05/02/2010
marché aux truffes de Carpentras
Tout mycologue aime se rendre à des expositions de champignons. Généralement ces manifestations se déroulent à l’automne, période propice à la plupart des espèces. Certains cryptogames, cependant, ne répondent pas au critère de la pousse automnale. La truffe en fait partie. La plus connue en France « la Tuber mélanosporum » ou grosse truffe noire se récolte en hiver. Il existe dans un certain nombre de villes du sud des marchés spécifiques à cet or noir. Poussés par la curiosité nous décidons de nous rendre au marché aux truffes de Carpentras, l’un des plus importants du sud-est. La séance hebdomadaire se déroule chaque vendredi matin au centre ville. La veille nous avons commencé notre voyage au pays du diamant noir par un menu spécial truffes accompagné de magnifiques vins de l’appellation château neuf du pape, blanc et rouge du domaine de la Nerthe.
Chacun des plats, des hors-d’œuvre aux desserts en passant par le poisson et le quartier de viande, était une découverte aux saveurs puissantes. Tout était mis en œuvre pour que la truffe puisse donner le meilleur d’elle-même. Soirée agréable chez Serge, restaurateur qui sait vous accueillir et vous accompagner tout au long du repas.
A huit heures trente le lendemain matin, départ pour l’hôtel Dieu et son fameux marché aux professionnels. Ce matin il fait froid, un courant d’air pour le moins frais remonte les rues de la ville. Nous pénétrons sous le porche de l’édifice. A l’intérieur une grande cour apparaît. En son centre un ensemble de tables longues matérialisent un rectangle de quelques neuf mètres sur six, à l’intérieur duquel viendront se positionner les acquéreurs.
Les vendeurs se positionnent sur le bord extérieur des tables et déposent leurs sacs contenant leurs trésors. Pour certains il s’agit de simples poches plastiques, pour d’autres d’adorables sacs en tissu de couleur claire tranchant avec la noirceur de leur contenu.
La première impression en pénétrant dans cette enceinte est saisissante. On est vraiment dans la France profonde avec ses rites qui se perpétuent depuis la nuit des temps. Les narines sont immédiatement envahies de cette odeur puissante de truffe qui règne sur le lieu. Les vendeurs se pressent les uns contre les autres avec leur richesse mycologique à peine dévoilée. Seuls les acheteurs professionnels, dont sans doute bon nombre de restaurateurs parmi lesquels Serge le propriétaire du restaurant de la veille, ont le droit de pénétrer au centre des table. Ils doivent de plus attendre neuf heures précises. Le signal est donné par la cloche de l’édifice qui ponctue l’heure juste. Immédiatement un commissaire surveille et réglemente l’opération. Il est haut en couleurs, large chapeau sur la tête, cravate rouge, l’accent chantant du midi et pas avare de paroles et de sourires. Au gong l’espace vide au centre des tables se remplit. Les acheteurs habitués à la manœuvre ne montrent aucun empressement mais une assurance bien rôdée. Avec un œil expert ils jaugent la marchandise exposée. De toute évidence acheteurs et vendeurs sont de vieux complices. Cependant, Il semble que cette année tout du moins à cette période, du fait de la forte chute de neige des jours précédents certains lots pourraient avoir subi des dommages dus au gel, donc la prudence reste de rigueur. Voulant faire quelques photos, j’essaie de pénétrer sur l’aire réservée. Le commissaire m’arrête en me disant « Vous ne pouvez pas rentrer, c’est réservé aux professionnels ». Je lui réponds « Monsieur, je voudrais simplement faire quelques photos ». Là son visage s’éclaire en un large sourire et il me lâche « Nous ne sommes pas des sauvages allez les faire vos photos ». Je me suis donc insinué au milieu des tables et gentiment les vendeurs m’ont laissé faire de magnifiques prises de vue. Je suis effaré de constater que l’on ferait facilement la confusion avec une magnifique fournée de truffes en chocolat chez un bon chocolatier, bien entendu mis à part la senteur.
Pas d’argent échangé au niveau des tables. Certains repartent directement avec les sacs qu’ils ont négociés, le paiement se fera plus tard, tractation probablement basée sur la confiance. Cependant au niveau du porche deux policiers gardent une pièce à l’entrée vitrée au-dessus d’un court escalier de pierre. Là à l’intérieur, je constate que des liasses de billets s’échangent contre la somptueuse Tuber melanosporum. En souriant, la réflexion suivante me vient à l’esprit « zone de non-droit fiscal protégée par la loi ». Mais peut-être ai-je l’esprit mal tourné, cependant en France tout reste possible surtout lorsqu’il s’agit d’échapper à un règlement ou à une taxation.
Ce fut un moment fort intéressant qui me permit d’assouvir un vieux rêve de curiosité concernant la truffe. Expérience que je recommande vivement,surtout si on la combine avec un voyage dans le sud est, en passant par Vaison la Romaine, le Ventoux magnifique en hiver, Gordes et son village de Bories sans oublier de passer voir les carrières d’ocre, et pour finir une nuit dans le Lubéron à Lourmarin à la villa Saint-Louis, en ne manquant pas de faire un petit détour par Buoux et sa falaise magnifique au fond d’une gorge pittoresque.
10:10 Publié dans champignons, expérience vécue, gastonomie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : truffe, carpentras, marché, tuber melanosporum