200000 enfants elle fut confrontée à l’hostilité presque générale, car ces amours interdites étaient considérées comme une trahison. L’auteur raconte de façon remarquable les tourments qui ont été les siens tout au long de sa vie, confrontée aux regards des autres souvent réprobateurs. Très joli texte écrit avec sensibilité, qui a travers son expérience met bien en exergue le déchirement qu’ont vécu tous les enfants ou presque issus de ces « amours interdites ». Son texte est d’autant plus touchant qu’il ouvre sur un grand espoir. En effet elle a rapidement identifié son père qui ne l’avait pas oubliée et les liens entre les familles allemandes et françaises sont devenus très forts.

 

 

 

42) Dictionnaire amoureux du Ciel et de l’Espace Trinh Xuan Thuan Plon Fayard 2009

 

Cet ouvrage de plus de 1000 pages représente une magnifique actualisation sur les questions qui touchent à la matière, inanimée et vivante, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Ses chapitres au nombre approximatif de trois cents abordent des sujets aussi différents que l’expansion de l’univers et les indices qui militent en sa faveur, la théorie des cordes, la conscience humaine, les trous noirs, l’atmosphère terrestre, l’antimatière, une multitude d’hommes de science de l’antiquité à nos jours, Dieu et le temps, beauté et unité de l’univers. Je ne vais pas faire l’énumération des trois cents chapitres, mais chacun d’eux aborde avec clarté une question, l’explique, découvertes et informations récentes à l’appui. Ouvrage de référence pour toute personne s’intéressant à la physique de notre univers et qui se pose des questions sur le pourquoi des choses. Ce type d’ouvrage conduit le lecteur de la science à la philosophie en passant par l’histoire et l’évolution de l’homme et de l’univers qui l’environne. L’auteur véritable puits de connaissances, sait faire partager son savoir et son questionnement. Ouvrage à lire à petites doses pour pouvoir bien assimiler le foisonnement de données et pouvoir méditer tout l’extraordinaire qui se dévoile au fur et à mesure que les pages se tournent. Mérite de devenir une bible à laquelle on s’abreuve en quête de savoir et de réponses à nos questions sur la création de l’univers. Mais la science restera toujours la science aussi poussée soit la connaissance, et des questions fondamentales comme le passage de l’inanimé à l’être vivant et ensuite à la conscience feront appel à la conviction de chacun quant à la réponse à apporter. Ce livre met à disposition un certain nombre de briques et de pistes, et chacun sera libre de les assembler à sa manière, en fonction de sa sensibilité et de sa croyance ou non en Dieu ou en un être supérieur. Ce qui fait retomber sur une question fondamentale, le hasard ou la nécessité. Il l’aborde de façon sublime et apporte une réponse sans appel : l’existence de la conscience n’est pas contingente, mais nécessaire, car l’univers n’a de sens que s’il contient une conscience capable d’appréhender son organisation, sa beauté et son harmonie.

 

43) La Traque des criminels de guerre et moi Carla Del Ponte Edition Héloïse d’Ormesson 2009

Pendant huit ans elle a été procureur général du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. Au centre d’une multitude d’organisations nationales et internationales avec lesquelles elle dialogue et négocie pied à pied sous la pression des intérêts particuliers et divergents elle conduit ses mises en accusations souvent seule contre tous.

Elle décortique bien les rouages des différents génocides commis sur ces deux théâtres de guerre, en donnant un point de vue éclairé sur les différents génocidaires qu’elle poursuit.

A travers ses différentes tractations avec sa hiérarchie de l’ONU, souvent directement avec le Secrétaire Général, ou avec des organisations internationales comme l’Union Européenne ou l’OTAN, ou directement avec les nations d’Europe ou les USA, et aussi bien entendu avec les pays dont les cherche à arrêter certains ressortissants, elle nous invite à suivre son combat dans toute sa complexité. Indépendamment du mécanisme de fonctionnement du Tribunal international pénal, dont elle nous explique le fonctionnement, on assiste à l’élaboration de la politique internationale à l’aune de la sensibilité des états, chacun ayant ses orientations, et à l’aune des organismes internationaux.

Livre passionnant de ­ 600 pages qui éclaire largement sur un problème grave, les crimes de guerre et génocides et l’impunité, en en dévoilant tous les aspects, pénaux et politiques.

 

44) Neige     Maxence Fermine    arléa     1999

Très joli petit conte d’inspiration japonaise, très agréable à lire. On y apprend entre autre ce qu’est un haïku, petit poème à dix sept syllabes.

 

 

45) Une balle perdue  Joseph Kessel      folio

Cours roman qui se déroule au cours d’une émeute à Barcelone quelques années avant la guerre d’Espagne. Dans des circonstances difficiles, emmêlées et dangereuses, l’auteur campe  un personnage principal entier sans concession qui porte la notion d’honneur d’amour et d’amitié au plus au niveau.  En particulier une réplique du chef terroriste à son jeune disciple qui ne sait plus s’il doit prendre parti pour son ami qui ne partage pas ses convictions est remarquable  et bien dans le ton du livre: un anarchiste est d’abord un homme libre, et à mon sens quand il a un ami, quel qu’il soit, en péril, il reste à ses côté.

 

 

46) Le chef du contre-espionnage nazi parle 1933-1945   Walter Schellenberg    éditions  Julliard 1957

 

L’auteur surnommé Fouché à Berlin, donne à travers ses mémoires une description de première main de ce qu’était le système nazi. Il côtoyait journellement les principaux acteurs tels que Himmler. A travers de multiples anecdotes il dresse une fresque de  tous les grands chefs nazis et porte témoignage sur les grands événements qui marquèrent le nazisme depuis ces débuts jusqu’à sa chute. Le document est d’autant plus intéressant que les responsables de ce niveau n’ont pas été très nombreux à faire part de leurs expériences  concernant cette période sombre de notre histoire.

 

 

 

 

47) L’enfer de Matignon  Raphaëlle Bacqué      Points  2008

Cette journaliste du monde interroge 12 anciens premiers ministres sur leur expérience à ce poste. Tous ces témoignages abordent chacun avec sa sensibilité la fonction de premier ministre. Il en ressort que pour tous, le monde de la politique est pavé d’ennemis et de concurrents, que l’on soit de votre bord ou non. Intéressant, la plupart me sont apparu sympathique, l’un m’a semblé sortir du lot. On voit bien à travers ces différents récits apparaître toute la gesticulation politique française qui ne semble pas très saine.

 

48) Ma captivité en Corée du Nord  Célestin Coyos  Grasset  1954

L’auteur, un missionnaire français raconte son incroyable épopée, 30 mois prisonnier des Coréens du Nord. Lors de la guerre de Corée, lorsque l’armée nord coréenne a conduit une poussée en direction de Séoul, l’auteur, comme de nombreux Occidentaux a été fait prisonnier. Il a ensuite été traîné dans de multiples  sites de détention au gré de ce qui semble plus le hasard qu’une réelle stratégie de ses geôliers. Témoignage très intéressant, Célestin Coyos décrit la vie de misère qu’il mène avec ses compagnons d’infortune dans les montagnes coréennes au climat particulièrement hostile, confronté aux tortures morales de ses gardiens. De ce texte ressort toute la force morale des religieux et religieuses embarqués dans cette aventure. La plupart d’entre eux y laisseront d’ailleurs leur vie.

 

 

49) Les crimes de la Wehhrmacht  Wolfram Wette  Perrin 2009

 

Livre extrêmement instructif sur la réalité de l’action de l’armée allemande au cours de la deuxième guerre mondiale. L’auteur qui est professeur d’histoire contemporaine à la faculté de Fribourg et professeur honoraire de l’université russe de Lipetsk, montre avec une argumentation basée sur des recherches sérieuses, de façon nette l’implication de l’armée allemande auprès des unités SS dans la conduite des exactions perpétrées, en particulier son implication dans le programme d’extermination. Il explique comment à la fin de la guerre l’armée allemande s’est vue disculpée des accusations pesant sur les SS. Les raisons sont internes et externes à l’Allemagne. Internes car le pays a fait bloc pour différentes raisons qu’il explique très bien, et les généraux allemands dans leur immense majorité au cours de leur témoignage ont passé sous silence leur implication personnelle.  Externes, car les alliés occidentaux ont voulu ramener sans contestation possible les Allemands dans leur camp, alors que la menace du communisme se faisait de plus en plus pressante. Livre qui m’a intéressé au plus au point et qui précise sans faux semblant un certain nombre de questions qu’on ne manque pas de se poser sur ce conflit mondial

 

 

50) Le Pacte des assassins  Max Gallo  Livre de Poche 2008

Roman qui est tiré de faits réels. En suivant les aventures de son héroïne comtesse italienne, qui dans la réalité était Margarete Buber-Numann, communiste allemande qui avait fui en URSS et rejoint Lénine puis Staline. Sa vie, véritable roman des plus dramatiques, broyée entre deux systèmes totalitaires, ballotée entre camp de déportation en Sibérie et camp de concentration en Allemagne. Max Gallo avec son écriture toujours très claire et sans détour, nous livre une analyse des rapports germano-soviétiques au moment de l’accord de non-agression qui lia ces deux pays avant le déclenchement de l’opération Barbarossa. Il décortique les mécanismes de ces régimes et met en scène des personnages, certes de second plan, en particulier  certains communistes français, qui permettent de comprendre quelles faiblesses et défauts humains ces régimes monstrueux utilisaient pour imposer leur soi-disant  socialisme qu’il soit national-socialisme ou communisme. L’héroïne, espionne soviétique bien introduite dans les milieux nazis est a même de bien cerner les négociations auxquelles se livrent Hitler et Staline, pour comme dans un immense jeu de poker menteur, être à même de mieux foudroyer l’autre le moment venu. J’ai beaucoup aimé.

 

 

51) Conversations avec Staline  Milovan Djilas   idées nrf Gallimard 1971

 

Livre au titre alléchant, un témoignage direct vécu au contact de Staline. L’auteur est un adjoint de Tito, à ce titre il est amené à plusieurs reprises à se rendre en URSS, pour négocier dans le cadre des relations entre la Yougoslavie et l’URSS. Le témoignage est intéressant, bien que parfois il y ait des longueurs dans la première partie. En effet les entretiens avec Staline ne couvrent qu’une partie de l’ouvrage. Le dernier quart est passionnant, en effet on assiste à des discussions politiques de fond entre le maître du Kremlin et des représentants bulgares et yougoslaves. On comprend sans détour la terreur que Staline  essaie d’imposer à ses interlocuteurs en les soumettant à sa bonne volonté et en leur retirant toute autonomie. Témoignage méritant d’être lu, qui confirme bien l’image que l’on se fait de ce dictateur.

 

 

 

 

52) L’imposture climatique   Claude Allègre  Plon 2010

Livre écrit par un scientifique incontesté même si certains n’adhèrent pas à ses idées. Cependant son argumentation  très fournie interpelle.  Il ne conteste pas la réalité du réchauffement, mais met en cause les conclusions considérant que l’homme est l’exclusif responsable de cette augmentation de la chaleur.  Il explique comment des lobbys  sous couvert d’organisations scientifiques ont confisqué le débat sur cette question, qui nous préoccupe tant, le changement climatique. En particulier, il met en garde contre le mode  de pensée des verts, qui à son sens ne résoudront rien, si ce n’est plonger notre pays, voire l’Europe dans  la récession, alors que ce ne sera pas le cas pour les grands pays de la planète. Ils expliquent bien leur courte vue et leur peur de la technologie qui les amènent à n’avoir aucune confiance dans la capacité inventive de l’homme ; On comprend qu’il explique cette attitude des verts en partie par leur immense lacune en matière de formation scientifique, ce qui les disqualifie pour prendre part au débat concernant le développement de notre monde.  Son argumentation bien étayée me semble très cohérente. Livre fort intéressant qui semble déclencher quelques réactions, que j’ai lues et ne semblent pas aller très loin dans la réfutation de ses affirmations. Des gens comme Nicolas Hulot, qui se font accuser de véritable incompétence, restent à mon sens très amorphes et ne répondent pas. Peut-être est-ce trop tôt, le livre est tout récent, mais si effectivement les tenants de la théorie du réchauffement dû à l’homme sont sûrs de leurs théories devraient apporter une contestation vive et argumentée à ce livre. Affaire à suivre, mais je ne peux que conseiller de le lire, car il porte à réfléchir sur le fonctionnement de nos sociétés et ses modes de pensées.

 

 

 

53) Les dérangements du temps

500 ans de chaud et de froid en Europe

Emmanuel Garnier  PLON  2010

 Agrégé d’histoire et maître de conférences, l’auteur mène depuis quatre ans des recherches sur l’histoire du climat.

A travers une multitude de sources historiques, archives et comptes-rendus  individuels, il décrit le climat au cours des cinq derniers siècles. Il en décèle les éléments les plus caractéristiques, pics de chaleur ou de froid, périodes de canicule ou de refroidissement, et les sécheresses et inondations qui en découlent. Il montre que des événements particuliers comme une éruption volcanique ont eu une réelle influence sur le climat de l’Europe.

Livre très intéressant, bien que parfois difficile à lire, montrant bien l’impact des aléas climatiques sur les populations au cours des siècles passés. Les fluctuations importantes qu’il dévoile à travers son exposé, mettent en lumière que le climat n’est pas une donnée stable, mais qui subit des variations importantes dues à des facteurs complexes, que l’on n’identifie pas facilement la plupart du temps.

Ce livre est un bon complément à la lecture de celui de Claude Allègre « l’imposture climatique ».

Ces lectures, indispensables à mon sens, qui traitent toutes deux de l’évolution du climat, donnent matière à réflexion concernant l’évolution de notre climat, mais en ce qui me concerne je suis bien en peine de me forger une conviction sur le sujet.

Le livre d’Emmanuel Garnier décrit les péripéties du climat sur une longue période, tandis que celui d’Allègre cherche à démontrer que l’action de l’être humain sur les variations climatiques que nous connaissons doit être étudiée dans un contexte beaucoup plus général et plus complexe.

 

 

 

54) La petite demoiselle et autres affaires d’Etat  Christian Prouteau                Michel Lafon 2010

L’ancien créateur et chef du GIGN relate ses treize ans au service du Président de la République. Bien malgré lui il a été entraîné dans cette mission, qu’il a commencé par refuser. Mais François Mitterrand ne lui a pas laissé le choix.

Une fois de plus je lis un livre d’une personne ayant côtoyé Mitterrand de très prêt, et qui n'est pas un politique. De toute évidence il leur laisse une impression très forte et les gens sont tombés sous son charme, même quand ils avaient des à priori très négatifs à son sujet.

Prouteau ne se montre pas tendre avec certains hommes politiques qu’ils a vu agir au cours de son long service à l’Elysée.

De nombreuses   anecdotes pleines de tendresse, en particulier lorsqu'il parle de la Petite demoiselle.

Livre très agréable allant toujours directement aux faits, donnant un éclairage particulier sur les hommes politiques et  qui montre François Mitterrand dans ses rapports humains non politiques. J’ai beaucoup aimé.

 

 

 

55) Eux, les STO Jean-Pierre Vittori  Ramsay   2007

STO trois lettres, acronyme de Service Travail Obligatoire. Plus d’un million de Français, pour la plupart contraints,  sont partis travailler en Allemagne  au cours de la deuxième guerre mondiale.

L’auteur au travers d’une vaste enquête auprès des STO, pas toujours facile à mener, a disséqué tout le processus, en abordant la démarche individuelle devant ce départ en Allemagne, la position du gouvernement de Vichy, des employeurs en France et des Allemands qui en dernier lieu décidaient.

Comme tout ce qui touche à la deuxième guerre mondiale et ce qui s’est passé en France à cette époque, un certain voile est entretenu, qu’il n’est pas toujours facile de lever. Ce problème du STO est un épisode de cette période les moins connus, malgré le million de Français qui y ont été entraînés.

Cette étude démonte bien tous les aspects du mécanisme mis en place. On est en effet loin des clichés de collabo et résistant, le système mis en place et les contraintes de l’époque ne permettent pas de trancher aussi nettement.

En écoutant les STO et en dépouillant les centaines de fiches qu’il a fait remplir on voit se dessiner toute la complexité tintée d’horreur, de dictature et de désinformation de ces longues années d’occupation.

A la fin de cette lecture on a une bonne image de ce qui s’est passé, très intéressant mais nous ne pouvons que souhaiter de ne pas connaître à nouveau de telle période.

 

56) Sexus Economicus     Yvonnick Denoël    nouveau monde éditions   2010

Livre intéressant qui décrit les méthodes employées pour battre la concurrence en matière commerciale en utilisant  des call-girls. Comme on le savait déjà le sexe a été, est et restera ce qui fait courir le monde tout du moins les hommes. Je suis cependant étonné de voir que certains hommes qui passent pour des sexe- symboles font appel aussi à des services tarifés.

 

57) Les secrets d’une redition   Allen Dulles  1967 Calmann-Levy

Allen Dulles  avait été chef de la CIA. Dans ce livre il nous relate son action comme jeune diplomate en Suisse au cours de la seconde guerre mondiale. Durant cette période il a été l’un des acteurs principaux de l’opération « Sunrise ».

Cette opération avait pour but la reddition des troupes allemandes sur le front italien, sans l’accord d’Hitler. Du côté allemand le principal protagoniste a été le général SS Wolff, chef de toutes les formations SS en Italie. Il a du convaincre les autres chefs de composantes militaires, la LuftWaffe et l’armée de terre. Pour l’armée de l’air son chef était acquis depuis longtemps à une reddition, pour l’armée de terre cela a été beaucoup plus compliqué. Le livre relate toutes les péripéties de ces tractations secrètes, entre d’une part des généraux allemands, menacés de mort pour haute trahison, et des autorités anglo-américaines sceptiques, craignant même un traquenard et les Russes essayant de faire capoter l’opération, car ils voulaient être les premiers à envahir l’Italie par la Yougoslavie, afin de la raccrocher au camp communiste.   Livre absolument passionnant où l’on voit très bien décrit le processus compliqué qui a conduit à la cessation des hostilités le 2 mai 1945 sur le front italien. Cet événement outre d’avoir préservé des milliers de vies humaines de tous les camps, a précipité la reddition à l'ouest du maréchal Kesselring qui était le commandant en chef des troupes allemandes sur l’ensemble du front.

Cet ouvrage se lit comme un roman avec des rebondissements dignes du meilleur romancier, comme quoi la réalité dépasse souvent la fiction.

 

 

58) Réflexions et Aventures   Winston Churchill      TEXTO 2008

Winston Churchill, bien évidemment on ne le présente pas. Pour ma part je le considère comme l’homme le plus important du xxème siècle, seul au début, ou presque, il a su réagir et organiser la résistance contre  Hitler et sa folie meurtrière.

Comme il est écrit en préambule, les essais qui composent ce livre ont tous été écrits avant 1932. A travers une vingtaine de chapitres il retrace son expérience vécue durant les événements importants du début du siècle, politiques et militaires. Il apporte un éclairage personnel et très clair sur une multitude de faits historiques connus et dresse les portraits d’acteurs majeurs qu’il a bien souvent côtoyés. Il explique de façon concrète les grands dilemmes auxquels les dirigeants de l’époque, dont il faisait partie ont été confrontés, en particulier durant la première guerre mondiale. Son expérience du  front est étonnante. Il a quitté un poste de responsabilité important en Grande Bretagne pour aller se rendre compte des réalités du terrain durant plusieurs mois dans les tranchées en première ligne avec le grade de commandant.

 Livre particulièrement intéressant qui présente, entre autre, un caractère prémonitoire sur ce qui s’est passé ensuite au xxème, car n’oublions pas qu’il a été écrit dans le premier tiers du siècle dernier.

 

 

59) Une femme à Berlin  Journal 20 avril-22 juin 1945   folio  2002

L’auteur de ce livre a voulu rester anonyme. On en comprend très bien les raisons. Durant deux mois cette jeune Berlinoise a tenu un journal, du 20 avril au 22 juin 1945. Son récit commence un peu avant l’arrivée des troupes soviétique.

Au jour le jour, sans faux semblant elle va décrire la vie des habitants et surtout des habitantes de la ville d’abord sous les bombardements et ensuite sous la coupe de l’armée rouge. Elle explique les relations qui vont s’établir entre les soldats soviétiques et les femmes allemandes.

Dans une Allemagne complètement détruite où la survie est liée en particulier à la recherche de la nourriture et d’un minimum de sécurité, elle montre les rapports qui se lient entre hommes et femmes. Tout d’abord  basées sur le viol systématique sans contrepartie, ces relations vont évoluer vers une forme de prostitution forcée contre nourriture et protection relative contre la systématisation du viol et la banalisation de la terreur par tout militaire de passage.

Durant deux mois on assiste au basculement de l’état nazi sous les bombes au retour à la paix avec la transition militaire russe et son mode de fonctionnement. Ce témoignage  particulièrement intéressant montre bien l’adaptation forcée et la réaction des femmes allemandes confrontées à l’armée rouge qui arrivait à Berlin.

60) Journal d’un Conjuré 1938-1944  Ulrich von Hassell     Belin

Ulrich von Hassell était un diplomate allemand, qui fut ambassadeur à Rome de 1932 à 1938. Du fait de sa position critique envers le système nazi, Hitler le démit de ses fonctions. De retour en Allemagne il tient un compte-rendu régulier de tous ses entretiens avec les personnages qui détiennent une partie de pouvoir dans le régime national-socialiste, qu’il s’agisse de civils ou de militaires.

Il montre très clairement les interrogations que ne manquaient pas de se poser bon nombre de personnages allemands. Mais il montre aussi le système totalitaire qui plonge chacun dans la terreur et empêche toute action concertée. Mais il montre aussi que les ambitions personnelles étaient un frein à l’opposition, car au gré des succès ou des échecs militaires nombreux dans un premier temps pensaient la victoire allemande possible. Quand tout espoir s’était envolé, des idées comme reddition avec conditions ont aussi joué en défaveur d’un coup d’état ou d’un attentat. Il montre aussi très bien le système de surveillance de la gestapo.

En septembre 1944 il fut condamné à mort et exécuté. Ce témoignage est l’un des rares qui nous décrive de l’intérieur ce qui agitait les Allemands au cours de la deuxième guerre mondiale. Ouvrage passionnant que je recommande fortement.

61) Mirage contre Mig   Ben Dan  J’ai Lu  1967

Ce livre raconte l’incroyable action de l’armée de l’air israélienne au cours de la guerre des 6 jours en juin 1967. En effet avec un effectif réduit de l’ordre de 150 avions de combat, tous français dont la moitié de Mirage III, les forces aériennes israéliennes ont détruit les armées de l’air de 4 pays arabes en l’espace quasiment d’une seule matinée, en commençant par un double raid massif sur l’Egypte. Puis les quatre jours suivants les avions d’Israël ont participé à l’appui des troupes au sol et à la démoralisation des armées de terre ennemies. Les chefs militaires et les pilotes israéliens ont fait preuve d’une clairvoyance, d’un courage et d’une détermination exceptionnels.

Livre époustouflant.  

 

 

62) Les Diplomates  Franck Renaud    éditions nouveau monde   2010

 

 Livre qui fait une analyse actuelle de l’état de fonctionnement des ambassades françaises et de leur ministère le « Quai d’Orsay ».

La diplomatie française comme les autres secteurs est touchée de plein fouet par les restrictions budgétaires qui entraînent coupures dans les projets et diminution du nombre de personnes affectées à l’étranger dans les représentations françaises.

L’auteur par une multitude de cas concrets nous montre l’action et la vie de ces personnels considérés par beaucoup comme des nantis payés royalement.

Il ressort de cet ouvrage, que l’on trouve de tout dans nos ambassade et au ministère des affaires étrangères, du  très bon et du moins bon. Ce qui peut choquer c’est que la compétence n’est pas forcément le critère principal de promotion et de maintien dans des emplois très lucratifs. Les puissants réseaux internes sont à l’action et maintiennent contre vents et marées leurs affidés. On touche du doigt toute la puissance bureaucratique de notre système français qui ne se laisse pas réformer sans remous.

Tout contribuable soucieux de l’utilisation des ses impôts se doit de lire et ouvrage afin de se faire sa propre idée de l’efficacité de cette grosse machine qu’est le Quai d’Orsay ».

 

63) Mes valises diplomatiques  Brigid Keenan   Petite Bibliothèque Payot 2005

 L’auteur de ce livre est femme de diplomate. Elle raconte  sa vie au fil des affectations de son mari un peu partout sur la terre. Outre le fait d’être mariée à un diplomate, elle est journaliste et malgré les difficultés que cela lui pose, elle arrive à garder quelques contacts professionnels.

Elle fait ressortir admirablement la vie des ces expatriés que sont les personnels des ambassades. Elle y met une belle touche d’humour. Elle donne des éclairages très intéressants sur les différents pays qu’elle a habités généralement plusieurs années.

Livre de presque 400 pages qui se lit comme un véritable roman d’aventures, où les rebondissements se succèdent pour la plus grand plaisir du lecteur. Et bien entendu, l’intérêt provient aussi du fait qu’il s’agit d’une histoire vécue au fil d’une vie.

Bien souvent les livres de la collection Petite Bibliothèque Payot qui relatent des histoires d’aventures vécues sont particulièrement intéressants, et celui-ci ne déroge pas à la règle.

 64) Le tour du Chili à vélo Régine Bienvenue et Pierre Devaux  La Manufacture 1987

Ce livre racontant le périple à vélo de ce couple à travers le Chili est proprement époustouflant. Bien souvent ils sont sur des chemins à peine carrossables, et parfois durant des jours ils errent dans les montagnes en altitude hors de tout tracé en portant leurs bagages puis leurs vélos. Le poids de leurs montures était incroyablement élevé 80 kilogrammes, ce qui en aurait arrêté plus d’un. Eux au contraire ça semblait leur donner de la motivation, ils ont même  emmené leurs engins avec bagages à 6000 mètres. Ils ont bivouaqué dans les endroits les plus invraisemblables,  par des températures qui ont frôlé les -30, souvent en espérant trouver ravitaillement et eau à très court terme, sous peine de mourir.   Absolument fabuleux, récit de deux cyclistes qui montrent une ténacité vraiment au-dessus de la moyenne.

 

65) l'Assassinat de Trotski  Pierre Broue  Editions Complexe

Dans cet ouvrage l'auteur retrace tout le déroulement des faits qui ont conduit à cet assassinat hors norme d'un coup de piolet. Bien évidemment Staline  était le commanditaire de cette action. De nombreuses préparations aussi bien logistiques que d'influence ont été nécessaires, après un certain nombre d'échecs, dont le dernier quelques mois avant ce jour fatidique pour mener ce projet à bien. Livre très bien renseigné qui parfois du fait des détails est difficile à lire. Mais il éclaire sur l'un des événements importants du XX siècle.

 

66) La guerre en 40 questions Le Grand-Amiral Dönitz                              La Table Ronde  1969

Livre remarquable, un officier général qui a détenu de grandes responsabilités de commandement explique en trois cents pages, au travers de questions qui lui sont posées, son action durant la deuxième guerre mondiale.  Responsable durant la première moitié de ce conflit de la guerre sous-marine, il en donne des éclairements précis. Il explique toutes les décisions non prises qui ont conduit au fait que les Allemands n’ont pas triomphé dans le domaine de la guerre sous-marine, malgré les 2800 navires alliés coulés par les sous-mariniers. On en tremble rétrospectivement, en pensant que s’il avait été écouté plus tôt par l’amiral Raeder, le chef de la marine et par Hitler, la guerre aurait pu prendre une autre tournure. On comprend toute l’importance stratégique qu’avaient les convois maritimes anglais et américains, ce qu’il avait bien perçu, alors qu’heureusement ses chefs n’avaient pas sa vision claire. On comprend aussi les grands soucis qui étaient ceux de Churchill en constatant cette puissance sous-marine allemande qui risquait d’avoir les conséquences les plus funestes pour l’issue du conflit mondial, si les alliés ne découvraient pas le moyen technologique permettant la détection des sous-marins.

Il explique très clairement sa position d’officier allemand par rapport à la morale dans un tel conflit. Mais  je reste  sceptique, quand il affirme ne rien avoir su concernant les monstrueuses exactions perpétrées par les nazis.

Très intéressant témoignage à lire impérativement. 

 

 

67) Vivre avec de Gaulle   Michel Tauriac    Pocket 2008

Les derniers témoins racontent

Livre de plus de 700 pages qui nous fait découvrir le général de Gaulle dans les différents aspects de sa vie, militaire, civile et personnelle. De nombreuses personnes portent témoignage de ce qu’elles ont vécu auprès du général. On y découvre un homme, qui avait une vraie vision d’avenir pour la France, mais cela tout le monde le sait. Ce récit révèle aussi un homme d’une grande sensibilité et d’une grande humanité qui savait par ses convictions et par sa rigueur faire adhérer ses subordonnés. Ce livre se boit littéralement comme un nectar qui revigore dans notre période où nous ne sentons plus chez nos hommes et femmes politiques d’autres convictions que celles conditionnées par l’audimat et qui s’alignent en fonction des réactions de l’opinion à certaines idées.

 

68) Histoire des Services secrets Britanniques Gordon Thomas J’ai Lu 2008

Dans ce livre d’un peu plus de 600 pages l’auteur relate les temps forts des fameux services secrets intérieurs et extérieurs britanniques, avec sa kyrielle d’espions retournés soit par les pays de l’est ou de l’ouest. Il y aborde aussi les relations de la Grande Bretagne dans ce domaine avec les autres services secrets en particulier américains, FBI, CIA, NSA. Ouvrage passionnant qui se lit comme un véritable polar, où si l’on n’y prenait garde on se croirait dans une œuvre de pure fiction d’un auteur à l’imagination débordante. Mais non il s’agit de la simple réalité, qui comme on le voit vaut tous les romans de fiction.

 

 

 

69) Londres appelle Pôle Nord  H.J.Giskes    Plon  1958

Histoire tout à fait étonnante, écrite par l’un des chefs du contre-espionnage allemand aux Pays-Bas durant la deuxième guerre mondiale. Il relate son travail en Hollande, lorsqu’il pilotait un groupe de résistants retournés et qui induisaient Londres en erreur. De ce fait les parachutages de personnes et de matériel tombaient systématiquement entre les mains de l’armée d’occupation. Le plus étonnant c’est que le réseau retourné pensait avoir donné les indices nécessaires à leurs correspondants en Grande Bretagne, permettant de réaliser sans ambigüité qu’ils étaient sous contrôle ennemi. Mais des disfonctionnements ont conduit au fait que durant une très longue période l’ennemi a bénéficié de cette avantage.  Encore une histoire réelle digne du meilleur polar.

 

70) Erich von Manstein  Benoît Lemay  Tempus  2010

aventure,randonnée,marche,diplomatie,guerre,justiceDans cet ouvrage de 700 pages l’auteur de façon magistrale explique la réalité  de la Wehrmacht durant la deuxième guerre mondiale, à travers une biographie du feld-maréchal Manstein. Il ressort de cette analyse que les militaires de haut rang allemands durant la seconde guerre mondiale, ont suivi voire précédé Hitler dans sa guerre de conquête. De même l’auteur fait ressortir toute l’habileté de ces officiers généraux qui ont écrit leurs mémoires à l’issue du conflit, afin de réhabiliter l’armée allemande et  de  bien la démarquant de la SS et de la gestapo. La réalité semble contredire ces documents écrits par des acteurs allemands de premier plan. Mais il n’était pas non plus de l’intérêt  des alliés après la guerre de trop s’opposer à l’opinion allemande qui était contre ces chasses aux sorcières. En effet dans cette période de guerre froide est-ouest, il fallait ancrer l’Allemagne Fédérale sans ambigüité au camp occidental et l’intégrer à l’OTAN, d’où l’acceptation de l’idée d’une armée allemande  et de ses chefs qui s’étaient bien conduits durant la guerre. Très intéressant à lire et porte à considérer d’un regard différent les mémoires des grands chefs militaires allemands, qui disent n’avoir eu connaissance de la conduite inhumaine du régime qu’à la fin du conflit. A lire impérativement pour essayer de comprendre comment des hommes intelligents acceptent de se soumettre à un régime assassin et après sa destruction comment afin de se justifier ils travestissent en partie la réalité. L’auteur montre aussi au cours de son étude comment Hitler tenait ses officiers généraux par l’argent et les avantages. On prend conscience que tout système dictatorial s’il sait bien mettre en valeur l’élite du pays peut assoir sa politique inhumaine avec l’aval d’une grande partie de cette élite. Voilà ce que montre en 700 pages ce livre. Puisse-t-il  avoir tort au moins partiellement, car cela fait froid dans le dos. Livre très instructif que je recommande.

 

 

71) Le dernier mort de Mitterrand Raphaëlle Bacqué  Grasset Albin Michel

Livre très intéressant qui rentre dans le système de fonctionnement de la cour autour de Mitterrand. Ce livre a soulevé quelques contestations, mais d’après ce que j’ai lu, elles restent pour la plupart dans le détail.  Cet ouvrage apporte une perspective de plus à la découverte de la vie compliquée et secrète de François Mitterrand. Se lit comme un véritable roman, et l’écriture est de belle facture. Petit livre à lire immédiatement.

 

 

72) Le Chemin des âmes Joseph Boyden   Le Livre de Poche 2004

 aventure,randonnée,marche,diplomatie,guerre,justiceCe livre est le récit de deux Indiens qui sortent de leur forêt du Canada et qui s’engagent dans l’armée canadienne au cours de la première guerre mondiale. Très vite de par leurs qualités de chasseur et de tireur ils vont  être pris comme tireur d’élite. Ils s’infiltreront à de nombreuses reprises entre les lignes de tranchées à la recherche de leur gibier. Le récit au fil des chapitres se déplace alternativement des lieux du premier conflit mondial aux grandes forêts canadiennes. Il y a un lien évident entre ces différents endroits. On comprend comment ces deux hommes adaptent leurs connaissances ancestrales aux besoins de la guerre de tranchées.   L’auteur nous révèle toute la psychologie de ces habitants de la forêt et leur mode de pensée au profit de la guerre moderne, tout du moins ce qu’elle était au début du vingtième siècle. Magnifique récit qui finit sur une note très morale même si la guerre peut transformer un être humain en chasseur d’autres êtres humains, au point de ne plus avoir d’autre raison de vivre que celle de la recherche du plaisir de  tuer ses semblables. Magnifique ouvrage que l’on dévore d’un seul coup, bien qu’il fasse presque cinq cents pages.

 

 

 

 

73) Journal impoli Un siècle au Galop  Christian Millau

Editions du ROCHER 2011

Eh oui il s’agit du fameux auteur du guide Gault et Millau, il écrit de façon remarquable. J’ai découvert ce livre par hasard en me baladant le long du quai de Saône un dimanche après-midi au gré des bouquinistes.

L’auteur a connu une vie époustouflante au cours de laquelle il a côtoyé une multitude de personnages célèbres, voire plus. Au fil des jours il croque en quelques mots les individus et il fait des synthèses de situations qui pour le moins ne relèvent pas de la langue de bois. Dans notre société où la parole est, de façon  hypocrite, de plus en plus bâillonnée, cette écriture de haut vol qui ne se soucie pas des canons de la « bien-pensance », est une cure de jouvence. Il y fait preuve dans certains paragraphes, d’une érudition très poussée, qui peut parfois dépasser les capacités du lecteur de base que je suis. Mais sur les 700 pages de cet ouvrage volumineux l’immense majorité me sont apparues d’une grande limpidité, et outre m’avoir appris beaucoup de choses m’ont régalé et bien souvent m’ont fait éclater de rire. Un grand livre que je relirai certainement tellement le plaisir a été grand par les anecdotes savoureuses et le savoir dispensé de taille.

 

74) Le puzzle de l’émigration  Malika Sorel   Mille et une nuits 2007

Malika Sorel est française d’origine maghrébine. Ayant passé une bonne partie de sa vie dans son pays d’origine elle vit actuellement en France et a la nationalité française.

Avec une multitude d’arguments elle fait une analyse très convaincante des difficultés qui touchent nos banlieues et des fractions de la société qui en découlent. Sans rentrer dans le détail pour ne pas  trahir sa pensée car la question est très compliquée, cet ouvrage est à méditer. Nos hommes politiques auraient dû s’en inspirer, alors que les voies choisies qu’elles soient de droite et de gauche sont toutes inspirées par le  fait qu’il faut mettre plus d’argent pour aider les migrants. Malika Sorel montre très clairement que la volonté d’appartenance à une même identité qui est la nation est au centre du problème et qu’il est utopique d’imaginer que le bien-être matériel est le seul facteur qui va pousser à adhérer à un mode de vie. Elle pose très clairement la signification de deux mots s’insérer et s’intégrer, qui sont fondamentalement différents, car ne faisant pas appel de la part de l’individu aux mêmes types d’envies. A vouloir faire en sorte que la nationalité soit un cadeau que nous faisons largement sous couvert d’humanisme, en réalité il s’agit peut-être d’une fausse bonne idée qui plonge les jeunes générations d’immigrants dans le désarroi du fait de leurs racines et d’une culture de leurs ancêtres très différentes.

Livre très clair, sur un sujet complexe, qui débroussaille la route à suivre. Mais cela demanderait un vrai courage de la part de nos politiques pour arriver à une solution à cette immense question du vivre ensemble sur un même sol.

 

 

75) Au cœur de l’antiterrorisme Marc Trevidic JCLatès  2011

 

aventure,randonnée,marche,diplomatie,guerre,justiceL’auteur dans cet ouvrage aborde les différents aspects de son métier de juge traitant des affaires de terrorisme. Sans rentrer dans le détail des grandes affaires en cours, secret de l’instruction oblige, il nous fait vivre son engagement dans la lutte contre le terrorisme, en mettant des hommes en scène, qu’il s’agisse des terroristes eux-mêmes, des victimes de ces attentas, des services secrets français et étrangers, des justices d’autres pays. Il nous entretient aussi  des politiques qui ne cherchent pas toujours à faire émerger la vérité pour différentes raisons, souvent du fait du positionnement politique de notre pays à un moment donné sur la scène internationale. Parfois sa pensée est un peu difficile à suivre,  lorsqu’on n’a pas une  bonne formation juridique, ce qui est mon cas, car le fonctionnement de notre système judiciaire est plein de subtilités pour le néophyte. Témoignage très intéressant qui fait suite au très beau livre  du juge Bruguière.

 

 

76) Servir le peuple Yan Lianke   Picquier poche 2009

 

Ce roman tourne en dérision une formule typique du régime maoïste, qui est « comment servir le peuple ». D’ailleurs on ne s’y est pas trompé en Chine car le livre a été immédiatement interdit. En effet sous couvert de cette formule, après certes certaines pressions, le personnage principal de l’ouvrage suit ce précepte pour assouvir les envies sexuelles de l’épouse de son chef militaire. Il y parvient très bien et cela déclenche chez lui et sa maîtresse le déverrouillage de conditionnements fortement imprimés par la société chinoise. Ils s’attaquent à la figure mythique de Mao,  en en détruisant les portraits, ce qui les renforce dans leur envies d’émancipation.   Le roman fait apparaître tout l’absurde de la pensée mettant en exergue l’idéal communiste altruiste (pour ceux qui adhèrent seulement), derrière lequel en réalité se dissimule l’appétit de matérialisme. J’ai passé un très bon moment.

 

77) La Compagnie des femmes Yves Simon  Stock 2011

aventure,randonnée,marche,diplomatie,guerre,justiceYves Simon je m’en souvenais comme chanteur et puis en regardant une émission littéraire « la grande librairie » je l’ai écouté parler de son dernier livre. Il en parlait très bien, je l’ai acheté et l’ai lu et je n’ai pas été déçu.

Au cours d’un voyage tout à fait improvisé sur une route que l’on ne considère pas comme une destination de voyage, tout au plus comme un calvaire indispensable en préambule au voyage, l’autoroute Paris Marseille, il nous emmène très loin dans les rencontres impromptues et les sentiments. Il décrit avec brio cette magie qui naît de la rencontre au gré du hasard de deux êtres qui vont rentrer en harmonie, qu’elle se concrétise (cette magie) physiquement ou non. Chacun de nous à cette lecture verra remonter à la surface des souvenirs voire des aspirations, des états d’âme, des agitations, des exaltations. Ces rencontres, particulièrement avec des femmes, mais pas toujours, au détriment d’une vie affective bien établie montre cette quête de rencontres, de laquelle naît l’enchantement de l’apport à l’autre. Il aborde très subtilement les différentes approches en fonction de l’âge. De l’éphémère de la rencontre passagère se concrétisent des ressentis immortels.  Très beau livre magnifiquement écrit plein d’une forme de nostalgie qui apporte un grand plaisir.

 

 

78) Le Premier Amour  Véronique Olmi  Le Livre de Poche 2009

 

 

aventure,randonnée,marche,diplomatie,guerre,justiceJe découvre cet auteur. Le livre aborde un thème bien à la mode dans notre société où les quadras et plus aiment à se retourner sur leur passé, en particulier affectif. A croire que l’on s’imagine tous que l’on est passé à côté du grand amour à un moment donné, preuve s’il en est que beaucoup ne sont pas au top dans leur peau.

 

 

Elle effleure nombre de problèmes bien actuels, les handicapés que nous ne sommes plus en mesure de garder chez nous, ce qui sous-tend  à mots couverts sans doute la gestion de la vieillesse dans nos sociétés, les paumés de tous genres que l’on côtoie au hasard de nos déplacements, et surtout nos interrogations existentielles. Le thème est bien alléchant, mais la pensée n’est pas poussée assez loin et reste très superficielle. Je dirais en guise de conclusion, en désaccord avec les critiques dithyrambiques du Point et du Figaro littéraire, heureusement que le livre n’est pas trop épais, ce qui m’a permis de persévérer jusqu’à la fin.

 

 

 

79) Messieurs les avocats  Pierre Malan  Albin Michel 1955

 

 

aventure,randonnée,marche,diplomatie,guerre,justicePetit livre truculent par le thème abordé, la vie d’un barreau d’une ville française. On y voit vivre les avocats plongés dans leurs intrigues et leurs petites magouilles sur fond d’élection du Bâtonnier. Les multiples péripéties et rebonds sont des plus hilarants et la chute est impitoyable quand à la hauteur d’âme et à la déontologie des personnages.

 

 

80) La conspiration oubliée  Terry Parssinen Robert Laffont 2004

 

 

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Cet ouvrage retrace l’histoire secrète du complot de 1938 contre Hitler. Ce récit très concis, raconte au jour le jour l’action de certains chefs allemands et pas des moindres, qui sentant venir la catastrophe, si Hitler appliquait sa politique.  Nombreux sont les acteurs de ce complot malheureusement avorté, qui se retrouveront impliqués plus ou moins directement dans celui de juillet 1944.

 

Récit particulièrement fourni en détails, montrant très bien l’évolution d’une bonne partie des chefs allemands au gré des hésitations des démocraties occidentales, France et Grande Bretagne.  Les contacts jusqu’aux accords de Munich, sont restés très étroits entre les putschistes et les Britanniques. Ces derniers sous la direction de Chamberlain ont adopté une politique de conciliation, qui a été très nuisible à l’action de prise de pouvoir par les opposants au nazisme. Paradoxalement, c’est un dernier compromis très temporaire de la part d’Hitler qui a empêché l’opération d’avoir lieu.

 

Livre particulièrement clair qui donne un bel éclairage sur une période particulièrement difficile en Europe.

 

 

 

81) Histoire des commandos de 1945 à nos jours  Pierre Montagnon Pygmalion 2003

 

 

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En 19 chapitres, l’auteur décrit 19 actions de commandos qui ont marqué la deuxième période du xx siècle. Parmi celles-ci bien évidemment la prise d’otages  durant les jeux olympiques de Munich, l’opération  à Entebbe, les Falkland, la traque des SCUD en Irak, la prise de l’Airbus à Marseille et bien d’autres…

 

Se lit comme un roman, je l’ai trouvé très intéressant, bien que tout ce qui est raconté est généralement bien connu, car ces faits ont souvent été fortement médiatisés.

 

 

 

82) L’été en enfer  Napoléon lll dans la tourmente Nicolas Chaudun Actes Sud 2011

 

Ce livre relate la chute du Second Empire au cours de la défaite française en 1870. On y suit l’empereur sur les champs de bataille. Etant très malade de calculs qui le font terriblement souffrir, c’est un homme  fortement diminué qui est décrit dans ce conflit qui concrétise sa déchéance, physique morale et de pouvoir. Cet ouvrage est particulièrement instructif sur le déroulement des combats dans certains lieux comme par exemple Sedan. Les désaccords au sein du gouvernement et les intrigues qui en découlent sont aussi expliqués.

 Cette lecture parfois difficile, bien que passionnante, fait naître  un malaise devant cet empereur à l’agonie cherchant à se faire tuer sur les champs de bataille, afin de pouvoir échapper à la déchéance du pays et à son propre avilissement. Ce vœu ne sera pas exhaussé et il subira l’ignominie de la captivité.                                                                                                               Cet ouvrage m’a fait connaître certains côtés de cette période d’histoire de France que l’on vit encore de nos jours avec douleur.

 

 

83) Les généraux allemands parlent Basil H. Liddell Hart  Tempus 2011

Dans cet ouvrage conséquent (550 pages) il est question des rapports d’Hitler avec ses généraux dans la conduite de la guerre. Mais afin de ne pas embrouiller le débat, ne sont abordés que les problèmes techniques de guerre, découlant de la tactique et la stratégie. Les problèmes d’éthique et d’adhésion aux idées nazies sont à peine effleurés, ce qui permet aux intervenants de se concentrer sur les problèmes techniques et de ce fait ils livrent leur pensée sans chercher à masquer certaines de leurs actions qui seraient répréhensibles.

Livre dense, qui passe en revue toutes les grandes batailles de la seconde guerre mondiale, vues du côté des généraux allemands survivants. On a confirmation d’un état-major des armées sous la direction de Keitel et Jodl, totalement inexistant et sous la domination totale du Fürher. L’armée de l’air du fait de la personnalité particulière de Göring pouvait être un frein très net à une stratégie d’ensemble. La marine il n’en est que très peu  traité dans l’ouvrage. L’essentiel de cette étude consiste en les positions des généraux de l’armée de terre et la manière dont ils ont dirigé les grandes batailles du III Reich.

Deux écoles s’affrontaient au sein des chefs, les jeunes et les anciens. Les jeunes plus orientés vers l’emploi des armes moderne avec la mécanisation accrue, étaient poussés vers la guerre de mouvement. Les anciens plus traditionnels, marqués par les guerres de position, étaient moins entreprenants. Hitler donnait sa préférence aux jeunes et à leur courage et leur inventivité, mais il restait ce qu’il était un dictateur, et il imposait pratiquement toujours en finale son point de vue. Alors il perturbait grandement les opérations et bien souvent les décisions qu’il imposait étaient catastrophiques pour l’armée allemande. Cependant il était capable d’avoir des intuitions de génie, mais dans leur réalisation il pouvait par des décisions inappropriées empêcher le succès escompté.

Autre volet de ce livre particulièrement intéressant : l’appréciation de la part des généraux allemands sur leurs homologues alliés, et la critique  concernant les décisions prises par ces généraux alliés qui leur étaient opposés.

Très bel ouvrage, qui malgré le sujet difficile se lit facilement.

 

 

 

84) Le mec de la tombe d’à côté  Katarina Mazetti 2009 Babel

 

Sous couvert d’un titre surprenant ce livre relate une histoire de couple  qui ne se passe pas sans problème. L’éternelle question des centres d’intérêt qui finit par amener un questionnement sur la relation. Est aussi abordé dans cet ouvrage la difficulté pour un agriculteur de garder une femme, surtout quand elle vient de la ville, situation connue dans tous les pays occidentaux. Le style est alerte et la lecture est agréable. L’humour et la dérision affleurent en permanence.

 

 

85) La valse des gueules cassées Guillaume Prévost  Grands Détectives 2010

 

J’ai du mal à émettre une critique sur ce livre, en effet le polar je n’en lis pratiquement jamais car ce n’est pas du tout le genre de lecture qui m’attire.

 

L’intrigue est bien conduite. Le contexte, la police dans le Paris après la première guerre mondiale. On y déambule dans les catacombes et on y côtoie les gueules cassées ces grands blessés du visage.

 

86) L’esprit du chemin Olivier Lemire Transboréal 2011

Livre au titre prometteur, surtout qu’il s’agit de voyage à pied à travers la France, thème qui m’est particulièrement cher. L’auteur fixe son itinéraire de façon très originale, il va de lieu en lieu ayant une signification, comme par exemple le Corps, la Sagesse, l’Amitié…

Très curieux, c’est avec empressement que j’ai attaqué la lecture de ce livre. Mais contrairement à d’autres récits de marche au long cours, rapidement la monotonie s’est installée, allant de paire avec la routine et le manque de relief des contacts noués. Peut-être n’étais-je pas bien disposé mais ce voyage aux sources du bonheur, car le point final de ce voyage se situe à la source de la rivière Bonheur dans le Massif Central, ne m’a pas conduit au nirvana escompté, à tel point que je n’ai lu que 200 pages, l’ouvrage en comptant 280. Peut-être vais-je attendre un peu et au moins en lire la fin. Toute l’alchimie de la lecture réside dans le coup de foudre qui vient ou ne vient pas. Et pourtant dans le cas présent tous les ingrédients semblaient réunis !

87) Longues peines  Jean Teulé  Pocket 2001
 

Dans ce court roman l'auteur aborde la vie en milieu carcéral. Qu'il s'agisse des prisonniers ou des gardins, il aborde avec une langue sans détour la vie en prison. On y entre dans le mode de pensée des uns et des autres. On y assiste à la vie au quotidien de tout ce peuple des prisons, les dangers, les sévices les réactions, les regards des uns un sur les autres, avec pour couronner le tout un directeur de prison dont la femme devient folle. Livre fort qui ne laisse pas insensible, écrit par un auteur de grand talent.

 

87) Longues peines Jean Teulé  Pocket 2001

 

Dans ce roman l’auteur aborde la vie en prison, où se côtoient gardiens et prisonniers. Ces deux catégories de personnes vivent des vies qui sans se ressembler totalement ont des points communs. Dans cet univers de violence et de contrainte, chacun essaie de s’adapter au moins mal, ce qui n’est pas toujours possible, comme on le verra. Jean Teulé nous fait bien ressentir l’atmosphère de ce monde clos qu’est une prison. A travers la narration au quotidien de la vie des uns et des autres, qui fait ressortir toute l’humanité à travers ses qualités et ses défauts, nous assistons au déroulement d’anecdotes surprenantes, parfois drôles, tristes, cyniques, attendrissantes ou sur un autre registre très violentes. De toute évidence, l’écrivain s’est inspiré de la réalité et ce petit livre aide à se faire une idée sur le monde carcéral.

 

88) Le naufrage de la Méduse Alexandre Corréal Jean-Baptiste Savigny  folio 2005

Dans cet ouvrage les deux auteurs qui sont deux des rescapés de ce terrible naufrage de la  frégate la Méduse, qui se déroula en 1816 sur des hauts fonds à proximité des côtes mauritaniennes, font le compte-rendu de ce qui s’est passé. Le but de ce rapport était de faire condamner le commandant du bateau qui a manifestement fait preuve de grande incompétence, d’entêtement, et en définitive d’extrême lâcheté en abandonnant à leur sort 150 personnes sur un radeau désemparé, et cela dans des conditions apocalyptiques. Au départ sur le radeau, les occupants avaient de l’eau jusqu’à mi-poitrine. Au fur et à mesure les occupants étant de moins en moins nombreux, le radeau sort progressivement de l’eau. 0 la fin ils n’étaient plus que trente. Ce récit, véridique, pas toujours facile à lire du fait du style employé, est totalement hallucinant. Il est impératif de le lire pour bien comprendre ce qu’a été l’aventure de ce radeau de la Méduse, que Delacroix a immortalisé sur l’un de ses plus magnifiques tableaux.

 

89) Le Lièvre de Patagonie Claude Lanzmann  folio 2009

Ouvrage majeur de plus de 700 pages, dans lequel l’auteur parcourt le xx siècle au travers de son expérience personnelle. On peut parler d’autobiographie dans laquelle Lanzmann parle de grands personnages et de grands faits historiques, et surtout les éclaire sous un jour particulier et personnel. Rentrer dans le détail du livre n’est pas possible, il aborde la résistance, la guerre, Israël, il décrit avec précision la vie de gens comme Sartre ou Simone de Beauvoir. Une partie non négligeable de l’œuvre retrace son aventure concernant l’élaboration du film Shoah, alors on touche là des sommets.

Œuvre majeure, d’une densité incroyable, écrite dans une langue magnifique, l’un des livres qui m’a le plus marqué. On est dans la narration de destins hors du commun, qui à la manière d’un Joseph Kessel, ont traversé le XX siècle comme acteurs sinon majeurs, tout du moins comme témoins privilégiés.

 

 

90) Patients, si vous saviez Christian Lehemann Nouvelle édition mise à jour                   première édition 2003

 

Témoignage d’un médecin généraliste, très bien argumenté, on suit le praticien au jour le jour dans une première partie. Au travers des différents clients qu’il reçoit nous nous faisons une bonne idée des différents volets du métier de généraliste et des difficultés qui sont les siennes au quotidien. Dans une seconde partie il aborde les grands problèmes d’ordre plus politique auxquels le praticien généraliste est confronté. J’ai eu plus de mal dans cette partie plus technique et moins directement tournée vers l’individu au singulier.

 

Ce récit m’a beaucoup apporté sur la perception de la médecine générale de nos jours et des difficultés et des responsabilités lourdes que cela implique dans un contexte de temps toujours plus contraint d’une civilisation en accélération.

 

 

 

91) Histoire de la Gestapo Jacques Delarue  nouveau monde poche 2011         première édition Fayard 1962

 

Comme il est écrit en quatrième de couverture, il s’agit d’un ouvrage de référence. Plus de 600 pages, tout au long desquelles dans un langage clair et précis, l’organisation et les hommes qui la composent sont étudiés. J’avais un peu peur de me trouver face à un de ces livres très techniques touffus et difficiles à lire. Absolument pas, ayant déjà pas mal lu sur cette organisation monstrueuse, assise du nazisme, eh bien cela m’a clarifié les idées sur de nombreux sujets organisationnels, évènementiels ou de personnalités. Ouvrage que je recommande tout particulièrement.

 

92) Churchill  François Bédarida   Pluriel 1999

Très belle biographie de Winston Churchill, l’un des acteurs majeurs du xx ème siècle. Il a vécu pas loin d’une centaine d’années et s’est trouvé mêlé comme militaire sur le terrain ou comme politique à tous les grands conflits du siècle passé, qu’il s’agisse de guerres coloniales ou des deux guerres mondiales. Homme politique à la carrière particulièrement longue, où les grands succès et les échecs retentissants se sont succédé. Livre qui montre bien toute l’influence que Churchill a exercé sur notre monde à des moments où peu d’hommes étaient en mesure d’assurer d’immenses responsabilités lourdes de conséquences. A lire impérativement.

 

93)Naples 44 Norman Lewis Phébus libretto 1978

Témoignage absolument passionnant d'un militaire anglais sur la ville de Naples et la vie locale lors de la libération alors que les troupes alliées viennent de débarquer. Il y a séjourné plus d'un an de 1943 à 1944. Travaillant dans le renseignement et les contacts avec la population civile, il voit les Italiens de cette région vivre au jour le jour. Son récit est un étonnement permanent pour le lecteur. A lire impérativement, il a d'ailleurs fait l'unanimité de la critique, et a été classé parmi les dix meilleurs livres consacrés à la dernière guerre mondiale.

 

94) Hiroshima , bombe A    Knebel et Bailey    J'ai lu

Livre qui se lit comme un grand roman d'aventure, mais il  raconte une histoire vraie, l'histoire de la construction des deux premières bombes atomiques.  Ouvrage instructif .

 

 

95)  Aventures d’un espion japonais au Tibet  Hisao Kimura Scott Berry     Petite Bibliothèque Payot 2005

 

Ce livre relate la fabuleuse aventure d’un Japonais durant la deuxième guerre mondiale à travers l’Asie centrale. Ce récit  est en quelque sorte la synthèse de deux livres extraordinaires, le grand jeu et Croisière set caravanes. Le premier de ces deux ouvrages décrit la guerre que se livrent les espions russes et anglais dans ces lointaines contrées au XIX siècle et le second est l’un des très beaux récits de voyage de Ella Maillart à travers l’Asie centrale dans les années trente.

 

Comparativement au premier ouvrage, comme les espions russes et anglais il est un clandestin qui joue sa vie, s’il venait à être démasqué. Et  sa similarité avec le livre d’Ella Maillart provient de ces immenses déplacements à chameau qu’il effectue à travers ce continent.

 

Le plus qu’apporte l’ouvrage d’Hisao Kimura, c’est qu’il connaît parfaitement les langues et peut se faire passer pour un Mongol et de ce fait il pénètre beaucoup plus loin dans la culture, les modes de vie et de pensée ainsi que  les secrets de ces régions. Très grand livre.

 

 

96) HHhH   Laurent Binet

 

Ouvrage surprenant et très bien documenté. L’auteur s’attache à montrer l’être abjecte qu’était Heydrich dans le contexte de l’attentat qui lui coûta la vie. Il décrit très bien d’un côté le mode de fonctionnement nazi et de l’autre la préparation de l’action qui entraîna la mort de la « bête blonde ». Ayant déjà lu un certain nombre d’ouvrages sur le chef de la gestapo et des services secrets nazis, second de Himmler, je trouve que cet ouvrage est une excellente synthèse, agrémentée de tous les doutes de l’écrivain devant la page blanche. Sur certains côtés, tout  en étant beaucoup moins monumental, cet ouvrage me rappelle les bienveillantes, qui traite de la seconde guerre mondiale et du fonctionnement de la dictature nazie dans son ensemble.  Je recommande cet ouvrage. Je ne révélerai pas pourquoi ce livre a pour titre HHhH, le lecteur aura tout loisir de le découvrir.

 

 

97) Le camp des Saints      Jean Raspail      le livre de poche

 

Ce livre raconte à travers un cas particulier, comment nos sociétés démocratiques sont mal préparées à un envahissement massif du territoire européen, à partir du moment où cette invasion se fait sans agression. Ce livre porte nécessairement à réfléchir sur la vulnérabilité de nos sociétés et nous fait prendre conscience que les civilisations sont périssables et remplaçables par d’autres qui savent s’imposer, que ce soit par la force ou autrement.  Cela me fait penser à un autre livre de gros volume  Effondrement, dans lequel l’auteur étudie à travers de nombreux exemples comment des sociétés se sont écroulées ou au contraire ont su faire face à un moment de leur développement, alors qu’elles étaient confrontées à des évolutions majeures.

 

 

 

98) Les Geishas      Robert  Guillain   arléa diffusion Seuil

 

L’auteur est français, mais il connait remarquablement bien le Japon et ses coutumes. Il a travaillé longtemps dans ce pays, ce qui lui a permis de pénétrer la haute société  et ses us et coutumes. Il a donc fréquenté ce monde particulier des Geishas et il nous en révèle tous les fondements et les fonctionnements. Voyage passionnant dans un monde très loin des canons occidentaux. Très instructif  sur les relations hommes femmes dans l’Empire du soleil levant, société oscillant entre brutalité, égoïsme et sécheresse de cœur d’une part, et raffinements extrêmes d’autre part.

 

 

99) L’art français de la guerre  Alexis Jenni  Gallimard 2011

 

Ce livre volumineux est tout à fait étonnant, non parce qu’il a obtenu cette année le prix  Goncourt, mais pour son style et le sujet abordé, et la manière dont il l’est.

 

Le style, l’auteur a vraiment une originalité, il dit et redit puis répète, toujours sous des angles légèrement différents et le message pénètre d’autant plus. On aurait pu imaginer que cette manière de faire soit rébarbative en étant répétitive, il n’en est rien, au contraire cela conforte la structure du livre.

 

Le sujet, comme annoncé dans le titre, il est question des guerres menées par la France depuis la deuxième guerre mondiale jusqu’à nos jours. A travers une succession de narrations de combats et de la vie de nos soldats sur tous ces théâtres d’opérations, en particulier l’Algérie et l’Indochine, l’auteur explicite le lien fort et compliqué qui nous unit à nos ex colonies. Il décrit au travers de ce filtre  nos relations et sentiments actuels dans la France d’aujourd’hui à l’égard des Français d’origine étrangère. Il a le talent d’expliciter les deux côtés du problème, position du côté des pro et des anti. Chacun à travers ces écrits sera capable de se faire sa propre idée ou de se sentir conforté dans ses analyses. En tout cas, les interrogations soulevées ne laissent pas indifférent et poussent à la réflexion.

 

Ouvrage de grand intérêt que l’on dévore d’un coup, l’un des plus originaux que j’ai lus. J’ai beaucoup aimé l’ensemble, et j’ai été littéralement envoûté par le chapitre ayant trait à la guerre d’Indochine.

 

 

100) Ma Fantastique Histoire  Eddie Chapman      TEXTO 2011

Récit absolument extraordinaire d’un truand anglais, qui se retrouve par les hasards de la guerre agent double britannique durant la deuxième guerre mondiale.

Témoignage passionnant, l’auteur nous décrit cette période passée entre services secrets britanniques et allemands, avec beaucoup de détails très intéressants sur les conditions de vie et de travail durant cette période difficile. J’ai beaucoup aimé. 

 

 

101) Mercenaire de la République  Franck Hugo  nouveau monde poche 2011

Un mercenaire raconte sa vie durant quinze années de combat sur tous les théâtres de conflits récents,  Birmanie, Bosnie, Croatie, Côte d’Ivoire, Irak et d’autres.

 

Il décrit ce qu’il fait, retranscrit l’ambiance, expose les exactions qui sont commises par tous les camps. Il livre les motivations qui sont les siennes, et ce n’est pas toujours l’argent, mais aussi une recherche de vie aventureuse où l’adrénaline est le moteur, et parfois l’engagement philosophique n’est pas absent.

 

Il donne aussi son avis sur la position des gouvernants dans des actions secrètes, où il fait ressortir les reculades et lâchetés, les retournements de situations et les lâchages.

 

Très intéressant, un très beau témoignage personnel, sans doute un peu partial, dans les eaux troubles de la politique et le mercenariat. Ce dernier a pris une nouvelle dimension au cours des décennies passées, avec de grandes agences internationales qui ont en quelque sorte ‘privatisé’ les conflits.

 

102) Le Bonheur au bout du guidon  Christophe Cousin Arthaud 2005

Joli témoignage d’un cycliste au long cours, qui relate d’où vient son envie de partir puis au long de ses roues il nous décrit les pays qu’il traverse  et les gens qu’il rencontre  durant son voyage de plus de deux ans.

 

103) Hammerstein ou l’intransigeance  Hans Magnus Enzensberger folio 2010

Très intéressante étude sur la résistance au nazisme exercée par un général allemand de haut rang. Non seulement lui, mais aussi sa famille nombreuse a été impliquée dans cette action de refus de la politique de Hitler.   

 Ce livre souligne bien les contacts très étroits que militaires russes et allemands entretenaient avant le déclenchement des hostilités entre les deux pays.

 Grâce aux archives russes qui se sont ouvertes durant quelques années on a un éclairage nouveau sur les actions d’un certain nombre de personnes, qui se sont opposées à la dictature nazie. En particulier on peut suivre l’action des filles du général Hammerstein engagées dans le communisme.

Ouvrage conséquent de 400 pages, écrit dans un style original, mettant en scène, par moments, des acteurs à titre posthume par le biais de discussions avec l’auteur. Un livre très utile, par son angle d’approche,  pour la compréhension des événements qui ont lourdement marqué cette époque du milieu du xx siècle.

 

 

 

 

104) Un Suisse au service d’Hitler  François Lobsieger  Albatros 1985

 

Livre pour le moins surprenant d’un Suisse qui avec le recul des années (1985) revient sur son expérience dans une unité de Waffen SS. Il relate son engagement auprès d’Hitler et son adhésion au nazisme avec une réelle candeur. Certes une candeur de jeunesse, alors que l’on n’avait pas encore fait le bilan de ce régime fou et exterminateur peut se comprendre. Je trouve ce récit particulièrement peu courageux, on dirait une guerre où la violence est presque absente de la part des Allemands. Mais alors que nous savons bien maintenant ce qu’était ce régime et sa politique, et quelles ont été ses exactions et ses abominations, je trouve ce témoignage presque à la limite du négationnisme. L’auteur exprime le regret que les alliés occidentaux ne se soient pas rapprochés de l’Allemagne pour combattre le bolchévisme. Et tout est de cet acabit. On croit rêver. Il joue sans doute sur l’ambigüité  entre ce qu’il pensait à vingt ans et   ce qu’il pense aujourd’hui ? Son témoignage apparait très distordu par rapport aux récits que de grands auteurs ont fait des événements abordés. Je pense en particulier à Malaparte et Grosmann, sans parler d’une multitude d’acteurs qui dès 1940 avaient compris quelle était la vision européenne des nazis avec leurs différentes catégories d’Untermenschen.

 

La justice suisse a été relativement clémente, car elle l’a condamné à seulement 2 ans de prison.

 

Livre qui me laisse une sensation étrange, dont l’auteur à mon sens ne dit pas la vérité, à moins que l’horreur et l’erreur de son engagement l’aient rendu amnésique, manière comme une autre de survivre. 

 

 

105) Eichmann à Jérusalem   Hannah Arendt    folio histoire

 

Livre majeur sur la logique d’extermination nazie. Ce procès montre un être moyen, qui respecte des règlements et des ordres et organise le plus grand des crimes, la déportation en masse des Juifs vers les camps d’extermination.  Hannah Arendt montre bien comment un petit bureaucrate se transforme en organisateur d’extermination. La pensée d’Hannah Arendt ne se laisse pas facilement pénétrer  à la première lecture, tellement elle est dense et de ce fait soulève une multitude de questions, parfois dérangeantes sur ce qu’un petit homme ordinaire, donc sans doute un grand nombre d’entre nous, est prêt à faire selon le contexte dans lequel il est plongé. Il me faudra relire cet ouvrage pour en saisir toute la dimension.

 

 

 106) Appui Feu en Afghanistan Sgt Paul ‘Bommer’ Grahame et Damiens Lews NIMROD 2011

 Ce livre à l’écriture sur un mode parlé, décrit comment se passe la coordination entre les avions de combat de l’OTAN et les soldats au sol dans la guerre en Afghanistan. Outre des descriptions à caractères assez techniques qui montrent clairement comment on procède, le personnage principal décrit très bien ce qu’il ressent dans ce conflit très particulier de la haute technologie contre des talibans aux moyens rudimentaires. Mais on ne peut éviter de se faire la réflexion suivante : malgré la disproportion des moyens, l’OTAN ne semble pas en mesure d’écraser définitivement les talibans. A lire, même partiellement en piochant quelques chapitres au hasard, pour se faire une idée de ce conflit dans lequel nous sommes impliqués.

 

107) La guerre secrète, tome 1 origines des moyens spéciaux et premières victoires alliées  Anthony cave Brown    tempus  2012

 Première édition de ce livre en Grande Bretagne 1975, a été depuis traduit en français et édité à plusieurs reprises. Ce premier tome de  plus de 600 pages dépasse et de loin tous les romans sur la guerre, par l’enchevêtrement des relations entre alliés et ennemis, en particulier du côté allemand le rôle joué par les adhérents de Schwarze  Kapelle, les opposants à Hitler.

A travers toutes ces opérations d’intoxication, de ruses, complots, décodages de codes secrets à peine imaginables, on se rend compte que les Alliés, Churchill en tête, comptaient très largement sur le fait d’induire les Allemands en erreur afin de gagner la guerre.

Livre très dense  aux multiples opérations, et ce n’est que le premier tome, mais je crois que je vais très vite le relire tellement ce que l’on y apprend est incroyable et nous fait appréhender la puissance allemande  et le danger que cela représentait pour la victoire sur le nazisme à sa juste valeur durant la deuxième guerre mondiale.

 

 

 

 

108) au diable la culpabilité !  Yves-Alexandre Thalmann jouvence Editions 2009

 

Livre intéressant qui démonte le mécanisme de la culpabilité, qu’elle soit due à  de bonnes raisons ou non. L’hypothèse sur laquelle s’appuie l’auteur pour développer son argumentation, met en exergue le lien entre culpabilité et sentiment de toute puissance de la personne qui culpabilise. Effectivement dans cette argumentation  de nombreuses réflexions et un certain nombre d’exemples m’ont interpelé, et m’ont fait progresser dans ce sentiment de culpabilité qui nous taraude plus ou moins fréquemment et plus ou moins intensément par rapport aux décisions que l’on prend ou non, des actions que l’on mène ou non au cours  de notre vie dans nos rapports aux autres. Je vais sans doute le lire une seconde fois et pousser plus loin la réflexion sur ce sujet en  me penchant sur des ouvrages référencés par l’auteur. 

 

 

109) Baron Rouge et Cigogne Blanche   Patrick de Gmeline

 

Cette très intéressante étude comparative des deux as de guerre de la première guerre mondiale, Manfred Richthofen et René Fonck explique ce qu’ont été ces deux pilotes de chasse tout au long de leur vie.

 

Autant Richthofen est resté une figure mondialement connue, autant Fonck est pratiquement tombé dans les oubliettes de l’histoire. Cette différence de traitement s’explique par le fait que le premier a été tué en 1918 au combat et que le second a accepté des missions sous le gouvernement Pétain. Pour Richthofen le fait d’être un héros mort aux commandes de son avion, tout naturellement il est auréolé de la gloire du combattant ayant donné sa vie pour un idéal. Et de ce fait, il n’a pas été impliqué dans la deuxième guerre mondiale, ce qui aurait pu ternir son prestige. Aurait-il pris le chemin de certains de ses compagnons de combat comme Goering ? René Fonck, pour sa part, ayant survécu il est jugé de manière très sévère pour avoir accepté des missions de la part de Pétain, alors qu’il a été un résistant reconnu. Pour cela il a été presque banni des mémoires, au point qu’aucune promotion de l’Ecole de l’Air ne porte son nom, alors qu’il fut le plus remarquable pilote français de la première guerre mondiale.

 

Ce livre très détaillé et remarquablement documenté réhabilite ce grand pilote et patriote qu’était René Fonck, tout au long de ce long récit  (516 pages) qui est écrit en menant de front les  biographies de deux hommes très différents mais qui se rejoignaient dans la dextérité du pilotage de leur avion.

 

 

 

 

110) De l’urgence d’être REACtionnaire  Ivan Rioufol     puf 2012

Petit ouvrage critique sur notre société et ses orientations prises sous le dictat de la pensée unique et du manque de courage. Que l’on soit de gauche ou de droite, que l’on soutienne un candidat quelconque parmi les dix qui se présentent, il n’est pas inutile de lire ce petit traité très actuel, écrit par un journaliste à la pensée claire, qui de plus ne se revendique d’aucun extrémisme. Je le conseille vivement

 

111) Le retour du Général Benoît Duteurtre   folio 2010

Petit ouvrage de politique fiction, le retour du général de Gaulle dans notre France déboussolée, engluée dans une Europe qui perd ses repères dans une mondialisation galopante. Son arrivée comme son départ sont pour le moins surprenants, mais l’évolution de notre société même si dans le livre elle est sans doute caricaturée doit nous faire réfléchir sur la capacité de nos dirigeants à appréhender le futur. Un petit moment de plaisir sur ton humoristique.

 

 

112) La Vengeance du wombat  Kenneth Cook  Le Livre de Poche 2010

 

Auteur australien que je ne connaissais pas. En farfouillant dans les librairies en particulier chez Decitre à Lyon, je suis tombé sur ce petit livre au titre plein de mystère. La vengeance du wombat n’est que la première des 14 histoires qu’il nous livre, et qui sont le fruit de ses pérégrinations dans le bush, toutes plus extraordinaires et déjantées les unes que els autres, mais vraies !!! Tout commence toujours ou presque dans un bar perdu dans un coin de désert croulant sous une chaleur suffocante et là, apparaît un pilier de bar qui va l’entraîner dans les aventures les plus folles, à la chasse au crocodile, au buffle, au serpent etc. Rarement un livre m’a fait autant rire par les aventures décrites avec un art consommé du gag. Il a écrit au moins six autres livres que je vais m’empresser d’aller acheter.

 

 

 

113) La guerre secrète II, du jour J à la fin du III Reich Anthony Cave Brown Tempus 2012

 

   Dans ce second volume tout aussi épais que le premier, 630 pages l’auteur nous décrit avec minutie tous les acarnes des opérations d’intoxication et de mystifications mises sur pied par les Alliés en vue de l’invasion de l’Europe par la France. Livre absolument époustouflant, écrit avec une grande clarté, on chemine dans le montage des opérations majeures, Fortitude, Bodyguard, Neptune. On en suit le déroulement avec les accrocs qui les émaillent, on voit comment les chefs des services secrets britanniques de situations considérées comme désespérées, exploitent leurs propres failles pour maintenir les Allemands dans l’erreur. On vit avec les principaux acteurs, anglais, américains, allemands ainsi que d’autres nations, en particulier de Gaulle,  tout au long de ces événements majeurs qui se sont déroulés dans la dernière année de guerre. Cela dépasse tous les romans d’espionnage. A lire plus qu’impérativement.

 

 

        114) La femme qui résiste Anne Lauvergeon témoignage Plon 2012

          Dans cet ouvrage l’auteur, ancienne patronne d’Aréva raconte son parcours professionnel. Elle a côtoyé de très près trois présidents de la République. Son poste à la tête  du plus important groupe nucléaire mondial l’a mise au cœur de grands enjeux financiers, économiques et industriels. Elle dresse un tableau qui n’est pas toujours à l’avantage de nos politiques. Concernant Le dernier Président, carrément elle dénonce une volonté de faire passer des intérêts particuliers devant l’intérêt commun du pays. Il serait intéressant d’avoir la version de la partie adverse et de ceux qui ont conduit à sa non reconduction à la tête d’Aréva. Livre intéressant,  écrit par une femme de tout premier plan, mais sa sortie peu avant le deuxième tour des élections est-il fortuit ?

 

 

 

        115)  Globalia    Jean-Christophe Rufin   Folio  2004

 

          Dans cet ouvrage l’auteur élabore une société démocratique parfaite qui          est une caricature de nos démocraties occidentales. Sous des traits parodiques, il met l’accent sur tous les travers des règles de nos sociétés et de nos comportements. C’est une critique à peine voilée du politiquement correct, qui recèle en son sein la graine du totalitarisme, au profit d’une petite minorité qui manipule une majorité.. Il assaisonne cela d’une histoire d’amour à l’eau de rose. Le livre au lieu de faire 500 pages, pourrait délivrer son messager en 200. Mais peut-être suis-je entraîné par le tourment du temps qui passe, alors que l’on peut prendre le temps de lire 500 pages?

 

 

 

         116) Histoire d’un Allemand  souvenir 1914-1933 Sebastian  Haffner  BABEL

 

          Ce témoignage de tout premier plan d’un jeune étudiant en droit décrit de manière très claire la montée du nazisme et son acceptation par le peuple allemand, alors que la majorité n’adhère pas à ces thèses. A travers son analyse de la société allemande au cours de cette période d’une vingtaine d’année on suit pas à pas la progression de l’emprise  d’Hitler et de ses idées d’apocalypse sur l’un des peuples les plus évolués de la planète. On prend conscience des mécanismes de pression insidieux qui se mettent en marche et qui broient les individus. Ouvrage remarquable qui doit nous faire réfléchir aux basculements toujours possibles qui guettent nos sociétés, alors que nous restons incrédules jusqu’au point de non-retour. Livre que je recommande tout particulièrement à tous ceux qui se demandent comment les régimes totalitaires et monstrueux peuvent prendre le pouvoir dans des sociétés démocratiques.

 

 

                  117) Le dernier Ennemi  Richard Hillary  TEXTO 2010

 

         Ce livre a été écrit en 1942 par un jeune pilote de la RAF, qui avait tout juste 20 ans en 1939. Dans son récit il aborde toutes les grandes questions que suscitent les conditions extrêmes de la guerre. L’engagement immédiat qui a été le sien, les hésitations de l’un de ses camarades qui se pensait un pacifiste inconditionnel, la mort de ses camardes aviateurs, son combat contre la souffrance après avoir été gravement brûlé au combat, la réaction des proches des disparus, et beaucoup d’autres situations amènent à des descriptions et des réflexions qui font tout l’intérêt de cet ouvrage. L’auteur n’a pas survécu à la guerre, mort au cours d’un exercice de nuit en 1943.

 

 

 

              118) Le voyage d’automne François Dufay  tempus 2000

 

         Cet ouvrage relate le voyage effectué par un groupe d’intellectuels français de premier plan en Allemagne au cours du mois d’octobre 1941sur l’invitation de Goebbels. Bien évidemment ce dernier a eu cette initiative dans le cadre du développement de la propagande nazie tous azimuts. Ce qui est surprenant à la première analyse, c’est que de grands intellectuels se soient laissés instrumentaliser aussi facilement. Mais au cours  de la lecture on voit apparaître les motivations de chacun qui souvent ne sont pas dénuées d’intérêt personnel, Goebbels et ses sbires promettant certaines faveurs, comme la facilité d’édition d’ouvrages pour ceux qui se plient avec complaisance au jeu. Livre très intéressant qui montre que l’on peut être un esprit bien fait, mais ne pas saisir une situation donnée dans son ensemble, ou essayer de profiter d’opportunités pour le moins douteuses. Certes, il est facile de parler  de cette période de l’occupation maintenant en donnant des avis péremptoires bien assis dans un fauteuil à l’abri de tout danger, mais on assiste cependant de la part d’intellectuels de haut niveau à des défaillances et à des compromissions, dues à la manipulation et aussi à la complaisance intéressée. Livre particulièrement intéressant pour essayer de saisir l’un des volets de cette relation entretenue par certains milieux avec l’occupant.

 

 

119) Einsatzgruppen les commandos de la mort nazis  Michaël Prazan Editions du Seuil 2010

           Livre volumineux de près de 600 pages qui retrace les actions menées par les commandos de la mort nazis sur l’arrière du front de l’est en suivant la Wehrmacht. L’auteur est parti à la recherche des derniers témoins, aussi bien du côté des victimes que des bourreaux.

         Tous ces témoignages que l’auteur a réussi à accumuler non sans peine, les participants aux tueries ne parlent pas facilement et souvent s’y refusent, jettent une lumière sans concession sur le déroulement de ces tueries. Ce qui ressort de ce récit, outre un tableau saisissant et cette aptitude de l’homme à détruire, c’est une vérité difficile à regarder en face : ces pogromes commis durant la seconde guerre mondiale ne l’étaient pas uniquement par les Allemands mais nombre d’habitants des pays envahis ont prêté leur concours de manière active. 

         Ce récit plus que bien documenté me semble un témoignage de tout premier plan sur les horreurs commises pendant la seconde guerre mondiale, et il pousse chacun des lecteurs à la réflexion sur l’homme et son aptitude au mal, au vu de faits qui nous semblent impossibles de la part d’êtres humains tellement ils sont horribles et commis en masse.

 

 

 120) La Bête et la Belle Thierry Jonquet  folio policier 1985

         Court récit de 150 pages, mais c’est noir, noir, noir voire plus. Mais derrière ce tableau apocalyptique se cache un humour, même s’il est lui aussi assez noir, il fait rire. Ce genre de récit de crimes dépeint une société, la notre, qui ne fait pas de cadeau. Ames sensibles s’abstenir. Je lis rarement des polars, je crois que je vais attendre un peu pour le suivant. Mais je conseille la lecture de cet ouvrage très surprenant, même si le scatologique dégouline à longueur de pages ! 

 

 

 

121) Journal d’un mauvais Français  Christian Millau  éditions du Rocher 2012

 

          Après son journal impoli un siècle au galop, on pense avoir fait le tour de la question de ce type de chronique. On se dit c’est un peu comme « les  Visiteurs », comme ça a bien marché on tente un numéro deux, ça se vendra toujours.

 

          Malgré tout, ayant été tellement emballé par  son journal impoli, j’achète le journal d’un mauvais Français. Immédiatement je suis retombé sous le charme de la pensée claire, parfois dure, toujours très logique et pleine de bon sens, avec une énorme louche d’humour ! Son écriture est fluide et lorsqu’il décide de faire du style c’est superbe. Livre qui m’a comblé et qui par moments m’a tellement fait rire que j’étais dans l’incapacité d’en lire à haute voix les passages concernés à mes proches tellement je riais. Même s’il met en exergue toutes les incohérences de notre monde, on ne déprime pas. Au contraire à lire impérativement cela remplace tous les antidépresseurs, à la recherche d’un ciel bleu.

 

122) Policiers français sous l'occupation Jean-Marc Berlière     tempus 2009

Ouvrage de plus de 400 pages qui relate les actions de la police française durant la deuxième guerre mondiale en France. Livre, qui aborde une partie douloureuse de l'histoire de notre pays. Cette lecture fait prendre conscience de la complexité de juger du comportement de l'un ou l'autre. Entre vrais collaborateurs, petits fonctionnaires zélés, simples policiers qui avaient peur pour leur vie et celles de leur famille et vrais résistants qui avaient pour ordre de garder leur poste pour plus d'efficacité de la résistance, les pistes sont parfois si embrouillées, qu'il est difficile de faire la lumière. Chacun se forgera sa propre conviction mais cette lecture est particulièrement instructive concernant une grande administration plongée dans la tourmente sous  la contrainte de l'envahisseur allemand.

 

123) Remonter la Marne Jean-Paul Kauffman   fayard 2013

 

Je suis très intéressé par les récits de pérégrination à pied, et tout particulièrement lorsque le but du voyage est de remonter un cours d'eau sur la totalité de son parcours.

La narration d'une telle expérience n'est pas aisée, car elle se heurte rapidement au banal en tombant dans le piège d'une description au premier degré de ce que l'on rencontre en route. Ce piège, à mon sens, n'a pas été évité sur la plus grande partie du livre. Les émotions personnelles ressortent assez peu, il a préféré jouer l'historien en relatant des faits de guerre, surtout concernant 14-18, ou rappeler les personnages illustres qui ont vécu dans les villes traversées par cette rivière, qui est la plus longue de France.

Il fait une description non dénuée d'intérêt de la Marne . Mais cela manque un peu de spontanéité et aussi d'un peu de sentiment. On pourrait presque imaginer qu'il est parti dans l'aventure sur commande de son éditeur.

Dans les trente dernières pages, il entre à mon sens dans le sujet. Il vibre au rythme des émotions qu'il ressent et sait les transmettre à travers les mots. La dernière page est sublime, elle transcrit bien en quelques phrases toute la force de l'entreprise qui arrive à son terme, le beau rêve qui devient réalité et qui disparaît à jamais.

 

124) Ma République se meurt  Jeannette Bougrab  Grasset 2013

Dans ce livre l'auteur nous dévoile son parcours et comment elle a été perçue de par ses origines algériennes. On sent dans ce récit son profond attachement à sa nationalité française. Elle exprime bien tous les sous-entendus de bien des personnes, en particulier d'un certain nombre de politiques sur la façon de s'exprimer sur le racisme et ce qui va avec. 

Son père est très présent dans son récit. Soldat harki dans l'armée française, multi-médaillé, il a toujours été l'exemple à suivre.

Elle aborde le mal vivre et les problèmes vécus par les jeunes d'origine étrangère. Elle fait un état des lieux avec lequel je suis d'accord. Dans son analyse, contrairement à Malika Sorel, elle aborde assez peu les causes profondes de cette fracture de notre société. On reste un peu sur notre faim, car de la part d'une personne de sa compétence et de sa position, on aurait aimé qu'elle aille plus loin dans le démontage des mécanismes du vivre ensemble ou du non-vivre ensemble.

Ce témoignage est cependant très intéressant, écrit par une femme de toute évidence de caractère et de conviction. Si elle écrit un nouveau livre, je ne manquerais pas de le lire.

 

125) CAHIERS Capitaine Coignet    arléa

Récits époustouflant d'un militaire de l'armée napoléonienne, qui a participé à 48 batailles sans être blessé. En outre, il a été le tout premier à être décoré de la légion d'honneur. Au départ simple soldat, de par son comportement particulièrement courageux et les faits d'armes accomplis, il intègre la Garde impériale. Puis il occupera plusieurs postes au sein de l'état major comme officier.  

L'un des aspects les plus intéressants de ce récit, provient du fait que l'auteur était dans le cadre ses affectations toujours très proche de Napoléon. Il relate ses rapports personnels avec l'Empereur durant les différentes campagnes. Ce témoignage sous cet angle particulier nous montre la grande proximité de Napoléon avec ses soldats. 

Ce livre a été écrit alors que son auteur avait 72 ans. Après un tel laps de temps il n'est pas exclu que sa perception de la réalité ait évolué dans un sens ou un autre. Cependant on est tenu en haleine tout au long de ses 463 pages!

Livre de souvenirs portant sur l'une des périodes majeures de l'histoire de France, portant sur un vécu au plus près de l'évènement durant de longues années. L'un des plus intéressants ouvrages que j'ai lus sur cette période.

 

126) Limonov   Emmanuel Carrère  2011 folio

 

A travers la vie d'un Russe, qui a taversé une période très agitée de son pays, on est conduit à travers les grands soubresauts  de l'Union Soviétique puis de la Russie. Livre de presque cinq cents pages qui se lit comme un roman, à la différence que les faits sont bien réels. Comme tous ces personnages à la destinée tortueuse, Limonov au cours de cinquante vies en une, sur tous les continents il a vécu des expériences où passion et danger étaient ses compagnons de tous les jours. 

On se croie dans les grandes sagas à la russe, comme vie et destin, ou plutôt dans leur prolongement dans le temps. On y croise les dirigeants russes qui ont marqué les trente dernières années, éclairés au travers d'anecdotes inédites.

J'ai beaucoup aimé.

 

127) Les amazones de la République  Renaud Revel  2013

Ce livre dévoile à travers une multitude d'anecdotes les rapports entre journalistes femmes et les hommes politiques au plus au niveau de l'Etat, c'est-à-dire les Présidents de la République. Le livre commence avec Giscard , mais il sera surtout question de Mitterrand et Chirac, même si leurs successeurs font aussi l'objet de quelques pages. 

instructif, même si le petit côté voyeuriste est indéniable.

 

128) Carnets de la  guerre Marguerite Duras  2006 folio

Livre très intéressants, écrit entre 1943 et 1949, sur les expériences de vie de ce grand écrivain. Elle y décrit  son enfance en Indochine, puis différentes expériences ultérieures. Très belle écriture, pour le premier livre que je lis de Marguerite Duras, cela me donne vraiment envie de faire connaissance avec son oeuvre.

 

129)  La Route Cormac Mccarthy  POINTS  2007

La survie d'un père et de son fils dans un monde pratiquement vidé de toute vie après l'apocalypse. L'auteur est un maître en matière d'ambiance, pas besoin de film pour visualiser le décor dans lequel ces deux êtres se déplacent  à la poursuite de leur survie dans ce monde mort où au détour des villages abandonnés et des forêts brûlées le danger surgit. L'auteur maîtrise si bien son art, que tout le long de la lecture on reste sous l'emprise du suspens et du malaise, mais on continue le chemin dans ce monde couleur cendre. Cependant on éprouve un fort soulagement lorsqu'on termine la dernière page, tellement on s'était identifié à ces eux êtres. Un livre qui ne laisse pas indifférent et qui laisse des traces aux lecteurs.

 

130) La chevauchée des steppes  Sylvain Tesson Priscilla Telmon Pocket 2013

Dans cet ouvrage les auteurs racontent leur traversée à cheval des ex-républiques d'Asie centrale à cheval. A travers leurs aventures et les rappels historiques nombreux ,ils nous invitent à les suivre sur des routes souvent désertiques et méconnues, qui ont vu une histoire souvent brutale façonner les territoires et les êtres humains. C'est avec grand intérêt que je les ai accompagnés tout au long de ces trois cents pages.

 

131)Les  Frères Littolff  Claude Perrin De Normandie-Niemen à la tuyère Leduc Les éditions de l'officine 2003

Livre très intéressant pour ceux qui s'intéressent à l'aéronautique aussi bien militaire que civile.

Le premier des frères Albert a été un as de la deuxième guerre mondiale. il a fait partie des pilotes envoyés par le général de Gaulle pour se battre auprès des Russes contre l'armée allemande. On suit tout le cheminement de la constitution de cette unité qui a fortement participé à la gloire des ailes françaises.

Le second frère Yvan, aussi pilote hors paire, a vécu une aventure différente, plus technique, le développement de la tuyère thermopropulsive.

Les deux volets de ce livre sont passionnant. Ces pilotes ont donné leur nom à une promotion de pilotes d'essai. Ils sont lorrains originaires de la petite ville de Cornimont, charmante bourgade au fond des forêts vosgiennes

 

132)Carnets de Guerre 1914-1919 Ernst Jünger  Christian Bourgeois Editeur 2014

Ces carnets de guerre volumineux, plus de 500 pages, qui viennent récemment d'être traduits de l'allemand sont franchement époustouflants. C'est à partir de ces chroniques au jour le jour, consignées bien souvent sous le feu des canons, que l'auteur a tiré la substance de base pour écrire ses livres, parmi les plus marquants de la littérature de guerre, orages d'acier ou le boqueteau 125.

Ernst Jünger est sans doute l'un des rares militaires de tous les camps confondus qui ait une telle expérience en première ligne, où il a passé la plus grande partie de la guerre. il en a été éloigné à plusieurs reprises le temps d'être soigné des sept blessures qu'il a contractées. Les descriptions précises et sans pudeur de ce qu'il voit et accomplit dans cette zone d’apocalypse  qu'est la proximité de l'ennemi dans les tranchées, personne d'autre n'en fait une telle relation. Très probablement, il s'agit de l'ouvrage qui permet le mieux d'approcher dans toutes ses dimensions le calvaire que vécurent les hommes durant cette très longue première guerre mondiale.

Que l'on soit profondément pacifiste ou non, cet ouvrage est un incontournable pour essayer d'approcher le vécu physique et psychique du combattant au cours d'un tel bouleversement, vu au prisme particulier d'un combattant exceptionnel.

 

133) La pointe du couteau Gérard Chaliand Points 2011

Dans ce livre de plus de 500 pages l'auteur nous embarque dans des aventures incroyables au cœur d'une multitude de conflits, guérillas et insurrections qui ont émaillés le XX siècle. Il est question d'Algérie, Vietnam,Afghanistan, Guinée-Bissau, Jordanie, Kurdistan, Colombie, Israël etc.

Comme militant engagé, toutes ces conflits il les a vécus de l'intérieur au contact des leaders qui déclenchaient ces actions. Il éclaire d'un jour très intéressant ces périodes mouvementées. il y apporte de plus une touche d'humanité  et dévoile les traits de sa nature d'homme libre et passionné. Magnifique ouvrage, superbe sur le plan littéraire et très instructif sur le plan historique. A lire impérativement quand on s'intéresse aux péripéties de la politique mondiale.